lundi 30 juillet 2007

Referme ton Coran. Pense et regarde librement le ciel et la terre (Omar Khayyâm).

Brigitte Brault, correspondante de RFI en Afghanistan, écrit, relativement à l’enlèvement des 22 Sud-Coréens que le temps n’est pas à la tolérance en Afghanistan, ni pour le droit des femmes, ni pour la liberté de pensée religieuse. Les 22 Sud-Coréens en sont les victimes. Pour la plupart des Afghans il est intolérable de penser que des chrétiens sont venus parler de leur religion dans un pays musulman.

Les Sud-Coréens étaient toutes et tous des membres de l’Église presbytérienne Saem-Mul. Ils sont pour la plupart âgés entre 20 et 35 ans. Ils ont été enlevés le 19 juillet alors qu’ils circulaient à bord d’un autocar privé sur l’axe Kaboul-Kandahar (sud), dans des zones sous contrôle des insurgés. Le président Hamid Karzai a critiqué cet enlèvement qu’il a jugé contraire à la culture afghane et musulmane. « Cela apportera la honte sur la dignité du peuple afghan ».

Selon un porte-parole à Ghazni, qui dit représenter les taliban, Shari Hanaf, dix-sept sud-coréennes sur les 22 sont malades et pourront avoir accès aux médicaments transmis par des anciens. Au départ, ils étaient 23. Bae Hyung-kyu, un pasteur de 42 ans, a été retrouvé, mercredi 25 juillet, dans le désert, près de Qarabagh, criblé de balles. « Nous avons tué un Sud-coréen parce que le gouvernement (afghan) n`est pas honnête dans ses négociations ». Un avertissement des taliban : « Nous demandons au gouvernement de la Corée du Sud, à son Parlement et à son peuple de faire pression sur le gouvernement afghan pour qu’il accepte nos demandes ou nous allons tuer d’autres otages », a déclaré leur porte-parole, Qari Yousef Ahmadi.

Les ravisseurs exigent la libération de huit militants détenus dans les geôles afghanes dont les noms ont été transmis à Kaboul. Ils ne réclameraient aucune rançon, contrairement à ce qu’ont affirmé des responsables afghans. Le gouvernement sud-coréen a délégué, à Kaboul Baek Jong-Chun, représentant de la présidence pour la sécurité et la diplomatie.

Il faut ajouter aux 22 Sud-Coréens, actuellement prisonniers des taliban, deux ingénieurs allemands et quatre de ses collègues afghans, enlevés le 18 juillet dans la province de Wardak (100 km au sud de Kaboul), pour lesquels ils exigent aussi un échange de prisonniers : « Pour leur libération, nous voulons que le gouvernement (afghan) relâche dix prisonniers talibans, ou nous allons les tuer ». Le corps d’un des Allemands a été découvert et présentait des blessures par balles, mais les causes de la mort ne sont toujours pas officiellement connues.

Dans un communiqué officiel, émis dimanche, le président afghan Hamid Karzaï a souligné que son gouvernement n’épargnerait aucun effort pour obtenir la libération des 22 otages Sud-Coréens. Le communiqué ne dit pas si les efforts du président viseront également la libération de l’ingénieur allemand et de ses collègues afghans. La publication de ce communiqué coïncide avec la rencontre du président afghan et Baek Jong-chun, émissaire du président sud-coréen Roh Moo-hyun.

Les taliban semblent peu préoccupés par l’avis du Conseil rassemblant les principaux responsables religieux du pays selon lequel le prophète Mahomet, fondateur de l’Islam, enseignait que personne n’avait le droit de tuer des femmes, des enfants ou des anciens. Les autorités afghanes réclament d’abord la libération sans condition des 16 femmes otages avant de négocier. Les taliban ont proposé d’échanger huit Sud-Coréens contre le même nombre des leurs prisonniers avant d’entamer de nouvelles négociations sur le sort des autres otages.

Pour compliquer davantage la situation, les taliban auraient dispersé les otages par petits groupes à différents endroits, selon les autorités afghanes. Le chef de la police de Ghazni, Alishah Ahmadzai, ne prévoyait pas de lancer une opération pour tenter de secourir par la force les otages et « mettre ainsi leur vie en danger ». Le gouverneur de Ghazni, Mirajuddin Pathan, a également déclaré que le gouvernement ne souhaitait pas recourir à la force pour libérer les otages. Pourtant, samedi, Munir Mangal, vice-ministre afghan de l’Intérieur, affirmait à Reuters qu’en cas d’échec du dialogue, les autorités auraient recours à « d’autres moyens », laissant entendre qu’un recours à la force était envisagé.

Pour Qari Mohammad Yousuf, porte-parole des taliban, « d’autres discussions sont inutiles. Nous avons donné au gouvernement une liste de prisonniers taliban qui devraient être relâchés et c’est notre principale revendication ». Le pape Benoit XVI a, à l’occasion, dimanche, de la prière de l’Angelus à Castel Gandolfo, appelé les taliban à « relâcher leurs victimes indemnes ». Youssouf Ahmadi a aussitôt répondu : « Pourquoi le pape ne condamne-t-il pas les pertes infligées aux civils par les troupes étrangères ? Elles bombardent des innocents ».

Que dire de plus. Que faire de plus. Prier, pour ceux qui croient. Réfléchir, pour ceux qui ne croient pas. Méditer, pour ceux qui élèvent leur esprit, sinon leur cœur. Antoine de Saint-Just, (1767-1794) écrivait dans L’esprit de la révolution : « Un peuple est libre quand il ne peut être opprimé ni conquis, égal quand il est souverain, juste quand il est réglé par des lois ».


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Dernière heure

Aujourd’hui lundi,

« Nous avons tué l’un des otages de sexe masculin à 18h30 ce soir (14h00 GMT) parce que le gouvernement de Kaboul n’a pas entendu nos demandes répétées », a déclaré à Reuters par téléphone Qari Mohammad Yousuf, porte-parole du mouvement.

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samedi 28 juillet 2007

Belgique : dix enfants en attente d’expulsion !

Je suis incapable de prendre congé ce week-end. Colère et chagrin feront de ce congé hebdomadaire un week-end noir. Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. Albert Einstein.

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Un rédacteur d’Agoravox a souligné vendredi le cas d’Angelica Cardina Loyan CAJAMARCA, 11 ans, menacée d’expulsion avec sa mère, madame Anna Elisabeth CAJAMARCA Arigoso. Je ne pouvais croire qu’une pareille situation d’immigration se répèterait en Belgique. Car c’est bien en Belgique que cela se passe ! Je dis bien : « se répèterait » car nous avons vécu, au Canada, une situation similaire.

Oumou Toure, 24 ans, avait reçu un avis d’expulsion du gouvernement du Canada. Retour obligatoire vers la Guinée pour cette jeune mère. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada avait refusé sa demande d’asile. Oumou Toure a donné naissance à une jeune fille, maintenant âgée de deux ans et demi. Comme un malheur ne vient jamais seul, Oumou Toure était hantée à l’idée de devoir laisser sa jeune fille ici, au Québec, et de retourner seule en Guinée. Sa fille est née au Canada. Elle est donc citoyenne canadienne. L’enfant aurait pu faire face à la mutilation génitale si elle avait été envoyée dans ce pays d’Afrique. Mme Toure, elle-même victime de cette pratique, se désolait et envisageait même l’abandon de sa fille du fait qu’elle ne pourrait pas la protéger de cette odieuse mutilation. Immigration Canada, devant la levée de boucliers, a donné asile à la mère et à sa fille.

Revenons au cas d’Angelica Cardina Loyan CAJAMARCA, 11 ans, et de sa mère, Anna Elisabeth. Elles sont équatoriennes, habitent depuis bientôt 4 ans en Belgique et n’ont jamais fait de demande de régularisation. Elles n’ont pas d’avocats. Elles vivaient à St Josse où la petite allait à l’école. La maman est militante pour la défense des sans-papiers. Elles sont maintenant enfermées depuis le 30 juin dernier au centre 127 bis à Steenokkerzeel, lieu où sont incarcérés des immigrés clandestins en attente d’expulsion. Angelica et sa mère attendent depuis le 30 juin 2007 d’être expulsées. Selon RTL, Angelica décrit ses conditions de détention dans le centre fermé soulignant qu’ «on ne sort qu’une minute par jour. Sinon, on ne fait que manger, puis dormir. Il y a un professeur qui vient. Mais c’est pour les tout-petits. Il y en a dix ici ». Évoquant son souhait de rester en Belgique, Angelica affirme qu’elle a bien l’intention de reprendre les cours en septembre. « Ma maman avait d’ailleurs décidé à la rentrée de m’inscrire dans une école néerlandophone pour faire de moi une vraie Belge », dit encore la fillette.

L’Office des étrangers a indiqué vendredi, en fin d’après-midi, que les deux Équatoriennes doivent être rapatriées lundi soir, entre 18h00 et 19h00, à bord d’un vol Bruxelles-Quito via Amsterdam.

Le 17 juillet dernier, Rafael Correa, chef de l’État équatorien, s’est rendu en personne au « 127 bis » de Steenokkerzeel. Lui-même ancien étudiant de l’université de Louvain et marié à une Belge, il a rencontré Ana Elizabeth Cajamarca Arizaga, militante pour la défense des sans-papiers, et sa fille Angelica, 11 ans. Ému, il aurait longuement serré la maman et sa fille dans ses bras avant de dénoncer « l’atteinte aux droits de l’homme », que représenterait, selon lui, l’incarcération de l’enfant.

Le quotidien Le Monde rapporte qu’un journaliste du journal Le Soir, ébranlé par l’histoire d’Angélica, aurait déclaré : « Nous avons envie de pleurer aussi. De rage. Et de honte pour un système qui oblige une fillette à passer ses vacances à l’ombre ».

Freddy Roosemont est le patron de l’Office des étrangers de Belgique. L’appel du président équatorien, Rafael Correa, relayé par diverses personnalités belges, dont le délégué général aux droits de l’enfant, n’a pas ému ce fonctionnaire : « Nous ne nous laissons pas influencer par l’avis d’un chef d’État étranger ». Le ministère des affaires étrangères, sollicité par l’ambassadeur d’Équateur, s’est quant à lui déclaré incompétent. Il n’a jamais si bien dit. Pourtant, un juge avait ordonné, il y a une semaine, la libération de la fillette et de sa mère. Le parquet avait fait appel mais le dossier n’a pu être traité par le tribunal compétent. La compétence est encore une fois en cause ici.

