Afin de ne pas remonter trop loin dans le temps, un simple rappel du mois d’octobre dernier suffira. En déplacement à Ramallah, en Cisjordanie, le 15 octobre dernier, Condoleezza Rice estime qu'il est « temps de créer un État palestinien » à côté d'Israël. Son opinion est claire et tranchée : « il est absolument essentiel pour l'avenir, pas seulement celui des Palestiniens et des Israéliens, mais aussi pour le Proche-Orient et certainement dans l'intérêt des États-Unis ». Washington règle le jeu : « les participants doivent arriver avec un projet commun solide abordant les questions clefs: frontières, statut de Jérusalem, sort des implantations juives et retour des réfugiés palestiniens ayant fui Israël ». La conférence d’Annapolis devra déboucher sur des résultats : « Franchement, nous avons mieux à faire que d'inviter les gens à Annapolis pour une photo », avait lâché Mme Rice. À cette occasion, Mahmoud Abbas avait demandé aux États-Unis, par les soins de cette dernière, d'intervenir pour empêcher l'extension des colonies juives et la poursuite de la barrière de sécurité séparant Israël et la Cisjordanie. Pour madame Rice : « franchement, le temps est venu de créer un État palestinien », avait-elle déclaré. C’est à cette même occasion que la secrétaire d'État américaine déclare que : « le président américain George Bush a décidé de faire de la résolution du conflit israélo-palestinien une des principales priorités de son gouvernement ».
La cheffe de la diplomatie américaine est consciente que la route sera cahoteuse, d’autant plus que, déjà, en conseil des ministres, le Premier ministre Olmert laisse entendre que les divergences sont profondes, Israël considérant que l'objectif était d' « arriver à une déclaration commune pendant la conférence internationale ». La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, est nommée à la tête de l'équipe israélienne qui négociera les grandes lignes d'un accord de paix final avec l'Autorité palestinienne. De « faucon », rejetant tout compromis avec les Palestiniens, Tzipi Livni, 49 ans, bascule maintenant dans la position qui préconise la création d'un État palestinien.
Dès octobre 2007, malgré quelques signes qu'elle voudrait bien encourageants, Condoleezza Rice ne pense donc pas que sa visite, au Proche-Orient, puisse faire suffisamment avancer les choses sur cette déclaration de principes au point que les invitations puissent être lancées pour la conférence, qui devrait se tenir à Annapolis, dans le Maryland. Elle multiplie néanmoins les démarches pour obtenir des appuis à la démarche du président Georges W. Bush. Elle obtient dans les jours qui suivent un soutien modéré de l'Égypte à ses efforts pour rapprocher Israéliens et Palestiniens avant la conférence de paix sur le Proche-Orient. Il faut dire que les alliés arabes de Washington ne cachent même plus leur scepticisme, craignant que ce sommet ne soit purement symbolique tout en décalant le processus de paix israélo-palestinien. Personne n’est dupe. Le fossé est encore grand : les Palestiniens veulent que le document - devant être adopté lors de ce sommet - aborde les questions clés du conflit alors que le Premier ministre israélien Ehoud Olmert souhaite qu'il s'en tienne à des déclarations plus vagues.
Lors de son séjour au Proche-Orient, en octobre dernier, Condoleezza Rice avait pu visiter l'Église de la Nativité à Bethléem, en Cisjordanie. Elle en était ressortie fortement émue. « Être ici, à l'endroit où est né mon Seigneur et Sauveur Jésus Christ est une expérience très spéciale et très émouvante », a-t-elle confié. « C'est aussi pour moi, je pense, le rappel que le prince de la paix est toujours avec nous ». Elle a par la suite expliqué que sa visite à Bethléem doit contribuer à convaincre les populations du Proche-Orient que les États-Unis veulent les aider à trouver un accord de paix. Par ce geste symbolique, Condoleezza Rice, entendait inciter Israël et les Palestiniens à reprendre rapidement des négociations de paix.
Début novembre. Madame Rice revient, pour deux jours, au Proche-Orient, son huitième voyage dans la région cette année. Son objectif est de lever les obstacles à la tenue d'une conférence internationale à la fin de l'année aux États-Unis. La tâche est laborieuse. Son homologue, la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, ne lui cache pas les « problèmes » rencontrés dans la mise au point du document conjoint avec les Palestiniens. Par la même occasion, Tzipi Livni, précise à madame Rice que tout accord diplomatique n'est possible que si les Palestiniens luttent contre le terrorisme. Le principal obstacle est toujours le même : les Palestiniens souhaite que le document fasse état de principes généraux pour résoudre les grandes questions qui les divisent, alors que les Israéliens ne veulent pas qu'il aille aussi loin. Les Palestiniens ne sont pas satisfaits de cette volonté des Israéliens de rester dans le vague, et de leur refus de fixer un calendrier pour la conclusion d'un accord de paix. Les Palestiniens s'opposent à ce que le texte fasse référence à Israël comme « la patrie du peuple juif », ce qui reviendrait à renoncer au droit au retour des réfugiés palestiniens poussés à l'exil lors de la création de l'État hébreu en 1948.
