vendredi 31 août 2007

Le Garde des Sceaux, Rachida Dati, a-t-elle erré en convoquant un juge ?

« En vérité, l’unité, la cohésion, la discipline intérieure du Gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée. Or, comment cette unité, cette cohésion, cette discipline, seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l’autre pouvoir auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du Gouvernement, lequel est collectivement responsable devant la représentation nationale tout entière, n’était, à son poste, que le mandataire d’un parti ? » Cette question fondamentale fut posée par le Général de Gaulles lors de son discours à Bayeux le 16 juin 1946, discours prononcé au moment où la France cherchait comment elle définirait ses institutions politiques nationales après la Deuxième Guerre mondiale.

Le gouvernement français agit-il avec prudence et en tout respect des pouvoirs de l’État lorsqu’il convoque un juge, insatisfait qu’il est des réflexions de ce dernier dans le cadre d’une décision en matière d’application des lois ? Un juge est-il mandataire du gouvernement ou d’un parti politique ?

Il convient de rappeler quelques principes fondamentaux : l’application des lois revient au pouvoir exécutif et leur interprétation au pouvoir judiciaire. Les liens existants entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif peuvent être de deux grands types : la séparation des pouvoirs ou la collaboration des pouvoirs. La séparation des pouvoirs est le principe politique selon lequel les fonctions des institutions publiques sont divisées entre le pouvoir législatif qui fait les lois, l’exécutif qui les met en œuvre et les fait appliquer et le pouvoir judiciaire qui les interprète et les fait respecter. La collaboration des pouvoirs est, dans un régime parlementaire, les relations entre la branche législative et la branche exécutive sont caractérisées par une collaboration des pouvoirs puisque la survie du gouvernement dépend du soutien du parlement. Quand le gouvernement perd un vote important ou n’a plus la confiance de la chambre, le gouvernement « tombe » et de nouvelles élections peuvent être déclenchées.

Un magistrat de Nancy, vice-procureur, aurait déclaré que « les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir. Ce n’est pas parce qu’un texte sort qu’il doit être appliqué sans discernement ». Ce procureur réfute avoir tenu de tels propos, qui ont été rapportés par la presse locale. S’agit-il ici d’une grave remise en question de l’indépendance de la magistrature, laquelle pourrait s’inscrire plus largement dans un débat sur le principe de la séparation des pouvoirs ? Au Canada, par exemple, le juge en chef adjoint, dans un document du Conseil canadien de la magistrature, soulignait, en 1998, que la question est de savoir « quels sont les obstacles ou inconvénients pouvant découler d’une punition officielle infligée à un juge qui serait allé trop loin dans ses propos ». La valeur en jeu est l’indépendance de la magistrature, au nom de laquelle les juges doivent pouvoir s’exprimer de façon honnête et sans crainte pour trancher les questions de droit, de preuve et de politique dont ils sont saisis.

Dans le même document, le juge en chef du Canada souligne que le système de justice repose sur deux piliers. Le premier est l’indépendance de la magistrature et le second est la réalité selon laquelle, dans chaque instance judiciaire, le juge bénéficie d’une liberté de réflexion et d’expression absolue et ne risque pas d’être puni pour avoir réfléchi de cette façon ou pour avoir exprimé ses pensées à voix haute. Ces libertés ne visent pas à aider le juge ou les autres participants à l’instance, mais plutôt à promouvoir l’intérêt de la justice publique. Au nom de l’ordre public, il est nécessaire de veiller à ce qu’elles ne soient nullement entravées, que ce soit de façon directe ou indirecte. Il arrive parfois qu’un juge ou un autre participant à l’instance porte atteinte, et parfois très sérieusement, à l’une ou l’autre de ces libertés ; cependant, dans l’ensemble, l’intérêt public réside dans le respect absolu de celles-ci, sans exception. Au fil des années, ces libertés ont été encadrées par les règles de « common law », notamment la règle accordant l’immunité civile à toutes les personnes qui participent à une instance judiciaire à l’égard des paroles qu’elles prononcent.

Aux États-Unis, dans le cas de la démission du ministre américain de la Justice, Alberto Gonzales, dont l’honnêteté et les compétences ont été remises en question après le licenciement de huit avocats américains, l’organisation de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch, a rappelé que « la responsabilité la plus importante du ministre de la Justice consiste à dire non quand les hauts responsables de l’État, y compris le président, sont tentés d’outrepasser les limites de la légalité ». Adam Schiff, démocrate représentant la Californie à la chambre des représentants, a déclaré dans un communiqué que le temps est venu « de commencer le processus de reconstruction de l’indépendance du département, de sa réputation d’administration impartiale de la justice et de sa compétence ». Gonzales est suspecté d’avoir favorisé le limogeage de procureurs proches des démocrates enquêtant sur des affaires de corruption susceptibles d’inquiéter les républicains. Entendu par la Commission judiciaire du Sénat dans cette affaire, il a affirmé que ces limogeages étaient justifiés et qu’il n’en avait discuté de l’affaire avec aucun autre témoin.

La tradition et la jurisprudence exigent du ministre de la Justice et procureur général du Canada qu’il fasse preuve d’indépendance politique dans l’exercice de ses fonctions en matière de poursuites. Le ministre doit rendre compte au Parlement de la façon dont il exerce ses fonctions. Les procureurs de la Couronne et les conseillers juridiques représentant le Procureur général ou lui prêtant assistance n’ont pas plus d’autorité que celle que leur a attribuée le Procureur général ; ils sont assujettis aux mécanismes de révision que détermine le Procureur général. Le Procureur général interviendra rarement dans l’exercice quotidien des fonctions en matière de poursuites pour éviter toute apparence d’ingérence politique.

Dans le cas par exemple des programmes de mise en liberté provisoire par voie judiciaire, ceux-ci permettent de surveiller et de contrôler les adolescents pendant leur mise en liberté sous caution; les placements en foyer d’accueil ne font pas partie de ces programmes. Le procureur de la Couronne accorde une grande importance à la pertinence des évaluations effectuées par le personnel des programmes de mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Une étude récente menée auprès d’un important tribunal pour adolescents de Toronto a révélé que près de 60 % des adolescents détenus par les services de police sont libérés si le procureur de la Couronne y consent (Varma, 2002). Un procureur de la Couronne de la Colombie Britannique a souligné que les avocats de la défense connaissent aussi bien que les procureurs les antécédents des adolescents, les ressources communautaires disponibles et l’issue probable de l’audience relative à la mise en liberté sous caution : « pourquoi donc perdre du temps? »

Le procureur de la Couronne est un avocat du gouvernement qui veille à l’équité de la poursuite. Il n’agit pas comme avocat de la victime. Le procureur doit traiter équitablement toutes les parties à une cause, y compris les victimes, les témoins et les accusés. Il doit également agir dans l’intérêt du public. Au Canada, le droit criminel considère qu’un accusé doit être présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été démontrée. Pour faire condamner l’accusé, le procureur de la Couronne doit présenter des preuves au tribunal, en se pliant à des normes extrêmement strictes. Le juge doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que l’accusé a perpétré l’acte criminel en cause.

Le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) est maintenant un organisme distinct du gouvernement fédéral. Même si le procureur général est responsable du SPPC, toute instruction du procureur général au SPPC doit être publiée dans la Gazette du Canada. Le ministre de la Justice du Canada décrit ainsi cette mesure : « Notre gouvernement entend assurer clairement l’indépendance des poursuites pénales par rapport à l’influence politique — autrement dit, assurer non seulement que les décisions liées aux poursuites ne soient pas empreintes de partisanerie, mais qu’elles soient également perçues sans le moindre doute comme étant impartiales. »

En France, le vice procureur, Philippe Nativel, a donc été convoqué à la chancellerie pour s’expliquer sur ses propos tenus lors d’un réquisitoire en audience correctionnelle. La cause entendue s’est déroulée au tribunal de grande instance de Sarreguemines (Moselle). La loi sur la récidive aurait dû être appliquée dans toute sa rigueur à l’encontre d’un SDF qui cumule vingt-six condamnations à son casier judiciaire et comparaissait pour avoir dérobé un porte-monnaie contenant 30 euros, et le port d’un couteau. Il aurait dû être condamné à quatre ans « ferme ». Le procureur réclame en lieu et place un an « ferme ». Le tribunal prononce, dans un jugement motivé, une peine de huit mois « ferme ».

Face à cette convocation du magistrat à la chancellerie, l’Union syndicale de la magistrature (majoritaire) et le Syndicat de la magistrature (gauche) s’en sont indignés. Ils y rappellent « le principe fondamental de la liberté de parole à l’audience des magistrats du parquet, garanti par l’article 33 du code de procédure pénale », précisant encore que « ce magistrat n’a fait qu’user du pouvoir conféré par la loi du 10 août permettant de déroger à l’application des peines planchers, seule condition à la constitutionnalité de ladite loi ». La conférence des procureurs de la République a exprimé également dans un communiqué « son émotion et sa particulière préoccupation dans ce qui pourrait constituer une atteinte gravissime à notre statut par une mise en cause injustifiée », a précisé Laurent Bedouet, secrétaire général de l’Union syndicale de la magistrature (USM), qui était présent.

Paul Janet, historien et politologue français (1823-1899), auteur de l’Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale, écrivait que le plus grand danger de la liberté serait que la puissance de juger fût unie à l’une des deux autres puissances, et surtout à toutes les deux. Dans ce cas, « le magistrat a, comme exécuteur des lois, la puissance qu’il s’est donnée comme législateur. Il peut ravager l’État par ses volontés générales ; et, comme il a encore la puissance de juger, il peut détruire chaque citoyen par ses volontés particulières. » Il résulte de là que la justice, cette puissance si sacrée parmi les hommes, doit être confiée à une magistrature indépendante, tirée du corps même des citoyens, se confondant avec eux, et qui, n’ayant aucun intérêt au pouvoir, n’en a pas à l’iniquité.

L’historien rappelle l’importance du principe qu’une constitution est libre, lorsque nul ne peut y abuser du pouvoir. Mais, pour cela, il est nécessaire que le pouvoir ne soit pas sans limites car tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Ainsi, dans une constitution libre, le pouvoir arrête le pouvoir. Tel est le principe de l’équilibre et de la pondération des pouvoirs, dont il a été si souvent question, en politique, depuis Montesquieu.

Dans les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, charte adoptée par les Nations-Unies, il est dit expressément que « les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement, d’après les faits et conformément à la loi, sans restrictions et sans être l’objet d’influences, incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit ». Et l’article 4 stipule précisément que la « justice s’exerce à l’abri de toute intervention injustifiée ou ingérence, et les décisions des tribunaux ne sont pas sujettes à révision. Ce principe est sans préjudice du droit du pouvoir judiciaire de procéder à une révision et du droit des autorités compétentes d’atténuer ou de commuer des peines imposées par les magistrats, conformément à la loi ».

Pour justifier cette convocation, la ministre de la Justice, Rachida Dati, a précisé que la convocation d’un vice-procureur de Nancy, pour des propos critiques sur les peines « plancher », l’a été en vertu de l’autorité du garde des Sceaux, les magistrats étant sous son autorité. Laurent Bedouet, secrétaire général de l’Union Syndicale des magistrats (USM), a soutenu que « cette convocation est une remise en cause la de séparation des pouvoirs. (…) Le garde des sceaux n’a pas le droit de s’immiscer dans le contenu des réquisitions orales que prend le magistrat à l’audience, surtout lorsque ces réquisitions consistaient purement et simplement à appliquer la loi ». Monsieur Bedouet a de plus précisé que l’audition a été extrêmement tendue. Le directeur des services judiciaires lui a demandé de s’expliquer sur la véracité des propos. Il a précisé que le procès-verbal serait adressé au garde des sceaux qui apprécierait les suites à donner ». Le cabinet de la ministre a déclaré que le vice procureur ne fera pas l’objet de poursuites disciplinaires.