Comme le souligne Le Monde : « La détention de mineurs a été à plusieurs reprises jugée illégale, mais une dizaine d’autres enfants qu’Angelica sont pourtant sous les verrous à Steenokkerzeel ».

Le père, également en situation illégale mais laissé libre, a écrit au roi Albert II et au premier ministre Guy Verhofstadt ainsi qu’au leader du parti démocrate-chrétien flamand, Yves Leterme, chargé de former le prochain gouvernement, pour plaider la cause de sa fille. Le Soir a réservé sa Une à un entretien avec la jeune fille, intitulé « Angelica : je veux être une vraie Belge », avec en sous-titre « Je suis triste » sanglote la petite Équatorienne ».

« Les enfants des centres sont frappés de voir leurs parents ne plus être capables d’assumer leur rôle », a déclaré la députée fédérale Ecolo Zoé Genot après s’être rendue au centre 127 bis à Steenokkerzeel. La délégation a rencontré deux autres enfants kosovars. Actuellement, dix enfants seraient enfermés au centre 127bis. L’Université catholique de Louvain-la-Neuve a, à son tour, interpellé le Formateur Yves Leterme. Elle demande au futur gouvernement de ne plus placer des familles avec mineurs dans des centres fermés mais de prévoir des espaces ouverts respectueux des droits humains.

Tout le monde veut la vertu mais personne n’a les pouvoirs de l’acquérir : « Je ne suis pas le ministre de l’Intérieur », a indiqué Yves Leterme, soulignant qu’il y avait un gouvernement en place et insistant sur le respect des institutions et des législations. « Cela m’émeut en tout cas », a conclu Yves Leterme. « On verra pendant les négociations comment répondre à ces drames humains », a-t-il ajouté. Le délégué général aux droits de l’Enfant, Claude Lelièvre, a appelé vendredi le ministre de l’Intérieur à surseoir à l’expulsion d’Ana Cajamarca et de sa fille Angelica : « avant de prendre une mesure d’expulsion, il faut tenir compte du contexte familial d’Angelica, qui a plus d’attaches en Belgique qu’en Équateur. Or, ces conditions ne sont pas connues de l’Office de l’étrangers », a rappelé le délégué général. Il cite le fait qu’Angelica a un oncle et une tante qui vivent légalement en Belgique. Sa mère vit avec un Belge et son père est toujours en Belgique, même s’il est en séjour illégal (RTL).

Geert De Vulder, porte-parole de l’Office des étrangers, le confirme : « Angelica et sa mère seront expulsées lundi soir, entre 18h00 et 19h00, à bord d’un vol Bruxelles-Quito via Amsterdam ». Parole de fonctionnaire !

Dix autres enfants attendent ce châtiment infâme de la Belgique.

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vendredi 27 juillet 2007

En France, une femme meurt tous les trois jours de violence conjugale

« Partout dans le monde, des femmes subissent des actes ou des menaces de violence. C’est une épreuve partagée, au-delà des frontières, de la fortune, de la race ou de la culture. A la maison et dans le milieu où elles vivent, en temps de guerre comme en temps de paix, des femmes sont battues, violées, mutilées en toute impunité » (Amnesty International, 2004)

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En France, plus 1.5 million de femmes sont ou ont été victimes de violence conjugale, une femme meurt tous les trois jours de cette violence, selon le centre d’appel national pour les femmes battues, mis en place il y a quatre mois par le gouvernement, et qui traite 80 appels en moyenne par jour. En 2006, 168 personnes (dont 137 femmes) sont décédées en France sous les coups de leur compagnon ou compagne.

Selon Wikipedia, qui cite une étude du ministère de l’intérieur, (Étude nationale sur les décès au sein du couple - bilan des neuf premiers mois de 2006), en France, depuis les années 2000, plusieurs enquêtes nationales ont tenté de dresser un bilan statistique des violences conjugales. Les résultats de ces enquêtes sont terrifiants et ne sont que la partie visible de l’iceberg :

  • En France métropolitaine, 1 femme sur dix est victime de violences conjugales [enquête ENVEFF menée sur des femmes de 20 à 59 ans, victimes au cours de l’année 1999] ;

  • En France, en moyenne, une femme meurt tous les trois jours des suites de violences au sein du couple ;

  • En France, en moyenne, 2 enfants meurent chaque jour des suites de violence ;

  • Un homme meurt tous les quatorze jours. Dans plus de la moitié des cas, la femme auteur de l’acte subissait des violences de sa part ;

  • 13% de toutes les morts violentes recensées en France et dans lesquelles l’auteur a été identifié ont eu lieu dans le cadre du couple;

  • 41% des crimes conjugaux sont liés à la séparation (commission par des « ex » ou séparation en cours) ;

  • 23% des auteurs d’homicides se sont suicidés après leur acte (97% d’hommes) ;

  • 10 enfants ont été victimes d’homicide en même temps que l’un de leur parent.

Les écoutantes de « Violence conjugale Info », organisme de la fédération nationale solidarité femmes, ont reçu au total 7.446 appels, soit en moyenne 80 appels par jour, selon les chiffres du ministère du Travail et de la Solidarité.

S’il n’existe aucune étude harmonisée sur les violences conjugales, en Europe, Arte propose toutefois quelques données saisissantes sur la question :

  • Dans l’ensemble des pays de l’UE, 1 femme sur 5 au moins subit au cours de sa vie des violences infligées par son mari ou par son compagnon ;

  • En Europe chaque semaine, une femme est tuée par son conjoint (commission européenne pour l’égalité des chances- Conseil de l’Europe- juillet 2002) ;

  • Pour les femmes de 14 à 45 ans, la violence familiale est la première cause de mortalité ;

  • 1 seul cas sur 20 est signalé à la police (Enquête Eurobaromètre - 1999).

Au Canada, sept pour cent (7 %) des Canadiennes et 6 % des Canadiens déclarent avoir été victimes de violence physique et/ou sexuelle infligée par un partenaire actuel ou ancien entre 1999 et 2004. Pour la même période 18 % des femmes et 17 % des hommes ont signalé avoir été victimes de violence psychologique. Selon l’Enquête sociale générale, 44 % des femmes et 19 % des hommes victimes de violence conjugale entre 1999 et 2004 ont été blessés pendant un incident violent. Treize pour cent (13 %) des victimes féminines et 2 % des victimes masculines ont eu besoin de soins médicaux. Parmi les victimes canadiennes de violence conjugale, plus de femmes que d’hommes disent ressentir de la crainte en raison de la violence (30 % contre 5 %), être déprimées et souffrir d’accès d’anxiété (21 % contre 9 %), avoir des troubles de sommeil (15 % contre 4 %), ressentir de la honte et de la culpabilité (12 % contre 3 %) et craindre pour la sécurité de leurs enfants (9 % contre 2 %).

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Il est important d’établir une remarque liminaire à ces résultats. Comme le déclarait brillamment Elizabeth Badinter : « De tous ces chiffres fastidieux mais nécessaires, il ressort qu’on ne devrait pas parler de « violence de genre », mais de « droit du plus fort ». Un seul crime est indiscutablement plus propre aux hommes qu’aux femmes, c’est le viol, aujourd’hui puni en France aussi sévèrement que le meurtre. Reste qu’hommes et femmes, lorsqu’ils sont en position de domination, peuvent déraper dans la violence ».

Selon le ministère de la Justice du Canada, il est difficile d’obtenir une image complète de l’étendue globale de la violence conjugale, car elle reste souvent cachée. La victime peut supporter la violence pendant longtemps avant de solliciter de l’aide. Certaines victimes n’en parlent jamais à personne. La victime peut se montrer réticente - ou incapable - de parler ou de signaler la violence pour plusieurs raisons différentes.

Au Québec, le site Educaloi définit en ces termes la « violence conjugale » : « La violence conjugale se caractérise par une série d’actes répétitifs qui se produisent généralement selon une courbe ascendante appelée escalade de la violence. L’agresseur suit un cycle défini par des phases successives marquées par la montée, la tension, l’agression, la déresponsabilisation, la rémission et la réconciliation. À ces phases correspondent chez la victime la peur, la colère, le sentiment qu’elle est responsable de la violence et, enfin, l’espoir que la situation va s’améliorer. Toutes les phases ne sont pas toujours présentes et ne se succèdent pas toujours dans cet ordre ». […] « La violence conjugale comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut être vécue dans une relation maritale, extra-maritale ou amoureuse à tous les âges de la vie ».

Le psychologue américain, Michael P. Johnson (2000) différencie deux types de violences conjugales : le « terrorisme conjugal » et la « violence situationnelle ». La violence grave s’effectue dans un « contexte de terrorisme conjugal » et se manifeste par la volonté d’annihiler le conjoint, de toutes les manières, psychologiquement et physiquement. La « violence situationnelle » renvoie pour sa part soit à l’autodéfense de la femme, soit à la violence réciproque, soit à la lutte pour le pouvoir des deux conjoints. Ces distinctions importantes sont reprises dans l’analyse des données statistiques canadiennes et québécoises et dans la formulation des résultats qui en découlent. Nul ne doit ignorer le fait que la violence conjugale n’est pas le seul fait de l’homme. Il arrive aux femmes d’exercer une violence lorsqu’elles sont en position de domination physique ou psychique.

Selon une Enquête sociale générale sur la victimisation [ESG], 1999, du ministère de la Justice du Canada, qui a interrogé presque 26 000 femmes et hommes au Canada sur leur expérience de la violence, y compris leur expérience de la violence et de l’agression psychologique dans leurs mariages actuels ou passés ou dans leur relation de droit commun, les femmes et les hommes vivent des taux similaires de violence et de violence psychologique dans leurs relations. Toutefois, la violence vécue par les femmes tend à être plus sévère - et plus souvent répétée - que la violence dont les hommes font l’objet.

