mardi 3 juin 2008

862 millions de personnes environ souffrent de la faim et de malnutrition aujourd’hui (FAO)

Rien ne rend plus mal à l’aise des convives de savoir, qu’autour d’une grande table, se retrouvent des gens qui ne sont pas les bienvenus. L’Italie de Berlusconi est ainsi coincée. Le pays accueille le sommet mondial sur la sécurité alimentaire de la FAO, et le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, ainsi qu’une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement. Les grands de ce monde tenteront, pendant trois jours, de régler cette épineuse question de la flambée des prix des denrées alimentaires qui frappe de plein fouet les pays pauvres et qui provoque des émeutes en Afrique, dans les Caraïbes et en Asie. Lundi soir, à la veille de l’ouverture de ce sommet, avait lieu, à Rome, le traditionnel dîner de gala offert aux hôtes de marque.

Toutes et tous cependant ne peuvent revendiquer le statut d’hôtes de marque. Le président zimbabwéen Robert Mugabe est arrivé dimanche soir à Rome, même s’il est interdit de séjour dans l’Union européenne. Et s’ajoute, à la présence de Robert Mugabe, celle non moins désirable du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Dans un cas, c’est la personne qui a utilisé l’aide alimentaire à des fins politiques. Dans l’autre, c’est la personne dont le pays se trouve sur le banc des accusés pour son programme nucléaire. À tout prendre, la présence de Mugabe qui suscite les plus vives critiques.

Malgré son interdiction de séjour dans l’Union européenne, c’est grâce à une dérogation ponctuelle, comme il est dit dans la formulation diplomatique, que Robert Mugabe, 84 ans, accompagné de son épouse Grace et du ministre de l’Agriculture, Rugare Gumbo, a pu accéder au territoire italien. Il séjourne dans un hôtel chic sur la Via Veneto. Le porte-parole du Premier ministre britannique Gordon Brown regrette Mugabe ait décidé de participer à cette réunion étant donné sa contribution aux difficultés liées à la situation alimentaire au Zimbabwe. En conséquence, le ministre britannique au Développement international, Douglas Alexander, ne rencontrera « évidemment pas » Robert Mugabe. Stephen Smith, ministre australien des Affaires étrangères, accuse Mugabe d’être le « responsable de la famine dont souffre son peuple » et d’avoir ni plus ni moins « utilisé l’aide alimentaire à des fins politiques ».

Pour la vice-présidente du Sénat italien, Emma Bonino (gauche), il est clair que ce ne sont pas des représentants de la « Ligue de la démocratie » qui vont se réunir à la FAO!

« Robert Mugabe est l’artisan principal d’une réforme agricole catastrophique, violente et raciste qui a détruit la production alimentaire et affamé la population. Le Zimbabwe était autrefois le grenier de l’Afrique et exportait de la viande, notamment en Suisse », écrit Ram Etwareea, du quotidien Le Temps (Suisse). Le secteur agricole s’est effondré depuis la réforme agraire, lancée en 2000, pour redistribuer les terres à la majorité noire. Elle a conduit au départ de plus de 4.000 fermiers blancs dont les terres ont été redistribuées à des proches du régime ou à des petits paysans sans qualification. L’hyperinflation annuelle atteint près de 165.000%.

Ce n’est pas la première fois que la FAO offre une tribune au despote qui s’accroche au pouvoir. Invité à Rome dans le cadre du 60e anniversaire de la FAO en 2005, il en avait profité pour fustiger ses détracteurs. Mugabe avait alors traité le président américain, George W. Bush, et le Premier ministre britannique de l’époque, Tony Blair, de « terroristes internationaux » et les avait comparés à Hitler. « Devons nous approuver ces hommes? », avait demandé Robert Mugabe, ajoutant « les deux personnes néfastes de notre millénaire qui, à la manière de Hitler et Mussolini, ont formé une alliance impie pour attaquer des pays innocents ».

Les questions d’intendance réglées, il reste que selon la FAO, 22 pays sont particulièrement vulnérables à la crise alimentaire qui se profile « en raison de niveaux élevés de sous-alimentation chronique (plus de 30%), conjugués à une forte dépendance des importations de céréales et de produits pétroliers ». Jacques Diouf, directeur général de la FAO, est critique : « La dramatique situation alimentaire mondiale actuelle nous rappelle l’équilibre fragile entre les approvisionnements alimentaires mondiaux et les besoins des habitants de la planète, et le fait que les engagements souscrits précédemment pour accélérer les progrès vers l’éradication de la faim n’ont pas été tenus ». Jacques Diouf estime également que les politiques liées à la production et au commerce des biocarburants devraient tenir compte des impératifs de sécurité alimentaire.

Pendant que les grands de ce monde s’interrogent à Rome et explorent des pistes de solution, et quelques semaines après les violentes émeutes de la faim dans une trentaine de pays, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, annonce l’allocation de 1,2 milliard de dollars en prêts et subventions pour les pays en proie à la flambée des prix de l’alimentation et du pétrole. De son côté, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévenait, il y a quelques semaines, dans un rapport, que les prix alimentaires resteront très élevés au cours des dix ans à venir : « les projections de prix pour la période 2008-2017 indiquent une augmentation de 20 % environ pour la viande bovine et porcine, de quelque 30 % pour le sucre brut et le sucre blanc, de 40 % à 60 % pour le blé, le maïs et le lait écrémé en poudre ». Il faut également noter qu’entre 2005 et 2007, la production mondiale de céréales s’est accrue de 46 millions de tonnes (3 %), tandis que la consommation a augmenté de 80 millions (5 %). Les stocks, au plus bas, n’amortissent plus les déséquilibres.

Parmi les facteurs au renchérissement des prix, l’OCDE pointe la demande croissante de biocarburant. « La production mondiale d’éthanol carburant a triplé entre 2000 et 2007 et devrait doubler encore d’ici à 2017, pour atteindre 127 milliards de litres par an. La production de biogazole devrait passer de 11 milliards de litres par an en 2007 à environ 24 milliards de litres d’ici 2017. L’accroissement de la production de biogazole augmente la demande de céréales, de produits oléagineux et de sucre, contribuant ainsi à faire monter les prix des productions végétales ».

Selon Jacques Diouf, directeur général de la FAO, les pays riches doivent accroître de manière significative leur aide pour lutter contre la hausse des prix des produits alimentaires. Des mesures cohérentes doivent être prises de toute urgence par la communauté internationale pour réduire l’incidence de l’augmentation des prix sur les populations pauvres et qui souffrent de la faim.

Pendant ce temps-là, la consommation des huiles végétales tirées des graines oléagineuses et des palmiers à huile connaîtra une croissance plus rapide que celle des autres plantes cultivées dans les dix prochaines années. Cette augmentation est déterminée par la demande de produits alimentaires et de biocarburants.

Le Canada sera évidemment présent à Rome. Avant de quitter, le premier ministre Stephen Harper a fait adopter le projet de loi C-33 (projet de loi qui favorise l’industrie de l’éthanol-grain) qui exigera une teneur en carburant renouvelable de 5 % dans l’essence d’ici 2010 et de 2 % dans le carburant diesel et le mazout d’ici 2012. Les Néo-démocrates et le Bloc québécois ont refusé de cautionner un projet de loi qui fait la promotion de l’industrie de l’éthanol-grain en pleine crise alimentaire alors que les libéraux de Stéphane Dion l’ont appuyé.

