La photo qu’on en diffuse ne rend pas l’homme sympathique. Il correspond aux caractéristiques que nous nous faisons de certains « terroristes musulmans », ces hommes qui se réclament de l’Islam pour mener une « guerre sainte ». Mais voilà. Juge-t-on un homme à son seul faciès? Existe-t-il une justice pour ceux ou celles qui n’ont pas pour critère premier la beauté physique?
Six hommes, soupçonnés d'être directement liés aux attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, sont sur le point d'être inculpés aux États-Unis. Parmi eux, Khalid Cheikh Mohamed, le cerveau présumé des attentats. C’est la photo de ce dernier qui circule en priorité dans les médias et sur le Net. Cheikh Mohamed a été interrogé à Guantanamo. Arrêté au Pakistan en 2003, Khalid Cheikh Mohamed, privé des garanties judiciaires accordées aux civils et aux militaires, sera traduit devant l'un de ces « tribunaux militaires d'exception » de Guantanamo très critiqués de par le monde. Instaurés, il y a plus de six ans par le président Bush pour juger les prisonniers de la « guerre contre le terrorisme », invalidés par la Cour suprême mais rétablis par le Congrès, les « tribunaux militaires d'exception » sont si contestés qu'aucun réel procès n'a encore eu lieu.
D’autre part, l'administration américaine ayant reconnu avoir soumis Khaled Cheikh Mohammed à des techniques d'interrogatoires considérées par certains comme de la torture, la question se pose et doit être posée : quelle valeur juridique doit-on accorder à ces déclarations obtenues par cette simulation de noyade appelée le « waterboarding », utilisée par les services de renseignements pour obtenir des aveux? La Maison-Blanche a d'ailleurs refusé la semaine dernière de qualifier cette pratique de torture. De plus, s’agissant de Khaled Cheikh Mohammed, des spécialistes des questions de sécurité croient qu’il a certainement exagéré son rôle véritable pour se forger un statut de « super-héros » ou protéger d'autres prisonniers. « J'étais le responsable opérationnel pour cheikh Oussama Ben Laden de l'organisation, de la planification, du suivi et de l'exécution de l'opération 11 septembre », avait-il fini par avouer.
D'autres estiment, en contrepartie, que ces aveux sont à prendre en considération à la lumière des techniques utilisées pour les obtenir. La technique du « waterboarding » est considérée comme un acte de torture et contraire à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies.
Sans qu’aucun procès n’ait encore donné lieu à un jugement relatif au sort des six prisonniers présumés de terrorisme, le département américain de la Défense requiert déjà la peine de mort à leur encontre. En l’absence d’avocats de la défense, pour représenter comme il se doit ces prisonniers exclus des droits juridiques les plus élémentaires, le ministère public travaille depuis des années pour constituer le dossier à charge contre les suspects. Conspiration et meurtre - c'est sous ces chefs d'inculpation que le Pentagone veut faire comparaître devant les tribunaux ces six hommes. « Le département a travaillé avec diligence pour préparer ces dossiers et engager des poursuites contre un certain nombre d'individus impliqués dans certains des pires actes de violence et de terrorisme contre les États-Unis et nos alliés », a déclaré, sans l’ombre d’une gêne, Bryan Whitman, porte-parole du Pentagone. Ce que n’a pas dit le Pentagone, c’est que, comme l’a indiqué le New York Times : « Les procureurs militaires ont concentré leur travail sur ces suspects afin de renforcer la crédibilité des « tribunaux d'exception » avant que le président George W. Bush ne quitte ses fonctions en janvier 2009 ».
Comme cette justice parallèle, créée de toute pièce par Georges W. Bush et ses caciques, phagocyte toute tentative d’introduction des droits de l’homme, l'acte d'accusation devra être approuvé par un juge désigné par le Pentagone pour superviser les procès des « ennemis combattants » détenus à Guantanamo, en l'occurrence la juge Susan Crawford. Le feu vert de la magistrate est indispensable à la tenue d'un procès. Si Susan Crawford accède à cette requête, la peine de mort pourrait être appliquée en cas de condamnation.
Dans ce pays qui veut imposer la démocratie et la justice dans le monde, les États-Unis d’Amérique feignent d’ignorer les avis qui leur sont donnés : « Le Centre pour les droits constitutionnels (CCR), une association de défense des droits de l'Homme dénonce ces tribunaux comme étant illégaux, inconstitutionnels et une perversion de justice ». Et sur cette question de la peine capitale, requise par le Pentagone, l'organisation de défense des libertés (ACLU), dénonce à son tour ces inculpations et la volonté de requérir la peine capitale, « malgré un système de (tribunaux militaires) défaillants qui n'a pas jugé un seul cas à ce jour ». Il est à noter que la plus haute juridiction du pays devra, une nouvelle fois, se prononcer, dans les prochains mois, sur un recours concernant les droit des prisonniers de Guantanamo, ce qui pourrait ouvrir la voie à une multitude de nouvelles plaintes et retarder encore les procédures.
Le 6 février dernier, les démocrates demandaient l'ouverture d'une « enquête criminelle » sur l'utilisation du « waterboarding » par la CIA. Le 7 février dernier, soit le lendemain, le porte-parole de la Maison Blanche, Tony Fratto, annonçait que les États-Unis pourraient infliger le supplice de la baignoire pour interroger les suspects de terrorisme. Le porte-parole s’est refusé à qualifier cette pratique de « torture ». Le supplice sera infligé de manière arbitraire « selon les circonstances », a poursuivi Tony Fratto, qui a évoqué une possible « attaque [qui] pourrait être imminente ». En d’autres mots, selon le porte-parole de la Maison blanche, George W. Bush envisage d'autoriser le « waterboarding » à l'avenir à l'encontre de suspects de terrorisme et en fonction de certaines circonstances si les autorités ont, notamment, acquis la conviction qu'une attaque « imminente » se prépare.
Les trois principaux candidats à la Maison Blanche, Hillary Clinton, Barack Obama et John McCain, se disent opposés à toute forme de torture et veulent fermer le camp de détention de Guantanamo Bay, rapporte Libération.
Pour l'instant, le premier détenu dont le procès doit s'ouvrir début mai est Omar Khadr, un Canadien accusé de soutien au terrorisme, que le Canada a lâchement abandonné. Ses avocats, soutenus notamment par le gouvernement français, ont demandé l'annulation des poursuites contre lui au motif qu'il n'avait que 15 ans lors de son arrestation et qu'il serait contraire au droit international de juger un enfant pour crimes de guerre.
En terminant, qui des faucons qui entourent la présidence américaine accepterait d'être soumis à un test de « waterboarding » pour se convaincre que cette technique d'interrogatoire n'est pas une torture? Georges W. Bush, sur qui pèsent des soupçons d'être un déserteur, démontrerait-il le même courage qu'il a manifesté lorsque, pour des questions de patriotisme, le pays l'attendait pour servir au sein des forces armées étasuniennes au Vietnam ? Et si ce même Geoges W. Bush acceptait de passer le test du « waterboarding » pour démasquer ses propres mensonges?