L’Enquête montre que, comparées aux hommes, les femmes ont :

  • six fois plus de chances de signaler avoir été agressées sexuellement;
  • cinq fois plus de chances de signaler avoir été étouffées;
  • cinq fois plus de chances d’avoir besoin de soins médicaux, suite à une agression;
  • trois fois plus de chances de souffrir de blessures physiques suite à une agression;
  • plus de deux fois plus de chances de signaler avoir été battues;
  • presque deux fois plus de chances de signaler avoir été menacées d’une arme ou d’un couteau;
  • beaucoup plus de chances de craindre pour leur vie, ou de craindre pour leurs enfants par suite de l’agression;
  • plus de chances de souffrir de problèmes de sommeil, de dépression et de crises d’anxiété, ou d’avoir une estime de soi diminuée à la suite de l’agression;
  • plus de chances de signaler une victimisation répétée.

Les statistiques récentes montrent qu’il existe un nombre de facteurs qui, seuls ou en combinaison, sont associés à un risque accru de violence. Par exemple, voici certains facteurs de risque pour les femmes et les hommes :

  • être jeune;
  • vivre dans une union de fait;
  • avoir un partenaire qui boit beaucoup périodiquement;
  • violence psychologique dans la relation (moyen important de prédiction de violence physique);
  • séparation conjugale (le risque d’être tuée est plus grand pour la femme après la séparation).

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Il est de plus en plus admis que la vulnérabilité d’une personne à la violence peut être exacerbée par des facteurs comme le déplacement, la colonisation, le racisme, l’homophobie, l’infirmité, la pauvreté et l’isolement. Les femmes autochtones par exemple ont plus de chances de signaler avoir été agressées sexuellement par le conjoint. L’absence d’accès aux services et soutien communautaires, et au système de justice pénale, peuvent augmenter la vulnérabilité d’une personne à la violence - ou combiner les effets de la violence.

Étudier la violence conjugale parmi les populations immigrantes est plus complexe. Le Canada n’est pas insensible à cette question. Comme le note le Conseil canadien de développement social : « La violence conjugale existe dans toutes les sociétés et cultures. Répondre à ce problème, qui affecte les communautés immigrantes et des minorités visibles, c’est aussi reconnaître qu’elles représentent un segment croissant de la population canadienne. […] Au Canada, près d’une femme sur trois est victime de violence à son propre domicile. Selon une enquête de Statistique Canada en 1999, les taux victimisation parmi les femmes immigrantes et des minorités visibles étaient un peu plus bas que les taux pour les autres femmes (10,5% des femmes immigrantes et des minorités visibles étaient victimes de violence émotionnelle ou financière, par rapport à 14% des autres femmes; 4,2% indiquaient une violence physique ou sexuelle, par rapport à 6,2% des autres femmes). Cependant, l’étude fait remarquer, qu’étant donné que l’enquête n’a été menée exclusivement qu’en anglais ou en français, elle n’était pas représentative des femmes qui ne parlaient couramment aucune de ces langues officielles ».

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Elizabeth Badinter (déjà citée) en venait à la conclusion suivante : « … On devrait s’interroger sur notre incapacité de plus en plus grande à supporter les frustrations et à maîtriser notre agressivité. C’est notre éducation qui est en cause, et non nos principes. C’est elle qu’il faut changer. Depuis une trentaine d’années, l’épanouissement individuel et la satisfaction de nos désirs ont pris le pas sur le respect de l’autre et de la loi commune. Cela concerne tant les hommes que les femmes et n’a rien à voir avec ce qui se passe dans d’autres régions du monde où, à l’opposé, la loi est un carcan et où l’épanouissement individuel n’a tout simplement pas de sens. En vérité, nos sociétés ont autant besoin de réapprendre la notion de devoir que les autres, de réclamer leurs droits. En voulant à tout prix confondre les deux contextes, on se condamne non seulement à l’impuissance, mais aussi à l’injustice ».

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26 juillet 2007

L’Iran et le Maroc discutent de « justice commune »

En visite au Maroc, le chef de l’autorité judiciaire de la République islamique d’Iran, l’Ayatollah Seyyed Mahmoud Hashemi Shahrudi, a manifesté son soutien aux efforts du pays hôte pour la solution de la question du Sahara : « La question du Sahara relève des affaires intérieures du Maroc et, de notre côté, nous appuyons et soutenons les efforts marocains et internationaux la concernant ». L’Ayatollah Mahmud Hashemi Shahrudi, qui conduit une délégation iranienne de haut niveau, rencontrait à Rabat le Premier ministre, Driss Jettou. L’entretien a, notamment, porté sur la coopération bilatérale en matière de justice.

L’Ayatollah Hashemi Shahrudi a profité de cette rencontre pour discuter d’un projet sur la création d’un conseil rassemblant les présidents des conseils des autorités judiciaires dans le monde islamique. Un tel conseil servirait de moyen de rencontre régulière et de coordination sur les développements que connaissent les pays islamiques dans le domaine de la justice, tout en permettant l’unification de la jurisprudence, des vues et des positions. L’Ayatollah Hashemi Shahrudi n’est pas revenu les mains vides. Le Premier ministre a accueilli favorablement cette proposition et exprimé l’appui du Maroc au dit projet.

Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ s’est également entretenu avec l’Ayatollah Mahmud Hashemi Shahrudi. Après un exposé succinct sur le système judiciaire marocain et les efforts déployés pour l’améliorer, soulignant l’importance de la justice en sa qualité de pilier essentiel de tout système politique et économique efficient, Mohamed Bouzoubaâ a souligné que le Maroc accorde une grande importance à la justice pour ce qu’elle représente en termes de protection de l’investissement et des dispositions des accords économiques conclus entre le Maroc et divers pays du monde et de maintien de l’équité entre les justiciables. L’Ayatollah Shahrudi a rassuré son vis-à-vis en précisant que la constitution iranienne confère au pouvoir judiciaire de larges attributions et garanties lui assurant l’indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif. Il a également énuméré les principales juridictions en Iran.

Avant d’aborder la justice en Iran, examinons de plus près les actualités judiciaires récentes du Maroc. Un tribunal marocain vient de condamner cinq militants pour avoir critiqué la monarchie. Les accusés ont, selon leur avocat, Me Mohamed Sadouq, été condamnés à quatre ans de prison, chacun, et à 10 000 dirhams (1 229 dollars) d’amende par le tribunal de Ksar el Kbir, dans le nord du pays. La justice marocaine est claire : toute critique de la monarchie ou toute remise en question du rôle de gardien de l’islam joué par le monarque ou des revendications du Maroc sur le Sahara occidental exposent toujours à des peines de prison.

Une autre affaire embarrasse le Maroc : Al Watan al An, journal arabophone, a diffusé le 14 juillet des documents classés secret-défense par les autorités gouvernementales, dans un climat de forte tension antiterroriste. Abderrahim Ariri, 43 ans, directeur de la publication, et Mustapha Hormat Allah, 37 ans, journaliste, ont été placés en garde à vue pour avoir publié un dossier intitulé « Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc » en s’appuyant sur un rapport de la DGST appelant à la vigilance, suite à une vidéo diffusée sur internet montrant un soi-disant groupe terroriste lançant « un appel solennel au djihad contre les régimes maghrébins, en désignant particulièrement le Maroc ». Ils doivent être présentés cette semaine à la justice, a indiqué samedi à l’AFP leur avocat Jalal Tahar.

Dans son éditorial intitulé « La liberté pour Abderrahim Ariri », Libération qui est l’organe de l’Union socialiste des Forces populaires (USFP), estime que les arrestations sont injustes par la manière avec laquelle se sont effectuées ces opérations. Le comportement arbitraire et abusif observé à cette occasion est indigne du Maroc de la démocratie et de la modernité, d’autant plus qu’il rappelle que le chemin de la liberté d’expression est encore parsemé d’embûches. L’Opinion, organe de l’Istiqlal, critique le « dérapage » des deux journalistes, mais qualifie également de « dérapage » leur arrestation. Des manifestants ont manifesté, devant le siège d’Al Watan al An, à Casablanca, appelant à la libération des deux journalistes ainsi qu’à l’annulation des charges.

En Iran, Amnesty International évalue à 177 le nombre d’exécutions en 2006. La trahison, l’espionnage, le meurtre, l’attaque à main armée, le trafic de drogue, le viol, la sodomie, l’adultère, la prostitution et l’apostasie sont passibles de la peine de mort en Iran. L’agence de presse iranienne officielle Fars a confirmé la pendaison de 12 hommes dimanche 22 juillet, à la prison d’Evin, à Téhéran. Quatre autres personnes, trois hommes et une femme, avaient été pendues une semaine plus tôt à Tabriz (nord-ouest) et Chiraz (sud), selon le site internet de la télévision d’État iranienne. Les condamnés ont été fouettés, avant d’être exécutés. Plus récemment, un Iranien, reconnu coupable d’homicide, a été pendu en public jeudi matin à Khoram-Abad (ouest) et un autre à Zabol (sud est) samedi matin. Naïm M., a été pendu samedi à Zahedan. Il avait été arrêté alors qu’il avait en sa possession plus de 10 kg d’héroïne.

Selon le Conseil national de résistance iranienne, le directeur de l’organisation carcérale du pays Ali Akbar Yassaghi, dans une interview avec l’agence de presse officielle ISNA, aurait admis l’existence de prisonniers « de sécurité » et de la torture dans les prisons. « Nous avons besoin de centres de détention de sécurité parce que n’importe quel système doit faire face à des gens qui agissent contre sa sécurité à l’intérieur comme à l’étranger et (…) l’organisation carcérale met seulement en oeuvre les peines des prisonniers. Nous ne pratiquons pas le fouet bien que le milieu carcéral autorise de telles pratiques », a-t-il dit. Yassaqi a reconnu l’exécution de mineurs en disant : « Il existe un débat parmi les juristes sur l’âge légal pour traiter un criminel comme un adulte pour passer en procès. Certains croient que la majorité est de dix-huit ans, comme c’est reconnu sur un plan international, d’autres croient que l’âge légal est de quinze ans pour les garçons et de neuf ans pour les filles conformément aux lois islamiques ». Depuis le début de l’année, au moins 121 personnes ont été exécutées en Iran, pour la plupart par pendaison, selon un décompte effectué par l’AFP à partir d’informations de presse et de témoignages. Bon nombre d’exécutions se déroulent en public.

Quelles sont donc les attentes du Maroc à l’égard de l’Iran et en quoi sa participation au Conseil rassemblant les présidents des conseils des autorités judiciaires dans le monde islamique fera avancer la justice et la démocratie déjà bien fragiles dans ce pays ?

