jeudi 15 mai 2008

Quelque 500 enfants mineurs sont détenus en Irak par l’armée américaine et une dizaine en Afghanistan

Le président américain George W. Bush a déclaré dans un entretien à Yahoo! et au journal Politico qu’il avait arrêté de jouer au golf en 2003 par respect pour les familles des soldats américains tués en Irak. « Je crois que jouer au golf pendant une guerre envoie simplement le mauvais signal », a déclaré le président Bush.

Le président américain explique les circonstances qui ont entouré sa décision : « Je me rappelle lorsque De Mello (le responsable de la mission de l’ONU mort dans un attentat), qui était aux Nations unies, a été tué à Bagdad (…) j’étais en train de jouer au golf - dans le centre du Texas je crois - et on est venu me chercher sur le parcours et je me suis dit “ça n’en vaut plus la peine” », a expliqué le brave homme. Ses scrupules l’honorent : « Je ne veux pas qu’une mère qui a récemment perdu un fils voie le commandant en chef des armées jouer au golf ». Selon la chaîne CBS News, le dernier parcours de golf du président Bush date du 13 octobre 2003.

Au cours de cette même entrevue, Georges Bush a fait part de son inquiétude, sur la guerre en Irak, à l’idée de passer le relais à un successeur démocrate. Tant Barack Obama qu’Hillary Clinton ont dit qu’ils rappelleraient les troupes s’ils étaient élus. Son « scénario cauchemar, c’est bien sûr que les extrémistes dans tout le Moyen-Orient ne connaissent un regain de puissance, ce qui risquerait de conduire à une autre attaque contre les États-Unis ».

La peur des extrémistes n’aura jamais mené Georges W. Bush à craindre, en contrepartie, de bafouer les droits fondamentaux de certains prisonniers, comme le démontre bien Guantanamo. Deux prisonniers y sont toujours incarcérés malgré le fait que leur arrestation se soit déroulée alors qu’ils étaient mineurs. Le Canadien Omar Khadr était âgé de 15 ans au moment de son arrestation en Afghanistan. À 21 ans, il est toujours prisonnier de Guantanamo, abandonné par le Canada, qui préfère s’aligner sur une politique moribonde d’un président américain à deux pas de la sortie.

L’Association américaine des libertés civiles (ACLU) vient de rendre public un rapport de l’administration américaine, adressé à la Commission des droits de l’enfant de l’ONU, selon lequel, depuis 2002, les États-Unis ont détenu environ 2.500 individus âgés de moins de 18 ans au moment de leur capture. Dans ce même rapport, l’administration américaine reconnaît que quelque 500 mineurs, pressentis comme « des menaces pour la sécurité » du pays, sont actuellement détenus en Irak par l’armée américaine, ainsi qu’une dizaine, également réputés « ennemis combattants », à la prison de Bagram, en Afghanistan. Leur nombre s’élevait à 800 à l’été 2007.

Devant le sous-comité des Affaires étrangères et des droits de la personne du gouvernement du Canada, le sénateur et général à la retraite, Roméo Dallaire, a dénoncé le refus du gouvernement Harper de rapatrier Omar Khadr pour que ce dernier soit jugé ici au Canada. Comme le rapporte Gilles Toupin, du quotidien La Presse, Roméo Dallaire a accusé les États-Unis hier d’agir de la même façon que les terroristes en fonctionnant à Guantanamo Bay selon une loi qui n’est pas la loi américaine et en complète rupture avec toutes les conventions internationales sur les droits des enfants. « Ils ne respectent pas les règles », a-t-il affirmé en reprochant, du coup, au gouvernement canadien, au grand dam du secrétaire d’État au multiculturalisme, Jason Kenny, présent à la séance, de se faire le complice de cette façon de procéder. « Dès lors que vous commencez à jouer avec les droits humains, avec les conventions, avec les libertés civiles en disant que vous le faites pour vous protéger et dès lors que vous allez contre ces droits et conventions, vous n’êtes pas meilleur que celui qui n’y croit pas du tout », a semoncé Roméo Dallaire. Le Canada a ratifié en juillet 2002 le protocole facultatif sur les enfants-soldats avec plus de 120 autres pays, dont les États-Unis. En février 2007 le Canada et 57 autres pays ont signé l’engagement de Paris contre le recrutement des enfants pour faire la guerre, a rappelé le sénateur et général Roméo Dallaire.