Selon Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique du Québec, ce projet de loi, qui cautionne l’utilisation de mais et d’autres denrées alimentaires pour la production de carburant pour automobiles constitue un virage désastreux sur le plan social et environnemental, tout en ayant un impact négligeable sur la réduction des gaz à effet de serre. Un Canada qui croit au développement durable doit interdire la production d’agrocarburants. Le projet de loi C-33 ouvrirait la voie au détournement massif des champs de mais, de blé et de canola canadiens vers la production d’agrocarburants. En effet, Agriculture et Agroalimentaire Canada estime que pour atteindre l’objectif de 5 % d’éthanol dans la consommation de carburant en 2010, il faudrait environ 50% de la superficie ensemencée en mais, 12% de la superficie de blé et 8 % de la superficie de canola au Canada.

(Sources : AFP, Cyberpresse, FAO, OCDE, Presse canadienne)

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lundi 2 juin 2008

« L’un des pires désastres de notre histoire est devenu l’un des pires désastres de la présidence Bush »

Votre ami est mal conseillé. Cet ami est également votre employeur. Vous savez que son entourage favorise nettement le mensonge afin d’atteindre les objectifs que le petit groupe de l’entourage de votre ami se fixe. Un jour, vous quittez votre ami et votre patron. Pour le remercier, vous publiez une autobiographie dans laquelle vous révélez tous ces détails qui feront paraître votre ami comme un fieffé menteur. Et vous croyez ainsi rendre service à celui qui vous a offert un emploi pendant trois ans.

Scott McClellan, 40 ans, est resté sept ans aux cotés de George Bush, d’abord lorsque ce dernier était gouverneur du Texas, puis à Washington, de juillet 2001 à avril 2006, où il a eu pour mission d’être le porte-voix des faits et gestes du président. Il vient de publier un pavé de 341 pages : What Happened : Inside the Bush White House and Washington’s Culture of Deception (Ce qu’il s’est passé : Au cœur de la Maison blanche de Bush et de la culture de la tromperie à Washington). Ce livre, dont des extraits ont déjà été publiés, sera mis en vente ce lundi, premier juin. Selon l’ami et conseiller du président américain, Georges W. Bush a géré la Maison Blanche comme on gère une campagne électorale au lieu d’assurer un arbitrage salutaire aux diverses tendances contradictoires de son entourage.

Après Paul O’Neill, ancien secrétaire au Trésor, en 2004, après Richard Clarke, ancien conseiller de l’administration sur les questions de contreterrorisme, après George Telnet, ancien directeur de la CIA, après Matthew Dowd, ancien stratège en 2004, un autre ami qui vous veut du bien, Scott McClellan, celui-là même qui a tenu, pendant trois ans, les briefings quotidiens de la Maison Blanche, sort la grande artillerie pour mieux cibler son ancien patron. Mais il rassure le lecteur : « J’aime et admire toujours le président Bush mais ses conseillers et lui ont confondu une campagne de propagande avec le haut niveau de franchise et d’honnêteté fondamentalement nécessaire pour bâtir et préserver un soutien de l’opinion publique en temps de guerre ».

McClellan reconnaît donc qu’il voue une admiration pour ce président qu’il a rejoint en 1999 au Texas. George W. Bush est vu comme un homme intelligent, charmeur et politiquement habile mais qui ne veut pas reconnaître ses erreurs et « se convainc à croire ce qui l’arrange sur le moment ». En même temps, l’ami qui vous veut du bien glisse, au passage, que Georges W. Bush aurait déjà sniffé de la cocaïne, citant ces propos ambigus, tenus en privé en 2000 : « Je ne me souviens pas en avoir consommé ou non : nous avons eu quelques soirées folles à cette époque ». Éberlué, McClellan s’interroge : « Comment quelqu’un peut-il oublier s’il a consommé ou non une substance illégale comme la cocaïne? Cela ne tenait pas debout ».

Au-delà du potin mondain, McClellan aura été porte-parole du président pendant les évènements du 11 septembre 2001, puis lors des guerres en Afghanistan et en Irak. Sans gêne aucune, McClellan affirme maintenant que le public a été très mal informé mais que lui-même était sincère à l’époque. Rien de surprenant donc d’apprendre que, selon McClellan, George W. Bush a orchestré une campagne de propagande destinée « à manipuler les sources de l’opinion publique » pour pouvoir vendre au peuple américain la guerre en Iraq. Et c’est ce même McClellan qui, à quelques mois de sa démission, en 2006, soutenait âprement la justesse de la décision du président d’entrer en guerre contre Saddam Hussein. « L’un des pires désastres de notre histoire est devenu l’un des pires désastres de la présidence Bush », écrit Scott McClellan.

Et de cette période, McClellan tire également à boulets rouges sur le rôle des médias américains. McClellan qualifie les médias US de « complices actifs » de « la campagne savamment orchestrée pour fabriquer et manipuler le consentement des sources d’information du public ». Selon l’auteur, « les médias nationaux ont probablement été trop respectueux envers la Maison-Blanche et l’administration concernant la plus importante décision de la nation durant les années où j’étais à Washington : la décision d’aller à la guerre en Irak », écrit-il. « L’effondrement des justifications fournies par l’administration pour la guerre, qui est devenu évident quelques mois après notre invasion, n’aurait jamais dû nous surprendre de la sorte… Dans cette situation les “médias libéraux” n’ont pas été à la hauteur de leur réputation. S’ils l’avaient été, le pays aurait été mieux servi ».

En 2006, Scott McClellan avait quitté la Maison Blanche par suite du scandale Valerie Plame qui avait fortement entamé le crédit de la Maison Blanche. Épouse de l’ancien ambassadeur Joseph Wilson qui avait accusé l’administration américaine d’avoir menti sur les prétendues armes de destruction massive de Saddam Hussein, madame Valerie Plame avait été l’objet d’une fuite dans la presse sur son rôle d’agent secret au sein de la CIA. Lewis Scooter Libby, ancien directeur de cabinet du vice-président américain Dick Cheney, avait été condamné à 30 mois de prison pour parjure, mensonge et obstruction à la justice dans le cadre de cette affaire.

Dans son livre, McClellan tire aussi à boulets rouges contre l’ancien stratège et conseiller de M. Bush, Karl Rove, et Lewis “Scooter” Libby. Il les accuse de l’avoir dupé à propos de leurs rôles dans le scandale de la divulgation de l’identité de l’ex-agent de la CIA. Selon Rove et Libby, McClellan n’assistait pas aux réunions-clés où était élaborée la politique américaine. Pour l’ancien conseiller en chef et stratège politique, ciblé par McClellan, Karl Rove, « cela ne ressemble pas à Scott, vraiment pas. Pas au Scott McClellan que je connais depuis longtemps. On dirait plutôt un blogueur de gauche ». Karl Rove suggère-t-il que quelqu’un d’autre aurait pu écrire ce livre? Voix discordante au chapitre des dénonciations contre l’auteur : la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s’est déclarée en complet accord avec les critiques de McClellan.

Ce que confirme au fond McClellan est le fonctionnement en bulle étanche de l’administration de Georges W. Bush à la Maison Blanche. Déconnectée totalement de la réalité. Et ce que dit McClellan aux yeux de l’histoire n’est pas faux : « Personne ne peut savoir avec certitude comment sera jugée cette guerre dans des décennies, quand nous pourrons vraiment comprendre son impact. Ce que je sais, c’est que la guerre doit être engagée seulement quand elle est nécessaire et que celle d’Irak ne l’était pas ». Mais cela ne plaît pas à tout le monde. « La décision de McClellan de publier ses mémoires n’est pas professionnelle », a critiqué Frances Frago Townsend, ancienne conseillère de M. Bush pour la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste.