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jeudi 26 juillet 2007

Le Maroc s’inspirera-t-il de la « justice » iranienne ?

En visite au Maroc, le chef de l’autorité judiciaire de la République islamique d’Iran, l’Ayatollah Seyyed Mahmoud Hashemi Shahrudi, a manifesté son soutien aux efforts du pays hôte pour la solution de la question du Sahara : « La question du Sahara relève des affaires intérieures du Maroc et, de notre côté, nous appuyons et soutenons les efforts marocains et internationaux la concernant ». L’Ayatollah Mahmud Hashemi Shahrudi, qui conduit une délégation iranienne de haut niveau, rencontrait à Rabat le Premier ministre, Driss Jettou. L’entretien a, notamment, porté sur la coopération bilatérale en matière de justice.

L’Ayatollah Hashemi Shahrudi a profité de cette rencontre pour discuter d’un projet sur la création d’un conseil rassemblant les présidents des conseils des autorités judiciaires dans le monde islamique. Un tel conseil servirait de moyen de rencontre régulière et de coordination sur les développements que connaissent les pays islamiques dans le domaine de la justice, tout en permettant l’unification de la jurisprudence, des vues et des positions. L’Ayatollah Hashemi Shahrudi n’est pas revenu les mains vides. Le Premier ministre a accueilli favorablement cette proposition et exprimé l’appui du Maroc au dit projet.

Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ s’est également entretenu avec l’Ayatollah Mahmud Hashemi Shahrudi. Après un exposé succinct sur le système judiciaire marocain et les efforts déployés pour l’améliorer, soulignant l’importance de la justice en sa qualité de pilier essentiel de tout système politique et économique efficient, Mohamed Bouzoubaâ a souligné que le Maroc accorde une grande importance à la justice pour ce qu’elle représente en termes de protection de l’investissement et des dispositions des accords économiques conclus entre le Maroc et divers pays du monde et de maintien de l’équité entre les justiciables. L’Ayatollah Shahrudi a rassuré son vis-à-vis en précisant que la constitution iranienne confère au pouvoir judiciaire de larges attributions et garanties lui assurant l’indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif. Il a également énuméré les principales juridictions en Iran.

Avant d’aborder la justice en Iran, examinons de plus près les actualités judiciaires récentes du Maroc. Un tribunal marocain vient de condamner cinq militants pour avoir critiqué la monarchie. Les accusés ont, selon leur avocat, Me Mohamed Sadouq, été condamnés à quatre ans de prison, chacun, et à 10 000 dirhams (1 229 dollars) d’amende par le tribunal de Ksar el Kbir, dans le nord du pays. La justice marocaine est claire : toute critique de la monarchie ou toute remise en question du rôle de gardien de l’islam joué par le monarque ou des revendications du Maroc sur le Sahara occidental exposent toujours à des peines de prison.

Une autre affaire embarrasse le Maroc : Al Watan al An, journal arabophone, a diffusé le 14 juillet des documents classés secret-défense par les autorités gouvernementales, dans un climat de forte tension antiterroriste. Abderrahim Ariri, 43 ans, directeur de la publication, et Mustapha Hormat Allah, 37 ans, journaliste, ont été placés en garde à vue pour avoir publié un dossier intitulé « Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc » en s’appuyant sur un rapport de la DGST appelant à la vigilance, suite à une vidéo diffusée sur internet montrant un soi-disant groupe terroriste lançant « un appel solennel au djihad contre les régimes maghrébins, en désignant particulièrement le Maroc ». Ils doivent être présentés cette semaine à la justice, a indiqué samedi à l’AFP leur avocat Jalal Tahar.

Dans son éditorial intitulé « La liberté pour Abderrahim Ariri », Libération qui est l’organe de l’Union socialiste des Forces populaires (USFP), estime que les arrestations sont injustes par la manière avec laquelle se sont effectuées ces opérations. Le comportement arbitraire et abusif observé à cette occasion est indigne du Maroc de la démocratie et de la modernité, d’autant plus qu’il rappelle que le chemin de la liberté d’expression est encore parsemé d’embûches. L’Opinion, organe de l’Istiqlal, critique le « dérapage » des deux journalistes, mais qualifie également de « dérapage » leur arrestation. Des manifestants ont manifesté, devant le siège d’Al Watan al An, à Casablanca, appelant à la libération des deux journalistes ainsi qu’à l’annulation des charges.

En Iran, Amnesty International évalue à 177 le nombre d’exécutions en 2006. La trahison, l’espionnage, le meurtre, l’attaque à main armée, le trafic de drogue, le viol, la sodomie, l’adultère, la prostitution et l’apostasie sont passibles de la peine de mort en Iran. L’agence de presse iranienne officielle Fars a confirmé la pendaison de 12 hommes dimanche 22 juillet, à la prison d’Evin, à Téhéran. Quatre autres personnes, trois hommes et une femme, avaient été pendues une semaine plus tôt à Tabriz (nord-ouest) et Chiraz (sud), selon le site internet de la télévision d’État iranienne. Les condamnés ont été fouettés, avant d’être exécutés. Plus récemment, un Iranien, reconnu coupable d’homicide, a été pendu en public jeudi matin à Khoram-Abad (ouest) et un autre à Zabol (sud est) samedi matin. Naïm M., a été pendu samedi à Zahedan. Il avait été arrêté alors qu’il avait en sa possession plus de 10 kg d’héroïne.

Selon le Conseil national de résistance iranienne, le directeur de l’organisation carcérale du pays Ali Akbar Yassaghi, dans une interview avec l’agence de presse officielle ISNA, aurait admis l’existence de prisonniers « de sécurité » et de la torture dans les prisons. « Nous avons besoin de centres de détention de sécurité parce que n’importe quel système doit faire face à des gens qui agissent contre sa sécurité à l’intérieur comme à l’étranger et (…) l’organisation carcérale met seulement en oeuvre les peines des prisonniers. Nous ne pratiquons pas le fouet bien que le milieu carcéral autorise de telles pratiques », a-t-il dit. Yassaqi a reconnu l’exécution de mineurs en disant : « Il existe un débat parmi les juristes sur l’âge légal pour traiter un criminel comme un adulte pour passer en procès. Certains croient que la majorité est de dix-huit ans, comme c’est reconnu sur un plan international, d’autres croient que l’âge légal est de quinze ans pour les garçons et de neuf ans pour les filles conformément aux lois islamiques ». Depuis le début de l’année, au moins 121 personnes ont été exécutées en Iran, pour la plupart par pendaison, selon un décompte effectué par l’AFP à partir d’informations de presse et de témoignages. Bon nombre d’exécutions se déroulent en public.

Quelles sont donc les attentes du Maroc à l’égard de l’Iran et en quoi sa participation au Conseil rassemblant les présidents des conseils des autorités judiciaires dans le monde islamique fera avancer la justice et la démocratie déjà bien fragiles dans ce pays ?

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mercredi 25 juillet 2007

« Je suis en Bulgarie, la grande Bulgarie! »

Sur le tarmac de l’aéroport, les cinq infirmières libérées sont tombées dans les bras de leurs proches. « Je suis en Bulgarie, la grande Bulgarie! », s’est exclamé le médecin palestinien Achraf Joumaa Hajouj récemment naturalisé bulgare. La Bulgarie a exprimé sa reconnaissance aux médiateurs. Le président français, son épouse et Mme Ferrero-Waldner ont été déclarés citoyens d’honneur de Sofia. Pourquoi revenir sur l’«affaire » des infirmières bulgares ? Parce que beaucoup de questions se posent dans le dénouement de cette affaire.

Première constatation : l’accord. La Lybie se félicite que l’accord conclu prévoit une aide médicale européenne ainsi qu’un chapitre sur les relations politiques. L’accord engloberait également une ouverture des marchés aux produit libyens et l’assouplissement des conditions de délivrance des visas pour les Libyens. L’UE fournirait une aide dans les domaines de l’éducation, des sites archéologiques et de la lutte contre l’immigration. Les négociations entre Bruxelles et Tripoli, sur un accord de partenariat, pourraient s’ouvrir en octobre. Bruxelles accepterait d’améliorer ses relations avec Tripoli et de mettre en place un partenariat, notamment commercial. Déjà que Bruxelles ne s’était pas cachée pour laisser entendre que les relations commerciales et politiques avec la Libye pourraient bénéficier d’une résolution satisfaisante de la crise.

Deuxième constatation : quelques divergences. « Ni l’Europe ni la France n’ont versé la moindre contribution financière à la Libye » pour obtenir ce transfert, a juré Nicolas Sarkozy, tout en laissant entendre que le Qatar avait pu participer financièrement à cette libération. Le chef de la diplomatie libyenne, Abdelrahman Chalgham, a, à ce sujet, fait une sorte de mise au point, affirmant que Bruxelles et Paris avaient contribué aux compensations financières accordées par le Fonds spécial de Benghazi d’aide aux familles des enfants libyens contaminés par le sida : « Tout le monde a payé le Fonds, y compris l’Union européenne et la France. Ils ont couvert les sommes versées aux familles et même plus », a lancé, comme un pavé dans la mare, Abdelrahman Chalgham.

Troisième constatation : les contributions au Fonds de développement économique et social libyen. La Commission européenne se serait engagée à reverser au Fonds de développement économique et social libyen « les sommes collectées dans le cadre de l’accord de financement du 15 juillet 2007, dont le montant s’élève à 598 millions de dinars libyens » - soit 461 millions de dollars. Benita Ferrero-Waldner, de la Commission européenne, a expliqué que Bruxelles analyserait rapidement s’il y a lieu ou non de recevoir dans le cadre de ce fonds, sur une base strictement volontaire, des contributions gouvernementales ou non gouvernementales de pays, d’organisations ou d’entreprises. Le Fonds international de Benghazi « est un fonds ouvert à tous et il est clair qu’il y aura de l’argent libyen mais aussi des argents venant de donateurs à travers le monde », a-t-elle ajouté.

Quatrième constatation : rôle et présence du gouvernement bulgare. Dès décembre 2004, Tripoli informe Sofia qu’un compromis est envisageable dans l’affaire des soignants bulgares. La condition est que la Bulgarie s’entende avec les familles des enfants, les seules à pouvoir accepter « le prix du sang ». Sofia rejette la proposition car elle devrait verser 10 millions de dollars par victime. Cela correspond à la somme versée par la Libye pour chacune des 270 personnes décédées en 1998 dans l’attentat de Lockerbie (Écosse).

