vendredi 27 juillet 2007

En France, une femme meurt tous les trois jours de violence conjugale

« Partout dans le monde, des femmes subissent des actes ou des menaces de violence. C’est une épreuve partagée, au-delà des frontières, de la fortune, de la race ou de la culture. A la maison et dans le milieu où elles vivent, en temps de guerre comme en temps de paix, des femmes sont battues, violées, mutilées en toute impunité » (Amnesty International, 2004)

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En France, plus 1.5 million de femmes sont ou ont été victimes de violence conjugale, une femme meurt tous les trois jours de cette violence, selon le centre d’appel national pour les femmes battues, mis en place il y a quatre mois par le gouvernement, et qui traite 80 appels en moyenne par jour. En 2006, 168 personnes (dont 137 femmes) sont décédées en France sous les coups de leur compagnon ou compagne.

Selon Wikipedia, qui cite une étude du ministère de l’intérieur, (Étude nationale sur les décès au sein du couple - bilan des neuf premiers mois de 2006), en France, depuis les années 2000, plusieurs enquêtes nationales ont tenté de dresser un bilan statistique des violences conjugales. Les résultats de ces enquêtes sont terrifiants et ne sont que la partie visible de l’iceberg :

  • En France métropolitaine, 1 femme sur dix est victime de violences conjugales [enquête ENVEFF menée sur des femmes de 20 à 59 ans, victimes au cours de l’année 1999] ;

  • En France, en moyenne, une femme meurt tous les trois jours des suites de violences au sein du couple ;

  • En France, en moyenne, 2 enfants meurent chaque jour des suites de violence ;

  • Un homme meurt tous les quatorze jours. Dans plus de la moitié des cas, la femme auteur de l’acte subissait des violences de sa part ;

  • 13% de toutes les morts violentes recensées en France et dans lesquelles l’auteur a été identifié ont eu lieu dans le cadre du couple;

  • 41% des crimes conjugaux sont liés à la séparation (commission par des « ex » ou séparation en cours) ;

  • 23% des auteurs d’homicides se sont suicidés après leur acte (97% d’hommes) ;

  • 10 enfants ont été victimes d’homicide en même temps que l’un de leur parent.

Les écoutantes de « Violence conjugale Info », organisme de la fédération nationale solidarité femmes, ont reçu au total 7.446 appels, soit en moyenne 80 appels par jour, selon les chiffres du ministère du Travail et de la Solidarité.

S’il n’existe aucune étude harmonisée sur les violences conjugales, en Europe, Arte propose toutefois quelques données saisissantes sur la question :

  • Dans l’ensemble des pays de l’UE, 1 femme sur 5 au moins subit au cours de sa vie des violences infligées par son mari ou par son compagnon ;

  • En Europe chaque semaine, une femme est tuée par son conjoint (commission européenne pour l’égalité des chances- Conseil de l’Europe- juillet 2002) ;

  • Pour les femmes de 14 à 45 ans, la violence familiale est la première cause de mortalité ;

  • 1 seul cas sur 20 est signalé à la police (Enquête Eurobaromètre - 1999).

Au Canada, sept pour cent (7 %) des Canadiennes et 6 % des Canadiens déclarent avoir été victimes de violence physique et/ou sexuelle infligée par un partenaire actuel ou ancien entre 1999 et 2004. Pour la même période 18 % des femmes et 17 % des hommes ont signalé avoir été victimes de violence psychologique. Selon l’Enquête sociale générale, 44 % des femmes et 19 % des hommes victimes de violence conjugale entre 1999 et 2004 ont été blessés pendant un incident violent. Treize pour cent (13 %) des victimes féminines et 2 % des victimes masculines ont eu besoin de soins médicaux. Parmi les victimes canadiennes de violence conjugale, plus de femmes que d’hommes disent ressentir de la crainte en raison de la violence (30 % contre 5 %), être déprimées et souffrir d’accès d’anxiété (21 % contre 9 %), avoir des troubles de sommeil (15 % contre 4 %), ressentir de la honte et de la culpabilité (12 % contre 3 %) et craindre pour la sécurité de leurs enfants (9 % contre 2 %).

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Il est important d’établir une remarque liminaire à ces résultats. Comme le déclarait brillamment Elizabeth Badinter : « De tous ces chiffres fastidieux mais nécessaires, il ressort qu’on ne devrait pas parler de « violence de genre », mais de « droit du plus fort ». Un seul crime est indiscutablement plus propre aux hommes qu’aux femmes, c’est le viol, aujourd’hui puni en France aussi sévèrement que le meurtre. Reste qu’hommes et femmes, lorsqu’ils sont en position de domination, peuvent déraper dans la violence ».

Selon le ministère de la Justice du Canada, il est difficile d’obtenir une image complète de l’étendue globale de la violence conjugale, car elle reste souvent cachée. La victime peut supporter la violence pendant longtemps avant de solliciter de l’aide. Certaines victimes n’en parlent jamais à personne. La victime peut se montrer réticente - ou incapable - de parler ou de signaler la violence pour plusieurs raisons différentes.

Au Québec, le site Educaloi définit en ces termes la « violence conjugale » : « La violence conjugale se caractérise par une série d’actes répétitifs qui se produisent généralement selon une courbe ascendante appelée escalade de la violence. L’agresseur suit un cycle défini par des phases successives marquées par la montée, la tension, l’agression, la déresponsabilisation, la rémission et la réconciliation. À ces phases correspondent chez la victime la peur, la colère, le sentiment qu’elle est responsable de la violence et, enfin, l’espoir que la situation va s’améliorer. Toutes les phases ne sont pas toujours présentes et ne se succèdent pas toujours dans cet ordre ». […] « La violence conjugale comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut être vécue dans une relation maritale, extra-maritale ou amoureuse à tous les âges de la vie ».

Le psychologue américain, Michael P. Johnson (2000) différencie deux types de violences conjugales : le « terrorisme conjugal » et la « violence situationnelle ». La violence grave s’effectue dans un « contexte de terrorisme conjugal » et se manifeste par la volonté d’annihiler le conjoint, de toutes les manières, psychologiquement et physiquement. La « violence situationnelle » renvoie pour sa part soit à l’autodéfense de la femme, soit à la violence réciproque, soit à la lutte pour le pouvoir des deux conjoints. Ces distinctions importantes sont reprises dans l’analyse des données statistiques canadiennes et québécoises et dans la formulation des résultats qui en découlent. Nul ne doit ignorer le fait que la violence conjugale n’est pas le seul fait de l’homme. Il arrive aux femmes d’exercer une violence lorsqu’elles sont en position de domination physique ou psychique.

Selon une Enquête sociale générale sur la victimisation [ESG], 1999, du ministère de la Justice du Canada, qui a interrogé presque 26 000 femmes et hommes au Canada sur leur expérience de la violence, y compris leur expérience de la violence et de l’agression psychologique dans leurs mariages actuels ou passés ou dans leur relation de droit commun, les femmes et les hommes vivent des taux similaires de violence et de violence psychologique dans leurs relations. Toutefois, la violence vécue par les femmes tend à être plus sévère - et plus souvent répétée - que la violence dont les hommes font l’objet.

L’Enquête montre que, comparées aux hommes, les femmes ont :

  • six fois plus de chances de signaler avoir été agressées sexuellement;
  • cinq fois plus de chances de signaler avoir été étouffées;
  • cinq fois plus de chances d’avoir besoin de soins médicaux, suite à une agression;
  • trois fois plus de chances de souffrir de blessures physiques suite à une agression;
  • plus de deux fois plus de chances de signaler avoir été battues;
  • presque deux fois plus de chances de signaler avoir été menacées d’une arme ou d’un couteau;
  • beaucoup plus de chances de craindre pour leur vie, ou de craindre pour leurs enfants par suite de l’agression;
  • plus de chances de souffrir de problèmes de sommeil, de dépression et de crises d’anxiété, ou d’avoir une estime de soi diminuée à la suite de l’agression;
  • plus de chances de signaler une victimisation répétée.

Les statistiques récentes montrent qu’il existe un nombre de facteurs qui, seuls ou en combinaison, sont associés à un risque accru de violence. Par exemple, voici certains facteurs de risque pour les femmes et les hommes :

  • être jeune;
  • vivre dans une union de fait;
  • avoir un partenaire qui boit beaucoup périodiquement;
  • violence psychologique dans la relation (moyen important de prédiction de violence physique);
  • séparation conjugale (le risque d’être tuée est plus grand pour la femme après la séparation).

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Il est de plus en plus admis que la vulnérabilité d’une personne à la violence peut être exacerbée par des facteurs comme le déplacement, la colonisation, le racisme, l’homophobie, l’infirmité, la pauvreté et l’isolement. Les femmes autochtones par exemple ont plus de chances de signaler avoir été agressées sexuellement par le conjoint. L’absence d’accès aux services et soutien communautaires, et au système de justice pénale, peuvent augmenter la vulnérabilité d’une personne à la violence - ou combiner les effets de la violence.

Étudier la violence conjugale parmi les populations immigrantes est plus complexe. Le Canada n’est pas insensible à cette question. Comme le note le Conseil canadien de développement social : « La violence conjugale existe dans toutes les sociétés et cultures. Répondre à ce problème, qui affecte les communautés immigrantes et des minorités visibles, c’est aussi reconnaître qu’elles représentent un segment croissant de la population canadienne. […] Au Canada, près d’une femme sur trois est victime de violence à son propre domicile. Selon une enquête de Statistique Canada en 1999, les taux victimisation parmi les femmes immigrantes et des minorités visibles étaient un peu plus bas que les taux pour les autres femmes (10,5% des femmes immigrantes et des minorités visibles étaient victimes de violence émotionnelle ou financière, par rapport à 14% des autres femmes; 4,2% indiquaient une violence physique ou sexuelle, par rapport à 6,2% des autres femmes). Cependant, l’étude fait remarquer, qu’étant donné que l’enquête n’a été menée exclusivement qu’en anglais ou en français, elle n’était pas représentative des femmes qui ne parlaient couramment aucune de ces langues officielles ».

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Elizabeth Badinter (déjà citée) en venait à la conclusion suivante : « … On devrait s’interroger sur notre incapacité de plus en plus grande à supporter les frustrations et à maîtriser notre agressivité. C’est notre éducation qui est en cause, et non nos principes. C’est elle qu’il faut changer. Depuis une trentaine d’années, l’épanouissement individuel et la satisfaction de nos désirs ont pris le pas sur le respect de l’autre et de la loi commune. Cela concerne tant les hommes que les femmes et n’a rien à voir avec ce qui se passe dans d’autres régions du monde où, à l’opposé, la loi est un carcan et où l’épanouissement individuel n’a tout simplement pas de sens. En vérité, nos sociétés ont autant besoin de réapprendre la notion de devoir que les autres, de réclamer leurs droits. En voulant à tout prix confondre les deux contextes, on se condamne non seulement à l’impuissance, mais aussi à l’injustice ».

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26 juillet 2007

L’Iran et le Maroc discutent de « justice commune »

En visite au Maroc, le chef de l’autorité judiciaire de la République islamique d’Iran, l’Ayatollah Seyyed Mahmoud Hashemi Shahrudi, a manifesté son soutien aux efforts du pays hôte pour la solution de la question du Sahara : « La question du Sahara relève des affaires intérieures du Maroc et, de notre côté, nous appuyons et soutenons les efforts marocains et internationaux la concernant ». L’Ayatollah Mahmud Hashemi Shahrudi, qui conduit une délégation iranienne de haut niveau, rencontrait à Rabat le Premier ministre, Driss Jettou. L’entretien a, notamment, porté sur la coopération bilatérale en matière de justice.

L’Ayatollah Hashemi Shahrudi a profité de cette rencontre pour discuter d’un projet sur la création d’un conseil rassemblant les présidents des conseils des autorités judiciaires dans le monde islamique. Un tel conseil servirait de moyen de rencontre régulière et de coordination sur les développements que connaissent les pays islamiques dans le domaine de la justice, tout en permettant l’unification de la jurisprudence, des vues et des positions. L’Ayatollah Hashemi Shahrudi n’est pas revenu les mains vides. Le Premier ministre a accueilli favorablement cette proposition et exprimé l’appui du Maroc au dit projet.

Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ s’est également entretenu avec l’Ayatollah Mahmud Hashemi Shahrudi. Après un exposé succinct sur le système judiciaire marocain et les efforts déployés pour l’améliorer, soulignant l’importance de la justice en sa qualité de pilier essentiel de tout système politique et économique efficient, Mohamed Bouzoubaâ a souligné que le Maroc accorde une grande importance à la justice pour ce qu’elle représente en termes de protection de l’investissement et des dispositions des accords économiques conclus entre le Maroc et divers pays du monde et de maintien de l’équité entre les justiciables. L’Ayatollah Shahrudi a rassuré son vis-à-vis en précisant que la constitution iranienne confère au pouvoir judiciaire de larges attributions et garanties lui assurant l’indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif. Il a également énuméré les principales juridictions en Iran.

Avant d’aborder la justice en Iran, examinons de plus près les actualités judiciaires récentes du Maroc. Un tribunal marocain vient de condamner cinq militants pour avoir critiqué la monarchie. Les accusés ont, selon leur avocat, Me Mohamed Sadouq, été condamnés à quatre ans de prison, chacun, et à 10 000 dirhams (1 229 dollars) d’amende par le tribunal de Ksar el Kbir, dans le nord du pays. La justice marocaine est claire : toute critique de la monarchie ou toute remise en question du rôle de gardien de l’islam joué par le monarque ou des revendications du Maroc sur le Sahara occidental exposent toujours à des peines de prison.

Une autre affaire embarrasse le Maroc : Al Watan al An, journal arabophone, a diffusé le 14 juillet des documents classés secret-défense par les autorités gouvernementales, dans un climat de forte tension antiterroriste. Abderrahim Ariri, 43 ans, directeur de la publication, et Mustapha Hormat Allah, 37 ans, journaliste, ont été placés en garde à vue pour avoir publié un dossier intitulé « Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc » en s’appuyant sur un rapport de la DGST appelant à la vigilance, suite à une vidéo diffusée sur internet montrant un soi-disant groupe terroriste lançant « un appel solennel au djihad contre les régimes maghrébins, en désignant particulièrement le Maroc ». Ils doivent être présentés cette semaine à la justice, a indiqué samedi à l’AFP leur avocat Jalal Tahar.

Dans son éditorial intitulé « La liberté pour Abderrahim Ariri », Libération qui est l’organe de l’Union socialiste des Forces populaires (USFP), estime que les arrestations sont injustes par la manière avec laquelle se sont effectuées ces opérations. Le comportement arbitraire et abusif observé à cette occasion est indigne du Maroc de la démocratie et de la modernité, d’autant plus qu’il rappelle que le chemin de la liberté d’expression est encore parsemé d’embûches. L’Opinion, organe de l’Istiqlal, critique le « dérapage » des deux journalistes, mais qualifie également de « dérapage » leur arrestation. Des manifestants ont manifesté, devant le siège d’Al Watan al An, à Casablanca, appelant à la libération des deux journalistes ainsi qu’à l’annulation des charges.

En Iran, Amnesty International évalue à 177 le nombre d’exécutions en 2006. La trahison, l’espionnage, le meurtre, l’attaque à main armée, le trafic de drogue, le viol, la sodomie, l’adultère, la prostitution et l’apostasie sont passibles de la peine de mort en Iran. L’agence de presse iranienne officielle Fars a confirmé la pendaison de 12 hommes dimanche 22 juillet, à la prison d’Evin, à Téhéran. Quatre autres personnes, trois hommes et une femme, avaient été pendues une semaine plus tôt à Tabriz (nord-ouest) et Chiraz (sud), selon le site internet de la télévision d’État iranienne. Les condamnés ont été fouettés, avant d’être exécutés. Plus récemment, un Iranien, reconnu coupable d’homicide, a été pendu en public jeudi matin à Khoram-Abad (ouest) et un autre à Zabol (sud est) samedi matin. Naïm M., a été pendu samedi à Zahedan. Il avait été arrêté alors qu’il avait en sa possession plus de 10 kg d’héroïne.

Selon le Conseil national de résistance iranienne, le directeur de l’organisation carcérale du pays Ali Akbar Yassaghi, dans une interview avec l’agence de presse officielle ISNA, aurait admis l’existence de prisonniers « de sécurité » et de la torture dans les prisons. « Nous avons besoin de centres de détention de sécurité parce que n’importe quel système doit faire face à des gens qui agissent contre sa sécurité à l’intérieur comme à l’étranger et (…) l’organisation carcérale met seulement en oeuvre les peines des prisonniers. Nous ne pratiquons pas le fouet bien que le milieu carcéral autorise de telles pratiques », a-t-il dit. Yassaqi a reconnu l’exécution de mineurs en disant : « Il existe un débat parmi les juristes sur l’âge légal pour traiter un criminel comme un adulte pour passer en procès. Certains croient que la majorité est de dix-huit ans, comme c’est reconnu sur un plan international, d’autres croient que l’âge légal est de quinze ans pour les garçons et de neuf ans pour les filles conformément aux lois islamiques ». Depuis le début de l’année, au moins 121 personnes ont été exécutées en Iran, pour la plupart par pendaison, selon un décompte effectué par l’AFP à partir d’informations de presse et de témoignages. Bon nombre d’exécutions se déroulent en public.

Quelles sont donc les attentes du Maroc à l’égard de l’Iran et en quoi sa participation au Conseil rassemblant les présidents des conseils des autorités judiciaires dans le monde islamique fera avancer la justice et la démocratie déjà bien fragiles dans ce pays ?

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