jeudi 29 novembre 2007

« Les pistolets à décharge électrique Taser X26 provoquent une douleur aigüe constituant une forme de torture » (Nations Unies)

Selon Alain Jolicoeur, président de l’Agence des services frontaliers du Canada, « aucun des membres de son personnel ne fera l’objet de mesures disciplinaires ». « La procédure a été respectée ». Rappelons les faits. , Robert Dziekanski,ouvrier du bâtiment, venait rejoindre sa mère, Zosia Cisowski, 61 ans, établie au Canada. Il prend l’avion pour la première fois de sa vie. Il ne parle pas un mot d’anglais. Il est mort après avoir reçu au moins deux décharges de Taser. Selon la police fédérale, M. Dziekanski avait dû être maîtrisé après s’être montré très agité dans la zone des arrivées de l’aéroport. La vidéo, filmée par un passager, montrant les policiers en train de l’immobiliser à terre ont choqué toute la Pologne et le Canada.

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Que fait une entreprise lorsque son produit est mis en avant-scène de l’actualité et que les médias associent à ce produit des morts accidentelles ? Elle ne rassure pas la population. Elle menace de poursuites sévères ceux ou celles qui colportent ces commentaires sans fondement. Taser International prévient le coup en se défendant agressivement contre toute poursuite. Elle attaquera, par une réplique musclée de ses avocats, toute personne qui intenterait de nouvelles attaques judiciaires ou laisserait entendre que son arme est impliquée dans un décès.

Pendant qu’au Canada, certaines voix réclament la mise en place d’un moratoire sur le Taser, le président de la compagnie, Tom Smith, déclare qu’il est prématuré d’accuser son produit « avant que l’enquête n’ait été menée à bien ». Dans un communiqué, l’entreprise déclare qu’historiquement, la science médicale et l’analyse judiciaire ont démontré que ces décès sont attribuables à d’autres facteurs et pas à la décharge électrique de faible énergie du Taser.

Ce qui n’est pas l’avis d’Amnesty International selon qui 18 personnes sont décédées au Canada et plus de 280 aux États-Unis à la suite d’incidents liés à cette arme. « Les pistolets à décharge électrique Taser X26 provoquent une douleur aigüe constituant une forme de torture », déclare le Comité des Nations unies sur la torture. Ce comité comprend les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Espagne, le Maroc, le Sénégal, l’Équateur, le Chili, la Norvège et Chypre et la déclaration survient alors que deux personnes ont récemment trouvé la mort au Canada après avoir reçu une décharge de Taser. Cette dénonciation de l’ONU n’est pas suffisante pour que le controversé pistolet soit remisé.

Alain Jolicoeur est le président de l’Agence des services frontaliers du Canada. Il s’est présenté devant les médias pour répondre aux interrogations suscitées par le décès de Robert Dziekanski. Monsieur Dziekanski est cet homme d’origine polonaise qui est mort, le 14 octobre dernier, à Vancouver, après avoir été atteint de deux décharges de pistolet à impulsions, ou « Taser », administrées par des agents de la Gendarmerie royale du Canada. « Aucun des membres de son personnel ne fera l’objet de mesures disciplinaires », a affirmé monsieur Jolicœur. « La procédure a été respectée », soutient le président.

Jacques Dupuis, ministre québécois de la Sécurité publique, a pour sa part réitéré qu’il n’était pas question que le gouvernement Charest impose un moratoire sur l’utilisation de pistolets Taser. Bien qu’il se dise préoccupé par les récents cas de morts tragiques, le ministre croit que le Taser est utile aux forces policières. Il invite d’ailleurs la population à se mettre dans la peau des policiers. Le Taser est actuellement utilisé par neuf (9) corps de police au Québec. Qui se mettra dans la peau de la mère de Robert Dziekanski, Zofia Cisowski, qui a attendu pendant huit heures son fils, perdu dans l’aéroport de Vancouver sans que personne ne lui vienne en aide ? Son fils lui reviendra dans un cercueil.

Selon Brian Myles, du quotidien “Le Devoir, un porte-parole de la police fédérale, Pierre Lemaître, avait déclaré que Dziekanski représentait une menace à la sécurité des policiers. Ceux-ci avaient bien tenté de le raisonner, en lui disant notamment de « relaxer », mais sans succès. Dziekanski avait continué de lancer des objets à travers la pièce. Les images, vues dans le monde entier, ont exposé la version de la GRC pour ce qu’elle est : un mensonge éhonté. Vingt-quatre secondes. Voilà tout le temps pris par quatre policiers de la GRC pour évaluer la « menace ».