En décembre 2006, Tripoli et Sofia s’accordent sur la création d’un fonds de compensation international au bénéfice des enfants libyens atteints du sida.

Juillet 2007. Libération des soignants bulgares et retour en Bulgarie. Le chef de l’État bulgare, Guéorgui Parvanov, se félicite du « rôle actif de nos partenaires européens » et, en particulier, de M. Sarkozy, attendu en Bulgarie en septembre, de M. Barroso et de Mme Benita Ferrero-Waldner. Il a également remercié Cécilia Sarkozy « pour son engagement personnel ». Le ministre des Affaires étrangères Ivailo Kalfin annonce la décision du président Georgi Parvanov d’accorder sa grâce aux six soignants : « Mû par l’intime conviction de l’innocence des citoyens bulgares condamnés en Libye et fort de ses prérogatives constitutionnelles, le président a signé le décret de grâce et les a libérés de leur sentence », a dit Kalfin.

Benita Ferrero-Waldner salue les efforts communs menés par les différents États membres qui ont joué un rôle dans la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien. « Je souhaiterais dire que les présidences britannique, allemande, et maintenant la France, et naturellement la présidence portugaise (de l’UE), ont tout fait, ensemble, avec nous, pour pouvoir avoir un bon résultat », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse à l’aéroport de Sofia, ajoutant que « d’autres États membres, comme l’Italie, se sont toujours trouvés très ouverts pour essayer de trouver des solutions avec nous ».

C’est en compagnie de Mme Sarkozy, à bord d’un avion de la République française, que le médecin et les cinq infirmières reviennent dans leur patrie. Le gouvernement Bulgare est étrangement absent de ce concert de remerciements et d’éloges, ainsi que du rapatriement des soignants.

Cinquième constatation : le triomphe de Mouammar Kadhafi. La Lybie veut la pleine normalisation de ses relations avec les vingt-sept pays de l’Union européenne, afin de finir de parcourir le chemin qui a mené Tripoli du statut d’État voyou à celui de siège d’une nouvelle ambassade américaine. La Lybie pavoise : elle confirme haut et clair la visite du président français Nicolas Sarkozy mercredi. Elle précise que des accords seront signés entre Paris et Tripoli notamment dans les domaines de la sécurité, de l’énergie, de l’enseignement, de l’immigration, de la santé et de la recherche scientifique. En retour, Mouammar Kadhafi connaît bien les envies et le rapport de force que ces dernières suscitent : il y a le formidable marché pétrolier que recèlent la Libye et les promesses d’achat de matériels militaires et civils. De quoi faire saliver l’Europe et épingler quelques médailles supplémentaires sur la gandoura du « bédouin de Syrte ».

Pour les avocats des soignants bulgares, interrogés par le Nouvel Observateur, il ne fait aucun doute que Mouammar Kadhafi est triplement gagnant : « L’enjeu, pour Kadhadi, était symbolique, c’est-à-dire politique. De ce point de vue, il est triplement gagnant. D’une part, il a réussi à humilier l’Occident, à le faire plier, ce qui lui donne une dimension considérable auprès des pays arabes. D’autre part, il a obtenu une réintégration dans la communauté internationale. Enfin, il a réussi à perpétuer sa dynastie, en consolidant son pouvoir et celui de sa famille en Libye ».

Sixième constatation : le nucléaire. Le réseau « Sortir du Nucléaire », une fédération d’associations, accuse Nicolas Sarkozy de se livrer à « un troc nucléaire » en proposant à Mouammar Kadhafi « de la technologie nucléaire en échange des infirmières bulgares ». Le réseau, dans un communiqué, dénonce le fait que : « Promouvoir le nucléaire, et tenter d’étendre cette technologie sur la planète, est de façon générale une très mauvaise chose pour l’environnement ». Qui plus est, « fournir de la technologie nucléaire à un dictateur est encore plus irresponsable ».

L’avenir. Alors que le président de la République française s’apprête à faire un arrêt à Tripoli, ce mercredi, à Washington, le porte-parole du département d’État, Sean McCormack, qualifie le dénouement de « développement très positif » devant permettre d’ « aider à modifier les relations de la Libye avec le reste du monde ». Prudent sur les conséquences bilatérales, il laisse entendre que la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, pourrait faire sa première visite en Libye.

Le gouvernement bulgare et les infirmières devraient s’adresser séparément à la presse, aujourd’hui, mercredi.

Sources : AFP, Courrier international, Le Monde, Libération, Nouvel Observateur, Presse canadienne, Reuters, RTL

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mardi 24 juillet 2007

Si Saddam apparaissait devant moi, je tomberais à genoux et je lui embrasserais les pieds !

Anne Nivat revient de Bagdad. Elle a rencontré Ali. Il a 32 ans. La plupart de ses amis ont joint la horde de réfugiés qui ont quitté leur pays pour la Jordanie ou la Syrie, voire la Suède pour d’autres. Dans le Herald Tribune (édition du 18 juillet 2007), Anne Nivat relaie le cri du cœur d’Ali : « I am Shiite » Ali said. « My uncles and cousins were murdered by Saddam’s regime. I wanted desperately to get rid of him. But today, if Saddam’s feet appeared in front of me, I would fall to my knees and kiss them ! » (Je suis Chiite. Mes oncles et mes cousins ont été tués par Saddam et son régime. J’ai désiré plus que tout au monde le voir quitter l’Irak. Aujourd’hui, si Saddam apparaissait devant moi, je tomberais à genoux et je lui embrasserais les pieds !). Déclaration qui pourrait paraître choquante pour les uns, réaliste pour les autres.

Fille de l’historien Geroges Nivat, spécialiste de la Russie, Anne Nivat s’oriente vers le reportage international. Docteur en sciences politiques, elle est, depuis 1998, correspondante à Moscou des quotidiens et magazines Ouest-France, Le Soir, Le Point ainsi que pour RMC. Mais la presse étrangère fait également appel à elle et Anne Nivat collabore régulièrement avec l’International Herald Tribune, le New York Times et le Washington Post. Elle visite ces terres ensanglantées, ces régions en guerre, s’entretient avec des populations dont la détresse ne se mesure plus dans les statistiques habituelles. Habituée à travailler dans des conditions de reportage extrêmes depuis sa couverture de la guerre en Tchétchénie, elle livre des témoignages qui vont de l’espoir au plus grand des désespoirs.

Entre 1999 et 2000, elle avait tiré un livre, « Chienne de guerre », de sa couverture de la guerre de Tchétchénie, et pour lequel elle a reçu le prix Albert Londres. Habituée à travailler dans des conditions de reportage extrêmes depuis sa couverture de la guerre en Tchétchénie, elle a trouvé le temps de publier, en 2004, « Lendemains de guerre » (Éditions Fayard). Dans ce livre de 500 pages, elle fait entendre des voix de femmes et d’hommes qui, en lui ouvrant leur maison, ont pu lui livrer ouvertement leurs propres analyses de la situation. Elle révèle ainsi toute la densité humaine de ce conflit. C’est en quelque sorte un documentaire, un reportage. Elle décrit les paysages, l’atmosphère, les conditions de vie, et ses rencontres avec des hommes et des femmes et ajoute, en annexe, des informations détaillées sur les personnalités publiques et religieuses ainsi que sur les diverses organisations actives dans ces pays. Elle est également auteur de « Islamistes, comment ils nous voient », Fayard, 2006.

Anne Nivat revient d’Irak. A Bagdad, en se détachant volontairement de l’actualité, elle a réussi à s’immiscer dans la vie quotidienne des Irakiens. Elle est passée par la Rue89 pour livrer sa conception du reportage. Elle montre que travailler dans ce pays reste malgré tout possible pour un journaliste. « Le plus dur, dans ce type de reportages, n’est pas ce que l’on croit. C’est le retour. Abandonner ses interlocuteurs, sans savoir s’ils seront vivants la prochaine fois. Et se heurter à l’indifférence de beaucoup, y compris parfois de ses rédacteurs en chef », dira-t-elle dans l’une des entrevues qu’elle a accordées aux reporters de Rue89.

Déjà en 2004, dans une entrevue qu’elle accordait à Julien Nessi, Anne Nivat avouait que : « ce qui m’a le plus marqué, c’est cette perte brutale des repères dans les sociétés afghanes et irakiennes. Les populations sont en quête d’identité. Cette situation est comparable à la société post-soviétique, au lendemain de la chute de l’URSS, toujours en quête de repères ». Et déjà elle constatait, dans son livre, que : « les Américains sont perçus par la population locale comme ne faisant aucun effort pour s’adapter à leur environnement. Ils ne s’intéressent ni à leur coutumes, ni à leur religion. Il y a un véritable fossé culturel entre les habitants et les Américains. Les Afghans et les Irakiens sont loin d’approuver la présence américaine ».

Pour revenir à l’histoire d’Ali, Anne Nivat précise qu’il a six sœurs dont seulement deux sont mariées. Son père continue d’étudier les demandes en mariage mais il se refuse de consentir à l’une d’elles aussi longtemps que l’armée américaine occupera le territoire et que les milices irakiennes s’entretueront. Le père d’Ali préfère garder ses filles à la maison et les protéger. La famille d’Ali habite une maison coquette dans un quartier dangereux.

Anne Nivat écrit : « Aujourd’hui, vendredi, c’est jour de prière. Je dois attendre en milieu d’après-midi pour me rendre à Sadr City, place forte de Moktada al-Sadr. Je compte me rendre à l’hôpital Ali Ben Ali Talib afin de rencontrer Rana, femme médecin de 26 ans, qui gagne à peine 250 $ par mois. Cela ne lui a pas pris beaucoup de temps à perdre ses illusions : « In this district, the patients don’t respect us. They don’t even bother to disarm when they come here, despite all the notices at the entrance », she says. « Sometimes doctors are directly threatened. You get used to it » (Dans ce quartier, les patients ne nous respectent plus. Ils ne se soucient même plus de déposer les armes, malgré l’avis affiché à l’entrée. Les médecins font l’objet parfois de menaces. On s’y fait).