Pourquoi donc McClellan s’est-il livré à un striptease aussi progressif? L’auteur du pavé soutient que Georges W. est un homme qui n’a pas le sens de la réalité et qui refuse de reconnaître ses erreurs. Des critiques qui ont suscité un tollé parmi les fidèles du président. L’actuelle porte-parole de la Maison Blanche, Dana Perino, a indiqué que M. Bush était « étonné » et « déçu » par le contenu du livre : « Scott, nous le savons, est mécontent de son expérience à la Maison blanche. Pour ceux d’entre nous qui l’ont soutenu avant, pendant et après qu’il ait été porte-parole, la perplexité est grande. Il est triste, et cela nous l’ignorions ».

En réponse à ces critiques, McClellan répond : « C’est une bataille du pouvoir et d’influence, au lieu de délibérations conjointes et de compromis. L’administration Bush se comportait comme si elle était toujours en campagne électorale, plutôt que d’avoir un dialogue honnête avec le peuple américain ».

Déjà premier dans les ventes de livres sur Amazon en une semaine de vente, alors que le livre sort aujourd’hui dans les librairies, l’Association libérale anti guerre du Golfe 2 s’oppose, comme l’indique ActuaLitté, au versement des revenus du livre à son auteur, Scott McClellan. Après avoir passé des années à défendre l’administration Bush, et perpétuer les mensonges qui ont conduit notre pays à la guerre, Scott McClellan est sur le point de faire de l’argent avec son livre ‘je balance tout’, et va brasser des centaines de milliers voire des millions de dollars, dénonce le groupe. Pendant ce temps, nos troupes sont encore en train de mourir en Irak ». À ce sujet, le site Web MoveOn.org invite les américains à signer une pétition pour marquer davantage cette opposition au versement des droits d’auteur à l’ancien porte-parole de la Maison Blanche.

La secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, qui n’en manque pas une pour défendre la politique de son patron en Irak, n’a pas voulu commenter un livre qu’elle n’a pas lu, dit-elle. Mais, de Stockholm, elle s’est interrogée : « Si le monde entier ne croyait pas cela à l’époque, alors permettez-moi de demander pourquoi l’Irak se trouvait soumis à des sanctions parmi les plus sévères jamais imposées par la communauté internationale. On ne peut pas considérer cette époque avec le regard d’aujourd’hui et dire que nous aurions dû savoir certaines choses que nous ignorions en 2001, 2002 et 2003. Les États-Unis n’étaient pas les seuls à croire que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive ».

Pour madame Rice, à propos des erreurs commises par Washington en Irak, il est prématuré de juger l’histoire, et si certaines choses auraient pu être faites différemment, « déclarer la guerre à l’Irak en 2003 » et « libérer le peuple irakien de Saddam Hussein » n’étaient pas une erreur.

(Sources : AFP, Cyberpresse, Presse canadienne)

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vendredi 30 mai 2008

Les civils représentent 85 % des victimes des armes à dispersion et les enfants, 23 %

« Les civils ont payé cher l’absence de fiabilité et de précision des armes à dispersion larguées en masse sur de vastes zones. Leurs vies racontent l’histoire de la « souffrance inacceptable » que ces armes infligent. Il faut que ces pertes en vies humaines et notre humanité nous motivent collectivement à mettre un terme à ce schéma effroyable d’utilisation des armes à dispersion qui ont fait souffrir les populations civiles pendant des décennies. Pour bon nombre, nos efforts arrivent, hélas, trop tard », Jakob Kellenberger, Conférence diplomatique sur les armes à dispersion (armes à sous-munitions), Dublin, le 19 mai 2008.

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Selon un rapport de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat français, les armes à sous-munitions (BASM) ou armes à dispersion constituent une appellation générique désignant tout système d’armes constitué d’un contenant, ou « munition-mère » (missile, bombe, obus, roquette), destiné à emporter et disperser plusieurs munitions explosives, ou « sous-munitions », conçues pour fonctionner à l’impact. Le rapport nous indique que, depuis les années 1960, les armes à sous-munitions ont été utilisées dans une vingtaine de pays, parfois de manière circonscrite et lors de frappes ponctuelles, parfois de manière plus systématique et massive, notamment lors de la guerre du Vietnam et de la guerre du Golfe, puis, plus récemment, en Irak en 2003 et au Sud-Liban en 2006.

Entre 5 % et 30 % de ces armes n’explosent pas à l’impact au sol et menacent dès lors les populations des pays « pollués » comme le Laos, la Bosnie, l’Irak, l’Afghanistan ou le Liban. Les civils représentent 85 % des victimes d’accidents par mine ou munition explosées et les enfants 23 %, selon Handicap International.

À la Conférence diplomatique sur les armes à dispersion, qui s’est ouverte lundi 19 mai à Dublin, 111 pays ont, après 10 jours de négociations, donné leur accord à un projet de traité interdisant l’utilisation, la mise au point et le stockage des BASM dans le monde. La « Convention sur les armes à sous-munitions » prévoit, selon la version française de l’avant-projet, que chaque État signataire « s’engage à ne jamais, en aucune circonstance, employer d’armes à sous-munitions ; mettre au point, produire, acquérir de quelque autre manière, stocker, conserver ou transférer à quiconque, directement ou indirectement, des armes à sous-munitions ; assister, encourager ou inciter quiconque à s’engager dans toute activité interdite à un État partie en vertu de la présente Convention ».

Les grands absents à cette conférence? Les grands pays producteurs de ces armes, les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan et Israël. « Cela aurait été mieux s’ils avaient tous été ici mais … le monde aurait-il été meilleur si nous avions tout laissé tomber en raison de leur absence? Non », a souligné à l’AFP le ministre norvégien des Affaires étrangères, Jonas Gahr Stoere. Les États-Unis, eux, ont prévenu que l’accord de Dublin ne changerait en rien leur politique militaire. « Les États-Unis partagent les craintes d’ordre humanitaire des pays rassemblés à Dublin, mais les bombes à sous-munitions ont montré leur utilité militaire, et leur élimination des stocks américains mettrait en danger la vie de nos soldats et celles de nos partenaires », a déclaré Tom Casey, porte-parole du département d’État. Un autre porte-parole de la Maison Blanche a indiqué, par voie de communiqué, que « les États-Unis sont profondément préoccupés par l’impact humanitaire, non seulement des armes à sous-munitions, mais de tous les types de munitions utilisés en temps de guerre ». Le communiqué rappelle aussi que les États-Unis « ont dépensé plus de 1,2 milliard de dollars pour nettoyer les zones de guerres et les anciennes zones de conflits et les rendre sûres pour les civils » depuis 1993.

Le ministre irlandais des Affaires étrangères, Micheal Martin, a affirmé que la communauté internationale entendait faire pression sur ces pays pour qu’ils abandonnent progressivement ce type d’armes. Le Royaume-Uni, qui figurait jusqu’ici parmi les États qui ne faisaient rien pour interdire ces armes, a joué un rôle important dans la rédaction de l’entente. Le Premier ministre britannique Gordon Brown avait annoncé la mise hors service de ses BASM peu avant l’accord. Berlin a pris la même décision jeudi avec effet immédiat. Bernard Kouchner a salué un texte destiné « à en finir avec le drame humanitaire » des BASM et a rappelé que Paris avait annoncé vendredi le retrait immédiat de “plus de 90%” de ses stocks de BASM.