Le chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, a affirmé être en désaccord avec le choix des mots de M. Dallaire, et a laissé entendre que le sénateur libéral pourrait être discipliné. Le sénateur pourrait en tel cas prendre une retraite prématurée du Sénat à la différence de son chef qu’il aura eu le courage de défendre ses convictions jusqu’au bout. Une grande porte de sortie pour le sénateur, une petite porte misérable pour Stéphane Dion.

Selon les États-Unis, « la durée moyenne des mineurs en détention est inférieure à 12 mois ». Le cas d’Omer Khadr montre bien tout le contraire.

Jamil Dakwar, directeur du programme des droits de l’Homme de l’Association américaine des libertés civiles (ACLU), se disait choqué de savoir que les États-Unis gardent en détention des centaines de mineurs en Irak et en Afghanistan, et plus encore qu’aucune politique ne soit en place pour protéger leurs droits en tant qu’enfants.

Que reste-t-il de ces beaux rêves américains d’une démocratie mur à mur au Moyen et au Proche-Orient? L’aspect le plus abject de ce qui, dans une démocratie, dépasse l’intolérable : la négation des droits de l’homme par une hyper-puissance qui se dit au service de sa promotion. Une démocratie moribonde mise au service des intérêts financiers et régionaux.

George W. Bush a adressé aux parlementaires une demande pour un montant prévisionnel de 70 milliards de dollars (45,2 milliards d’euros) en 2009 afin de financer les guerres en Irak et en Afghanistan. Budget qui portera à 875 milliards de dollars (566 milliards d’euros) les sommes engagées depuis 2001 pour la lutte contre le terrorisme ainsi que les conflits en Irak et en Afghanistan. En vertu de la demande présidentielle, l’armée afghane recevrait 3,7 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) pour ses efforts de contre-insurrection et l’armée irakienne deux milliards de dollars (1,3 milliard d’euros) dans le même but. Le Pakistan, un allié clé de Washington dans la lutte contre le terrorisme, recevrait 193 millions de dollars (125 millions d’euros) d’aide.

Devant ce torrent d’argents, je ne peux passer sous silence cette histoire relatée par le quotidien Le Monde qui traduit bien ce qui se passe maintenant au pays des libertés bafouées : le 12 mars, Aisling Reidy, de Human Rights Watch, a assisté à la mise en accusation de Mohammed Jawad, un jeune Afghan incarcéré pour avoir lancé une grenade qui a blessé deux soldats américains et un interprète alors qu’il avait 16 ou 17 ans. Après quatre heures d’attente, Jawad est arrivé dans son uniforme orange […] Manifestement, il n’avait pas envie d’être là. Il se passait constamment la main sur le front. Il était passif. Le juge, le colonel des marines Ralph Kohlmann, a fini par se douter que les écouteurs qui servent à la traduction simultanée ne fonctionnaient pas. Quand le son a été rétabli, le juge et le prisonnier ont essayé de se comprendre. Après avoir été confiné de longues années, Jawad voulait s’exprimer sur son cas. Le colonel Kohlmann lui a expliqué qu’il aurait la parole en temps utile, mais que, s’il continuait à l’interrompre, il risquait de la perdre. Pour l’instant, le juge voulait juste savoir si Jawad avait bien entendu la lecture de ses droits, notamment celui d’avoir un avocat. « Je ne veux pas d’avocat. Je suis innocent », a répondu l’accusé. « On devrait me libérer. Alors, je pourrais trouver un avocat », a-t-il finalement suggéré. « Il n’en est pas question », a conclu le juge.

A ce stade, Jawad en avait assez entendu, raconte la juriste de Human Rights Watch. Il s’est plaint de maux de tête et d’un état de santé perturbé par la constante exposition à la lumière. Le juge a poursuivi selon la procédure. Jawad a posé la tête sur la table, résigné à entendre la lecture de ses droits. Puis il a enlevé ses écouteurs. « Ne me dérangez plus », a-t-il demandé.

(Sources : AFP, Cyberpress, Canoë, Le Monde, Politico, Presse canadienne)

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