Rana confie à Anne Nivat qu’aux personnes blessées par armes, explosions ou attaques, s’ajoutent maintenant de plus en plus les femmes qui se suicident en s’immolant par le feu. Ces femmes, nouvellement mariées, n’ont plus la force de s’occuper dignement de leur famille : « Besides those wounded by gunshots or victims of explosions and attacks, there are more and more cases of young women who have tried to commit suicide. For the most part, they have set themselves on fire with gasoline. They are brides who, in addition to the general tension in the country, cannot cope with their new family life ».

Ce phénomène du suicide des femmes par désespoir a fait l’objet d’une étude de l’organisme allemand de défense des droits des femmes Medica Mondiale. Mais cette fois en Afghanistan. De plus en plus d’Afghanes en proie au désespoir choisissent de s’en sortir en s’immolant par le feu. Le fait que des femmes choisissent de mettre fin à leurs jours en s’immolant par le feu constitue une tournure des événements d’une grande cruauté pour ces mères de familles et épouses, privées de toute autre ressource. Le pétrole qui les aide à nourrir leur famille et à éclairer leur domicile est habituellement leur seul moyen d’évasion.

Pour terminer sur une note d’espoir, la Presse canadienne relatait tout récemment l’histoire, plus heureuse, si tant est que le bonheur est le moindrement présent dans une guerre, d’Ali Moshen, 24 ans. Ali « fréquente » Samar par téléphone interposé depuis 2004 mais n’a jamais eu de vrai rendez-vous avec elle. Les parents de la jeune fille refusent de la laisser sortir seule. « Avant, je la voyais souvent de loin, quand elle venait voir son oncle, notre voisin, mais il a déménagé », explique-t-il. « Alors maintenant, nous convenons d’une heure à laquelle je passe devant chez elle, et je la regarde à sa fenêtre ». Les jeunes femmes n’osent plus sortir seules, même dans la journée. Les lycéennes et les étudiantes se déplacent en groupe et se font conduire en cours par des taxis de confiance ou des proches. Les amoureux craignent aussi les fondamentalistes religieux. Dans ce contexte, comme l’indique la Presse canadienne, les téléphones portables, introduits après la chute de Saddam Hussein, sont devenus indispensables pour flirter à Bagdad, échanger de tendres messages et garder le contact. Internet, désormais très répandu, est également apprécié des jeunes Irakiens pour rencontrer l’âme sœur.

Bernard Fontenelle écrivait : « Le grand obstacle au bonheur, c’est de s’attendre à un trop grand bonheur » (Du bonheur).

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Comment vont-ils ? Mais qui donc ?

«Cécilia a fait un travail tout à fait remarquable », a déclaré le président de la République. « Ça a été très difficile », a seulement confié à France 2, à l’aéroport de Sofia, Cécilia Sarkozy, qui a dit ne pas avoir dormi depuis 45 heures.

Le président de la République, qui s’est fortement impliqué personnellement, a également assuré avoir « travaillé la main dans la main » aussi bien avec les dirigeants européens qu’avec le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner ou le Premier ministre François Fillon. « Ce n’est pas une nouvelle forme de diplomatie, il y avait un problème à résoudre, on l’a résolu. On ne l’a pas résolu seul mais on l’a résolu, c’est la seule chose qui compte », a déclaré le président de la République française, mardi matin.

Les traits tirés - son porte-parole a souligné qu’il avait passé la nuit au téléphone - mais visiblement content, M. Sarkozy a défendu une méthode qu’il applique aujourd’hui sur la scène internationale après l’avoir mise en œuvre dans le domaine intérieur.

Le chef de l’État a estimé n’avoir fait que répondre à l’attente des Français, assurant ici comme dans d’autres domaines qu’il ne faisait que tenir ses engagements. « Qu’est-ce que nous demandent les Français? Je m’étais engagé sur la libération de ces femmes et de cet homme, nous l’avons obtenue ».

Le président de la République française, Monsieur Nicolas Sarkozy, et le président de la Commission européenne, Monsieur José Manuel Barroso, se félicitent de l’accord qui a enfin permis cette libération (…) ainsi que de la mise en place d’un dispositif amélioré pour assurer les soins délivrés aux enfants victimes du sida en Libye.

Le Premier ministre français François Fillon s’est félicité dans un communiqué de cette libération, « rendue possible par les efforts conjugués du président de la Commission européenne José Manuel Barroso et du président de la République Nicolas Sarkozy ».

Nicolas Sarkozy entame un voyage au Sénégal et au Gabon jeudi mais pourrait ajouter une étape libyenne mercredi.

Benita Ferrero-Waldner a salué les efforts communs menés par les différents États membres qui ont joué un rôle dans la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien. « Je souhaiterais dire que les présidences britannique, allemande, et maintenant la France, et naturellement la présidence portugaise (de l’UE), ont tout fait, ensemble, avec nous, pour pouvoir avoir un bon résultat », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse à l’aéroport de Sofia, ajoutant que « d’autres États membres, comme l’Italie, se sont toujours trouvés très ouverts pour essayer de trouver des solutions avec nous ». « Aujourd’hui, un nouveau chapitre s’ouvre avec la Libye », s’est réjouie la commissaire. « C’est positif pour toute l’Union européenne à laquelle la Bulgarie appartient depuis quelques mois », a déclaré Benita Ferrero-Waldner.

À propos, à travers ce concert d’éloges et de déclarations hautement politiques, comment vont les cinq infirmières et le médecin palestinien ? Ils ont été graciés à leur arrivée à Sofia par le président bulgare Georgi Parvanov. Ils ont attendu 8 ans ce prix de la liberté. Ils peuvent bien attendre quelques heures supplémentaires avant que quelqu’un ne pose la question : « comment vont-ils ? »

(Sources : AFP, Le Monde, Libération, Reuter, Presse Canadienne)

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lundi 23 juillet 2007

« Où est le président Lula qui aime tant faire des discours? »

Pour beaucoup de citoyennes et de citoyens, Luiz Lula da Silva est une icône. Son cheminement suscite étonnement et émerveillement. Avec son épaisse barbe noire et ses cheveux toujours en bataille, ses brefs séjours en prison, son passage à la présidence du syndicat de la métallurgie, ses talents de tribun, Lula est symbole de réussite pour un enfant de la dèche. L’homme de la base, ce géant du Brésil, vient de décevoir amèrement son peuple. Dans la tragédie, il s’est fait absent. A-t-il oublié qui il était avant 2002 ?

Luiz Lula da Silva appartient à une famille de sept enfants. Il est né en 1945. Pour fuir la misère, son père quitte seul le village du Nordeste et se fait embaucher comme docker dans le grand port de Santos, à 40 km de Sao Paulo. Lorsque Lula a sept ans, sa mère décide de rejoindre son mari avec ses sept enfants, qu’elle a élevés pratiquement seule. Sauf que le père a fondé un autre foyer. La mère n’a d’autre choix que de mettre à contribution tous les enfants pour survivre dans la grande ville. Le petit Lula quitte l’école à 10 ans pour des petits boulots dans la rue (cireur de chaussures, vendeur de cacahuètes). À 14 ans, il devient tourneur dans une usine automobile de Sao Bernardo do Campo, puis ouvrier métallurgiste.

En 1975, il s’élève à la présidence du syndicat de la métallurgie et devient une figure du syndicalisme brésilien. En 1980, il fonde le Partido dos Trabalhadores (Parti des travailleurs), d’inspiration trotskiste, à une époque où le général Joao Figueiredo prépare lentement le pays au retour de la démocratie. En 1982, il est une première fois candidat au poste de gouverneur de l’État de Sao Paulo et, en 1986, il entre enfin au Congrès à tire de député. En décembre 1989, se déroulent les premières élections démocratiques depuis trente ans. Lula se présente, dans le cadre des premières élections démocratiques depuis trente ans, au poste de président de la république. Il perd face à Fernando Collor de Mello. En 1998, Lula se présente une troisième fois à la présidence mais il est battu dès le premier tour. Ce n’est que le 27 octobre 2002 que Lula est enfin élu président du Brésil.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Lula n’est plus Lula.

Mardi 17 avril 2007. Un Airbus A-320 de la compagnie brésilienne TAM s’écrase sur l’un de ses entrepôts en plein cœur de Sao Paulo. Cent quatre-vingt-une des 186 victimes du crash meurent carbonisées par l’incendie déclenché par le choc. Le ministère brésilien de la Justice, Tarso Genro, ordonne immédiatement l’ouverture d’une enquête pour déterminer si la piste principale d’atterrissage de l’aéroport de Congonhas respectait les normes de sécurité. C’est la pire tragédie aérienne survenue au Brésil. Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, exprime, par voie de communiqué, sa « consternation », décrète un deuil de trois jours et demande au commandant de l’armée de l’air, Junito Saito, de se rendre sur les lieux. Le président ne juge pas utile de s’y rendre lui-même, contrairement à son rival politique de longue date, le gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, Jose Serra, qui est venu réconforter les familles des victimes. Une absence remarquée et dénoncée par les journaux et les Brésiliens. Comme le disait Winston Churchill : la responsabilité est le prix de la grandeur.

Les premières spéculations semblent montrer, selon de nombreux responsables et experts de l’aéronautique, que la piste de l’aéroport Congonhas de Sao Paulo est trop courte et qu’elle était détrempée par la pluie. L’appareil aurait donc glissé avant de terminer sa course dans une station service et un entrepôt. Toutefois, une vidéo de l’atterrissage raté, diffusé aussitôt par l’autorité aéroportuaire du Brésil, Infraero, donnerait à penser que d’autres facteurs ont précipité la catastrophe. En effet, il semblerait plutôt que l’appareil de la TAM a accéléré au lieu de freiner lorsqu’il a touché le sol, peut-être parce que le pilote a tenté de redécoller. Elnio Borges, président d’une association de pilotes, réagit très mal à ces explications : « Le gouvernement tente manifestement de convaincre l’opinion publique que la piste de Congonhas n’est pas en cause. Ils vont tout faire pour accuser le pilote ». Les experts continuent de mettre en cause la sécurité de la piste principale de Congonhas : la piste de 1.900 mètres avait été rouverte au trafic aérien le 29 juin, après 45 jours de travaux de réfection, sans système de rainures permettant une meilleure évacuation de l’eau en cas de pluie. Pourtant, en février dernier, un tribunal fédéral avait brièvement interdit tout atterrissage et décollage de gros porteurs sur l’aéroport de Sao Paulo pour des raisons de sécurité. Mais cette décision allait être cassée par une cour d’appel qui l’aurait jugée trop sévère au regard de ses conséquences économiques notamment.

