vendredi 30 novembre 2007

Nicolas Sarkozy : l'homme qui ne sera jamais mon président

L’homme, qui ne sera jamais mon président, est un homme de passion. Un homme pressé. L’homme pressé n’apaise pas. Son verbe bat au rythme de ses pas. Parfois extrême. Parfois lent. Jamais en pause. Une légère chute de l'intonation pour marquer une réflexion ? Rare.

Il a développé le sens de la formule : « Je serai le président du pouvoir d'achat! » À défaut d’approfondir les évènements, il les remplace par des formules. Le pouvoir d'achat caracole en tête des attentes des Français ? Sa réponse : « Les Français n'attendent pas que je distribue les cadeaux de Père Noël alors qu'ils savent parfaitement bien qu'il n'y a pas d'argent dans les caisses ». « La seule façon de répondre à cette question, c'est de permettre aux gens de travailler plus et de gagner plus ». Il faut lui reconnaître une maîtrise du verbe politicien. Dans le doute, il affirme : « Il faut arrêter de dire des fariboles. La hausse des prix, ce n'est pas un sentiment. C'est une réalité. Aussi, j'annonce la création d'un indice du pouvoir d'achat qui corresponde enfin à la vie quotidienne des Français ».

Sur les allégements fiscaux votés l'été dernier, le président affirme. A-t-il besoin de démontrer ? Non. Seule sa parole est concluante : « les allégements profiteront aux salariés les plus modestes ». La chose est entendue. Il sait, lui, le président, qu’il ne peut contrôler les fluctuations de l’opinion publique : deux Français sur trois estiment que leur pouvoir d'achat a diminué. Pour enrayer la hausse des prix de l'alimentation ? Le président promet : « une grande discussion avec la grande distribution ». L’homme pressé qu’est le président est-il pris au piège de sa propre vélocité lorsqu’il constate que la population ne semble guère disposée à attendre et demande aussi des résultats rapides ?

L’opposition élève le ton ? « La démagogie doit avoir des limites! ». Point. Le PS est accusé de « prévoir un paquet de dépenses » sans recettes. Au verbe s’ajoute le coup de griffe : « François Hollande dit ne pas « aimer les riches ». « Il ne doit pas s'aimer lui-même... ». Les commentaires de la présidence exigent-ils une certaine délicatesse lorsqu’il s’agit des personnes ? Tel le chat, il peut se faire câlin mais il n’hésite surtout pas à griffer quiconque le menace ou l’a menacé dans le passé. S'agissant de son prédécesseur : « Il est présumé innocent comme n'importe quel justiciable. Je n'ai pas de commentaire à faire, mais c'est toujours dommage que la justice vienne si tard ». Commentaire dans un non-commentaire.

Les violences urbaines ? Le président s’est absenté trois jours et le Premier ministre n’a pas su contrôler la situation. Donc, acte. Sujet de prédilection du président. La loi et l’ordre. « La République ne cédera pas un pouce de terrain ». Et la République c’est le président. Et non l’inverse. « On est passé à deux doigts du drame », a-t-il déclaré, dans un discours, devant près de 2.000 policiers et gendarmes sur les questions de sécurité. Pourquoi donc ? « Un policier blessé a 18 plombs dans le corps et un autre en avait un logé dans la pommette et celui-ci m'a dit qu'il avait le tireur dans son viseur. Il aurait pu tirer ». Et la mort des deux adolescents ? « Ce n'est pas quelque chose que l'on peut tolérer, quel que soit par ailleurs le drame de la mort de ces deux jeunes en moto ».

Les violences urbaines ? Le président évite les réalités – indélicates – qui pourraient porter ombrage à l’image de l’homme pressé de résultats. La ville du Val d'Oise, c’est : « un chômage qui concerne plus de 20% de la population, des moyens de transport pour relier le centre ville rares et dégradés, et une population constituée à 60 % de jeunes de moins de 25 ans ». Le président feint d’ignorer ce qu’en pense la presse étrangère, comme cette vidéo du quotidien britannique The Guardian. Le président affirme – sans y mettre les dentelles – que : « Ce qui s'est passé à Villiers-le-Bel n'a rien à voir avec une crise sociale, ça a tout à voir avec la voyoucratie ».

La violence dans les banlieues ? Elle ne relève pas, selon le président, d'une « crise sociale » mais d'une forme de « voyoucratie », répète-t-il à l’envi. Formule, quand tu nous tiens ! L’homme pressé, qu’est le président, se fait-il apaisant ? « La réponse aux émeutes, ce n'est pas plus d'argent encore sur le dos du contribuable. La réponse aux émeutes, c'est l'arrestation des émeutiers ». Et encore. « Je réfute toute forme d'angélisme qui vise à trouver en chaque délinquant une victime de la société, en chaque émeute un problème social », martèle-t-il dans son plus pur style. « Si nous laissons un petit voyou devenir un héros dans sa cité (...) c'est une insulte à la République et à votre travail ». Ce qu'il faut combattre, c'est « l'économie souterraine », notamment le trafic de drogue, qui aboutit à « la ghettoïsation de zones et à la prise d'otage de populations entières qui sont les premières victimes de ces voyous ».

Les violences urbaines ? Le résultat « des voyous déstructurés, prêts à tout ». La violence policière ? « Quand on veut expliquer l'inexplicable, c'est qu'on s'apprête à excuser l'inexcusable ». Mais encore ? « Il y a le malaise social, il y a une immigration qui pendant des années n'a pas été maîtrisée, des ghettos qui ont été créés des personnes qui se sont pas intégrées ». Le président l’exige. Il prend la parole mais la cède peu. Aucune dentelle n’est permise dans les circonstances : « Ceux qui prennent la responsabilité de tirer sur les fonctionnaires se retrouveront devant la cour d’assises. Cela porte un nom : c’est une tentative d’assassinat ». Président et juge. L’homme des résultats : c’est le président qui « annonce l’ouverture d’une information judiciaire » aux deux familles éprouvées par la mort de leur fils. Il a annoncé également la désignation prochaine d'un juge d'instruction pour faire la lumière sur les émeutes dans la banlieue parisienne. L’homme précède les enquêtes. Il s’estime, en sa qualité de chef de l’État, au-dessus des processus lents et improductifs de l’appareil judiciaire. Le président veillera même que les sanctions soient à la hauteur de la gravité de ce que ces « voyous » ont fait.

Et le plan pour les banlieues : « Un plan pour les banlieues sera annoncé en janvier », confirme l’homme pressé de résultats, sans qu’il ne précise que le plan, promis pendant la campagne, a été ensuite plusieurs fois reporté.

Vous était-il venu à l’esprit que le Premier ministre avait pris la parole après le tohu-bohu de la banlieue ? « Ceux qui tirent sur des policiers, ceux qui ont battu un commissaire presque à mort sont des criminels, ils doivent être traités comme des criminels », a-t-il dit, sous les applaudissements de députés - dont des élus de gauche.

« Si la vérité blesse, c'est la faute de la vérité », déclarait l'homme pressé de la République lors d'une Conférence de presse du 4 mai 2004.

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