Omar Khadr est né à Toronto, au Canada, le 19 septembre 1986. Il est canadien. Omar Khadr est donc âgé de 21 ans. Il pourrait écoper d’une peine de prison à vie pour avoir tué un soldat américain en juillet 2002 dans une fusillade en Afghanistan. Il n’avait que 15 ans, à l’époque. Il aurait lancé une grenade, qui aurait provoqué la mort du soldat. Le quotidien Le Monde s’est intéressé à l’histoire d’Omar Khadr que le Canada a abandonné à son sort. De la plus honteuse manière qui soit.
Depuis l’âge de 15 ans, Omar Khadr est enfermé à Guantanamo. Le gouvernement de Georges W. Bush, sur lequel s’aligne le gouvernement du Canada, a fait savoir qu’Omar Khadr ne sera libéré qu’à la fin de la Guerre au terrorisme, laquelle est officiellement prévue pour un siècle. Des avocats, qui défendent Omar Khadr, ont déposé une requête devant un juge militaire, arguant que le jeune canadien était un « enfant-soldat » lorsqu’il a été capturé en Afghanistan et que les accusations à son encontre devraient être levées parce qu’elles bafouent le droit international.
Des personnalités et des organisations de défense des droits de l’Homme canadiennes ont demandé à plusieurs reprises au gouvernement conservateur de réclamer le rapatriement du jeune homme aujourd’hui âgé de 21 ans. Elles soulignent notamment que les autres pays occidentaux sont intervenus en faveur de leur ressortissants détenus dans la prison américaine de Guantanamo. Interrogé sur la position d’Ottawa sur M. Khadr, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères à déclaré qu’il « fait face à de sérieuses accusations ». Voilà le courage du Canada, qui sera, comme allons le voir, compenser par des interventions internationales marquées et remarquables.
Le procès d’Omar Khadr est en violation du Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (OPAC), une mesure des Nations unies qui protège les jeunes de moins de 18 ans. Les États-Unis l’ont ratifiée en 2002. L’ex-ministre français de la Justice, Robert Badinter, se porte à la défense du jeune homme. M. Badinter soutient qu’Omar Khadr devrait être considéré comme un enfant-soldat, car il n’avait que 15 ans lorsqu’il a été capturé en Afghanistan.
Le sort d’Omar Khadr, le seul Canadien et dernier Occidental détenu à la prison de Guantanamo, attire l’attention et la sympathie partout dans le monde. Sauf auprès du gouvernement du Canada. Dans un avis cosigné par 18 des plus grands juristes du monde et rédigé à la demande des avocats de Khadr, M. Robert Badinter écrit qu’« en tant qu’enfant soldat, Omar Khadr n’est […] pas un ennemi combattant volontaire : il est d’abord une victime ».
Pour Amnistie Internationale : « les droits d’Omar Khadr, qui a été placé en détention par les États-Unis à l’âge de 15 ans, n’ont jamais été reconnus. Depuis son transfert à Guantanamo en octobre 2002 jusqu’en 2005, Omar Khadr a subi de nombreux interrogatoires sans pouvoir bénéficier des services d’un conseiller juridique. Aucune enquête ne semble avoir été menée au sujet de la torture et des mauvais traitements qu’il aurait subis. Plusieurs autres détenus mineurs ont été libérés il y a déjà quelques années, mais Omar Khadr demeure emprisonné dans des conditions difficiles ».
En mai dernier, les avocats canadiens d’Omar Khadr déclaraient qu’après cinq années de détention, M. Khadr aurait perdu tout espoir de sortir de prison un jour et il aurait peur d’y mourir. Ils ont également déclaré que M. Khadr aurait un urgent besoin d’examens médicaux et psychologiques indépendants. Dans un tout récent recours, les avocats de M. Khadr ont demandé au colonel Peter Brownback, le juge du tribunal militaire d’exception chargé du dossier, d’annuler les poursuites, au motif que la loi de 2006 qui a créé les tribunaux ne leur a pas donné autorité pour juger les mineurs. Si le juge considère qu’il a autorité sur Omar Khadr, il deviendra « le premier dans l`histoire occidentale à présider un procès pour des crimes de guerre reprochés à un enfant », font valoir les avocats dans leur recours, expliquant qu’Omar Khadr était d’abord une victime utilisée par Al-Qaïda. Des parlementaires et des professeurs de droit canadiens, ainsi que le Français Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel, ont soutenu la démarche de la défense.
Selon Robert Badinter, le procès que doit subir Omar Khadr est contraire au droit international. « Ça, c’est un consensus universel. Il n’y a pas d’État civilisé dans lequel on traite les mineurs comme des majeurs. […] Guantanamo Bay n’est pas hors du monde. Guantanamo Bay ne se trouve pas hors du champ du droit ». Pour l’organisation Amnistie internationale, qui a joint sa voix à celle de M. Badinter, Omar Khadr est d’abord une victime. « Il faut se rendre compte que cet enfant-là, il a été pris à 11 ans. À 11 ans, il a été placé dans les camps d’Al-Qaïda. Quelle capacité a un enfant de 11 ans de refuser d’aller dans un endroit comme cela quand on sait qu’il y a un embrigadement extrêmement puissant? », a soutenu son représentant, Benoît Muracciole.
Amnistie internationale reproche aussi au Canada de ne pas faire suffisamment d’efforts pour défendre Omar Khadr. L’organisation critique surtout le Canada pour ne pas avoir obtenu la restitution du détenu alors que tous les autres pays occidentaux ont rapatrié leur ressortissant.
Le Canada a fait preuve d’une honteuse lâcheté depuis plus de six ans. Que ce soit les gouvernements libéral et conservateur, les partis d’opposition du Bloq québécois ou du parti néo-démocrate, le Parlement du Canada a abandonné un enfant de quinze ans aux mains des Américains qui ne lui ont jamais reconnu des droits.
Robert Badinter voulait se rendre aux États-Unis, à l’invitation des avocats canadiens. Il souhaitait être présent à Guantanamo pour une audience prévue les 4 et 5 février devant la commission militaire du camp américain installé sur l’île de Cuba. Les autorités américaines viennent de lui refuser l’accès. « Nous regrettons le refus des autorités américaines d’autoriser M. Robert Badinter à se rendre à Guantanamo pour l’audience des 4 et 5 février concernant Omar Khadr », a déclaré mercredi la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Pascale Andréani. Le déni des droits d’Omar Khadr se poursuit, devant la totale indifférence du Canada.
L’ancien Garde des Sceaux français « considère Khadr comme une victime de son père, des islamistes, il a été enrôlé à l’âge de 11 ans par la volonté de son père qui, lui, indiscutablement, était un membre important d’Al Qaïda ». Pour entendre l’entrevue qu’accordait Robert Badinter sur la question d’Oscar Khadr, rendez-vous sur le site de France Info.
Le Canada est épinglé de toutes parts par sa profonde lâcheté d’agir à l’égard de ce canadien. Un rapport de recherche, préparé par un groupe d’étudiants de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa, de la section Common Law, vient de réfuter la position du gouvernement fédéral sur l’impossibilité de traduire Omar Khadr devant la justice canadienne. Le rapport a été soumis, au début du mois de janvier, au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Selon les étudiants, qui ont participé à la rédaction du rapport, le Canada devrait suivre l’exemple d’autres pays. Nassim Ghassemi, une étudiante de quatrième année qui a participé à la recherche, souligne que la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Angleterre ont toutes rapatrié des citoyens détenus à Guantanamo. « C’est possible pour le Canada de demander ce rapatriement », souligne-t-elle. Le rapport demande à Ottawa d’agir rapidement et de demander le transfert immédiat d’Omar Khadr aux autorités canadiennes. De plus, le Canada devrait s’assurer qu’il bénéficie de la protection contenue dans la Convention relative aux droits de l’enfant.
L’Église Unie du Canada vient d’écrire au premier ministre, Stephen Harper, pour l’exhorter d’intervenir auprès des États-Unis en faveur de d’Omar Khadr, l’« enfant-soldat » oublié. « L’Église unie reconnaît la complexité de la situation, mais estime que la considération qui prime est son âge au moment de sa capture. Nous ne pensons pas que le Canada devrait demeurer silencieux », écrit Nora Sanders, responsable du conseil général de l’Église Unie.
Ce rapport des experts internationaux conclut : « Ce n’est point faire injure à la grande démocratie américaine que de rappeler ici cette vérité historique et cette exigence morale : la cause de la liberté ne se défend jamais en violant les principes de la liberté ». Constatation qui s’adresse également, au premier chef, au Canada, au gouvernement, aux parlementaires indifférents à la cause d’un enfant en prison depuis l’âge de 11 ans.
(Sources : AFP, Cyberpresse, France Info, Le Monde, Presse canadienne, Radio-Canada, Reuters)
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