Le traité, document qui est l’aboutissement de plus d’un an de pourparlers entamés en Norvège et qui devra être formellement signé à Oslo, en décembre prochain, entrera en vigueur six mois après sa ratification par 30 pays. Dès lors, l’interdiction des BASM sera immédiate. La destruction des BASM par les pays signataires devra avoir lieu dans un délai de huit ans. Le texte a été qualifié de « fort et ambitieux » par l’Irlande, d’ « historique » par les Pays-Bas et d’ « étape importante dans le développement d’un droit humanitaire international » par l’Autriche.

Selon la Suisse, un bémol persiste toutefois puisque les pays qui ont signé la convention pourront continuer de collaborer avec des pays non-signataires, qui utilisent encore ce type d’armes. S’il n’a pas été signé par Washington, le document contient plusieurs concessions aux États-Unis. Des versions précédentes du projet prévoyaient d’interdire une telle coopération, une idée rejetée par Washington et ses alliés de l’OTAN parce qu’elle rendrait difficiles, voire impossibles, les opérations conjointes de maintien de la paix. Toujours selon la Suisse, l’accord aurait pu être plus flexible sur les délais de mise en œuvre afin de rallier les pays producteurs. Sur l’absence, notamment, des États-Unis, Thomas Nash, coordinateur de la Coalition contre les armes à sous-munitions (CMC) soutient que le message envoyé aux États-Unis est que tous les alliés militaires ont interdit ces armes.

Selon le réseau des huit associations nationales de Handicap International (Allemagne, Belgique, Canada, France, Luxembourg, Suisse, Royaume-Uni, USA), certains points du traité constituent de sérieuses déceptions, à commencer par le principe d’interopérabilité : les États signataires sont autorisés, comme le déplorait la Suisse, à participer à des actions militaires conjointes avec des États qui utiliseraient des BASM, consacrant l’influence des États-Unis sur le processus. « Une vigilance de tous les instants devra être de mise afin de s’assurer que certains États ne profitent pas des failles que présentent ce traité pour continuer à faire usage de ces armes », a déclaré Madame De Graff, directrice de Handicap International Canada.

Selon le quotidien britannique The Independent, il s’agit là d’un « pas en avant significatif » (a step forward) mais « que d’un pas en avant ». « Il ne faut pas y voir une destination finale (…) Si les plus grandes armées de la planète refusent de limiter leurs stocks, quel bien cela pourrait-il apporter? », écrit l’éditorialiste. L’accord ne sera « pas universel », souligne pour sa part le Financial Times. « Mais le nombre grandissant de gouvernements soutenant le traité suggère que les normes de la guerre changent ».

Il faut être réaliste, comme le rappelle le colonel Jean-Louis Dufour, officier de carrière dans l’Armée française, ex-attaché militaire au Liban, chef de corps du 1er Régiment d’infanterie de marine, cité par L’économiste, quotidien marocain. « Des États qui en possèdent, comme la France, ont déclaré « retirer immédiatement du service opérationnel la roquette M 26 », ce qui permet de s’en réserver l’usage en cas de besoin. D’autres États, comme la Russie ou la Chine, mais aussi le Pakistan, l’Inde, Israël, opposés à toute interdiction, ont jugé inutile de participer à la Convention. Non présents eux aussi à Dublin, les États-Unis ont menacé de ne plus prendre part à des opérations multinationales de maintien de la paix si la conférence prononce l’interdiction des sous-munitions. Le bannissement de cette arme pourrait bien seulement ajouter un chapitre au volume déjà épais des limites à l’emploi de la violence armée que les hommes s’efforcent d’appliquer à la guerre depuis deux mille ans ».

(Sources : AFP, Cyberpresse, L’Économiste, Presse canadienne, The Independant, The Financial Times)

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jeudi 29 mai 2008

Les médecins spécialistes du Québec craignent l’abolition de l’avortement au Canada

Il est rare, c’est même un événement, que la Fédération des médecins spécialistes du Québec se lance dans une polémique qui a des répercussions à travers le Canada. Cette polémique touche la décision du gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper de faire adopter un projet de loi, le projet c-484, Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels, qui aurait pour effet, notamment, d’ouvrir toute grande la porte à la remise en question du droit à l’avortement. L’Assemblée nationale du Québec à voté une motion dénonçant ce projet de loi défendu à Ottawa par le gouvernement de Stephen Harper.

Ce projet de loi est proposé par le député conservateur d’Edmonton-Sherwood Park, Ken Epp, à titre privé. Le gouvernement conservateur se défend donc d’en être l’instigateur. Ce pavé dans la mare fait craindre le pire : la remise en question de tous les acquis sur le droit à l’avortement. La Cour suprême avait, en 1988, au terme de 15 mois de délibérations, invalidé les articles du Code criminel qui interdisaient l’avortement, à quelques exceptions près. « (…) le droit à la liberté énoncé à l’article 7 garantit à chaque individu une marge d’autonomie personnelle sur ses décisions importantes touchant intimement à sa vie privée. (…) Cette décision (d’interrompre la grossesse) aura des conséquences psychologiques, économiques et sociales profondes pour la femme enceinte. (…) Ce n’est pas seulement une décision d’ordre médical ; elle est aussi profondément d’ordre social et éthique », écrivait madame la juge Bertha Wilson de la plus haute Cour du pays. Depuis, l’avortement n’est plus un crime au Canada. Un an plus tard, la Cour suprême précise ce droit : le statut juridique de « personne » n’est conféré qu’aux êtres humains « nés et vivants ». Par conséquent, le fœtus n’a pas de « droit à la vie ».

Le député Ken Epp reconnaît qu’il est lui-même opposé à l’avortement. Comme le fait depuis des semaines son gouvernement, il rassure la population que son projet de loi n’a rien à voir avec la question de l’avortement. Au premier abord, on serait tenté de croire le député. En effet, au premier chef, le projet de loi a pour objet principal de majorer les peines encourues dans les cas d’agressions physiques perpétrées contre des femmes enceintes. Ce que dit, en bref, le projet de loi est simple : toute atteinte à l’intégrité d’une femme enceinte est doublement criminalisée puisque la loi reconnaîtrait ce crime comme un acte contre deux personnes, la femme enceinte et « l’enfant pas encore né ». Le projet de loi établit comme des infractions distinctes celle perpétrée à l’encontre d’un enfant non encore né et celle à l’endroit de la mère. De plus, il exclut une défense qui invoquerait le fait que l’enfant non encore né n’est pas un être humain.

En d’autres mots, « toute personne qui cause directement ou indirectement la mort d’un enfant, pendant sa naissance ou à toute étape de son développement intra-utérin, en perpétrant ou en tentant de perpétrer une infraction à l’égard de la mère — qu’elle sait ou devrait savoir être enceinte — est coupable : a) soit d’un acte criminel et passible de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de dix ans, si elle a l’intention (mens rea) de causer : (i) soit la mort de l’enfant, (ii) soit des blessures à l’enfant ou à la mère qu’elle sait être de nature à causer la mort de l’enfant, et qu’il lui est indifférent que la mort s’ensuive ou non; b) soit d’un acte criminel et passible de l’emprisonnement à perpétuité si l’alinéa a) n’est pas applicable mais que la personne montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité de l’enfant. Précisons que ne constitue pas un moyen de défense contre une accusation fondée sur cet article le fait que l’enfant n’est pas un être humain ».

