mercredi 21 novembre 2007

Afghanistan et Unicef : le Canada est épinglé !

Le 20 novembre, c’était la Journée mondiale de l’enfance.

Les relations du Canada avec les enfants en font un pays qui est pointé du doigt, en moins d’une semaine. D’un côté, le Canada est montré du doigt pour ne pas avoir respecté les droits des enfants en Afghanistan. De l’autre, une nouvelle étude d’Unicef montre que le Canada n’a pas été en mesure d’améliorer concrètement le bien-être socio-économique et sanitaire de ses enfants.

____________________________

Les informations en provenance de l’Afghanistan sont déplorables : « Il est renversant » a déclaré la députée néo-démocrate Dawn Black, « que des Canadiens transfèrent des enfants aux autorités afghanes quand nous savons que la torture est une pratique routinière en Afghanistan ». Les Canadiens ont appris la triste réalité : des documents officiels, obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, indiquent clairement que les directives, données aux soldats canadiens lorsqu’ils capturent un prisonnier mineur, notamment à l’article 31, sont de transférer le plus rapidement possible ces prisonniers aux autorités afghanes.

Selon le Globe and Mail, le Canada sait depuis au moins février 2007 qu’on pratique la torture dans les prisons afghanes. Le premier ministre et ses ministres en nient le fait depuis des semaines. Et si les faits sont avérés, le gouvernement Harper se contente d’en minimiser les impacts. Le gouvernement du Canada, au mépris des droits humains, déclare faire confiance au gouvernement Karzaï. Ce gouvernement afghan n’a-t-il pas créé une commission des droits et libertés pour assurer un suivi du sort réservé à ces prisonniers ? Sauf que cette commission n’a ni l’autorité ni les ressources nécessaires pour exécuter son mandat. Au grand déplaisir du gouvernement du Canada, Karzaï a dû reconnaître que la torture se pratiquait toujours dans son pays. « Merci mon Dieu, notre gouvernement agit mille fois mieux que dans le passé, mais il y a encore des cas où les gens sont menacés, même torturés », avait déclaré, il y a deux semaines, Hamid Karzaï.

Selon le député de Bourassa, Denis Coderre, des documents révèlent qu’un gardien de prison, un certain Muhammad Nadir, a été accusé de viols sur des enfants enfermés dans sa prison. Arrêté au début de 2007, pour le viol d’un mineur à la prison de Sarpoza, Nadir a été innocenté, selon les écrits des fonctionnaires canadiens, par un juge qui a estimé qu’un homme de 50 ans, sous l’emprise de l’alcool, ne pouvait physiquement commettre un tel crime. Les fonctionnaires ajoutent, dans leur rapport, que « les Nations unies jugent que cet incident est une violation majeure des droits humains et suivent le dossier de très près ». Il convient de répéter que, pendant la première semaine du scandale sur les tortures en Afghanistan, le premier ministre Stephen Harper et le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, avaient affirmé qu’il n’existait aucune preuve de torture.

Le Globe and Mail, La Presse et Le Devoir ont, ces derniers mois, fait état fréquemment des propos de prisonniers qui soutiennent avoir été torturés par la National Directorate Security (les services secrets afghans) après avoir été capturés par les Forces canadiennes. Le Canada a reçu l’appui – dans son mutisme sur la question – du French Doctor, Bernard Kouchner : « Je fais entièrement confiance à la manière dont nos amis canadiens s’assurent du respect des Droits de l’Homme et des conventions internationales », a déclaré le chef de la diplomatie française en rencontre de presse. Le ministre des Affaires étrangères de la France, qui recevait à Paris son homologue canadien, n’a pas précisé la position de la France sur cette question de transfert des prisonniers afghans.

Kouchner a formulé le vœu que la France et le Canada s’associent pour ouvrir l’accès aux soins de santé des populations civiles de la région de Kandahar. D’un côté on soigne les malades, les blessés. De l’autre, on livre aux tortionnaires afghans les prisonniers de guerre : adultes comme enfants. Logique de guerre qui a oublié ce que signifie compassion. En même temps, de Paris, le ministre Maxime Bernier a affirmé sa volonté de voir le gouvernement afghan « respecter ses obligations internationales » en matière de traitement des prisonniers. Cette question, lorsqu’elle lui est adressée, le ministre l’évite ou la tourne en dérision.

Notamment lorsque le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD ont demandé au gouvernement qu’il ordonne un moratoire sur les transferts de prisonniers. Le ministre de la Défense, Peter MacKay, a reproché au député de Bourassa, Denis Coderre, d’être obsédé par le sort des prisonniers talibans, « alors que les mains des talibans sont souillés du sang de soldats canadiens et d’innocents Afghans ». Selon l’opposition canadienne, le sort des prisonniers talibans devrait désormais être sous la responsabilité globale de l’OTAN et non plus entre les mains de chacun des pays de la coalition occidentale. Aucun commentaire, à ce sujet, n’est venu de Bernard Kouchner, le ministre français.

____________________________

Sur un autre plan, la section canadienne du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) révèle que le Canada compte l’un des plus hauts taux, au sein des nations industrialisées, d’enfants sous la responsabilité de l’État ou dans un centre de détention. Ce taux est plus élevé en ce qui concerne les autochtones. Un enfant sur six vit dans la pauvreté au Canada, un pourcentage inchangé depuis une génération. Les enfants des populations autochtones sont les plus vulnérables. Leur taux de pauvreté est près de trois fois supérieur à celui des autres enfants canadiens. Environ 1,1 million de jeunes de moins de 20 ans, soit environ 15%, ont des problèmes de santé mentale (anxiété, dépression, dépendance), mais seulement un sur cinq est traité. Quelques points positifs ont été notés par l’Unicef : éducation équitable, amélioration de la protection de l’enfance et des soins de santé pédiatriques, incluant des programmes de vaccination et appui en matière d’allaitement maternel.

Une coalition d’organismes québécois et internationaux, (UNICEF Québec, la Fondation pour la promotion de la pédiatrie sociale et le Bureau international des droits des enfants, section Québec), demande au gouvernement du Québec de nommer un commissaire aux enfants d’ici 2009. Selon la coalition, les gouvernements à Québec et à Ottawa n’ont fait que des petits pas en termes de respect des obligations décrites dans la Convention. Pour rappel, le Canada avait, il y a quinze ans, ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies. L’objectif était d’améliorer concrètement le bien-être socio-économique et sanitaire de ses enfants.

La coalition s’inquiète de la violence faite aux enfants au Québec, au Canada et dans plusieurs pays industrialisés. Selon elle, le non-respect des droits de l’enfant :

  • - favorise une dégradation de la santé psychique et physique des enfants ;
  • - génère également des problèmes sociaux à long terme.

Parmi les problèmes engendrés par le non-respect des droits de l’enfant, on compte :

  • - le décrochage scolaire ;
  • - la prolifération des gangs de rue ;
  • - l’analphabétisme des adultes ;
  • - d’autres problèmes sociaux.

Il convient en ce lendemain de la Journée mondiale de l’enfance de rappeler ces mots de Julien Green : « Les enfants sont les personnes les moins bien comprises de la terre, et c’est parce que la terre est gouvernée par des grandes personnes qui ont oublié qu’elles furent aussi des enfants » (Mon premier livre en anglais).

Vidéo : réseau anglais d’AlJazeera - 06 mai 2007 ; pour voir la suite, rendez-vous sur AlJazeeraEnglish