La presse locale n’a pas tardé à rappeler que de nombreux incidents survenus sur cette même piste avaient déjà attiré l’attention sur les risques qu’elle représentait en cas de pluie. Quatre avions ont ainsi déjà dangereusement dérapé à Congonhas depuis le mois d’octobre. Fait important à noter : l’espace aérien brésilien vivait une crise depuis quelques mois. La Force Aérienne Brésilienne (FAB) avait en effet tapé du poing sur la table en juin dernier pour mettre fin au chaos qui règnait dans le ciel du pays. Taxée de laxisme et/ou d’incompétence dans sa gestion d’une crise qui dure déjà depuis le 29 septembre 2006, date du crash du Boeing de la Gol, la FAB aavait suspendu de leurs fonctions un total de 14 sergents contrôleurs de vols, pour indiscipline. Ils étaient suspectés d’exercer une mauvaise influence, traduisez d’inciter leurs collègues à entrer en grève ou à ralentir les cadences de travail. Le contrôle aérien est entièrement militarisé au Brésil, ce qui n’est pas sans créer des tensions et des malentendus avec les principales institutions du transport civil (Aviation Civile, Infraero).

Mais voilà, qu’en parallèle avec ces querelles d’experts, s’ouvre une nouvelle polémique. Mais où est donc Lula ? Ne quittant pas ses conseillers d’une semelle et annulant ses apparitions publiques, Lula semble se terrer dans la capitale depuis la catastrophe. Un expert s’interroge : « On se demande comment l’armée de l’Air a autorisé l’avion à atterrir sur une piste mouillée et relativement courte dans ces conditions, le risque était imminent ». Est-ce la raison du silence du président Lula ?

La commentatrice politique Lucia Hippolito ne comprend tout simplement pas : « Où est le président qui aime tant faire des discours? » Le gouvernement est dans l’embarras. Lula da Silva est accusé de ne pas s’être attaqué à des problèmes de sécurité aérienne signalés depuis longtemps, comme le manque de radars, le sous-financement des systèmes de contrôle du trafic aérien, et la piste courte et glissante de l’aéroport le plus fréquenté du Brésil.

Le mercredi, la compagnie TAM annonce qu’un de ses employés est mort et que six autres ont disparu dans son entrepôt de frêt, heurté par l’avion. Jusqu’à présent 55 corps ont été retirés des décombres de l’appareil et de l’entrepôt. Douze personnes ont été hospitalisées. Le gouverneur de l’État de Sao Paulo, José Serra, confirme pour sa part, à la presse, qu’il serait sans doute impossible de retrouver des survivants.

Le jeudi soir, la compagnie brésilienne TAM annonce que l’Airbus A320 volait avec l’inverseur de poussée droit débranché. L’inverseur de poussée est un dispositif permettant de freiner l’avion lors de l’atterrissage en orientant vers l’avant la poussée exercée par un moteur. Le service de presse de TAM indique que ce défaut « ne compromet pas les atterrissages ». Cette nouvelle est suivie d’une réaction inacceptable pour le peuple brésilien : l’un des plus proches collaborateurs du président, Marco Aurelio Garcia, fait un geste obscène, largement interprété comme une réaction de joie, au moment où il apprend, à la télévision, que l’un des deux inverseurs de poussée de l’avion accidenté avait été désactivé quatre jours avant la catastrophe. Ce geste, implacablement diffusé à la télévision brésilienne, a profondément choqué parce qu’il semblait traduire la satisfaction de son auteur à l’idée que l’éventuel problème technique éloigne les soupçons du gouvernement.

Garcia pousse l’audace de publier un communiqué pour dire qu’il s’était senti « affecté » par l’annonce d’un possible problème technique, non seulement parce que tant de personnes ont péri, mais parce que « de nombreux médias n’ont pas hésité à accuser le gouvernement de la tragédie de Sao Paulo quelques heures à peine après l’accident ». Le président du Parti social démocrate, Tarso Jeiressati, réagit immédiatement : « Cette attitude est inacceptable et offense tous les Brésiliens encore anéantis par la pire tragédie aérienne qu’ait jamais connue le pays ».

Ce même jour, la TAM publie un communiqué pour annoncer un bilan alourdi à 191 morts au lieu des 187 comptabilisés antérieurement. La compagnie y affirme qu’elle venait d’apprendre que le co-pilote, Maros Stepansky, se trouvait à bord en tant que membre d’équipage « en repos ». De son côté, le gouverneur de l’État de Sao Paulo, José Serra, dénonce, dans une lettre adressée au président Lula, et publiée par la presse, vendredi 20 juillet, le fait que : «il est de notoriété publique que l’aéroport est entouré de grandes avenues - les plus fréquentées de Sao Paulo - et que ses pistes ne possèdent par de zone d’échappement, ce qui augmente beaucoup le risque et la probabilité d’éventuels accidents ». Selon lui, « ce fait a été une cause évidente de stress pour les pilotes, les contrôleurs aériens et pour tout le système de sécurité ». M. Serra a souligné que le nombre de passagers à Congonhas a connu une croissance de 44,5% en trois ans pour atteindre 18 millions par an, alors que sa capacité théorique est de douze millions.

Le président Luiz Lula da Silva s’adresse finalement, le vendredi soir, 20 juillet 2007, à la nation lors d’une intervention télévisée au cours de laquelle il promet de prendre « toutes les mesures en son pouvoir pour réduire le risque de nouvelles tragédies ». Une intervention présidentielle de cinq minutes à la télévision dans laquelle Lula fait part de la tristesse de tout le pays et apporte son soutien aux familles des victimes. Il déclare notamment : « Notre système d’aviation, malgré les investissements que nous avons réalisés dans l’agrandissement et la modernisation de presque tous les aéroports brésiliens, traverse des difficultés. Son plus gros problème aujourd’hui, c’est la trop forte concentration de vols à Congonhas ». Il rend public le projet de construction d’un troisième aéroport à Sao Paulo, en plus de ceux de Congonhas et de Guarulhos (situé dans la banlieue), dont le site devrait être choisi dans les 90 jours. Des observateurs ont noté qu’il a, durant son allocution à la nation, paru rigide et dénué de charisme, contrairement à son habitude. Selon GLOBO TV, ce message de compassion arrive trop peu trop tard et les Brésiliens n’y ont guère cru.

Et dire que le mardi 17, jour même du crash de Airbus A-320 de la compagnie brésilienne TAM, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva se réjouissait que les réserves internationales du Brésil aient dépassé les 150 milliards de dollars. Il a averti que ces réserves étaient destinées à garantir la stabilité et non à être dépensées. Les réserves en devises du Brésil atteignaient, lundi, le montant record de 151,7 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 77% depuis le début de l’année. « Ce n’est pas rien » d’avoir 150 milliards de dollars de réserves, a commenté Lula devant le Conseil de développement économique et social (CDES). « Je ne peux évidemment pas les dépenser comme je le voudrais. J’ai tant d’idées sur ce qu’on pourrait faire de cet argent, mais c’est une réserve que nous allons devoir garder parce que c’est elle qui nous donnera la stabilité pour faire d’autres choses », a-t-il expliqué.

Une partie de cet argent aurait pu servir à améliorer les pistes de l’aéroport de Congonhas. Le professeur Jorge Leal, de l’École polytechnique de l’Université de Sao Paulo, interrogé par l’AFP, a critiqué la priorité accordée dans les investissements à l’agrandissement du terminal de Congonhas, qui a précédé la réfection de la piste. « On a fait passer le confort des passagers avant leur sécurité », selon lui.

« Je demande de la sérénité à tous les Brésiliens », déclarait le président dans son allocution du vendredi soir. « Nous travaillons avec rigueur et sérénité, sans précipitation » dans l’enquête sur l’accident de Sao Paulo, a assuré Luiz Inacio Lula da Silva.

Le bilan final est estimé à plus de 200 morts.

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« Où est le président Lulla qui aime tant faire des discours? »

Pour beaucoup de citoyennes et de citoyens, Luiz Lula da Silva est une icône. Son cheminement suscite étonnement et émerveillement. Avec son épaisse barbe noire et ses cheveux toujours en bataille, ses brefs séjours en prison, son passage à la présidence du syndicat de la métallurgie, ses talents de tribun, Lula est symbole de réussite pour un enfant de la dèche. L’homme de la base, ce géant du Brésil, vient de décevoir amèrement son peuple. Dans la tragédie, il s’est fait absent. A-t-il oublié qui il était avant 2002 ?

Luiz Lula da Silva appartient à une famille de sept enfants. Il est né en 1945. Pour fuir la misère, son père quitte seul le village du Nordeste et se fait embaucher comme docker dans le grand port de Santos, à 40 km de Sao Paulo. Lorsque Lula a sept ans, sa mère décide de rejoindre son mari avec ses sept enfants, qu’elle a élevés pratiquement seule. Sauf que le père a fondé un autre foyer. La mère n’a d’autre choix que de mettre à contribution tous les enfants pour survivre dans la grande ville. Le petit Lula quitte l’école à 10 ans pour des petits boulots dans la rue (cireur de chaussures, vendeur de cacahuètes). À 14 ans, il devient tourneur dans une usine automobile de Sao Bernardo do Campo, puis ouvrier métallurgiste.

En 1975, il s’élève à la présidence du syndicat de la métallurgie et devient une figure du syndicalisme brésilien. En 1980, il fonde le Partido dos Trabalhadores (Parti des travailleurs), d’inspiration trotskiste, à une époque où le général Joao Figueiredo prépare lentement le pays au retour de la démocratie. En 1982, il est une première fois candidat au poste de gouverneur de l’État de Sao Paulo et, en 1986, il entre enfin au Congrès à tire de député. En décembre 1989, se déroulent les premières élections démocratiques depuis trente ans. Lula se présente, dans le cadre des premières élections démocratiques depuis trente ans, au poste de président de la république. Il perd face à Fernando Collor de Mello. En 1998, Lula se présente une troisième fois à la présidence mais il est battu dès le premier tour. Ce n’est que le 27 octobre 2002 que Lula est enfin élu président du Brésil.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Lula n’est plus Lula.