Dans une entrevue qu’il accordait au Nouvel Observateur, Laurent Bedouet précise que, pour la première fois, un Garde des Sceaux convoque un magistrat afin que celui-ci s’explique sur des propos tenus dans le cadre d’une réquisition, autrement dit dans l’exercice de sa profession. : « Ce qui constitue une violation flagrante de l’article 33 du Code de procédure pénale, qui consacre le principe de liberté de parole à l’audience du ministère public. Je crois même que c’est la première fois depuis le Code Napoléon qu’une telle chose se produit ». Selon monsieur Bedouet, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) sera convoqué afin qu’il statue sur la violation de la ministre. Cela fait partie de ses attributions, dans la mesure où, aux termes de l’article 64 de la Constitution, le CSM assiste le Président de la République dans sa fonction de garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de cassation, déclarait, devant l’Académie des sciences morales et politiques, le lundi 20 mars 2006 : « Par tradition, l’on craint, en France, que les juges soient influencés par des souhaits politiques et qu’ils statuent, dans les affaires qu’ils ont à connaître, dans le sens voulu par le Gouvernement. Cette crainte n’est pas illogique, compte tenu des traditions de notre pays, telles qu’elles nous viennent de l’Ancien Régime et de nos habitudes jacobines. « Toute justice émane du roi », disaient autrefois les légistes attachés à la suprématie royale. Il reste quelque chose de cette idée dans notre inconscient collectif où l’où confond volontiers État et Gouvernement. On du mal à imaginer qu’un organisme d’État comme la justice ne soit pas, en fait, plus ou moins contrôlé par le Gouvernement ».

Au cours de cette même communication, le Procureur Burgelin déclarait : « les juges puisent, par ailleurs, dans la jurisprudence européenne l’audace nécessaire pour s’opposer aux lois de la Nation. En se fondant notamment sur les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, nos tribunaux écartent sans frémir l’application des lois françaises qui ne leur paraissent pas conformes aux normes définies par la Cour de Strasbourg. Ce faisant, se dessine à petites touches, un droit positif qui n’est plus le fait du législateur mais celui des juges eux-mêmes ». Il précisait : « Ce basculement peut nous interpeller et faire craindre un gouvernement des juges dont les précédents historiques ne laissent pas de bons souvenirs, notamment dans la France du XVIIIe siècle ou dans les États-Unis des années trente ».

Est-ce par des gestes d’autorité que le Garde des Sceaux parviendra à éviter ces dérives prévisibles ou par le maintien d’un équilibre fondé sur le dialogue ? Le Procureur Burgelin rappelle, en toute vérité, que la nécessaire indépendance de la justice est en relation directe avec sa qualité. Il n’est ni utile ni souhaitable que la justice soit indépendante des autres pouvoirs ». Avec raison, le Procureur souligne que : « au-delà de nos frontières, nombreux sont ceux qui suivent avec passion le grand débat dans lequel notre pays est maintenant engagé. Ils espèrent y trouver des éléments de réflexion pour leurs propres réformes judiciaires ».

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jeudi 30 août 2007

DSK - La route vers le FMI est plus longue que prévue

Selon le Financial Times, le Fonds Monétaire International (FMI) est en sérieuse perte de vitesse puisqu’il ne contrôlera plus bientôt que le vingtième des réserves monétaires mondiales. Son action ne repose donc plus que sur sa « légitimité politique » et son « autorité intellectuelle ». Le Financial Times considère que Dominique Strauss-Kahn - soutenu à bout de bras par Nicolas Sarkozy, pour qui DSK a toutes les qualités nécessaires : « polyglotte, une forte crédibilité et une expérience incontestable » - est un « mauvais candidat » au poste de directeur général du FMI : « personne ne peut soutenir que M. Strauss-Kahn est le candidat le plus qualifié dans le monde de par son expérience, son intelligence ou sa formation. Le Fonds a besoin d’une personne intellectuellement crédible à sa tête ». Au point de départ, la candidature de DSK, au nom de la France, avait obtenu le soutien unanime des pays membres de l’Union européenne et des États-Unis.

Aux termes d’une règle non écrite, l’Europe désigne le directeur général du FMI tandis que les États-Unis choisissent le président de la Banque mondiale. Dominique Strauss-Kahn n’est pas le candidat des russes : ils l’ont qualifié Dominique Strauss Kahn de « politicien professionnel » peu compétent. Comme l’indique le quotidien Le Monde, Dominique Strauss-Kahn se voit contraint de hausser le ton, alors que sa victoire était donnée pour acquise lors du vote prévu pour la deuxième quinzaine de septembre. En présentant un candidat, les Russes appuient là où cela fait mal, c’est-à-dire sur cet accord tacite qui réserve la direction du Fonds à un candidat de l’Europe et la présidence de la Banque mondiale à un Américain. Les ministres des finances africains ont rappelé à M. Strauss-Kahn qu’ils trouvaient anormal que les Américains et les Canadiens occupent quelque 40 % des emplois au FMI.

Le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Omar Konaré, s’est dit en « désaccord » avec la façon dont a été réglée la question de la désignation de Dominique Strauss-Kahn à la candidature à la direction générale du FMI. « Je pense que M. Strauss-kahn sera élu mais il sera sous surveillance. Quelles réformes va-t-il faire ? Nous ne savons rien de son programme. Le poids africain est nul et mal réparti. Il y a des réformes profondes à apporter au sein des ces institutions et, bien sûr, en finir définitivement avec cette règle qui décide que tel poste est conservé par tel pays ou telle région parce que cela ne reflète pas l’état des forces aujourd’hui dans le monde ».

La Russie se dit convaincue qu’après « une large consultation avec d’autres pays, la majorité de ces pays soutiennent ce choix de Josef Tosovsky sur la base de la qualité professionnelle ». Josef Tosovsky, ancien gouverneur de la banque centrale tchèque (CNB), vient de confirmer qu’il se porterait candidat, considérant que sa candidature reçoit une réaction positive de la part de plusieurs pays : « C’est un grand honneur pour moi d’être proposé pour le plus haut poste au Fonds monétaire international. Je me réjouis que ma candidature ait reçu une réaction positive des ministres des Finances et des gouverneurs (de banques centrales) de plusieurs pays, dans toutes les régions ».

Nonobstant le fait que Josef Tosovsky soit d’origine tchèque, Prague s’est désolidarisé de ce choix. Le ministre des Finances de son pays, Miroslav Kalousek, continue de soutenir la candidature de Dominique Strauss-Kahn, candidat de l’Union européenne. La Russie et la République tchèque sont actuellement opposées par un désaccord au sujet d’un projet américain d’installer en territoire tchèque une station radar, dans le cadre d’un bouclier antimissile américain.

L’éditorialiste du Financial Times reprend la rhétorique du ministre des Finances russes, M. Mohzin : « seuls ceux qui veulent que le Fonds ne soit plus légitime peuvent applaudir la candidature de DSK ». Egor Gaïdar, un ancien Premier ministre de Boris Eltsine qui a pendant longtemps mené le combat contre Vladimir Poutine, s’accorde avec ce dernier pour faire comprendre que la Grande Russie compte bien, indépendamment de ses désaccords internes, mieux défendre ses intérêts dans les grandes organisations internationales : « On s’étonnerait, à juste titre, si les JO d’été avaient eu lieu exclusivement depuis soixante ans à Washington, ceux d’hiver à Paris ».

Strauss-Kahn poursuit le combat : « Mon dernier déplacement en Asie et les entretiens que j’ai eus avec les dirigeants chinois, coréens et indiens ont renforcé encore ma conviction : je veux être le candidat de la réforme du FMI ». Il revient d’une tournée en Asie où il a obtenu le soutien de la Corée et de l’Inde. À propos de la Chine, le 17 juillet dernier, Qing Gang, porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères, cité par Beijing Information, avait affirmé que son pays porterait son soutien à un candidat du FMI en fonction de la prise en compte des revendications et des préoccupations de celui-ci envers les pays en développement. Force est de reconnaître toutefois que la candidature du tchèque Tosovsky pourrait gagne en crédit.

Selon Jean-Paul Fitoussi, professeur des Universités à l’Institut d’Études Politiques de Paris, dans une entrevue qu’il accordait à 20minutes : « Le Financial Times n’est pas le porte-parole du gouvernement britannique, mais le quotidien des milieux conservateurs qui aimaient beaucoup ce que faisait le FMI lorsqu’il obligeait les pays en développement à pratiquer des cures d’austérité très coûteuses humainement ». Le professeur Fitoussi poursuit : « Dominique Strauss-Kahn est plutôt critiqué parce qu’il est français. Certains pays, comme le Royaume-Uni, ne souhaitent pas d’un Français à la tête du FMI. Les Russes le critiquent au nom du partage des pouvoirs entre l’Union européenne et les États-Unis pour ce qui concerne les institutions de Bretton Woods (un Européen à la tête du FMI, un Américain à celle de la Banque mondiale). Mais le critère de nationalité n’est pas vraiment le même que celui de la qualité ».

Pour Daniel Bradlaw, professeur de droit économique à l’université américaine de Washington, dans une interview à RIA Novosti, la Russie donne le bon exemple : « Il est positif qu’un nouveau candidat au poste de Directeur général du FMI se soit déclaré. Désormais il existe un choix réel, bien que l’ancien ministre français des Finances Dominique Strauss-Kahn (prétendant de l’Union européenne à ce poste) soit aussi très qualifié. La Russie a donné le bon exemple en présentant la candidature de Josef Tosovsky ». Cependant, les chances de M. Tosovsky sont, selon lui, « peu élevées », d’autant que ni le gouvernement tchèque, ni l’Union européenne ne soutiennent sa candidature. Ce dont doute le quotidien russe Vedomosti, cité par Ria Novosti : « Pour que Strauss-Kahn ne recueille pas les 85% des voix nécessaires, la Russie n’a qu’à obtenir le soutien d’une dizaine de grands pays en développement qui représentent au total plus de 15% des voix, ce qui n’est pas irréalisable ».

Josef Tosovsky a dirigé pendant dix ans la banque centrale d’un pays en transition, puis a travaillé à Bâle dans un institut auprès de la Banque des règlements internationaux. Le candidat européen, le socialiste Dominique Strauss-Kahn, ne peut pas se vanter d’une telle expérience, il est plus homme politique qu’économiste, s’est indigné le directeur exécutif du FMI pour la Russie, Alexeï Mojine. D’autre part, « si les pays en développement n’ont pas le sentiment qu’ils jouent un rôle dans le processus de désignation, alors ils se détourneront du FMI », a soutenu le directeur exécutif. « Le fait que les États-Unis et les grands pays de l’UE se partagent les postes suprêmes au sein de ces deux institutions importantes, ne plaît pas aux pays en développement, y compris la Chine, l’Inde et le Brésil », écrit le quotidien économique tchèque Hospadarske Noviny. Et la Russie « enfonce le clou ».

Il convient de rappeler que, lors de l’annonce de la candidature de Dominique Strauss-Kahn, appuyée par Nicolas Sarkozy, les ministres des finances brésilien et argentin avaient à tour de rôle dénoncé un « pacte anachronique » et réclamé une « élection » ouverte aux pays en voie de développement. L’Afrique du Sud, elle aussi, avait exprimé son mécontentement. « La Russie a donné un nouvel élan à cette élection qui se fera à présent sur des bases de concurrence », avait lancé le ministre russe des Finances Alexeï Koudrine.

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mercredi 29 août 2007

Bagdad et Washington : deux solitudes en déclin (dernière partie)

Comme nous l’avons vu dans les deux premières parties, Washington ne voit pas d’un bon œil le rapprochement de l’Irak et de l’Iran. Comme la capitale américaine ne voit pas d’un bon œil le rapprochement Irak et Syrie. Aujourd’hui, nous nous attarderons plus spécifiquement aux nouvelles relations de l’Iran et de l’Irak, des frères ennemis qui ont retrouvé le chemin de la conversation. Bref, leur chemin de Damas, quoi.