Les deux interlocutrices conviennent en même temps que la Syrie pourra assister à la conférence d’Annapolis à la condition qu’elle accepte le fait que la conférence ne traitera que des relations israélo-palestiniennes sans référence au plateau du Golan, pris par Israël à la Syrie pendant la guerre de 1967.
Dans l'impasse depuis plus de sept ans, échaudés par l'échec des accords israélo-palestiniens passés dont ceux d'Oslo sur l'autonomie, les Palestiniens veulent savoir quand les pourparlers prendront fin pour enfin aboutir à la création d'un État palestinien indépendant. Il est donc nécessaire, pour eux, qu’une date-butoir soit fixée. Or, l'État hébreu ne veut pas fixer de date-butoir. Les négociateurs palestiniens déplorent que les deux parties n'aient même pas commencé à discuter des problèmes les plus importants. « Nous sommes encore au début et le temps passe vite », soulignent-ils. En réponse, et malgré tout, Condoleezza Rice réitère le vœu qu'un accord de paix israélo-palestinien soit conclu d'ici la fin du mandat de l'administration Bush, soit dans à peine plus d'un an, une manière pour Washington de fixer une date-butoir aux négociations à venir.
Comme l'indique une dépêche d'Associated Press, de l'époque, « en plus des divergences entre les deux camps, les violences qui se poursuivent dans la Bande de Gaza, qui est désormais aux mains du Hamas, n'arrangent rien. De ce territoire palestinien, des militants tirent fréquemment des roquettes sur le sud d'Israël. L'armée israélienne a fait feu dans le nord de la Bande de Gaza en réponse à un tir de roquette contre Israël, tuant trois civils palestiniens. Dans une autre opération, Tsahal a tué un membre du Djihad islamique ».
À la mi-novembre, devant l'ONG américaine United Jewish Communities, Condoleezza Rice déclare, dans une allocution, que « l'enjeu n'est autre que l'avenir du Proche-Orient ». Selon madame Rice, « les conditions pour le règlement du conflit israélo-palestinien sont désormais réunies, l'État hébreu dispose maintenant d'un interlocuteur légitime en la personne du président palestinien Mahmoud Abbas ». Elle a affirmé sa conviction que : « la sécurité de l'État juif démocratique nécessite la création d'un État palestinien responsable », et que : « l'échec de ces pourparlers de paix n'étaient pas une option ».
Puis ces derniers jours, le vent a tourné. Le pessimisme était de rigueur. Pour Condoleezza Rice, les États-Unis tenteraient maintenant d'encourager la conclusion d'un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens au cours des 12 prochains mois, tout en avertissant qu'il n'y avait aucune garantie de succès. La date de la rencontre est maintenant fixée : les 27 et 28 novembre 2007. Outre les États-Unis, 48 pays ou organisations internationales sont invités à y participer. Force est de convenir, qu'après ces multiples démarches diplomatiques, Condoleezza Rice n'a pas réussi à vaincre le scepticisme des pays arabes, ni à faire progresser les discussions préliminaires. Elle estime toutefois que le lancement des négociations israélo-palestiniennes, la semaine prochaine à Annapolis, suffirait à faire de la réunion un succès. La barre a été ramenée à un niveau plus modeste.
À quelques jours de l’ouverture de la conférence d’Annapolis, le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, a confirmé que les constructions et l’expansion des colonies juives, en Cisjordanie, se poursuivront. Dans une interview au journal japonais Tokyo Shimbun, le président israélien Shimon Peres vient d’affirmer qu'un accord avec les Palestiniens avant la fin du mandat Bush était en pratique impossible. Ce qui réduit considérablement l’hypothèse, avant la fin de son mandat, de voir Georges W. Bush consacré le « père » de la vision des deux États, Israël et la Palestine.