Mardi 17 avril 2007. Un Airbus A-320 de la compagnie brésilienne TAM s’écrase sur l’un de ses entrepôts en plein cœur de Sao Paulo. Cent quatre-vingt-une des 186 victimes du crash meurent carbonisées par l’incendie déclenché par le choc. Le ministère brésilien de la Justice, Tarso Genro, ordonne immédiatement l’ouverture d’une enquête pour déterminer si la piste principale d’atterrissage de l’aéroport de Congonhas respectait les normes de sécurité. C’est la pire tragédie aérienne survenue au Brésil. Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, exprime, par voie de communiqué, sa « consternation », décrète un deuil de trois jours et demande au commandant de l’armée de l’air, Junito Saito, de se rendre sur les lieux. Le président ne juge pas utile de s’y rendre lui-même, contrairement à son rival politique de longue date, le gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, Jose Serra, qui est venu réconforter les familles des victimes. Une absence remarquée et dénoncée par les journaux et les Brésiliens. Comme le disait Winston Churchill : la responsabilité est le prix de la grandeur.

Les premières spéculations semblent montrer, selon de nombreux responsables et experts de l’aéronautique, que la piste de l’aéroport Congonhas de Sao Paulo est trop courte et qu’elle était détrempée par la pluie. L’appareil aurait donc glissé avant de terminer sa course dans une station service et un entrepôt. Toutefois, une vidéo de l’atterrissage raté, diffusé aussitôt par l’autorité aéroportuaire du Brésil, Infraero, donnerait à penser que d’autres facteurs ont précipité la catastrophe. En effet, il semblerait plutôt que l’appareil de la TAM a accéléré au lieu de freiner lorsqu’il a touché le sol, peut-être parce que le pilote a tenté de redécoller. Elnio Borges, président d’une association de pilotes, réagit très mal à ces explications : « Le gouvernement tente manifestement de convaincre l’opinion publique que la piste de Congonhas n’est pas en cause. Ils vont tout faire pour accuser le pilote ». Les experts continuent de mettre en cause la sécurité de la piste principale de Congonhas : la piste de 1.900 mètres avait été rouverte au trafic aérien le 29 juin, après 45 jours de travaux de réfection, sans système de rainures permettant une meilleure évacuation de l’eau en cas de pluie. Pourtant, en février dernier, un tribunal fédéral avait brièvement interdit tout atterrissage et décollage de gros porteurs sur l’aéroport de Sao Paulo pour des raisons de sécurité. Mais cette décision allait être cassée par une cour d’appel qui l’aurait jugée trop sévère au regard de ses conséquences économiques notamment.

La presse locale n’a pas tardé à rappeler que de nombreux incidents survenus sur cette même piste avaient déjà attiré l’attention sur les risques qu’elle représentait en cas de pluie. Quatre avions ont ainsi déjà dangereusement dérapé à Congonhas depuis le mois d’octobre. Fait important à noter : l’espace aérien brésilien vivait une crise depuis quelques mois. La Force Aérienne Brésilienne (FAB) avait en effet tapé du poing sur la table en juin dernier pour mettre fin au chaos qui règnait dans le ciel du pays. Taxée de laxisme et/ou d’incompétence dans sa gestion d’une crise qui dure déjà depuis le 29 septembre 2006, date du crash du Boeing de la Gol, la FAB aavait suspendu de leurs fonctions un total de 14 sergents contrôleurs de vols, pour indiscipline. Ils étaient suspectés d’exercer une mauvaise influence, traduisez d’inciter leurs collègues à entrer en grève ou à ralentir les cadences de travail. Le contrôle aérien est entièrement militarisé au Brésil, ce qui n’est pas sans créer des tensions et des malentendus avec les principales institutions du transport civil (Aviation Civile, Infraero).

Mais voilà, qu’en parallèle avec ces querelles d’experts, s’ouvre une nouvelle polémique. Mais où est donc Lula ? Ne quittant pas ses conseillers d’une semelle et annulant ses apparitions publiques, Lula semble se terrer dans la capitale depuis la catastrophe. Un expert s’interroge : « On se demande comment l’armée de l’Air a autorisé l’avion à atterrir sur une piste mouillée et relativement courte dans ces conditions, le risque était imminent ». Est-ce la raison du silence du président Lula ?

La commentatrice politique Lucia Hippolito ne comprend tout simplement pas : « Où est le président qui aime tant faire des discours? » Le gouvernement est dans l’embarras. Lula da Silva est accusé de ne pas s’être attaqué à des problèmes de sécurité aérienne signalés depuis longtemps, comme le manque de radars, le sous-financement des systèmes de contrôle du trafic aérien, et la piste courte et glissante de l’aéroport le plus fréquenté du Brésil.

Le mercredi, la compagnie TAM annonce qu’un de ses employés est mort et que six autres ont disparu dans son entrepôt de frêt, heurté par l’avion. Jusqu’à présent 55 corps ont été retirés des décombres de l’appareil et de l’entrepôt. Douze personnes ont été hospitalisées. Le gouverneur de l’État de Sao Paulo, José Serra, confirme pour sa part, à la presse, qu’il serait sans doute impossible de retrouver des survivants.

Le jeudi soir, la compagnie brésilienne TAM annonce que l’Airbus A320 volait avec l’inverseur de poussée droit débranché. L’inverseur de poussée est un dispositif permettant de freiner l’avion lors de l’atterrissage en orientant vers l’avant la poussée exercée par un moteur. Le service de presse de TAM indique que ce défaut « ne compromet pas les atterrissages ». Cette nouvelle est suivie d’une réaction inacceptable pour le peuple brésilien : l’un des plus proches collaborateurs du président, Marco Aurelio Garcia, fait un geste obscène, largement interprété comme une réaction de joie, au moment où il apprend, à la télévision, que l’un des deux inverseurs de poussée de l’avion accidenté avait été désactivé quatre jours avant la catastrophe. Ce geste, implacablement diffusé à la télévision brésilienne, a profondément choqué parce qu’il semblait traduire la satisfaction de son auteur à l’idée que l’éventuel problème technique éloigne les soupçons du gouvernement.

Garcia pousse l’audace de publier un communiqué pour dire qu’il s’était senti « affecté » par l’annonce d’un possible problème technique, non seulement parce que tant de personnes ont péri, mais parce que « de nombreux médias n’ont pas hésité à accuser le gouvernement de la tragédie de Sao Paulo quelques heures à peine après l’accident ». Le président du Parti social démocrate, Tarso Jeiressati, réagit immédiatement : « Cette attitude est inacceptable et offense tous les Brésiliens encore anéantis par la pire tragédie aérienne qu’ait jamais connue le pays ».

Ce même jour, la TAM publie un communiqué pour annoncer un bilan alourdi à 191 morts au lieu des 187 comptabilisés antérieurement. La compagnie y affirme qu’elle venait d’apprendre que le co-pilote, Maros Stepansky, se trouvait à bord en tant que membre d’équipage « en repos ». De son côté, le gouverneur de l’État de Sao Paulo, José Serra, dénonce, dans une lettre adressée au président Lula, et publiée par la presse, vendredi 20 juillet, le fait que : «il est de notoriété publique que l’aéroport est entouré de grandes avenues - les plus fréquentées de Sao Paulo - et que ses pistes ne possèdent par de zone d’échappement, ce qui augmente beaucoup le risque et la probabilité d’éventuels accidents ». Selon lui, « ce fait a été une cause évidente de stress pour les pilotes, les contrôleurs aériens et pour tout le système de sécurité ». M. Serra a souligné que le nombre de passagers à Congonhas a connu une croissance de 44,5% en trois ans pour atteindre 18 millions par an, alors que sa capacité théorique est de douze millions.

Le président Luiz Lula da Silva s’adresse finalement, le vendredi soir, 20 juillet 2007, à la nation lors d’une intervention télévisée au cours de laquelle il promet de prendre « toutes les mesures en son pouvoir pour réduire le risque de nouvelles tragédies ». Une intervention présidentielle de cinq minutes à la télévision dans laquelle Lula fait part de la tristesse de tout le pays et apporte son soutien aux familles des victimes. Il déclare notamment : « Notre système d’aviation, malgré les investissements que nous avons réalisés dans l’agrandissement et la modernisation de presque tous les aéroports brésiliens, traverse des difficultés. Son plus gros problème aujourd’hui, c’est la trop forte concentration de vols à Congonhas ». Il rend public le projet de construction d’un troisième aéroport à Sao Paulo, en plus de ceux de Congonhas et de Guarulhos (situé dans la banlieue), dont le site devrait être choisi dans les 90 jours. Des observateurs ont noté qu’il a, durant son allocution à la nation, paru rigide et dénué de charisme, contrairement à son habitude. Selon GLOBO TV, ce message de compassion arrive trop peu trop tard et les Brésiliens n’y ont guère cru.

Et dire que le mardi 17, jour même du crash de Airbus A-320 de la compagnie brésilienne TAM, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva se réjouissait que les réserves internationales du Brésil aient dépassé les 150 milliards de dollars. Il a averti que ces réserves étaient destinées à garantir la stabilité et non à être dépensées. Les réserves en devises du Brésil atteignaient, lundi, le montant record de 151,7 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 77% depuis le début de l’année. « Ce n’est pas rien » d’avoir 150 milliards de dollars de réserves, a commenté Lula devant le Conseil de développement économique et social (CDES). « Je ne peux évidemment pas les dépenser comme je le voudrais. J’ai tant d’idées sur ce qu’on pourrait faire de cet argent, mais c’est une réserve que nous allons devoir garder parce que c’est elle qui nous donnera la stabilité pour faire d’autres choses », a-t-il expliqué.

Une partie de cet argent aurait pu servir à améliorer les pistes de l’aéroport de Congonhas. Le professeur Jorge Leal, de l’École polytechnique de l’Université de Sao Paulo, interrogé par l’AFP, a critiqué la priorité accordée dans les investissements à l’agrandissement du terminal de Congonhas, qui a précédé la réfection de la piste. « On a fait passer le confort des passagers avant leur sécurité », selon lui.

« Je demande de la sérénité à tous les Brésiliens », déclarait le président dans son allocution du vendredi soir. « Nous travaillons avec rigueur et sérénité, sans précipitation » dans l’enquête sur l’accident de Sao Paulo, a assuré Luiz Inacio Lula da Silva.

Le bilan final est estimé à plus de 200 morts.

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