Javier Bermudez écrit, dans le Calgary Herald : « La GRC a trahi la confiance de la population canadienne. Un homme est mort inutilement et les hommes responsables, ou leurs supérieurs, ont, peut-être intentionnellement, tenté de brouiller les pistes. On ne peut tolérer ce genre de chose dans un pays libre. Personne n’est au-dessus des lois, surtout pas ceux chargés de la faire respecter. L’idée d’officiers agissant en toute impunité est une abomination en démocratie ».

Howard Hyde est cet autre homme, qui souffrait de maladie mentale, mort dans un poste de police 30 heures après avoir reçu une décharge de Taser, à Halifax. Il avait été maîtrisé, à deux reprises, par des agents des services correctionnels, juste avant de décéder dans une prison voisine. Là aussi, faut-il l’imaginer, « la procédure aura été respectée ». À Chilliwack, en Colombie-Britannique, Robert Knipstrom aurait, ce samedi, agi bizarrement dans un magasin de location. Les policiers auraient alors décidé de l’intercepter à l’aide de poivre de Cayenne et de matraques, en plus du Taser. Ils disent ignorer si l’homme a été atteint par la décharge du pistolet électrique.

Le Globe and Mail rapportait, samedi, que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait, trois mois avant la mort de Robert Dziekanski, modifié ses procédures afin de permettre aux agents d’utiliser un pistolet Taser à plusieurs reprises pour contrôler un individu. Des données médicales montraient que, sans l’usage du Taser, de longues et dangereuses confrontations pouvaient survenir avec des personnes souffrant de ce qu’elle appelle le syndrome du « délire agité ». Le délire agité est, selon la GRC, un « état d’excitation psychologique et physiologique extrême, caractérisé par une agitation extrême, de l’hyperthermie, de l’hostilité, une force et une endurance exceptionnelles ».

Pour rassurer davantage, le caporal Gregg Gills, un formateur de la GRC, a déclaré au Globe and Mail que les pistolets à décharge électrique étaient « la façon la plus humaine » de contrôler des personnes qui souffrent de détresse psychologique. Mais comme le rapporte Le Devoir, le criminologue Jean-Paul Brodeur juge ces calculs fantaisistes. Le président de l’Association des chefs de police de la Colombie-Britannique, Gord Tomlinson, s’est opposé à l’adoption d’un moratoire. Il s’est dit convaincu que cette arme sauve des vies et prévient des blessures.

« Le nombre de vies présumément sauvées excède souvent de beaucoup le nombre de fois, assez peu fréquents, que les policiers utilisent annuellement leur arme à feu. On sauve des vies à partir de situations fictives inventées de toutes pièces », affirme M. Brodeur, professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Le gouvernement fédéral a demandé à la Commission des plaintes du public contre la GRC de réviser les incidents survenus au pays avant de décider des mesures à prendre. M. Brodeur accorde peu de poids aux travaux de cette Commission qui a été édentée sous l’administration Zaccardelli.

Les pistolets Taser font l’objet de plusieurs études et révisions de procédure au Canada depuis la mort de M. Dziekanski. Le comité permanent de la sécurité publique et nationale à la Chambre des communes entreprendra sa propre enquête sur la mort de Robert Dziekanski. Cette enquête est la septième à être instituée sur cette affaire. Aucune date n’a été donnée sur le début de ses travaux.

Paul Pritchard est l’auteur de la vidéo. Il a déclaré que, malgré tout ce que peut dire la GRC, il a vu M. Dziekanski, âgé de 40 ans, recevoir une décharge de pistolet Taser très tôt le 14 octobre. Selon ce témoin exceptionnel, les scènes de cet événement « horrible, terrible et tragique » seraient aussi gravées à jamais dans sa mémoire. Il a aussi dit avoir reçu beaucoup d’appuis dans sa lutte pour ravoir son enregistrement, saisi par la GRC, et pour le diffuser publiquement. D’autres personnes l’ont toutefois critiqué parce qu’il était « gênant » pour le Canada. Il a répondu que, lui, avait été gêné et était honteux devant ce qui est arrivé.

Video de Paul Pritchard

Vidéo: