vendredi 16 mai 2008

Californie - La définition du mariage comme une union « entre un homme et une femme » est anticonstitutionnelle

La Californie vient d’asséner une gifle assez dure à la droite conservatrice et ultra-religieuse des États-Unis. « Restreindre la définition du mariage comme une union entre un homme et une femme est anticonstitutionnel! », vient de déclarer la Cour suprême de Californie. L’article du code civil, adopté par référendum en 2000, est donc caduc. Il convient de rappeler une certaine similitude historique : 31 états interdisaient le mariage entre « negroes » et « whites », en vertu d’une loi adopté en 1940. En 1959, la Californie abolit cette loi et autorise le mariage interracial. La Caroline du Sud et l’Alabama n’ont supprimé cette interdiction qu’en 1998 et 2000.

Et c’est dans l’État de Californie que, dans un avis adopté par quatre voix contre trois, les juges de la plus haute instance judiciaire ont donné raison à plusieurs plaignants, dont la ville de San Francisco, qui avaient fait valoir que la définition du mariage, par le code civil, comme une union entre un homme et une femme, était discriminatoire. « Nous concluons que les dispositions statutaires en vigueur en Californie qui limitent le mariage aux couples hétérosexuels sont inconstitutionnelles », ont décidé les magistrats californiens. « Restreindre la définition du mariage comme une union « entre un homme et une femme » est anticonstitutionnel et doit être retiré du code civil de l’État », a écrit Ron George, président de la cour siégeant à San Francisco dans un texte qui enjoint les autorités locales de faciliter les mariages entre personnes du même sexe. Ce verdict « garantit aux couples homosexuels les droits constitutionnels reconnus aux couples hétérosexuels de choisir un partenaire pour la vie et de s’engager avec cette personne dans une relation familiale officiellement reconnue et protégée ».

Après le Massachusetts, qui reste le seul autre État où le mariage homosexuel est autorisé, l a cour suprême de Californie est depuis longtemps considérée comme l’une de celles qui montrent le chemin. Elle vient de lancer un message clair aux trois candidats américains à la présidentielle de 2008 : Barack Obama, Hillary Clinton et John McCain s’opposent à la reconnaissance du mariage homosexuel. L’union civile privée des garanties légales du mariage est reconnue dans le Connecticut, le New Hampshire, le New Jersey et le Vermont. Arnold Schwarzenegger, le gouverneur vedette de l’État, opposé dans le passé au mariage homosexuel, respectera la décision des magistrats. Il a indiqué qu’il ne soutiendrait pas un amendement à la Constitution destiné à annuler la décision de la cour suprême.

La Californie est un État où vivent 37 millions de personnes. En d’autres mots, elle abrite environ un huitième de la population du pays. En 2004, le maire de San Francisco, Gavin Newsom, avait bravé loi et préjugés sociaux et commencé à célébrer des mariages entre personnes du même sexe, procédure ensuite invalidée par la justice. Force est de constater que cette décision judiciaire pourrait avoir des répercussions importantes aux États-Unis.

Il ne faisait aucun doute qu’un nombre croissant de couples homosexuels souhaitait connaître les joies de la paternité. L’agence américaine de « maternité de substitution », « Circle Surrogacy », est une agence située dans le Massachussetts (nord, est). Que fait donc cette agence? Elle demande 100 000 $ pour obtenir « le bébé de ses rêves » : 25 000 $ pour la mère porteuse, entre 4 000 et 10 000 $ pour la femme qui vend son ovule ; le reste servant à payer l’agence et les frais médicaux et légaux. Nous sommes en plein « gay baby boom ». Selon l’Académie américaine de pédiatrie, entre 1 et 9 millions d’enfants mineurs vivent avec des parents de même sexe.

Certains observateurs n’hésitent pas à conclure que la procréation par recours à des mères porteuses est en train de révolutionner la famille traditionnelle aux États-Unis, et permet à un nombre croissant d’homosexuels de devenir pères. Un couple homosexuel fait appel à l’agence américaine « Circle Surrogacy », située en Ohio, une mère porteuse est choisie et, pour faciliter la naissance de l’enfant, elle se rend généralement à Los Angeles (Californie, ouest), où la législation sur l’état-civil est plus permissive.

Aux États-Unis, tout succès se mesure à l’aune de la réussite financière. « En 12 ans notre croissance a été de 6.000% (… et) nous comptons doubler nos profits dans les deux années et demi à venir », déclare le président de « Circle Surrogacy ». Au départ, l’agence avait 10% de clients homosexuels et en compte maintenant 80%, provenant de 29 pays.

En France, le recours aux mères porteuses (gestation pour autrui) est interdit.

En 1977, le Québec devenait la première province canadienne à inclure dans sa Charte des droits et libertés une clause interdisant la discrimination vis-à-vis l’orientation sexuelle. En 2000, la Chambre des communes du Canada reconnaît l’égalité des droits entre les conjoints de fait homosexuels et hétérosexuels. En 2005, le gouvernement libéral du Canada dépose un projet de loi sur le mariage civil aux Communes. Ce texte donnera lieu à une polémique qui s’étirera sur plusieurs mois, principalement à cause des conservateurs, qui souhaitaient que le mariage conserve sa définition « traditionnelle ». En 2004, décision importante de la Cour suprême du Canada qui rend une décision décisive : « Notre Constitution est un arbre vivant qui, grâce à une interprétation progressiste, s’adapte et répond aux réalités de la vie moderne », écrit la Cour dans son avis fort attendu. « Interprété de façon libérale, le mot « mariage » (…) n’exclut pas le mariage entre personnes du même sexe ». En juillet 2005, la mesure devient officiellement loi dans tout le Canada. La loi a été approuvée par le Sénat canadien puis a obtenu la sanction royale. Le Canada devenait le quatrième pays, après les Pays-Bas, la Belgique et l’Espagne, à officialiser le mariage civil des homosexuels.

Aux Pays-Bas, le mariage homosexuel est autorisé depuis 2001. Pour un Français qui décide de s’y marier, les conséquences peuvent être imprévisibles. Frédéric Minvielle est français, il s’est marié avec un néerlandais. La France ne reconnaît pas le mariage homosexuel. Installé aux Pays-Bas depuis 2002, Frédéric Minvielle, 37 ans, a perdu sa nationalité en 2007. Il avait acquis la nationalité néerlandaise mais se croyait toujours Français. Au Consulat français d’Amsterdam, Frédéric Minvielle a été prié de rendre son passeport et sa carte d’identité. Il lui a aussi confirmé sa radiation des listes électorales en application d’une clause de la Convention de Strasbourg de 1963.

La France, les Pays-Bas et certains autres pays ont signé une convention en vertu de laquelle un citoyen qui demande la nationalité d’un autre pays signataire perd sa nationalité d’origine. Il y a une exception dans cette convention : le mariage. Une personne qui obtient une deuxième nationalité par mariage peut, si elle en une demande, conserver sa nationalité d’origine. Puisque selon le droit français, deux personnes du même sexe ne peuvent prétendre au mariage, la France conclut que Frédéric Minvielle, Français de 37 ans, a acquis la nationalité néerlandaise au détriment de sa nationalité française. D’où sa déchéance. Le ministère de l’Immigration, un temps saisi, s’est défaussé en renvoyant la balle au ministère des Affaires étrangères. Le gouvernement, embarrassé, entendrait dénoncer la Convention pour se sortir de ce mauvais pas.

« SOS homophobie » s’est déclaré « scandalisée par cette décision particulièrement humiliante et symboliquement inexcusable. Nous demandons au gouvernement de réintégrer immédiatement cet homme dans la nationalité française ». L’Association s’est également interrogée : « Fichés, déchus de leur nationalité, quelle est la prochaine étape pour les homosexuels français? »

Entre temps, des fonctionnaires du ministère des affaires étrangères ont invité Frédéric Minvielle à formuler une demande de réintégration à partir de mars 2009. Comme nous venons de le mentionner, c’est à cette échéance que sera effective la dénonciation par Paris d’une partie de la Convention de Strasbourg régissant la double nationalité relative au mariage. Frédéric Minvielle veut plaider devant la Cour européenne des droits de l’homme pour obtenir le droit d’avoir la double nationalité à l’instar des hétérosexuels français ayant épousé un ou une Néerlandaise.

Jean-Louis Roumégas, porte-parole des Verts, n’a pas hésité à dénoncer cette décision de l’administration française qu’il qualifie de « clairement homophobe et humiliante ».

L’affaire Minvielle a précédé une autre « affaire » particulièrement embarrassante pour la France des libertés individuelles : la police nationale est en train de remplacer son ancien système de gestion des procédures par un tout nouveau, nommé Ardoise. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), et le collectif de lutte contre l’homophobie s’inquiètent du potentiel du logiciel et demandent des précisions au gouvernement.

Ardoise est connecté au STIC (Système de traitement des infractions constatées), qui, lui aussi, fait polémique : y sont mentionnées toutes les personnes, mis en cause, témoin ou victime, concernées par des affaires pénales. Ardoise va plus loin : il contient une rubrique « État de la personne », où sont précisés certains caractères. « Homosexuel », « transsexuel », « handicapé », « sans domicile fixe », « personne se livrant à la prostitution », « travesti », « relation habituelle avec personne prostituée », « personne atteinte de troubles psychologiques », « usager de stupéfiants », « permanent syndical » figurent parmi les critères à documenter. Ce logiciel est mutualisé : tous les policiers, partout en France, peuvent avoir accès aux données saisies avec Ardoise.

La ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a décidé finalement de suspendre l’expérimentation du logiciel. La ministre a souhaité réfléchir à la pertinence des critères retenus au regard des besoins d’enquêtes. Le logiciel incriminé « ne doit pas remettre en cause les droits fondamentaux des personnes » et « mettre en porte-à-faux les policiers », avait écrit le syndicat. La Ligue des droits de l’Homme a noté avec intérêt cette décision de la ministre. Cependant, au-delà de cette mesure, toutefois provisoire, la Ligue considère qu’il importe d’expurger cet outil informatique de tout contenu contraire à l’égalité devant la loi.

Dire que le 17 mai sera célébrée la Journée mondiale contre l’homophobie.

(Sources : AFP, Cyberpress, Canoë, Le Monde, Politico, Presse canadienne)

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