La ministre de la Condition féminine, Christine St-Pierre, la députée de l’Action démocratique du Québec, Lucie Leblanc et la députée du Parti québécois, Louise Harel, ont présenté à l’Assemblée national du Québec une motion selon laquelle ce projet de loi C-484 des conservateurs, à Ottawa, « pourrait engendrer une incertitude importante » sur le « statut » du fœtus et remettre en cause « un consensus à l’égard du droit des femmes de choisir de mener à terme ou non une grossesse ».

Adopté en deuxième lecture le 5 mars dernier, le projet de loi C-484, Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels, selon la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN), s’inscrit dans une stratégie plus large visant à criminaliser à nouveau l’avortement. Le projet de loi C-484 est le premier de trois projets de loi qui pourraient remettre en cause le libre accès des femmes à l’avortement. Le système pénal canadien considère déjà la violence conjugale et même le fait que la victime soit enceinte comme facteur aggravant lors de la détermination de la peine, ce qui ne pourrait plus être plaidé si le projet de loi est adopté. Comme l’indique la Fédération, aux États-Unis, une loi nationale sur la protection des enfants à naître a été promulguée et 38 États ont adopté des lois similaires.

Agnès Gruda, du quotidien La Presse, qui a mené une enquête sur l’adoption de ces lois aux États-Unis, donne en exemple le cas du Texas, l’un des derniers États à s’être dotés d’une telle loi, en 2004. « Dès que la loi a été promulguée, un procureur a envoyé une lettre aux cliniques médicales de son comté pour demander aux médecins de dénoncer les femmes enceintes toxicomanes, sous prétexte qu’elles fournissent de la drogue à un mineur. Une quarantaine de femmes ont été arrêtées dans la foulée de ce changement législatif ». Dans les faits, comme on le voit, ces lois sont souvent utilisées pour protéger le fœtus… contre la mère. C’est ce qui ressort d’une étude de l’organisation National Advocates for Pregnant Women (NAPW) qui dresse une sorte de palmarès de l’horreur des lois anti-foeticide. En Utah, une femme toxicomane a accouché de jumeaux, dont l’un était mort-né. Elle a été accusée d’homicide et a passé 105 jours en prison avant que l’État ne retire sa plainte. « Une fois qu’un gouvernement établit des droits spécifiques pour le fœtus, cela signifie inévitablement un recul des droits des femmes enceintes », dénonce Lynn Paltrow, directrice de la NAPW qui recense des dizaines de cas similaires.

Selon la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le projet de loi C-484 a bel et bien pour objectif de donner des droits au fœtus afin, en bout de ligne, d’abolir l’avortement au Canada. Le président de la Fédération, le docteur Gaétan Barrette, explique que, dans sa formulation, le projet de loi ouvre toute grande la porte à la reconnaissance des droits du fœtus et donc au débat sur la légalité de l’avortement. Pour son président, la Fédération devait intervenir pour protéger ses membres contre d’éventuelles poursuites, mais surtout, pour éviter un retour à l’époque des avortements illégaux dans les sous-sols et les garages avec des broches à tricoter, selon son expression.

Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec avait fustigé le chef libéral, Stéphane Dion, pour avoir laissé le projet de loi franchir l’étape de la deuxième lecture, alors que le Bloc québécois et le Parti néo-démocrate avaient voté contre. Depuis sa première intervention publique, le 15 avril dernier, le docteur Barrette dit avoir reçu de très nombreux messages incendiaires, surtout en provenance du Canada anglais, l’accusant de tous les maux et lui promettant notamment de « brûler en enfer ».

(Sources : AFP, Cyberpresse, Presse canadienne)

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mercredi 28 mai 2008

Canada - Le ministre des Affaires étrangères démissionne : il a oublié un document confidentiel

Le Canada a pris résolument le chemin qui mène vers les scandales. Le gouvernement conservateur qui se voulait au-dessus de la mêlée et qui s’est fait élire sur la base d’un engagement à gouverner avec droiture ne cesse depuis quelques mois d’être éclaboussé. La presse canadienne consacre toutes ses unes à la démission du ministre des Affaires étrangères du Canada, Maxime Bernier.

Comme tout scandale, c’est par brides successives que les révélations se font de plus en plus croustillantes. Tout commence le jour de l’assermentation du député Maxime Bernier au poste de ministre des Affaires étrangères. Il se présente au bras d’une dame qui surprend à plus d’un titre par sa beauté et sa tenue vestimentaire. Une robe si échancrée qu’elle ne laisse place à aucun doute. Les charmes sont bien en place. La presse cherche aussitôt à connaître l’identité de cette compagne. Personne n’est en mesure ou personne n’a l’autorisation de révéler l’identité de cette personne qui se présente ainsi à une cérémonie hautement protocolaire.

Nommé aux Affaires étrangères en août 2007, Maxime Bernier, 45 ans, est, depuis plusieurs semaines, l’objet de nombreuses critiques que lui adresse inlassablement l’opposition en raison de ses gaffes ainsi que de sa relation avec une femme au passé trouble dont le nom n’a été révélé que ces dernières semaines. En effet, c’est le quotidien Globe and Mail qui, au début du mois de mai, a rendu public des documents judiciaires datant de 2003 établissant que madame Julie Couillard, aperçue à ses côtés lors de sa prestation de serment, en août dernier, avait été mariée à un membre d’une bande criminelle organisée.

Mise sur pied en septembre 1995, l’escouade Carcajou était un groupe d’élite principalement composé d’enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada, de la Sûreté du Québec, du service de police de la Communauté urbaine de Montréal et de divers autres corps de police municipaux du Québec. Madame Julie Couillard, puisque c’est bien d’elle dont il s’agit, a, en 1995, été soupçonnée et fait l’objet d’une garde à vue de 18 heures en raison de ses relations et des relations de son père, Marcel Couillard, avec les milieux criminalisés. Julie Couillard, son père, son conjoint et trois autres personnes ont été arrêtées relativement à un complot pour meurtre. Aucune accusation n’a, cependant, été portée contre madame Couillard. Plus tard, le conjoint de madame Couillard, monsieur Gilles Giguère, est assassiné, en 1996, en raison des soupçons de ces mêmes groupes criminalisés qui planaient sur cet homme. Plusieurs craignaient qu’il ne soit devenu un indicateur de police. Madame Couillard a vécu avec monsieur Giguère de 1993 à 1996. Par la suite, en 1999, alors âgée de 30 ans, quitte, autre membre des groupes criminalisés, les Hells Angels Nomads. En 2001, monsieur Marcel Couillard, le père de Julie, est condamné pour avoir fait pousser de la marijuana dans une serre hydroponique créée par le conjoint de cette dernière, monsieur Stéphane Sirois. Ce dernier est par la suite devenu délateur.

Questionné une première fois, aux Communes, le ministre des Affaires extérieures, Maxime Bernier, a opposé une fin de non recevoir prétextant que cette affaire concernait sa vie privée et que les liaisons précédentes de Mme Couillard étaient du « passé ». La presse, qui a multiplié à l’encontre de madame Couillard les enquêtes, a révélé qu’en 2004, Mme Couillard avait eu une nouvelle liaison, cette fois, avec monsieur Robert Pépin, un autre individu aux relations louches avec le milieu interlope. Pépin a, la même année de sa rencontre avec madame Couillard, plaidé coupable à une accusation de recel à la suite du vol d’une cargaison de marchandises. Le couple a rompu au début de 2005.