La Maison Blanche martèle son message : « Nous avons déjà dit clairement que les activités iraniennes en Irak ne contribuent pas” à réduire les violences ». […] « Selon nos commandants sur le terrain, nous constatons des flux croissants de projectiles explosifs très meurtriers. Cela ne joue pas un rôle très constructif en Irak », commente le porte-parole de la Maison-Blanche, Gordon Johndroe, à la presse.

Il y a de quoi désespérer les conseillers du président Georges W. Bush. Les agences de renseignements américaines n’espèrent plus un changement dans l’attitude du régime de Téhéran, dans un avenir proche, en dépit de la colère croissante de la population provoquée par la détérioration de la situation économique du pays. Pour ajouter à cette détérioration économique, Washington travaille d’arrache pied pour isoler davantage l’Iran au plan international. Sans y parvenir efficacement.

L’Iran vient de lancer un autre pavé dans la mare de Washington. Mojtaba Samareh Hachémi était le principal conseiller du président Mahmoud Ahmadinejad. Il vient d’être remplacé par le général Alireza Afshar qui était jusqu’ici commandant adjoint de l’Etat-major des forces armées, en charge des affaires culturelles. Une grande partie de sa carrière s’est déroulée au sein des Gardiens de la révolution. Mahmoud Ahmadinejad est lui aussi un ancien membre des Gardiens de la révolution. Évidemment, il ne fait aucun doute que cette nomination, qui n’est en rien gratuite, accroît le poids des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime, qui pourrait être inscrit par les États-Unis sur leur liste d’organisations « terroristes ».

L’Iran a-t-il les moyens de son audace ? Dans un communiqué de presse, le gouvernement iranien vient d’annoncer qu’il a engrangé des ventes de pétrole s’élevant à 51 milliards de dollars pour l’année mars 2006 à mars 2007. Deuxième producteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avec en moyenne 2,4 millions de barils par jour, ces ventes à l’étranger constituent environ 80% des rentrées en devises et contribuent pour plus de la moitié au budget de l’Etat. Mais il aurait dépensé 60 milliards pour subventionner les ventes d’essence et d’autres produits.

Alors que les représentants démocrates et républicains s’indignent du peu d’efforts que consent al-Maliki pour enrayer la violence dans son pays, et de la perte de contrôle de ce dernier sur le gouvernement et les ressources énergétiques, les dirigeants de Téhéran lui rendent hommage. « Nous devons soutenir le gouvernement élu de l’Irak et l’ensemble des factions et des groupes ethniques doivent coopérer avec ce gouvernement élu » a dit le guide suprême iranien Ali Khamenei. Dans un même souffle, l’ayatollah Ali Khamenei avertit les États-Unis qu’ils font face à un « avenir dangereux ». « Les États-Unis sont devenus plus faibles qu’il y a 20 ans, ils ont perdus leur puissance et leur grandeur d’antan », a dit l’ayatollah Khamenei. « Les États-Unis et ceux qui les suivent sont emportés dans un tourbillon où ils coulent, et ils font face à un avenir dangereux ».

Selon l’Iran, la cause principale de l’instabilité et de la violence en Irak réside plutôt dans la présence des troupes d’occupation avec, à leur tête, les États-Unis. Les autorités iraniennes soulignent constamment qu’elles se prononcent pour la paix et la stabilité en Irak et déclarent leur soutien au gouvernement légitime de Nouri al-Maliki. Dans le même temps, Washington et Téhéran ont déjà tenu à Bagdad, à l’initiative des Etats-Unis, trois rounds de négociations sur les problèmes de la sécurité en Irak. Ces consultations, qui se sont déroulées avec la participation de représentants irakiens, ont abouti à une entente sur la création d’un comité tripartite de sécurité (Ria Novosti).

Les dirigeants chiites, sunnites et kurdes d’Irak sont parvenus à s’entendre, dimanche, en vue relancer le processus de réconciliation nationale. Autre gifle aux observateurs pessimistes de Washington qui donnait Al-Maliki perdant sur tout. Ce dernier effort pour sortir le pays de la crise politique survient après d’intenses pressions des autorités américaines et deux semaines avant la présentation devant le Congrès des États-Unis d’un rapport sur l’Irak par l’ambassadeur américain à Bagdad, Ryan Crocker, et le chef des forces de la coalition sur place, le général David Petraeus. La « loi de réconciliation » sur laquelle sont parvenus à s’entendre le premier ministre chiite Nouri Al-Maliki, le président kurde Talabani, le vice-président sunnite Tarek Al-Hachémi, le vice-président chiite Adel Abdel Mehdi et le président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, doit être approuvée par le Parlement.

Nir Rosen est journaliste indépendant, auteur de « In the Belly of the Green Bird: The Triumph of the Martyrs in Iraq ». Le New York Times a récemment publié dans son édition dominicale l’enquête qu’il a effectuée sur le sort les réfugiés irakiens. Il tient des propos très durs sur le gouvernement irakien, dans une entrevue reprise en ligne par le site ContreInfo :

« Avant tout, le gouvernement n’a plus d’importance réelle. Il n’a pas de pouvoir. Et peu importe celui qui s’y trouve, il n’aura aucun pouvoir. Bagdad n’a plus aucune importance en dehors de la ville elle-même. Bagdad était la ville la plus importante d’Irak, et celui qui contrôlait Bagdad contrôlait l’Irak. Aujourd’hui, vous avez une collection de cité-états: Mossoul, Bassora, Bagdad, Kirkourk, Irbil, Suleymanye. Chacune est virtuellement indépendante, et elles ont leurs propres seigneurs de la guerre, leurs propres milices. Ce qui se déroule à Bagdad n’a plus d’importance. C’est le premier point ».

« Deuxièmement, qui pourrait-il installer à la place au gouvernement ? Qui croit-il qu’il va installer ? Allawi ou un autre candidat laïc ? Il y a eu des élections démocratiques, et la majorité des irakiens ont choisi le parti religieux Dawa, le Conseil Suprême de la Révolution Islamique, et le mouvement de Sadr. Voila les mouvements qui sont populaires parmi la majorité des chiites, qui eux-mêmes sont une majorité en Irak. Donc, qui vous installez, cela n’a aucune importance. Les gens de la Zone Verte n’ont jamais eu aucun pouvoir. Les américains, que ce soit le gouvernement ou les journalistes sont focalisés sur la Zone Verte depuis le début de la guerre, mais cela n’a jamais vraiment compté. Ce qui importe, c’est ceux qui ont le pouvoir dans la rue, les différentes milices, qui, selon le lieu ou vous vous trouvez, sont sunnites, chiites, tribales, religieuses ou criminelles. Il s’agit là de la même mécompréhension de la politique en Irak. Le gouvernement n’agit pas, ne fournit aucun service public, que ce soit la sécurité, l’électricité, la santé ou autre. Différentes milices contrôlent les différents ministères et en font leur fief. Des ministères attaquent d’autres ministères… »

La semaine dernière, un commandant américain en Irak a accusé les Gardiens de la révolution, le corps d’élite du régime iranien, d’entraîner des extrémistes chiites en Irak à attaquer les forces américaines et irakiennes. Washington accuse l’Iran d’avoir une attitude de double jeu à l’égard des États-Unis, évoquant les récentes discussions entre de hauts responsables iraniens et l’ambassadeur américain à Bagdad Ryan Crocker. « Les Iraniens disent publiquement chaque fois qu’ils rencontrent l’ambassadeur Crocker qu’ils veulent jouer un rôle constructif en Irak. Pourtant, selon nos commandants sur le terrain, nous constatons des flux croissants de projectiles explosifs très meurtriers. Cela ne joue pas un rôle très constructif en Irak ».

Le Los Angeles Times rapporte que le chef d’état-major interarmées américain devrait proposer au président George W. Bush de réduire le nombre de soldats américains en Irak l’année prochaine. L’idée derrière cette proposition est d’expliquer au président Bush que laisser plus de 100 000 soldats en Irak en 2008 sur les 162 000, actuellement sur place, mettrait l’armée sous tension. Téhéran doit très certainement lire et analyser les moindres dépêches en provenance de Washington ou d’ailleurs.

Yves Harté, rédacteur en chef de Sud Ouest Dimanche, juge sévèrement le règne de Georges W. Bush et, s’agissant du départ des faucons, il écrit : « Ce qu’ils laissent est un champ de ruines que personne ne sait comment relever. L’empire américain a non seulement perdu dans cette aventure infiniment de puissance, mais il a signé en même temps son acte de cession du contrôle mondial … » Yves Harté poursuit : « Dès lors qu’un empire s’effrite, les successeurs se pressent. Demain, l’axe du monde ne sera plus à Washington. En quelques années, le centre de gravité de notre civilisation va se déplacer, et la désastreuse aventure irakienne scellera la fin des cinq cents ans de domination de l’Occident dont les Etats-Unis étaient finalement les derniers et les plus puissants rejetons. Il est facile de prédire qu’au delà de l’océan, de l’autre côté du Pacifique, émergera le futur maître du monde dans une rotation de civilisations semblable à celle de notre terre » (Sud Ouest - 2007-08-19).

Le Premier ministre irakien, ali-Maliki, est placé entre le marteau et l’enclume. Il a besoin des Iraniens pour conclure des affaires lucratives et il ne peut envoyer paître les américains qui occupent tout l’espace avec 160 000 hommes en Irak, sans compter les mercenaires et autres à la solde de l’hyperpuissance. Deux théories s’affrontent et pourraient se résumer en ces termes : « Les occupants déclarent que s’ils se retirent maintenant, l’Irak sera détruit. Mais bien au contraire, si les occupants partent, tous les responsables irakiens feront tout leur possible pour résoudre les problèmes du peuple (irakien) ». Les États-Unis sont-ils devenus, au fil des années, le principal obstacle au recouvrement d’une sécurité durable en Irak ou, au contraire, leur présence suffit-elle à éviter davantage un désastre appréhendé ?

La faiblesse d’al-Maliki indispose d’autant les américains qu’elle compromet le plan de remodelage régional qu’entend implanter Washington au Proche-Orient. Ses allées et venues entre Téhéran et Damas n’arrangent pas du tout les choses. Les mollahs comptent sur l’isolement de Washington dans la région en impliquant de plus en plus les Russes et les Chinois dans la région. Forte de sa puissance énergétique, Moscou n’hésite plus à se mettre en travers des projets américains.

Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai était la réponse souhaitée par Moscou à l’extension de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) aux pays Baltes et à plusieurs États de l’Est européen. Pendant la réunion du « Groupe de Shanghai » à Bichkek, composé de la Chine, de la Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan, avec l’Inde, l’Iran, la Mongolie et le Pakistan comme observateurs, a profité de l’occasion pour promouvoir la candidature de l’Iran. Après l’Iran, faire adhérer l’Inde, le Pakistan et la Mongolie contribuerait à donner du corps à l’Organisation de coopération de Shanghai. Les présidents afghan Hamid Karzaï et turkmène Gourbangouly Berdymoukhamedov, ainsi que le secrétaire général adjoint de l’ONU, Lynn Pascoe, étaient également invités au sommet. L’offre de Moscou de joindre l’Iran dans les rangs de l’Organisation de coopération de Shanghaï n’est pas gratuite : un tel rapprochement constituerait pour Téhéran « une bouée de sauvetage puisque, par ce biais, la capitale iranienne pourrait tisser des liens avec l’Asie, notamment la Chine, et être plus forte dans son bras de fer avec les États-Unis ».

Notons que dans le seul secteur aéronautique, Tupolev a l’ambition de vendre pour plus de 250 milliards d’appareils d’ici à 2025 afin de se hisser au niveau des géants du secteur que son Boeing et Airbus. Tupolev vient de faire savoir qu’un accord, avec l’Iran pour la fourniture et la production commune d’avions de ligne Tu-214 et Tu-334, était en bonne voie. Ce contrat est estimé à plusieurs centaines de millions de dollars.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le répète à qui veut l’entendre : « La Russie ne voit pas la menace émanant de l’Iran par laquelle les Américains expliquent la nécessité de déployer des éléments de leur défense antimissile (ABM) en Europe ». « Analysant non seulement la déclaration des dirigeants de l’Iran, mais aussi les informations assez précises dont nous disposons, nous ne voyons aucune menace de ce type avant très longtemps, même si l’Iran avait l’intention de détenir les missiles pour se protéger desquels on essaie de créer une troisième zone de défense antimissile », a soutenu le ministre russe.

Dans sa volonté de revoir le programme énergétique russe, Vladimir Poutine a procédé à la création du groupe Atomenergoprom. Le nouveau groupe verra le jour en janvier 2008. Il pourra exporter, selon Moscou, la technologie russe à l’étranger, vers des pays comme l’Iran, l’Inde, le Pakistan et la Chine. Atomenergoprom pourra également vendre des réacteurs à tous ceux qui respectent le traité de non-prolifération (TNP). La Russie en construit déjà deux en Chine, deux en Bulgarie, un en Iran et deux en Inde qui sont non signataires du TNP.

Le président chinois Hu Jintao, qui s’est par la suite entretenu avec son homologue russe, Vladimir Poutine, a profité de l’occasion pour inviter son homologue à accélérer les négociations, entre les deux pays, sur la construction de l’oléoduc et pour augmenter les investissements mutuels. Hu Jintao essaie donc de convaincre Vladimir Poutine de lui ouvrir plus généreusement ses immenses réserves de pétrole et de gaz. M. Hu a aussi rencontré les présidents du Tadjikistan, de l’Ouzbekistan, de la Mongolie, de l’Iran et de l’Afghanistan.

L’Inde est fortement tentée par le projet de gazoduc Iran-Pakistan-Inde (IPI), proposé par Téhéran. Mais Washington veille à ses intérêts. L’Iran-Libya Sanctions Act (ILSA) – au moyen duquel Washington punit toute entreprise qui investirait dans le pétrole ou le gaz de ces pays – restreint l’Inde de développer ce nouvel axe Iran-Lybie.

En conclusion, force est de comprendre que, à l’instar de Damas, Téhéran souhaite un retrait des forces américaines de l’Irak pour la sécurité et la stabilité de ce pays déchiré par la guerre. Téhéran n’est pas sans comprendre que jouer un rôle positif, pour retrouver la paix dans la région, dépend en grande partie de la stabilité en Irak et dans des zones aux alentours. Mahmoud Ahmadinejad et Nouri al-Maliki sont convenus tous deux que l’avenir de la région dépendait de la victoire des Irakiens. Une telle option est insupportable et rejetée d’emblée par les américains. Le désaccord de George W. Bush qui en a fait part à al- Maliki est négligemment considéré par les acteurs régionaux – Iran, Irak et Syrie – comme en font foi les déclarations d’Ali Khamenei qui a réaffirmé au Premier ministre Maliki que la présence des forces américaines est le plus grand obstacle pour la restauration de la sécurité en Irak.

Ceci termine cette longue, très longue analyse, qui se veut une revue des principaux événements qui ont marqué le Proche-Orient, au cours des derniers mois. Merci au lecteur de son assiduité, de sa patience et de sa compréhension.

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mardi 28 août 2007

Bagdad et Washington : deux solitudes en déclin (Deuxième partie)

Il convient de rappeler que, ce dimanche, Bagdad a annoncé une relance du processus de réconciliation. Les dirigeants chiites, sunnites et kurdes d’Irak se sont engagés à relancer le processus de réconciliation nationale en acceptant de résoudre les problèmes clé qui les opposent. Cet accord porterait notamment sur la possible réintégration des anciens membres du parti Baas, au pouvoir sous Saddam Hussein, au sein de la fonction publique et de l’armée. Un consensus aurait été trouvé sur les pouvoirs des régions et sur la libération de prisonniers détenus sans la moindre inculpation à travers le pays, essentiellement sunnites. « La première étape de la relance du processus politique était l’alliance des quatre partis », a déclaré le Premier ministre Nouri al-Maliki. « La signature de cette déclaration commune constitue la deuxième étape », a-t-il ajouté. « Cet accord politique et la déclaration vont rejaillir sur l’ensemble de ce processus politique, qu’il s’agisse du gouvernement ou du parlement ».

Autant les relations Bagdad-Washington se crispent, autant les relations Bagdad-Damas et Bagdad-Téhéran se réchauffent. Les bonnes relations s’élargissent également en incluant l’axe Bagdad- Moscou. Nous en avons parlé dans un article précédent. Georges W. Bush, comme nous l’avons vu, a de plus en plus de difficultés à soutenir le Premier ministre chiite irakien, Nouri al-Maliki. Les représentants américains ont des mots très durs à son égard et ne souhaitent que son départ. Il convient de s’interroger sur l’instance que met Washington à pousser vers la porte al-Maliki. Face aux critiques de plus en plus féroces de l’Amérique, Nouri al-Maliki se tourne vers des pays alliés qui lui sont plus naturels. Lors de sa visite à Damas, le Premier ministre a marqué ses distances avec Washington : il a démenti être le transmetteur d’un message de l’administration américaine à la Syrie au sujet du contrôle de la sécurité aux frontières entre l’Irak et la Syrie. Il n’est pas question, pour al-Maliki, d’indisposer le président syrien Bachar al-Assad qu’il rencontrait en compagnie du vice-président Farouk al-Chareh. La déclaration du Premier ministre irakien se voulait une réponse à la déclaration de Gordon Johndroe, porte-parole de la Maison Blanche, qui avait laissé entendre que l’administration américaine espérait que M. Maliki transmettrait à la Syrie un « message fort » mettant en garde Damas contre tout soutien aux insurgés violents en Irak.

Al-Maliki sait fort bien que sa visite en Syrie, l’une des principales bêtes noires de Washington dans la région, déstabilise Washington qui n’entend pas perdre son contrôle sur Bagdad. Nouri Al-Maliki ne s’en cache plus : s’agissant des hauts responsables américains, qui ont critiqué son leadership, il déclare que « ceux qui font de telles déclarations sont perturbés par notre visite en Syrie ».

Le Premier ministre syrien, Mohammad Naji Ottri, a qualifié la récente visite de Nouri al-Maliki de « productive et de couronnée de succès » parce qu’elle ouvre la voie à la promotion de la coopération entre les deux pays dans les domaines économique, commercial, énergétique, du pétrole et du gaz et de l’irrigation ainsi que sur les plans culturel, éducationnel et social. Pour sa part, Djaouad al Bolani, ministre de l’Intérieur irakien, après avoir assisté à Damas à une série de réunions sur la sécurité, affirme que les Syriens ont fait du bon travail, loin de l’attention des médias : « D’après ce que je sais, ils ont arrêté des groupes armés qui prévoyaient de traverser la frontière pour se rendre en Irak ». « Toute la région connaît d’importants problèmes de sécurité et nous sommes directement confrontés au terrorisme, qui ne se limitera plus longtemps à l’Irak », a-t-il déclaré.

À Bagdad, l’ambassadeur des États-Unis, Ryan Crocker, a beau admonester Al-Maliki, rien n’évolue au rythme que souhaiterait bien Washington : « Nous attendons des résultats, tout comme le peuple irakien, et notre soutien n’est pas un chèque en blanc ».

Le pétrole est une donnée hautement sensible aux yeux de Washington. Selon l’ancien haut fonctionnaire irakien, Mohamed-Ali Zainy, du Center for Global Energy Studies, et cité par Le Monde : « L’Irak est le dernier Eldorado pétrolier. Les majors veulent leur part du gâteau, mais les conditions d’exploitation n’ont pas encore été bien définies. Les réserves de Majnoun, qui produisait 50 000 barils par jour avant la chute de Saddam Hussein, sont estimées à 12 milliards de barils ». Chevron, proche de l’administration Bush, a pu tisser en toute tranquillité des liens avec les technocrates du pétrole irakien. Chevron agit maintenant en duo avec Total. Le duo collabore aussi sur le champ de Nahr ben Omar, dans le Sud, dont les réserves sont estimées à 6 milliards de barils. Les compagnies attendent un production sharing agreement (PSA) à plus long terme qui leur permettrait d’inscrire leurs réserves au bilan, créant de la valeur aux actionnaires. Mais le ministère irakien des pétroles ne veut pas être accusé de brader les richesses nationales au profit des étrangers. Ce type d’accord est la norme au Proche-Orient. Aujourd’hui, une dizaine de petites compagnies étrangères sont présentes en Irak, essentiellement dans l’exploration, dont Genel, Dana Gas, Gulfsands Petroleum, ONGC-Reliance et Addax Petroleum. En attendant de meilleures garanties de sécurité, les grands - BP, Shell, Total ou ExxonMobil - préfèrent attendre, tout en plaçant leurs pions.

Au-delà des questions de stabilité, préoccupations fort nobles, il y a aussi des intérêts stratégiques importants en jeu : le pétrole. Rien n’est gratuit. Avec 60 pour cent des réserves pétrolières du monde, il est évident que le Moyen Orient constitue un enjeu de taille pour les Américains. L’Irak se place au troisième rang pour l’importance de ses réserves, soit 115 milliards de barils ou 10 pour cent du total mondial. La très grande majorité de ces réserves est concentrée autour de Basra et l’autre tiers dans les régions turcomanes, au nord de l’Irak.

L’Amérique attend avec impatience l’adoption d’une loi sur la politique énergétique de l’Irak. Que prévoit donc cette loi réclamée par Washington ? D’abord, il n’est pas question, dans ce projet de loi, de transférer juridiquement la propriété des réserves pétrolières de l’Irak à des organisations privées. Les réserves de pétrole restent sous contrôle irakien. Plus subtilement, la loi consiste à privatiser les « revenus du pétrole ». Dès l’extraction du pétrole des sous-sols irakiens, les revenus seront versés, selon de savants calculs, aux compagnies privées. Il n’est pas assuré que le peuple irakien y trouve son compte.

Pendant que Washington s’impatiente, Hussein al-Shahristani, ministre irakien du Pétrole, multiplie les démarches pour exposer, lors de rencontres avec les représentants de gouvernementa et les responsables de compagnies pétrolières, que son pays coopérera avec quiconque qui proposera les meilleures conditions pour l’Irak et cela, indépendamment des pays auxquels appartiennent ces compagnies.

Moscou ne se contente pas de regarder passer le bateau. En 2005, la Russie a dépassé les États-Unis, devenant le deuxième plus grand producteur de pétrole du monde. Son revenu pétrolier s’élève maintenant à 679 millions de dollars par jour. Elle est aussi le plus grand producteur de gaz naturel de la planète, avec les trois cinquièmes de ses exportations de gaz allant vers les 27 membres de l’Union Européenne. Le ministre russe de l’Industrie et de l’Énergie, Viktor Khristenko, a rencontré au début du mois d’août, à Moscou, son homologue irakien, Hussein al-Shahristani, pour discuter de coopération énergétique. Moscou est maintenant un acteur incontournable et Bagdad ne peut l’ignorer.

Rien n’est plus irritant, pour Washington, d’apprendre, par médias interposés, toutes ces bonnes nouvelles : le ministre irakien a rassuré Moscou qu’aucun pays ne bénéficiera de préférences en Irak. La compagnie LUkoil lorgne bien évidemment du côté de l’Irak. LUKoil pourra, a rassuré le ministre irakien, rivaliser avec d’autres sociétés dans les conditions égales pour tous conformément à la nouvelle loi sur le pétrole, qui n’est pas encore adoptée et ratifiée par le Parlement.

La Syrie et l’Irak ont signé plusieurs accords économiques dans le but de réhabiliter et de rouvrir l’oléoduc qui relie Kirkouk (dans le nord de l’Irak) à Banias (littoral syrien) où se trouve une raffinerie de pétrole. Cet oléoduc serait rouvert pour satisfaire les besoins des deux pays en produits pétroliers. Ces accords ont été confirmés par le ministre syrien du Pétrole et des Ressources minières, Soufiane Allaou, au quotidien officiel al-Baas. L’oléoduc Kirkouk-Banias avait fait l’objet d’un premier essai en novembre 2000, après une interruption de 18 ans. Il avait été refermé lors de l’invasion américaine en mars 2003. La Syrie, pays exportateur de pétrole, recevait de l’Irak, avant cette date, environ 200.000 barils par jour facturés à des prix préférentiels.

Bagdad et Damas sont également convenus de relancer le Haut comité conjoint Irako-syrien, qui sera présidé par les Premiers ministres des deux pays, et de créer un comité de suivi pour faire le point sur la coopération bilatérale. Les deux capitales sont également tombées d’accord sur la construction d’un gazoduc allant du champ de gaz naturel irakien d’Akkas, près de la frontière syrienne, aux infrastructures de Deir Ezzor dans le nord-est de la Syrie.

Bagdad soigne également ses arrières avec Téhéran. L’Iran et l’Irak collaboreront à la construction de deux oléoducs qui achemineront en sol iranien du pétrole irakien. Un premier oléoduc acheminera du pétrole brut du port de Bassorah, dans le sud de l’Irak, vers le port d’Abadan, dans le sud-ouest de l’Iran. Un deuxième oléoduc sera construit entre les deux villes pour le transport de produits pétroliers. L’Iran achètera ainsi 100.000 barils de brut irakien pour les raffiner dans le port de Bandar Abbas (sud) et revendra deux millions de litres de produits raffinés par jour à l’Irak.

L’octroi de contrats d’exploration-production du pétrole, à des compagnies étrangères, est controversé dans l’ex-Mésopotamie, comme l’atteste la difficile ratification de la législation énergétique. La volonté de Bagdad et de Damas de fixer un calendrier, pour un retrait rapide des troupes américaines en Irak, pourrait-elle avoir pour conséquence de compromettre les efforts américains pour accroître davantage ou protéger son influence sur la politique énergétique de l’Irak ? Le Premier ministre syrien Naji Ottri a invité son homologue irakien à préparer un calendrier de retrait des troupes étrangères de son territoire, accusant même les forces de la coalition de porter une large responsabilité dans la détérioration de la situation sécuritaire en Irak : « La présence de la force d’occupation en Irak attire les forces d’extrémisme irakiennes et conduit à l’escalade de la violence aveugle qui coûte la vie tous les jour à des personnes innocents en Irak », a indiqué le Premier ministre syrien Mohammad Naji Ottri. Tout indique que Bagdad pourrait pousser vers la porte l’ami américain : « L’établissement d’un calendrier pour le retrait des troupes étrangères d’Irak pourrait offrir des opportunités de réconciliation entre Irakiens et créer une atmosphère favorable pour un dialogue sérieux entre différentes parties irakiennes », a estimé le chef du gouvernement syrien.

De telles déclarations ne sont pas sans inquiéter Washington. Force est, pour les stratèges américains, de constater leur échec : ils craignent maintenant que Damas et Téhéran n’essaient d’agrandir dans le territoire irakien leurs zones d’influence respectives, et ce, au détriment de leur propre influence. Al-Maliki en rajoute. Réagissant aux diverses interpellations des représentants démocrates et républicains, le Premier ministre Al-Maliki a répliqué avec une certaine ironie : « Ces déclarations ne nous inquiètent pas beaucoup. Ce qui nous préoccupe, c’est notre expérience démocratique et le respect de la Constitution. Nous trouverons à travers le monde de nombreux soutiens à nos efforts ». Est-il utile de rappeler le constat du ministre des Affaires étrangères de France à Bagdad : « Les Américains ont commis erreur sur erreur. Il est impossible de refaire l’Histoire. Il s’agit maintenant de tourner la page », déclare Bernard Kouchner, un homme qui ne laisse rien au hasard.

Tout ne va pas pour le mieux pour Nouri al-Maliki qui se débat avec une crise politique apparemment inextricable. Il éprouve beaucoup de difficultés à réconcilier les communautés religieuses d’Irak et à gérer le Parlement, pour mettre en place les réformes jugées indispensables par le gouvernement américain, et pour gérer les ressources pétrolières. Washington ne dissimule même plus son mécontentement. À un point tel que les agences de renseignements américaines font un bilan « pessimiste » des capacités du Premier ministre irakien à « parvenir à la réconciliation nationale », selon le New York Times. Le rapport exprime de « sérieux doutes » et donne une « vision pessimiste » des capacités du gouvernement à « surmonter les différences confessionnelles » et à unifier le pays.

Aveuglé par son orgueil démesuré et rejetant tout échec de sa stratégie, Georges W. Bush devrait n’avoir d’autre choix que de constater que l’Irak quitte le peloton et n’en fait qu’à sa tête. La sénatrice démocrate, Hillary Clinton, estime, franchement, dans un communiqué, que « la stratégie d’escalade » de Georges W. Bush « ne fonctionne pas ». Se refusant à tout échec de sa politique en Irak, Georges W. Bush persiste et signe, dans un baroud d’honneur : « Nous assistons à une réconciliation à partir du bas. Elle est visible, elle est tangible et réelle », déclare-t-il lorsqu’il fait la distinction entre le niveau local et le niveau national. Selon lui, « les Irakiens commencent à rejeter les extrémistes ». « Le Premier ministre Al-Maliki est un type bien, un homme bien à la tâche difficile, et je le soutiens », répète inlassablement Georges W. Bush. « Tant que je serai commandant en chef, nous allons nous battre pour gagner », a déclaré M. Bush, dont le mandat prend fin dans un peu plus d’un an. « J’ai confiance en la victoire », a-t-il ajouté. Après avoir comparé l’Irak au Vietnam, des observateurs ont riposté : « Pour les historiens, la leçon du Vietnam est qu’il faut savoir décider quand cesser de s’en remettre à la seule force militaire ». Ce que ne comprend toujours pas l’entêté Georges W. Bush.

Demain mercredi, dernière partie.

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lundi 27 août 2007

Bagdad et Washington : deux solitudes en déclin (première partie)

L’annonce, ce dimanche, d’une relance du processus de réconciliation en Irak survient alors que G. W. Bush fait face aux pressions du Congrès américain pour qu’il force le premier ministre irakien Nouri al-Maliki à agir pour réduire les tensions et violences confessionnelles. Les dirigeants chiites, sunnites et kurdes d’Irak se sont engagés à relancer le processus de réconciliation nationale en acceptant de résoudre les problèmes clé qui les opposent. Cet accord porterait notamment sur la possible réintégration des anciens membres du parti Baas, au pouvoir sous Saddam Hussein, au sein de la fonction publique et de l’armée.

Aujourd’hui, mardi et mercredi, nous passerons en revue les relations de l’Irak avec les États-Unis, avec l’Iran, avec la Syrie et avec la Russie. Bien évidemment, l’actualité risque de précéder notre analyse et d’en modifier certaines observations. Je prie le lecteur de prendre ce fait en considération.

Le républicain John Warner, sénateur de Virginie et membre de la commission du Sénat sur les forces armées demande au président américain George W. Bush d’annoncer un plan de retrait des troupes américaines d’Irak le 15 septembre, lors de la publication d’un nouveau rapport sur la situation en Irak : « Je dis respectueusement au président choisissez n’importe quel nombre (…) mais, dans les quelque cent soixante mille [soldats américains déployés en Irak]. Disons 5 000 soldats ! Ils pourraient commencer leur retrait et être à la maison avec leurs familles pas plus tard qu’à Noël cette année. Ça, c’est un premier pas ». « C’est le président, pas le Congrès, qui doit établir un calendrier de retrait », a-t-il dit. Le sénateur Warner vient de se rendre en Irak avec le sénateur démocrate Carl Levin, président de la Commission. Son retour coïncide avec la publication d’un rapport des services de renseignement américains pointant le risque de « précarisation » accrue du gouvernement du Premier ministre irakien Nouri al Maliki dans les prochains mois. M. Warner, particulièrement indisposé par ce qu’il a vu à Bagdad, compte parmi les hommes politiques influents à Washington. Engagé volontaire durant la Seconde Guerre mondiale puis durant la guerre de Corée, ce que dit ou ce que croit John Warner ne peut être ignoré à Washington. Sa prise de position risque surtout de peser lourd sur le camp des républicains. John Warner se dit persuadé qu’une telle initiative enverrait le message au gouvernement de Bagdad que l’engagement américain en Irak n’est pas illimité.

Réaction prévisible de la Maison Blanche : elle rejette poliment le conseil de M. Warner se réfugiant derrière le calendrier qu’aucune décision ne serait prise avant la publication du rapport du général Petraeus qui doit évaluer le 12 septembre prochain, devant le Congrès, la situation en Irak depuis le déploiement de quelque 30 000 soldats américains supplémentaires. Beaucoup d’attentes entourent ce rapport. S’agissant du républicain, John Warner, il est intéressant de rappeler que Georges W. Bush avait évité de justesse une humiliation, en mai dernier, lorsque l’influent sénateur avait proposé un amendement qui stipulait que le gouvernement irakien devait respecter un certain nombre de critères pour obtenir le maintien des troupes américaines dans le pays. Amendement qu’avait rejeté le Sénat.

Los Angeles Times lui révèle une autre mauvaise nouvelle : selon les informations du quotidien, le chef de l’état-major de l’armée américaine, le général Peter Pace, s’apprêterait à recommander au chef de l’État de réduire ses troupes en Irak de près d’un tiers et ceci à partir de l’année prochaine. Bien évidemment, cet avis du général Pace n’est pas sans produire une forte valeur symbolique : les préoccupations des officiers généraux de l’état-major, de moins en moins convaincus par le bien fondé de la stratégie des États-Unis en Irak, vont dans le même sens.

À Washington, la question républicaine n’est plus de sauver l’Irak mais bien de s’interroger sur « comment ne faudrait-il pas quitter le navire Bush pour limiter l’ampleur de la défaite électorale annoncée pour 2008 ? ». Plusieurs républicains et démocrates en sont arrivés à se demander si la solution n’est pas double : le sénateur Warner a ajouté ne pas vouloir aller « aussi loin » que son collègue démocrate du Michigan, Carl Levin, qui avait appelé purement et simplement au remplacement de Al-Maliki. Retirer un contingent de 5000 soldats, sans exiger pour l’instant le départ d’Al-Maliki, constituerait aux yeux de John Warner un signal suffisant qui aiguillonnerait le gouvernement irakien et l’inciterait à faire davantage d’efforts en vue de la réconciliation nationale.

Lors du récent débat télévisé de 90 minutes, le 19 août dernier, les huit candidats démocrates pour la présidentielle de 2008 avaient exprimé le désir de mettre fin à la guerre en Irak sans toutefois parvenir à éliminer leurs divergences d’approche sur la manière de retirer rapidement les troupes américaines et sur le nombre de « G.I. » qui doit rester en Irak. Dennis Kucinich, représentant de l’Ohio et l’ancien sénateur de l’Alaska, Mike Gravel, ont proposé un retrait immédiat. « Il faudrait un certain temps », soutient Hillary Clinton, sénatrice de New York. Joseph Biden, sénateur du Delaware, estime qu’un « retrait imprudent » risquerait de provoquer des divisions en Irak ainsi qu’une guerre régionale alors que Barack Obama, sénateur de l’Illinois, s’est, pour sa part, prononcé pour un « retrait en ordre et graduel ». Dans son cas, le sénateur rencontrerait les dirigeants des pays dits « voyous » et enverrait des troupes au Pakistan, si la présence du leader d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, était avérée. Cette position du sénateur Obama en avait fait sursauter plus d’un, dont la sénatrice Hillary Clinton.

George W. Bush et le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, partagent bien différemment leurs deux solitudes. George Bush, malgré un instant d’hésitation au Sommet de Montebello, persiste et signe : il s’est exprimé devant d’anciens combattants à Kansas City et réaffirmé son soutien au Premier ministre irakien. La démocrate Hillary Clinton pousse Nouri al-Maliki au départ. Elle appelle le Parlement irakien à nommer une personnalité qui créé moins de divisions entre Chiites et Sunnites : « Je partage l’espoir du sénateur Levin que le parlement irakien remplace le Premier ministre Maliki par une personnalité moins controversée et plus unificatrice lorsqu’il retournera en session dans quelques semaines ». Al-Maliki est furieux : « Hillary Clinton et Carl Levin sont des démocrates et devraient respecter la démocratie. Ils parlent de l’Irak comme s’il s’agissait de leur propre bien ».

Le Premier ministre chiite, Nouri Al-Maliki, se sentant de plus en plus abandonné par les américains, vient d’apprendre que la France le lâche également : le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, suggère maintenant, dans un entretien à l’hebdomadaire américain Newsweek, la démission de Nouri al Maliki. « Je viens d’avoir Condoleezza Rice (la secrétaire d’Etat américaine) au téléphone (…) et je lui ai dit : écoutez, [Maliki] doit être remplacé ». La riposte est venue rapidement : « Par le passé, vous avez soutenu l’ancien régime (de Saddam Hussein). Aujourd’hui nous étions satisfaits [de la visite française en Irak] et c’est le moment que vous choisissez pour apporter votre soutien aux partisans de l’ancien régime. Nous exigeons des excuses du gouvernement français ». Abandonné, al-Maliki n’a d’autre choix que de se tourner vers l’Iran et la Syrie. Lors de sa visite à Damas, le premier ministre s’est braqué devant les critiques des États-Unis : personne n’était autorisé à lui fixer des échéances. Selon lui : « c’est au peuple d’Irak de changer de gouvernement, ce n’est pas l’affaire de politiciens des États-Unis ». Ce refrain a été repris par le président américain lui-même : « ce n’est pas aux politiciens de Washington de décider s’il doit rester à son poste », a dit M. Bush devant d’anciens combattants à Kansas City. Cette décision revient « au peuple irakien, qui vit aujourd’hui en démocratie et non en dictature ». Pour rappel, monsieur Bush n’a pas été aussi généreux avec le gouvernement élu de Palestine.

Nouri Al-Maliki multiplie les mauvaises fréquentations, aux yeux de plusieurs observateurs de Washington : pendant qu’il s’entretient avec le président Bachar al-Assad, à Damas, Mahmoud Ahmadinedjad fait savoir, de Téhéran, qu’il accepte l’invitation du Premier ministre de visiter Bagdad prochainement. Rien pour décrisper l’Amérique. D’où la violente riposte du sénateur Levin : « J’espère qu’à son retour de vacances, le Parlement chassera le gouvernement Maliki et le remplacera par une équipe non sectaire et unificatrice ».

Maliki a perdu 17 de ses 37 ministres et n’arrive pas à rallier les sunnites. À ce rythme, le gouvernement irakien ne sera plus, bientôt, que l’ombre de lui-même. Au Kurdistan, Masoud Barzani et Jalal Talabani se querellent sur la loi du pétrole tant souhaitée par les États-Unis. Georges Clemenceau disait après la Première guerre mondiale : « Désormais, une goutte de pétrole a la valeur d’une goutte de sang ». « Les Britanniques ont été défaits », clame, dans un élan de victoire, le chef chiite Moqtada Sadr. Ce que nie bien évidemment Londres. « Maliki ne gouverne rien », disait récemment à La Presse Mokhtar Lamani, ex-envoyé de la Ligue arabe en Irak. « Son remplaçant héritera du même chaos », ajoutait-il, « à moins que toutes les parties définissent ensemble de nouvelles règles de jeu pour repartir à neuf ». « Un type bien », disait d’Al-Maliki Georges W. Bush à Kansas City la semaine dernière.

Du même souffle, le président américain a présenté un nouvel argument, qui en a surpris plus d’un, pour appuyer sa ténacité à ne pas quitter l’Irak : « Les idéaux et les intérêts qui ont conduit l’Amérique à aider les Japonais pour transformer la défaite en démocratie sont les mêmes qui nous conduisent à rester engagés en Afghanistan et en Irak ». Citant en exemple la Corée du Sud, Georges W. Bush maintient que : « Le résultat du sacrifice et de la persévérance américains en Asie est un continent plus libre, plus prospère et plus stable dont la population veut vivre en paix avec l’Amérique, pas attaquer l’Amérique ». Il a ainsi demandé aux Américains de reprendre confiance.

Selon un sondage de l’institut Pew, réalisé en juin dernier dans 47 pays, « depuis cinq ans, l’image des États-Unis s’est ternie auprès de la majeure partie des pays du monde et s’est dégradée considérablement chez les alliés traditionnels des États-Unis, dans les Amériques, au Moyen-Orient et ailleurs ». La Turquie établit un record avec 83 % d’opinions défavorables. En France, 76 % des personnes interrogées désapprouvent « les idées américaines de la démocratie », selon Pew, qui a sondé un total de 45 000 personnes. Des scores presque similaires sont enregistrés en Allemagne, en Espagne, au Pakistan. Seule l’Afrique noire a globalement une vision positive des États-Unis et rares sont les pays qui ne se réjouissent pas de l’humiliation subie en Irak par la superpuissance. « Tout le monde ne peut pas nous aimer, mais il ne faut pas non plus que tout le monde nous haïsse», rappelait, le mois dernier, la candidate Hillary Clinton à un partisan qui lui faisait remarquer que les États-Unis « ne sont plus la puissance mondiale qu’ils ont été ». Les Américains ont également perdu la foi puisqu’ils sont désormais 65 pour cent à désapprouver les actions de leur président, George W. Bush. (Le Devoir, Montréal, Édition du 18 et 19 août 2007).

À Washington, le président américain devrait peut-être réfléchir sur cette remarque du ministre des Affaires étrangères de la France, Bernard Kouchner, lors de sa visite à Bagdad, au Premier ministre Al-Maliki : « Notre but était modeste, donc il a été atteint ».


La deuxième partie, demain, mardi.

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dimanche 26 août 2007

Les médecins cèdent au lobby des cliniques privées

Les médecins cèdent au lobby des cliniques médicales privées et rejettent l’héritage de l’universalité des soins de santé. Triste virage.

Monsieur Stéphane Dion s’adapte. Il y a le discours d’avant le chef, et le nouveau discours du chef. Avant d’être le chef du Parti libéral du Canada, monsieur Dion s’était, en 2002, prononcé en faveur de la privatisation dans le réseau de la santé, d’une compétition accrue, de la mise en place de frais modérateurs et d’une modification de la Loi canadienne sur la santé. Après avoir, la semaine dernière, visionné le documentaire Sicko (Malade), de Michael Moore, en compagnie d’un groupe d’infirmières, monsieur Dion, maintenant le chef du Parti libéral du Canada et aspirant au poste de Premier ministre, en vient à la conclusion que le film fait un rappel important des dangers de la privatisation : « Il y a des groupes d’intérêt puissants qui veulent nous pousser dans cette direction, mais ils ne seront pas entendus par le Parti libéral », a-t-il déclaré aux journalistes avant une discussion avec les infirmières.

M. Dion a dit s’inquiéter des intentions des conservateurs en matière de santé. Nous nous inquiétons, pour notre part, du changement de cap fréquent de monsieur Dion sur certains grands débats de société. Notamment sur le réseau de la santé du Canada et du Québec. Nous ne sommes pas les seuls. Les médecins Simon Turcotte, membre du conseil d’administration et Danielle Martin, Présidente de Médecins canadiens pour le régime public s’interrogent dans Le Devoir : « Que nous réserve l’Association médicale canadienne ? »

Selon les deux médecins, le tout récent document d’orientation, de l’Association médicale canadienne (CMA), intitulé L’Assurance-maladie bonifiée : vers un système public de santé viable au Canada, a en effet été condamné dans tout le pays par le public, les éditorialistes et les politiciens de toutes allégeances. La tendance lourde qui voudrait ouvrir le régime canadien de santé à une privatisation fait sursauter les deux médecins. Ce dont il est question ici, ce sont les délais raisonnables et l’accessibilité des patients à un médecin. L’Association médicale canadienne, par la voix de son ancien président, le Dr Colin McMillan, se montre favorable à l’inclusion d’une privatisation dans certains services pour désengorger le système. « Le système de santé doit pouvoir compter sur suffisamment de médecins, de personnel infirmier et d’autres professionnels de la santé, ainsi que sur des normes et une garantie d’accès, assortie de fonds publics, pour que les Canadiens ne soient plus aux prises avec des temps d’attente déraisonnables », écrivent les deux médecins en lettre ouverte dans Le Devoir. Pour cela, il faut rejeter à tout prix la notion même d’une médecine à « deux vitesses ».

Les docteurs Simon Turcotte et Danielle Martin s’opposent à cette notion de privatisation à tout prix : « On note toutefois que le Dr McMillan reste silencieux sur le fait de permettre aux médecins d’être rémunérés à la fois par les fonds publics et les fonds privés pour des soins médicalement nécessaires. […] Dans un système « à deux vitesses », les médecins qui ont une pratique mixte peuvent se placer en conflit d’intérêts, tirant profit de l’allongement des temps d’attente dans le système public pour ainsi promouvoir une pratique privée plus lucrative. La population ne peut pas être dupe de ce manège ».

Plus de 270 médecins de toutes les régions du pays, qui représentent 65 000 médecins canadiens, se sont réunis, la semaine dernière, à Vancouver pour leur congrès annuel. Ils ont élu un nouveau président, le Dr Brian Day, chirurgien orthopédiste de Vancouver, qui estime que le régime public de santé au pays se dirige vers une crise qu’une implication accrue du secteur privé pourrait atténuer. Le docteur Brian Day affirme que la pratique consistant à confier des services de santé aux cliniques privées n’est pas nouvelle, et qu’elle a contribué à réduire les listes d’attente : « Les Canadiens devraient avoir le droit de contracter une assurance médicale privée lorsque le système public ne leur assure pas un accès aux soins en temps opportun ».

Il est important de rappeler deux choses : premièrement, le Dr Day, qui a ouvert la première clinique chirurgicale privée au pays en 1995, a souvent été critiqué pour ses positions pro-privatisation, dont certains disent qu’elles pourraient ouvrir la voie à un système à but lucratif semblable à celui en vigueur aux États-Unis. Deuxièmement, le docteur Day a rappelé la décision de la Cour suprême du Canada relativement au droit de contracter des assurances privées : la Cour suprême du Canada, dans la cause du Dr Jacques Chaoulli, avait en effet invalidé l’interdiction de contracter une assurance privée au Québec, disant qu’elle contrevenait à la Charte provinciale des droits.

Le nouveau président de l’Association médicale canadienne est partisan du mode britannique de financement des hôpitaux, qui se font concurrence pour les fonds publics sur la base du nombre de procédures pratiquées. Au cours du congrès des médecins, à Vancouver, l’AMC a dévoilé les résultats d’une consultation en ligne menée auprès de plus de 4000 médecins de tous les coins du pays. Il en ressort des recommandations qui ont été abordées au cours du congrès.

En raison du vieillissement et de la capacité de l’infrastructure de soins spécialisés du Canada, les médecins consultés préconisent une analyse des écarts afin d’indiquer au gouvernement où il faudrait investir dans l’infrastructure. Les médecins exhortent également l’AMC à redoubler d’efforts pour collaborer avec les gouvernements afin d’augmenter le nombre de médecins au Canada et de répondre aux besoins croissants de santé de la population. À cet égard, les médecins ont signalé une pénurie croissante de spécialistes généralistes et de médecins de famille.

Plus de 93 pour cent des médecins consultés considèrent qu’il faut accroître les investissements dans les services communautaires, comme les établissements de soins de relève, les services de santé mentale et les soins à domicile, afin de libérer des lits de soins actifs dans les hôpitaux. Cette consultation en ligne de l’AMC sur les soins spécialisés s’est déroulée entre le 27 septembre et le 23 novembre 2006.

Cette nouvelle tendance de l’Association médicale canadienne ne fait pas que des heureux. Pour le secrétaire-trésorier national du Syndicat canadien de la fonction publique, monsieur Claude Généreux, l’Association médicale canadienne appuie maintenant le recours à l’assurance privée pour obtenir des soins dans des entreprises privées. Le prétexte : réduire les temps d’attente dans le réseau public. Monsieur Généreux rappelle que le rapport Romanow et toute la recherche effectuée depuis démontrent clairement que le recours au secteur privé vient parasiter les ressources du secteur public. Les temps d’attente dans les hôpitaux publics s’allongent encore et il faut remplacer les médecins qui ont déserté, à raison de neuf ans de formation coûtant 2,3 millions de dollars par spécialiste perdu. Claude Généreux soutient fermement que : « Les médecins des cliniques privées ont alors intérêt à faire durer la crise du système public pour maintenir le flot de patients prêts à payer par découragement ».

Dans son discours inaugural, le docteur Day, président de l’Association médicale canadienne, soutient que « les provinces doivent modifier la façon dont les hôpitaux sont financés, parce que ceux-ci monopolisent l’argent dévolu au budget de la santé ». Le porte-parole du Conseil des canadiens, Guy Caron, ne partage pas l’avis du docteur Day : « il est trop simpliste de dire que les modèles appliqués par d’autres pays peuvent être implantés ici. La Grande-Bretagne et la France, qui ont toutes deux un système de soins combinant le public et le privé, ont embauché davantage de médecins pour réduire leurs listes d’attente. […] Au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, où le privé agit dans le système de santé, la réforme a échoué et les autorités s’efforcent actuellement de ramener plus de services publics dans le système de santé ».

Dans une déclaration particulièrement insolite, de la part d’un président de l’Association médicale canadienne, le Docteur Day soutient qu’il faut changer le statu quo parce que la dégradation de l’état de santé de la population vieillissante aura un impact socio-économique important sur l’avenir du pays. La capacité de payer ne devrait jamais entrer en ligne de compte pour ceux qui ont besoin de soins au Canada.

Les docteurs Jacky Davis et Peter Fisher sont membres de l’exécutif de l’Association des consultants du Service national de la santé - (National Health Service Consultants Association (NHSCA) - de Grande-Bretagne. Dans une lettre adressée à l’Association médicale canadienne, les deux médecins britanniques soulèvent de profondes inquiétudes et mettent en garde les médecins canadiens sur les pièges d’une privatisation. Ils suggèrent aux membres de l’AMC de se méfier des promesses fictives de la privatisation. Le docteur Davis Jacky Davis note que l’histoire d’amour entre le système de santé britannique et la privatisation est terminée. Le nouveau ministre de la Santé et les gouvernements d’Écosse et du pays de Galles envisagent maintenant une importante diminution et même la fin de la privatisation des services de santé. L’Association médicale britannique s’oppose aussi à la concurrence dans le secteur de la santé.

Il est temps que les Canadiens et les québécois aient la vraie version des effets d’une privatisation dans le secteur de la santé. Selon les deux médecins britanniques : « Ceux qui sont en faveur de la privatisation font souvent référence à l’expérience britannique comme preuve que le secteur privé peut faire sauver de l’argent au système public. Ils parlent notamment de la diminution remarquable des listes d’attente depuis l’implantation des réformes. Cette diminution n’est toutefois guère surprenante dans la mesure où les dépenses en santé ont plus que doublé depuis 1997. La réalité est toutefois que cet argent a été essentiellement consacré à la réduction de listes d’attente en chirurgies non urgentes particulièrement sensibles d’un point de vue politique et qu’elle a été réalisée par le biais d’ententes dispendieuses et insoutenables avec le secteur privé. Cette amélioration s’est faite au détriment de patients ayant des besoins à plus long terme ».

Rien n’est plus vilain pour un nouveau président, à la tête d’une association de 65 000 médecins, de ne présenter à la population qu’une seule facette des propositions de réformes mises sur la table. En tant que propriétaire d’une clinique et en tant que « proposeur » du modèle britannique, le docteur Brian Day devrait également instruire la population sur les dangers d’un tel choix. Les deux médecins britanniques sont là pour le lui rappeler : « ces réformes ont abouti à un service public déstabilisé et en mauvais état. Le gouvernement a tenté d’adopter une série de politiques qui n’avaient pas fait leurs preuves, des politiques incohérentes et contradictoires. Ces politiques ont amené la fragmentation des soins de santé, elles ont découragé toute forme de collaboration entre les professionnels de la santé et elles ont fait perdre de l’argent au système. C’est pour ces raisons que les patients, le public et les travailleurs de la santé sont très inquiets ».

Il faut se ranger derrière le ministre de la santé du Canada, Tony Clement, qui a sèchement rejeté l’appel de l’Association médicale canadienne en faveur d’une privatisation accrue du régime d’assurance-maladie, en disant que le gouvernement ne permettra pas aux médecins de travailler simultanément pour les systèmes public et privé de santé : « Sur la question de la double pratique ou d’un système à deux vitesses, nous ne prendrons pas cette direction. Les médecins ont l’option de se retirer du régime public s’ils le souhaitent, mais ils ne peuvent pas travailler à la fois pour le privé et pour le public », a déclaré le ministre.

Il faut savoir gré aux docteurs Simon Turcotte, membre du conseil d’administration et Danielle Martin, présidente de Médecins canadiens pour le régime public, d’avoir sonné l’alerte dans une lettre ouverte au Devoir : « Au moment même où nos voisins des États-Unis réaffirment le besoin d’instaurer un régime public d’assurance-maladie et considèrent que les soins de santé ne doivent plus demeurer sous la coupe d’assureurs privés en quête de profits, l’AMC devrait rejeter tout recul en ce sens au Canada. Cela s’impose d’autant plus que les soins de santé offerts au Canada sont aussi bons ou meilleurs que ceux de nos voisins, et ce, pour beaucoup moins cher ».

Nous ne pouvons qu’agréer avec les docteurs Turcotte et Martin : « nous devons demander à notre association (AMC) pourquoi elle ne fait pas la promotion de solutions qui accroîtraient l’accès aux soins en fonction des besoins, dans le cadre du régime public, où les ressources médicales sont souvent sous-utilisées ? »

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samedi 25 août 2007

L’Iran membre du comité organisateur sur l’antiracisme de l’ONU

« Si ce n'est toi, c'est donc ton frère » et, à défaut, « c'est donc l'un des tiens », hurle le Loup de la Fable.


(Jean de la Fontaine, « Le Loup de l'Agneau » Fables, Paris 1755)

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Les Nations unies préparent une Conférence Mondiale contre le Racisme qui se tiendra en 2009. Le comité d’organisation se réunira pour la première fois à Genève le 27 août prochain et sera composé d’un cercle intérieur de 20 États membres de l’ONU qui doit être dirigé par la Libye. L'Iran vient d'être désigné pour être membre de ce comité d'organisation. C’est ce que vient de révéler Anne Bayefsky, rédacteur en chef de Eye on the UN basé à New York, le dit dans un communiqué de presse. Un porte-parole du bureau du Haut commissaire pour les Droits de l’homme de l’ONU a confirmé que « l’Iran est un de 20 États qui sont les membres du bureau du Comité Préparatoire », mais a ajouté que « l’Iran n’occupe pas de rôle principal ». En explication de cette situation, le porte-parole a précisé que le Comité Préparatoire est un corps intergouvernemental, ce qui signifie que les États ont été choisis librement pour siéger au Comité Préparatoire. Ce sont les États membres qui décident.


Selon Anne Bayefsky, « les états ont été choisis par le Conseil des Droits de l’homme d’ONU et le Conseil est contrôlé par l’Organisation de la Conférence Islamique. La majorité des sièges au Conseil est occupée par les groupes régionaux Africains et asiatiques. L’OIC a une majorité de sièges dans chacun de ces groupes. Les états occidentaux n’ont pas les votes pour bloquer cette incongruité de l’agence principale des droits de l’homme de l’ONU ».


Plusieurs voix s’élèvent pour inciter le Haut commissaire, Louise Arbour, à exprimer ses inquiétudes sur le fait qu’une des principales entités des droits de l’homme de l’ONU est dirigée de nouveau par la Libye avec l’Iran dans une position de direction, quoi que l’ONU en dise.


Il convient, après cette information, de passer en revue quelques actualités iraniennes. Taher Sadeghi, syndicaliste arrêté le 9 août devant le domicile de Mansour Osanlou, président du syndicat des chauffeurs de bus de Téhéran, est actuellement en isolement cellulaire à la section 240 de la prison d’Evine, indique un comité d’étudiant défenseurs des droits de l’homme en Iran. Reporters sans frontières a adressé, le 13 août 2007, un courrier au secrétaire général des Nations unies pour qu’il enjoigne la République islamique d’Iran à tenir ses engagements internationaux après que deux journalistes, Adnan Hassanpour et Abdolvahed Botimar, ont été condamnés à la peine de mort, le 16 juillet dernier. « Les droits les plus élémentaires d’Adnan Hassanpour et d’Abdolvahed Botimar ont été bafoués puisqu’ils n’ont pas été autorisés à assister à l’énoncé du verdict de leur procès. Plus scandaleux encore, ils n’ont pas été informés de leur sentence et l’ont apprise en lisant le journal ».


Le 9 août 2007, 168 millions de syndicalistes dans le monde lancent un appel mondial « pour la libération immédiate et inconditionnelle de deux syndicalistes détenus et en danger en Iran ». Cette journée d’action est organisée par la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). Elle est soutenue en Belgique par Amnesty International – Belgique Francophone, la FGTB, la CSC et la CGSLB et les autres organisations syndicales internationales basées à Bruxelles, dont l’Internationale des Travailleurs de la Chimie (ICEM) et la Confédération européenne des Syndicats (CES).


Le régime des mollahs a pendu deux prisonniers dont les noms n'ont pas été révélés dans la ville du sud-est de Zahedan. Deux autres prisonniers identifiés comme étant Ali Qalandari et Rassoul Gord ont été pendus dans la ville de Naghadeh dans le nord-ouest de l’Iran. Trois prisonniers, identifiés comme étant Mahmoud Moghimi, Mohammad Share'i et Davoud Share'i, ont été pendus place publique dans la ville de Saveh dans la province centrale. Le site web de la télévision d'État a annoncé la pendaison d'un prisonnier non identifié par le régime à Zahedan, dans le sud-est. Quatre autres prisonniers seront envoyés à la potence, rapporté le quotidien officiel Javan. Le 22 août, Cette parade d’exécution publiques, rapportée par la Commission des Affaires étrangères du Conseil national de la résistance iranienne, au demeurant pas très sympathique à l’Iran, se serait déroulée depuis le début du mois d’août 2007 (Source : DesInfos).

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vendredi 24 août 2007

Trop de « show » à l’américaine pour le président, se plaint un lecteur du Monde

Nicolas Sarkozy fait tout pour plaire. Il démontre une obsession de l’ubiquité. Il semble éprouver un intérêt pour les faits divers. Un grand intérêt même. La question toutefois reste importante : le peuple attend-t-il de son président qu’il soit présent dans tous les faits divers de l’actualité française et, s’il en était capable, de l’actualité européenne ?

Comme l’indique Ghislaine Ottenheimer, (Challenges), le président reçoit les dirigeants syndicaux, cajole les chefs de l’opposition, consulte les représentants des associations, visite des usines, inspecte des écoles, inaugure des tramways, reçoit les parents des victimes. Il bouge tout le temps. S’exprime sur tout. On dirait qu’il n’y a pas un Nicolas Sarkozy, mais cinq, dix… Les Français sont médusés. A force d’injonctions verbales, de gestes symboliques, de transgressions politiques, Nicolas Sarkozy a su capter leur attention et leur suggérer, que voilà, ça y est, la France était en train de changer, qu’elle allait bientôt aller mieux, qu’elle avait à nouveau un avenir.

Il ouvre une plage de son horaire au père et au grand-père d’Enis, ce petit garçon kidnappé par un pédophile récidiviste. Le président s’est pourfendu, à cette occasion, dans une déclaration qui a laissé plus d’un pantois. Dans la même semaine, il se rend dans le Finistère aux obsèques du marin-pêcheur, Bernard Jobard, décédé par suite d’une collision de son bateau avec un cargo battant pavillon des îles Kiribati. M. Sarkozy a également rencontré la famille du journaliste franco-canadien, Guy-André Kieffer, disparu en Côte d’Ivoire en 2004 et que la famille n’hésite pas à qualifier d’affaire d’État.

Chouaib Lusikama, victime de propos racistes de la part de son professeur de mathématiques, vient d’être reçu par le président. Pendant des mois, Chouaib Lusikama a subi jour après jour des remarques racistes de la part de son professeur de mathématiques. Il se voyait ainsi traité devant toute la classe de « Bamboula » et autres sobriquets. L’enseignant a été condamné à un mois de prison avec sursis par le tribunal d’Épinal. Nicolas Sarkozy aurait expliqué au père et à Chouaib qu’il est président de tous les Français et de la République et que ces propos ou discriminations ne doivent jamais exister dans la République.

Patrick Vieira, capitaine de l’équipe de France de football, a également eu le privilège d’être reçu à l’Élysée. Il compte sur le soutien de Nicolas Sarkozy pour développer un projet éducatif en Afrique. Patrick Vieira était accompagné de deux ex-footballeurs, Bernard Lama (ancien gardien de but notamment du Paris SG), et Jimmy Adjovi Boco, franco-béninois et ancien défenseur de Lens. Le capitaine de l’équipe de France a affirmé que la France apporterait « un soutien financier » au projet. De quel ordre ? « On n’en est pas encore là », a-t-il répondu.

Vendredi, M. Sarkozy se rend au Pays basque et à Arcachon (Gironde) pour un déplacement sur les thèmes de la lutte antiterroriste, de la pêche et du tourisme. Et « l’hyperprésident » a bien intention de poursuivre au même rythme la semaine prochaine et les suivantes. « Je confirme que la rentrée sera animée, et au-delà des 100 prochains jours », a déclaré le porte-parole de l’Élysée, David Martinon.

Comme le rapportent Les Échos, en Europe, les faits et gestes du président français ne passent pas inaperçus. « Sarkozy va obliger les pédophiles à choisir : la castration ou la prison à vie », titre le quotidien espagnol « El Mundo » (droite) après l’annonce des mesures sur le suivi des délinquants sexuels. Un peu plus nuancé, « El Pais » (gauche) retient que l’objectif de Nicolas Sarkozy est « d’isoler » les pédophiles et de durcir les peines pour les récidivistes. L’Italie aussi suit ce débat. Le « Corriere della Sera » donne la parole à l’ancien ministre des Réformes institutionnelles, Roberto Calderoli. Ce dirigeant de la Ligue du Nord (extrême droite) « jubile » devant la réponse « sérieuse et concrète » de Nicolas Sarkozy et rappelle qu’il fut attaqué « comme un criminel » lorsqu’il avait proposé, il y a trois ans, « la castration chimique » pour les pédophiles.

« Il Sole 24 Ore » préfère, selon Les Échos, approfondir un autre sujet qui a tenu en haleine les gazettes cet été. Il dresse le portrait très complet de « l’ami italien » de Nicolas Sarkozy, ou plutôt de « l’ami italo-américain » du président français. Car, précise le journal, Roberto Agostinelli, qui vient d’accueillir la famille Sarkozy dans une propriété de rêve du New Hampshire, louée 44.000 dollars, est à cheval entre les deux pays. Né à New York, il cultive dans la péninsule de très nombreux liens d’amitié et a noué des relations d’affaires de très haut niveau. Après une carrière « pas toujours idyllique » dans des banques comme Goldman Sachs et Lazard, il se présente aujourd’hui « comme le super-banquier d’affaires » et a créé son propre fonds de « private equity », Rhone Capital. Républicain affiché, il soutient dans la course à la Maison-Blanche Rudolph Giuliani. Si l’ancien maire républicain de New York devient président des États-Unis, conclut « Il Sole », « il espère pouvoir établir un fil direct entre l’Élysée et la Maison-Blanche ».

Ghislaine Ottenheimer, (Challenges), constate que la « France est sous hypnose ». Avec 65% d’opinion favorables dans le sondage LH2 paru le 22 août dans Libération, Nicolas Sarkozy résiste à tout. Au temps, au style, aux polémiques, aux attaques. Rien n’y fait. Ni les indignations sur le comportement de son épouse, ni les interrogations sur les contrats d’armement en Libye, ni les critiques sur ses vacances payées par des amis milliardaires, ni l’annonce d’une franchise médicale, ni la croissance menacée, ni les nuages qui pointent à l’horizon sur fond de crise financière : rien n’a entamé la bonne opinion qu’ont les Français de leur nouveau président.

Ghislaine Ottenheimer avance deux explications à cette situation. La première explication est politicienne : en pratiquant l’ouverture, Nicolas Sarkozy obtient un relativement bon score chez les sympathisants de gauche. Ils sont 43% à lui faire confiance! La deuxième est plus psychologique. Les Français ont le sentiment qu’il y a enfin un pilote dans l’avion. Le nouveau président de la République se donne bien du mal pour obtenir des résultats. Il légifère, réagit, bouscule. Il n’hésite même pas à s’attribuer certaines réussites : mini-traité européen et la libération des infirmières bulgares.

Marcel Gauchet, philosophe, est présenté, par l’Express, comme un des analystes les plus pertinents de la vie politique. Le philosophe constate que la fonction classique d’analyse, de mise en forme des différentes options du débat disparaît. Les hommes politiques dépendent de plus en plus des médias, puisqu’ils n’ont que ce relais pour s’adresser aux populations, à la suite de l’effondrement des partis. Par conséquent, ils se sont calqués sur les mœurs des médias, dont ils ont désormais une science exacte. Du coup, les médias ne peuvent qu’accompagner des candidats aussi parfaits dans leurs opérations de marketing. Et la boucle est bouclée.

La France profonde ne peut se contenter de sourire à ces pirouettes médiatiques. Des questions plus graves l’attendent. Certains indicateurs économiques fléchissent : croissance molle, commerce extérieur déficitaire. Des économistes s’impatientent : il est nécessaire de mener des réformes structurelles, avant de prendre des mesures pour améliorer le pouvoir d’achat, comme le fait M. Sarkozy. Les Français et Françaises ont-ils bien perçu le message du Premier ministre qui a indiqué que des « réformes structurelles » pour « améliorer la compétitivité » de l’économie française seraient amorcées à la rentrée ? Il annonce par exemple une réforme radicale du crédit d’impôt recherche pour que 100% des dépenses de recherche soient prises en compte, mesure qui s’ajoute à quelques autres : franchises de santé, fusion ANPE-Unedic, réforme des retraites, autant de chantiers « désormais en phase active », selon le chef du gouvernement. Il est compréhensible que le président veuille éviter une rentrée sociale chaude. Les mauvaises nouvelles économiques sont un motif suffisant pour qu’un débat sur les orientations du gouvernement Fillion soit tenu à l’Assemblée nationale et que le peuple soit consulté. Les observateurs politiques surveilleront très certainement de près les mesures qui seront proposées par la commission Attali sur les freins à la croissance en France. En général, les commissions à caractère économique proposent souvent des mesures qui prennent l’allure d’électrochocs heurtant de plein fouet le peuple.

D’autre part, la confirmation par le ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, que quelque 11.200 fonctionnaires de l’Éducation nationale partant à la retraite ne seront pas remplacés, en 2008, (le chiffre de 11.200 suppressions de postes se répartit entre le public (9.800) et le privé (1.400)), provoque déjà l’émoi des syndicats. « La suppression d’emplois dans la fonction publique sans qu’il y ait de débat sur les objectifs, les missions de la fonction publique, ne me semble pas la bonne méthode », a déclaré le secrétaire général de la CFDT. « Personne ne peut raisonnablement défendre qu’une telle ponction ne peut être sans conséquence sur l’offre de formation », indique le Snes.

Une telle réduction des ressources pédagogiques aura-t-elle un impact sur l’enseignement ? Un rapport du Haut conseil de l’Education (HCE) montrerait qu’environ 15% des élèves du primaire ont de grandes difficultés dans l’apprentissage des fondamentaux, dont la lecture. Créé par la loi Fillon sur l’Ecole, le HCE, composé de neuf membres de toutes tendances, rend des avis et un rapport annuel. « La vérité, c’est que pour 60% des élèves, ça se passe très bien, pour 15% très mal et, entre les deux, il en reste 25%, une population intermédiaire qui n’est pas en situation de faire des études au collège dans de bonnes conditions », a expliqué une source anonyme à l’AFP. Qui débattra de ces questions sinon les parlementaires ? La population jugera peut-être un jour que ces problématiques nationales ne sont plus des faits divers.

Nicolas Sarkozy souffle le chaud et le froid. Il rassure et inquiète. Depuis son élection, les sondages montrent une forte progression de l’optimisme chez les chefs d’entreprises, un regain d’espoir chez les salariés, surtout chez les jeunes, mais aussi une forte inquiétude. L’Union syndicale des magistrats (USM) est sans appel. Le syndicat n’apprécie pas les mesures annoncées par le président de la République. « Comme à chaque fois, on légifère sous le coup de l’émotion et on fait des mauvaises lois », a ainsi déclaré son porte-parole, avant d’ajouter : « Il n’y a rien de nouveau dans les mesures qui sont annoncées. Soit on re-réforme des choses qui ont été modifiées au cours des deux dernières années, soit on réinvente des choses qui existent déjà ».

La majorité présidentielle à l’Assemblée nationale ne semble pas inquiète et ne voit aucune dérive dans les récentes déclarations du président Sarkozy. Au contraire. « Le président de la République a réaffirmé, comme il le fait depuis septembre 2005 et sans avoir peur des mots, qu’un délinquant sexuel ne doit sortir de prison sans avoir été soigné, qu’il le veuille ou non », ont ainsi souligné les porte-parole de l’UMP, Nadine Morano et Yves Jego. Sauf que ces porte-paroles n’indiquent pas à quel moment le délinquant sexuel doit être traité : pendant son séjour en prison ou au moment de sa libération. L’ancien ministre de la Justice, Pascal Clément, est plus sceptique : « La question posée par la proposition du président, c’est de savoir si l’on peut distinguer le criminel sexuel des autres », a expliqué Pascal Clément. Et de conclure : « Je souhaite bien du courage à la Chancellerie pour la mise en place juridique des solutions. Ce n’est pas fait ! »

Patrick Devedjian déclarait, dans une entrevue au Figaro, que le style et l’action de Nicolas Sarkozy contribuent beaucoup, c’est vrai, à moderniser nos institutions et à les rendre plus simples et plus transparentes. « Il fait descendre l’État de son piédestal et le rapproche des préoccupations des citoyens ». C’est la fin d’une exception française, qui était d’ailleurs une hypocrisie, selon laquelle le président élu ne gouvernerait pas. Le porteur de la légitimité est celui qui décide. Selon monsieur Devedjian, le président a le droit d’avoir des amis qui l’invitent, et même des amis riches.

A ce rythme, il est possible qu’un jour, fatigué de telles extravagances et des galipettes quotidiennes, le peuple invite le président à descendre de son piedestal et à rendre compte de sa gestion. Plus brutalement et plus rapidement que monsieur Devedjian ne le croit. « On ne gouverne pas dans l’impopularité, mais on n’exerce pas le pouvoir pour se faire aimer », souligne un parlementaire de la majorité présidentielle.

Il faut voir, sur une échelle restreinte, comment réagissent les lecteurs du quotidien Le Monde sur les 100 jours de Nicolas Sarkozy. On peut y lire quelques opinions intéressantes dont celle-ci : « Trop de “show” à l’américaine pour chaque mouvement de ce président. Plus de modestie siérait aux finances de l’état ! »

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