lundi 26 novembre 2007

« Kyoto est l’erreur que le monde ne doit jamais répéter » (Stephen Harper)

Le Canada aurait-il commis deux erreurs : croire dans le protocole de Kyoto et élire les conservateurs à la tête de leur gouvernement minoritaire ? Pour rappel, consultez le site de Radio-Canada sur l’historique de ce protocole.

Stephen Harper s’est à nouveau lancé dans un discours anti-kyoto. Faut-il rappeler qui est Stephen Harper ? C’est l’homme qui, il y a cinq ans, avait qualifié l’entente de « projet socialiste coûteux » et avait tourné en ridicule la science du réchauffement climatique mondial. Sa position est donc connue. Sa légitimité l’est moins. Selon Harper, « Kyoto est l’erreur que le monde ne doit jamais répéter ». Nous pourrions tout autant reprendre ce slogan à notre compte et clamer, tout de go : « avoir élu les conservateurs est l’erreur que le Canada ne devra jamais plus répéter ».

M. Harper a refusé de s’engager fermement à établir des cibles spécifiques de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Il propose plutôt une contribution de la réduction des gaz à effet de serre qui « tient compte des circonstances propres à chaque pays ». Il soutient que tout accord qui n’inclut pas la Chine, l’Inde et les États-Unis est inutile. Le Canada et l’Australie étaient les seuls des 52 pays membres du Commonwealth à s’opposer à l’établissement de cibles pour combattre les changements climatiques

Les 53 pays, membres du Commonwealth, réunis à Kampala pour un sommet de trois jours en Ouganda, ont ainsi, grâce au Canada, étalé à la face du monde leurs divergences sur le dossier du changement climatique et rater une occasion d’assumer un leadership mondial en la matière. C’est de ce sommet que M. Harper, ne faisant pas l’unanimité sur la question environnementale, s’est livré, sans consultation préalable auprès de la population qu’il est supposé représenter, à une sortie en règle contre le protocole de Kyoto. Pire. À l’exemple de son voisin, Georges W. Bush, dont il emprunte de manière singulière quelques tics fort déplaisants, la position qu’il a défendue est la seule solution possible, à ses yeux. Il s’est même dit fier du résultat final. Les efforts de M. Harper ont donc permis d’élargir l’entente pour inclure des pays en voie de développement comme l’Inde mais en retirant toutes références à des cibles contraignantes pour les remplacer par des objectifs plus vagues. Il rejoint ainsi le vœu qu’émet depuis des mois Georges W. Bush.

Sur la base que le Protocole de Kyoto n’a pas réussi à imposer des cibles, en terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, aux pays parmi les plus grands pollueurs du monde, comme les États-Unis, la Chine et l’Inde, Stephen Harper se fait l’artisan de l’enterrement du protocole – à ses yeux indésirable – en refusant une déclaration finale qui aurait comporté un engagement des pays industrialisés envers des cibles contraignantes. « Le Canada ne fait visiblement pas preuve de leadership dans ce dossier et joue un jeu dangereux », affirmait Arthur Sandborn, responsable de la campagne Énergie et climat de Greenpeace. Certains diplomates étrangers au sommet du Commonwealth, outrés, ont affirmé que la position canadienne est la recette parfaite pour que rien ne soit fait. Le seul leadership, dont se réclame le Premier ministre, Stephen Harper, est de s’appuyer et de s’aligner sur le groupe restreint qu’a créé le président américain, Georges W. Bush.

Pour Stephen Harper, la prochaine entente internationale en matière de lutte contre les changements climatiques devra prévoir des objectifs pour tous les pays, dont ceux aux économies émergentes, comme la Chine et l’Inde. Stephen Harper n’a pas hésité à affirmer que le Canada n’appuierait aucun nouveau traité comportant de telles lacunes. Le raisonnement du gouvernement minoritaire canadien est simple : Il est impossible d’avoir une entente efficace avec seulement 25 pour cent des pays qui acceptent leurs responsabilités. Tout le monde doit être à bord et ramer dans le même sens.

« Tous les pollueurs importants devront être de la partie, faute de quoi il n’y aura pas d’accord après la première phase de Kyoto, qui arrive à échéance en 2012 », soutiendra le Canada à Bali. Donc, à défaut d’inclure dans l’entente les États-Unis et les pays aux économies émergentes, comme la Chine et l’Inde, il faudra enterrer le protocole de Kyoto. Stephen Harper vient de perdre un premier allié, John Howard, un anti-Kyoto, qui vient d’être évincé du gouvernement en Australie, après 12 ans de règne. La défaite du Parti conservateur, aux élections australiennes, pourrait en effet changer le cours des événements, le Parti travailliste gagnant ayant promis la ratification du Protocole de Kyoto en campagne électorale. Stephen Harper perdra un autre allié, George Bush, qui quittera, en 2008, la Maison Blanche. Le Premier ministre canadien sera bien seul et peut-être voudra-t-il compter sur l’appui de la population canadienne. Ce qui est moins sûr. À moins que le Canada lui montre également la porte.

« Chaque Canadien produit en moyenne 20 tonnes de CO2 par an, comparativement à 3,84 tonnes pour la Chine et 1,2 tonne pour l’Inde », affirme Greenpeace. Et les pays industrialisés sont responsables d’environ 80 % de l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère alors qu’ils ne représentent que 25 % de la population mondiale. Qu’importe, pour Stephen Harper, le fait que, comme l’indiquait le secrétaire général du Commonwealth, Don McKinnon, certains petits pays insulaires de l’organisation sont déjà menacés d’être submergés par la montée du niveau des océans ?

La prochaine conférence internationale sur les changements climatiques se tiendra à Bali, en Indonésie, du 3 au 14 décembre. Les partis d’opposition ne sont pas invités à faire partie de délégation canadienne, contrairement à la tradition parlementaire qui veut que, lors d’événements du genre sur les changements climatiques, des représentants de l’opposition et de groupes environnementaux soient invités. À Nairobi, au Kenya, des députés et des environnementalistes canadiens s’étaient démarqués de la position officielle et avaient rappelé que le Parlement canadien avait voté pour le respect du protocole de Kyoto. Les partis politiques viennent donc s’ajouter à la liste des indésirables, qui compte déjà les écologistes, depuis la réunion de Bonn, en Allemagne, tenue au printemps 2006.

Stéphane Dion, le chef libéral, a fait valoir qu’il est crucial d’arriver à une entente pour qu’en 2013, « le plus grand nombre de pays aient accepté des cibles et que les autres aient aussi un rôle à jouer. Mais pour y arriver, il faut que certains pays prennent le leadership et Canada doit être l’un d’eux ». Thomas Mulcair, dans un commentaire enflammé, a déclaré : « Ce gouvernement ne cesse de s’abriter et de se cacher derrière l’incurie et l’incompétence des libéraux qui n’ont rien fait pendant 10 ans. Ils se cachent aujourd’hui derrière l’Inde et la Chine ». Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a adressé une lettre au président de la République d’Indonésie et président de la Conférence internationale sur les changements climatiques de Bali, le Dr. H. Susilo Bambang Yudhoyono. Il entend souligner que le gouvernement Harper fait tout pour ne pas respecter le protocole de Kyoto. « Ignorant son statut minoritaire », écrit M. Duceppe, « il a décidé de faire taire les voix discordantes en n’invitant pas les députés de l’opposition à la Conférence internationale sur les changements climatiques qui aura lieu à Bali du 3 au 14 décembre prochain. La tradition voulant qu’on invite les députés de l’opposition aux rencontres internationales importantes est pourtant bien établie à Ottawa ».

Monsieur Duceppe poursuit : « Alors que les partis d’opposition se sont entendus sur un échéancier comportant des réductions minimales, par rapport au niveau de 1990, de 20 % en 2020, de 35 % en 2035 et de 60 % en 2050, le gouvernement conservateur persiste à vouloir imposer un plan basé uniquement sur l’intensité des émissions », rappelle M. Duceppe. « Un plan qui n’aura qu’un impact négligeable sur la réduction des gaz à effet de serre et qui, même dans les scénarios les plus optimistes, ne permettra pas au Canada de descendre sous le niveau de ses émissions de 1990 avant… 2024 ! » (Cyberpresse).

Selon Stéphane Dion, qui a occupé sous l’ancien gouvernement libéral le portefeuille de l’Environnement, le Canada devrait, à l’image du Royaume-Uni pendant le sommet, encourager les pays plus pauvres à ne pas répéter ses erreurs et à adopter une approche de développement durable dès maintenant. Monsieur Dion a cité en exemple un pays comme la Suède qui a modernisé son économie avec ses politiques environnementales. Il croit que le Canada doit faire de même pour des questions économiques, environnementales et pour bien assumer son rôle au niveau mondial. Rendez-vous qu’aura raté Stephen Harper.

____________________________