En mai 2007, monsieur Robert Pépin s’est suicidé dans les bureaux de son entreprise. Mme Couillard avait été vice-présidente et actionnaire de l’entreprise de monsieur Pépin. L’entreprise de monsieur Pépin était, en 2007, aux prises avec des difficultés importantes à la suite du retrait d’investisseurs potentiels, avec, en plus d’importantes dettes envers divers créanciers, dont le groupe criminalisé les Hells Angels. De plus, en mai 2007, quelques jours avant sa mort, monsieur Pépin avait reçu, de l’Autorité des marchés financiers (AMF), une assignation à comparaître.

Ces dernières années, madame Couillard exploitait une entreprise spécialisée dans les systèmes de haute technologie de sécurité. Présidente, secrétaire et trésorière de cette entreprise incorporée en février 2005, Itek Solutions globales, madame Couillard s’est s’intéressée à la sécurité dans les aéroports canadiens. Le député du Parti québécois et ancien solliciteur du Québec, monsieur Serge Ménard, a jugé « invraisemblable » et inquiétant qu’une agence de sécurité, dirigée par Julie Couillard et un individu lié au monde criminel, ait tenté de s’immiscer dans la sécurité des aéroports.

Au cours de sa relation avec le ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, Mme Couillard était présente dans ses voyages à l’étranger. Elle a exigé d’être présente aux séances d’information du ministre, ce qui déplaisait par-dessus tout aux fonctionnaires du ministère. Il semblerait que le Premier ministre a dû rappeler à l’ordre Maxime Bernier : madame Couillard n’était pas sa directrice des communications et n’avait donc pas à intervenir dans la stratégie de communication avec les médias.

Face aux questions de l’opposition, le Premier ministre se cantonnait derrière une réponse laconique : « Je n’ai pas l’intention de faire un commentaire sur une ancienne blonde d’un ministre. Ce n’est pas quelque chose que je prends au sérieux ». Pour le gouvernement, malgré tout embarrassé par cette affaire, la position officielle se résumait à dire que les relations de M. Bernier avec Mme Couillard étaient une affaire privée. Maxime Bernier et Julie Couillard ont entretenu une relation au moins jusqu’au 31 mars dernier.

La carrière de monsieur Maxime Bernier au poste de ministre des Affaires étrangères du Canada n’est qu’une suite de faux pas. Le ministre avait notamment mis Ottawa dans l’embarras en suggérant publiquement au président afghan, Hamid Karzaï, de limoger le gouverneur de la province de Kandahar, dans le Sud afghan, où sont déployés 2 500 soldats canadiens. Avant sa démission, le ministre Bernier avait pris l’engagement d’utiliser les quatre nouveaux avions de transport C-17 du Canada pour assurer le transport de quatre hélicoptères de l’ONU dans la région de la Birmanie. Sauf que les appareils n’étaient pas disponibles. Le Globe and Mail expliquait que deux appareils sont en réparation (l’un à Trenton, l’autre à Bangkok), un autre est l’objet d’ajout d’équipement additionnel au Texas et le quatrième est en Afghanistan. Le gouvernement fédéral a déboursé 3,4 milliards de dollars pour l’achat et l’entretien de ces quatre C-17. Le gouvernement du Canada a dépensé environ un million de dollars pour louer un avion russe Antonov afin de remplir cet engagement du ministre des Affaires étrangères qui n’avait pas, au préalable, vérifié la disponibilité des C-17.

Pourtant, le coup de grâce qui a terrassé Maxime Bernier n’est pas venu du cumul de ses faux pas. C’est plutôt l’amoureuse éconduite, madame Julie Couillard, qui l’a asséné en révélant, au cours d’une entrevue exclusive au réseau de télévision TVA, que le ministre avait laissé un document, un soir qu’il était venu la visiter à la mi-avril, à sa résidence. Une erreur qualifiée de « très grave » par le premier ministre Stephen Harper. Madame Couillard n’a pas donné plus de précision sur la confidentialité du document.

Au cours de son entrevue, madame Couillard a fait cette révélation surprenante : « Ils [les groupes de motards] n’étaient pas des enfants de chœur, sauf qu’ils m’ont toujours bien traitée. Je me sentais beaucoup plus respectée et en sécurité avec eux que je ne me suis sentie au cours des trois dernières semaines… » Madame Couillard a révélé que Maxime Bernier était bien au fait de ses anciennes relations avec des gens reliés de près ou de loin avec des groupes de motards criminalisés. Pour madame Couillard, le ministre Bernier « lui a manqué de respect ». Et selon madame Couillard : « Il y a eu un gros manque de jugement de sa part. Il aurait dû prévenir tout ce qui se passe présentement ».

D’où, semble-t-il, cette révélation fatale des documents ultraconfidentiels oublié par le ministre à sa résidence, endroit sans surveillance et non sécurisé. Selon une source, les documents en question comportaient des notes de préparation pour le ministre en prévision d’une réunion de l’OTAN à Bucarest, où la prolongation de la mission canadienne en Afghanistan allait être discutée.

Les fréquentations du ministre des Affaires étrangères avec une personne liée au monde interlope est une affaire privée, répète invariablement le Premier ministre. Mais oublier des documents chez cette même copine est : « une erreur très grave pour n’importe quel ministre. Nous devons tout le temps accepter des responsabilités pour des documents classifiés ». M. Harper a tenu à répéter que la démission n’avait rien à voir avec la relation qu’entretenait jusqu’à tout récemment M. Bernier avec Julie Couillard.

Dans la capitale française, première étape d’une tournée de quatre pays européens visant à préparer le prochain sommet du G8, le Premier ministre Stephen Harper n’a pu éviter ce scandale qui le poursuit jusqu’en Europe. Monsieur Harper a déclaré qu’il ne jugeait pas utile de tenir une enquête approfondie sur toute cette affaire. Pour l’heure, monsieur Harper est bien loin de la tourmente qui sévit sur la colline parlementaire. En éditorial, le quotidien La Presse note que : « Le premier ministre espère peut-être que la démission de M. Bernier et son propre départ pour l’Europe mettent un terme à la controverse. Ça ne sera évidemment pas le cas. Les partis de l’opposition et les médias ne lâcheront pas cet os, et ils auront parfaitement raison. M. Harper, qui connaît bien l’histoire, devrait savoir que les gouvernements qui cherchent à camoufler la vérité se font toujours bien plus de tort que s’ils l’avaient révélée dès le départ ».

(Sources : Canoë, Cyberpresse, Presse canadienne)

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mardi 27 mai 2008

« Il n’est pas américain de traiter des questions importantes en période électorale »

Une campagne aussi longue, trop longue même, laisse des séquelles. La campagne présidentielle américaine sert-elle vraiment les intérêts de la démocratie? Elle est l’exemple de tous les dérapages possibles, de toutes les tractations les plus indésirables qui se puissent imaginer, d’un marchandage et d’un financement qui occultent les intérêts supérieurs de la Nation.

M. George S. Kasolias, journaliste et professeur de journalisme à l’université américaine de Paris, expliquait le fonctionnement de la campagne présidentielle par vidéo conférence au siège de l’ambassade des USA à Alger au profit des journalistes algériens et des parlementaires. Interrogé sur le rôle des lobbys dans les élections américaines, le conférencier a, selon le quotidien Le Maghreb, affirmé que ces derniers, notamment pétroliers et israéliens ont une grande influence sur les candidats au point de les pousser à défendre leurs intérêts, notant que ces lobbys détiennent leur influence par le biais du financement. Toutefois, il a expliqué que le journaliste américain peut enquêter sur le financement d’un candidat. S’agissant de la politique étrangère des USA, il a indiqué que pour ce qui est d’Israël, l’Amérique est prête à protéger Israël en cas de danger extérieur.

L’hebdomadaire The Boston Phoenix (culture et société) s’est interrogé sur le fait qu’une élection présidentielle américaine ne s’intéresse jamais aux sujets politiques importants. Cette élection, comme tant d’autres auparavant, depuis l’avènement de la télévision, est devenue un spectacle populaire. « It’s rather un-American to have an election that focuses on the « big issues ». « Il n’est pas américain de traiter des questions importantes en période électorale ». Rien de moins.

M. Raymond Chrétien, ancien ambassadeur du Canada aux États-Unis, était l’invité de la Fondation du Barreau du Québec. Selon monsieur Chrétien, une victoire d’Obama ne se traduirait pas nécessairement par un changement fondamental à la Maison-Blanche : « Bien sûr, dès les premiers jours de sa présidence, il voudra envoyer des messages symboliques au reste de la planète. Il pourrait décider, par exemple, de fermer Guantanamo. Par contre, il se retrouvera avec les mêmes problèmes quasi-insolubles de son prédécesseur…il ne faudrait pas être déçu ! Prenons l’exemple de l’Irak. S’il décide de retirer les troupes américaines, le chaos, à tout le moins dans les premiers mois, s’installera et on le lui reprochera. S’il décide de rester en Irak, on lui reprochera de ne pas respecter sa promesse ». Sur la question d’un règlement au Proche-Orient, monsieur Chrétien est pessimiste : « Je ne crois pas que Georges W Bush puisse réussir un quelconque rapprochement entre Israël et la Palestine d’ici la fin de son mandat. Il s’agira d’un défi de taille pour son successeur tout comme la réhabilitation de la réputation des États-Unis dans le monde ».

Il y a un vieil adage qui veut que la bourse américaine baisse rarement en temps d’élection, comme le rapporte Le Figaro. « Les performances des actions sont ainsi bien meilleures durant les années qui précédent l’élection que durant celles qui la suivent. Il est ainsi très rare que la bourse perde du terrain au cours d’une année d’élection présidentielle ». Selon Arthur Merrill, dans son livre publié « Behavior of prices on Wall Street », publié en 1983, Wall Street est généralement plus favorisé par une administration démocrate que républicaine. Le Dow Jones a en effet gagné plus de terrain au cours du dernier siècle sous présidence démocrate que sous l’ère républicaine.

Le règne républicain à la Maison Blanche s’est révélé une catastrophe.

Au cours de cette campagne, à quelques mois de son dénouement, quelques grands observateurs, économistes et autres, s’avancent en avant-scène de l’actualité pour rappeler les dures réalités que vit l’Amérique. Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie américain, ex-conseiller économique de Bill Clinton, est de ceux-là. « Le Président Georges W. Bush a essayé de persuader les Américains qu’on pouvait faire la guerre gratuitement. Il l’a financée différemment de tous les autres conflits : non pas par l’impôt - un sacrifice partagé - mais par des emprunts financiers. Cette guerre a été mise sur le compte de cartes de crédit. Les générations futures devront payer pour ça », déclarait-il à Faustine Vincent, de 20minutes. Son jugement est sans appel : « Le Président a agi de façon très irresponsable. C’est le président qui a le plus divisé la population. […] La guerre a contribué à la flambée du prix du pétrole et n’a pas stimulé l’économie, qui s’est retrouvée affaiblie ».

L’Américain Warren Buffet, l’un des hommes les plus riches au monde grâce à son sens aigu des affaires et des investissements dont la fortune est évaluée à 62 milliards de dollars, a souligné, dans un entretien au journal El Pais paru dimanche 25 mai, que, dans la campagne présidentielle américaine, il appuie « à 100% le candidat démocrate », que ce soit Barak Obama ou Hillary Clinton. Toutefois, à Frankfort, monsieur Buffet a précisé son choix : « I will be very happy if he is elected president. He is my choice ». Le choix du milliardaire se portait bien évidemment sur Barack Obama. Cité par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, Warren Buffet a dit croire que l’économie américaine est déjà tombée en récession et qu’elle sera « plus profonde et longue que plusieurs le pensent ».

Julius Grey est un grand plaideur au Québec et au Canada. Il s’est fait connaître dans des causes touchant la défense des droits fondamentaux. Il signe également une chronique dans le Journal de Montréal. Il écrit : « Les États-Unis ont été un pays de paradoxes. Berceau de liberté et des droits de l’homme, c’était aussi le pays de l’esclavage et de la ségrégation. Les immigrants pauvres y ont trouvé l’égalité, impensable en Europe ». Monsieur Grey observe également que : « un élément dans l’histoire des États-Unis est souvent oublié par ses critiques: chaque fois que ce pays semblait avoir perdu l’élan démocratique de ses fondateurs, il a su se redresser. Il a aboli l’esclavage et la ségrégation. Il a élu Franklin Roosevelt pour sortir de la récession et combattre le fascisme quand beaucoup de pays ont choisi une droite populiste ».

Monsieur Grey explique son choix relativement aux candidats américains : « John McCain représente une droite militariste et bornée. Les Clinton, quoique préférables à McCain, ont déjà raté leur chance. Attachés aux groupes de pression, ils sont incapables de rompre avec la torpeur. […] Seul Obama fait miroiter la possibilité d’une nouvelle Amérique. Une Amérique où les races se fondent, où l’égalité redevient un but réel, où la politique étrangère vise la paix et où l’on dénonce la brutalité et la dureté des dernières années ».

Pourquoi vivre simplement lorsqu’il est possible de tout compliquer? « Nous n’avons que 163 jours pour gagner l’élection - ne gaspillons aucun jour », vient de déclarer Bob Barr, un ancien membre républicain du Congrès. Il ne parlait pas au nom du candidat républicain John McCain mais bien en son nom propre. M. Barr a quitté le parti Républicain en 2006. Élu membre de la Chambre des représentants en 1994, monsieur Barr a représenté un district conservateur en Georgie pendant quatre mandats. Bob Barr est le nouveau candidat présidentiel du parti Libertaire.

Monsieur Barr propose un retrait des États-Unis de l’Irak, affirmant que la guerre en Irak avait engendré « des coûts énormes et des bénéfices, tout au plus, spéculatifs ». Il s’est maintes fois opposé verbalement au président George W. Bush sur le Patriot Act et sur la guerre en Irak.

Comme le disait Jean Mistler : « La majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections » (Bon Poids).

(Sources : AFP, Boston Phoenix, Cyberpresse, Der Spiegel, Le Figaro, Le Maghreb, Le Nouvel Observateur, Libération, Presse canadienne, 20minutes)

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lundi 26 mai 2008

Dans l’affaire d’Omar Khadr, la Cour suprême reproche au Canada d’avoir failli à ses obligations

Je voudrais revenir sur un sujet qui a abondamment été traité sur ce blogue. L’affaire Omar Khadr. Le cas de cet enfant soldat, lâchement abandonné par le Canada, le seul occidental détenu à Guantanamo, emprisonné depuis l’âge de 15 ans, Omar Khadr, ne fait aucun doute. Soupçonné d’être un membre d’Al-Qaïda et accusé d’avoir tué un soldat américain en lançant une grenade lors de son arrestation, Omar Khadr a été inculpé de meurtre, tentative de meurtre, complot, soutien au terrorisme et espionnage. Et le comportement du Canada, aligné sur le déni des droits voulu et mis en place par Georges W. Bush, est apparu clairement lorsque les autorités américaines ont rejeté la demande de Robert Badinter qui s’est proposé pour assister au procès du jeune Khadr à Guantanamo.

La lâcheté du gouvernement du Canada vient d’être sanctionnée par une décision unanime de la Cour suprême. Si cette dernière ne se prononce pas sur la légitimité de la procédure judiciaire à Guantanamo, elle rappelle toutefois que la Cour suprême des États-Unis a elle-même jugé cette procédure contraire aux conventions internationales sur les droits de la personne, dont le Canada est signataire. L’enjeu est de taille : Omar Khadr pourrait être condamné à la prison à vie s’il était reconnu coupable des accusations auxquelles il fait face. Il est considéré par les États-Unis comme un ennemi combattant.

Il est important de préciser que cette lâcheté n’est pas le fait exclusif du gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper. Les libéraux de Stéphane Dion, avant l’arrivée au pouvoir de Stephen Harper, n’ont pas démontré plus de courage. Les libéraux Bill Graham et Pierre Pettigrew, ministre des Affaires étrangères pendant cette période, ont gardé le même silence à l’égard de cette affaire qui leur apparaissait embarrassante.

Le parti conservateur se fait fort de rappeler, à Stéphane Dion, les déclarations du porte-parole officiel des affaires consulaires de son groupe parlementaire, Dan McTeague : « Les accusations portées contre M. Khadr après près de quatre années d’incarcération à Guantanamo Bay sont considérables. Bien sûr, nous avons la responsabilité de veiller à qu’il ne fasse l’objet d’aucun mauvais traitement » (Émission Mike Duffy Live, réseau CTV Newsnet, 8 novembre 2005). C’est sous le règne du gouvernement libéral que des documents compromettants ont été transmis aux États-Unis pour appuyer leurs démarches.

Dans une décision unanime, les juges du plus haut tribunal au pays écrivent : « En mettant à la disposition des autorités américaines le fruit de ses entretiens avec M. Khadr, le Canada a participé à une procédure contraire à ses obligations internationales en matière de droits de la personne ». Entre 2002 et 2004, des responsables du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) ont interrogé Omar Khadr puis relayé l’information aux autorités américaines. Après avoir reçu ces informations, les Américains ont porté des accusations contre Omar Khadr. Les avocats d’Omar Khadr réclamaient communication de ces documents qui avaient été remis à Washington. Face à cette situation, particulièrement odieuse, la Cour suprême s’est dite en mesure, encore une fois, dans une décision unanime, de : « conclure que les règles relatives à la détention et à la tenue d’un procès qui s’appliquaient à M. Khadr lorsque le SCRS l’a interrogé constituaient une atteinte manifeste aux droits fondamentaux de la personne reconnus en droit international ».

Dans son jugement, le tribunal s’appuie sur des décisions rendues par la Cour suprême des États-Unis qui s’est penchée sur les conditions de détention et de mise en accusation « qui avaient cours à Guantanamo lorsque les responsables canadiens ont interrogé M. Khadr puis relayé l’information aux autorités américaines, entre 2002 et 2004 ». La Cour américaine avait conclu à l’illégalité de la détention et à la contravention des Conventions de Genève, qui encadrent les droits des individus en cas de conflit armé.

Si un Canadien en mission à l’étranger accepte les lois du pays d’accueil, il n’a donc pas à les accepter lorsqu’il s’agit de participer à une procédure contraire aux obligations internationales du Canada en matière des droits de la personne.

Les juges considèrent que ces documents, transmis par le Canada aux autorités américaines, doivent être divulgués. Les juges ordonnent en conséquence au gouvernement canadien, de même qu’au Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) et à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de divulguer des documents réclamés par les avocats de Khadr afin de préparer sa défense devant la commission militaire américaine, où il sera bientôt traduit pour meurtre. Toutefois, la Cour suprême accorde un accès partiel aux interrogatoires menés par des représentants canadiens et à tout renseignement découlant de ces entretiens remis aux autorités américaines. En effet, il appartiendra à un juge de la Cour fédérale d’évaluer la pertinence de ces documents et de décider si leur communication respecte les règles sur la sécurité nationale. Restriction qui déçoit les avocats du jeune détenu. « Nous n’allons pas obtenir la plupart des documents que nous voulions », a indiqué Nathan Whitling, l’un des avocats de Khadr qui n’avait que quinze lorsqu’il a été interrogé, pour la première fois, par les responsables du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS).

Paul Champ, l’un des avocats de l’Association pour les libertés civiles de la Colombie-Britannique, croit que cette décision réaffirme que le Canada est un état fondé sur les droits de la personne et que les représentants canadiens, peu importe où ils se trouvent sur la planète, doivent respecter les droits humains fondamentaux. Pour leur part, les associations de lutte pour les droits de la personne accusent Ottawa d’être complice du malheur d’Omar Khadr, seul citoyen d’un pays occidental toujours détenu dans la prison américaine de Guantanamo, à Cuba. Elles font valoir que le gouvernement a des obligations envers le jeune homme non seulement parce qu’il est citoyen canadien, mais aussi parce qu’il était mineur au moment des faits qui lui sont reprochés.

À la lumière de cette décision, le chef de l’opposition libérale, Stéphane Dion, devrait réfléchir aux propos que tenait, devant le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, à la Chambre des communes, le sénateur Roméo Dallaire. Selon ce dernier, le Canada et les États-Unis avaient violé les droits de la personne et les conventions internationales dans leur façon de traiter Khadr, et ils ne valaient pas mieux que ceux qui ne croient en aucun droit. Washington ignore ses propres lois en poursuivant Khadr et Ottawa fait de même en refusant de se battre pour le retour du ressortissant au pays, avait déclaré le sénateur Dallaire. Pour ce dernier, Khadr est une victime, un enfant-soldat qui devrait être réhabilité et réintégré à la société, plutôt que d’être traduit en justice devant ce qu’il considère être un tribunal illégal. Le chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, avait affirmé être en désaccord avec le choix des mots de M. Dallaire, et avait laissé entendre que le sénateur libéral pourrait être discipliné.

Pourtant, devant ce même sous-comité, le président de l’Association du Barreau canadien (ABC), Bernard Amyot, avait lui-même déclaré que les tribunaux militaires siégeant à Guantanamo ne respectent ni la primauté du droit ni les droits de la personne : « Sanctionner la preuve secrète, sanctionner de la preuve obtenue par de la torture, faire obstacle au droit de consulter un avocat, et créer des crimes ex post facto constituent des dénis de justice, anéantissant toute possibilité de tenir un procès équitable », avait déclaré Me Amyot. Selon le président de l’Association du Barreau canadien : « les mauvais traitements infligés à Omar Khadr violaient les normes internationales que le Canada avait toujours respectées ».

En terminant, le président de l’Association du Barreau canadien (ABC), Bernard Amyot, qui était accompagné de Lorne Waldman, spécialiste du droit de l’immigration à l’ABC, et de David Matas, avocat spécialisé dans les questions d’immigration, avait déclaré que le Canada ne respectait pas le protocole facultatif à la Convention internationale des droits de l’enfant dont il est signataire. Il ne respectait pas non plus le protocole international sur les enfants soldats, pas plus que son propre guide des Affaires étrangères pour les Canadiens prisonniers à l’étranger, sans compter qu’il violait la Convention internationale sur les détentions arbitraires.

Ce que vient de confirmer la Cour suprême du Canada.

(Sources : AFP, Reuters, Cyberpresse, La Presse Canadienne)

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