Au gré de ces fluctuations, les représentants de la Ligue des États arabes tiendront une réunion de consultations suivie, vendredi matin, d'une rencontre extraordinaire dirigée par le chef de la diplomatie saoudienne, Saoud al-Fayçal. « La principale question à l'ordre du jour est de convenir si la participation arabe (à la réunion d'Annapolis) sera décidée de manière collective ou individuelle », a expliqué Hicham Youssef, un responsable à la Ligue arabe. L’Égypte mène des concertations notamment avec l’Arabie saoudite et la Jordanie afin de s’entendre sur une position commune lors de la conférence. Le président palestinien Mahmoud Abbas participera à la réunion vendredi et présentera un rapport détaillé sur les résultats des derniers entretiens palestino-israéliens.
Le président égyptien, Hosni Moubarak, avait préalablement invité le Premier ministre, Ehud Olmert, à assurer le succès de la conférence de paix d'Annapolis et de lancer des négociations sur un règlement définitif selon un mécanisme convenu et dans un temps donné. Il souhaite que la Feuille de route soit la base des discussions d’Annapolis. Le monde arabe a peur que cette réunion de paix soit une perte de temps si elle ne traite pas les sujets de fonds du contentieux. En réponse, Ehud Olmert a déclaré : « Est-il possible, après soixante ans, de s'asseoir tout d'un coup et de régler nos problèmes en une semaine? » s'est-il interrogé, tout en ajoutant : « J'ai confiance néanmoins que nous pourrons aboutir à un accord si nous agissons avec responsabilité ».
D’autres problèmes devront également être abordés à Annapolis. Au point de départ, les États-Unis voulaient limiter la réunion à un soutien public de certains alliés clés aux négociations bilatérales entre Israéliens et Palestiniens. Condoleezza Rice a dû reconnaître que la conférence ne se limiterait plus au dossier israélo-palestinien : « personne ne nie qu'il va falloir un jour résoudre le volet israélo-syrien, le volet israélo-libanais, et qu'en fin de compte, il faudra qu'il y ait une normalisation des relations entre Israël et le monde arabe ». L'Arabie saoudite n'a jamais reconnu Israël et aucun haut responsable saoudien n'a jamais discuté en public avec des responsables du gouvernement israélien. Leur présence à Annapolis serait donc un gain pour l’administration de Georges W. Bush.
Damas exigé, encore une fois, de pouvoir aborder la question du Golan occupé par Israël. En conséquence, un volet « paix globale » a été ajouté à l'agenda pour intégrer les discussions sur les volets israélo-libanais et israélo-syrien du processus de paix. La Syrie pourra donc s'exprimer à Annapolis, si elle le souhaite.
Madame Rice a prévenu que le document que M. Olmert et le président palestinien Mahmoud Abbas prévoyaient de faire approuver à Annapolis ne sera plus une déclaration de principe, comme cela avait été envisagé. A la tête de la diplomatie américaine, depuis 2005, Mme Rice n'aura toujours pas obtenu, à ce jour, la signature d'aucun traité de paix ni accord international majeur, et aucun des grands dossiers auxquels elle s'est attelée n'a été réglé. À Annapolis, la tâche s’annonce fort difficile. Les attentes, d’importantes qu’elles étaient en début d’année, ne cessent de rétrécir comme une peau de chagrin.
La conférence d’Annapolis pourra-t-elle faire mieux que le Conseil de sécurité des Nations-Unies : jusqu'à ce jour, les pays membres, détenteurs du droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, ne se sont pas encore prononcés sur le droit des Palestiniens à ériger leur État indépendant. Les résolutions 242 de 1967 et 338 de 1973, du Conseil de sécurité de l’ONU, exigeant le retrait d’Israël des territoires arabes occupés en 1967 (palestinien, syrien et libanais), n'ont jamais été exécutées. En quoi dès lors la rencontre d’Annapolis changera-t-elle le cours de l’histoire ?
Selon Michael Hirsch, de NewsWeek, en 2001, Bill Clinton avait révélé que, contrairement à ce qu'il était convenu de croire après la fin du sommet de Camp David, le 25 juillet 2000, le dossier clé qui a fait capoter les négociations, qui touchaient à leur phase finale, n'était pas la division de Jérusalem Est, entre Israéliens et Palestiniens, mais l'exigence palestinienne d'un « droit au retour » des réfugiés vers Israël. Sur Jérusalem, a-t-il indiqué, les deux parties en étaient déjà à marchander la terminologie du texte final ayant trait à qui aurait la souveraineté sur quelle partie du Mur Occidental. Mais Arafat avait continué d'exiger qu'un grand nombre de réfugiés palestiniens, surtout des guerres de 1948 et 1967, soit autorisé à retourner - un nombre dont, selon Clinton, tous les deux savaient qu'il était inacceptable aux yeux des israéliens.
Qu’en sera-t-il cette fois-ci ?
(Sources : AFP, Associated Press, Cyberpresse, Le Monde, Presse canadienne)
____________________________