De Pékin, la directrice des médias du comité d’organisation des Jeux de Pékin, Wang Hui, a condamné tout en les minimisant les manifestations qui avaient déjà commencé à Londres dimanche. « Nous condamnons fermement ces quelques séparatistes. Leurs actions seront condamnées à travers le monde et sont vouées à l’échec », a-t-elle dit. Le président du CIO, Jacques Rogge, en visite à Pékin, a appelé « à une résolution pacifique de la crise au Tibet » et condamné « l’usage de la violence incompatible avec les valeurs olympiques ». Trop peu trop tard. Le Comité International Olympique réfléchit à l'abandon du périple mondial de ce symbole dévoyé des Jeux. Il pourrait décider dans la semaine de faire voyager la flamme uniquement dans les pays qui accueillent l'olympiade.
En Chine la presse n'a pas été tendre avec Paris : « La France n'a pas protégé la flamme sacrée » titrait un tabloïd chinois. « Le monde a vu l'extrémisme irrationnel de certains individus et aussi l'incompétence de la police française » ajoutait le journal.
Comme le rapporte le Der Spiegel, la presse allemande voit dans l’image de la flamme olympique le symbole de la répression. Et si ce symbole n’est que chaos et désordre dans le monde, à son passage, le gouvernement chinois ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Pour les commentateurs allemands, les protestations entourant le parcours de la flamme olympique démontre qu’il n’est plus possible de distinguer, dans le cas de la Chine, sport et politique.
Pour sa part, le Die Welt écrit que les Jeux olympiques ont créé une nouvelle discipline : « la course à l’extinction de la flamme ».
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé mardi à ne pas politiser le sport en commentant les manifestations anti-chinoises qui perturbent le parcours de la Flamme des Jeux olympiques 2008 de Pékin. « Certains politiques mélangent la politique et l'histoire. A présent, les politiques mélangent la politique et le sport. Laissons l'histoire aux historiens et le sport aux athlètes », a déclaré le ministre sur les ondes de la radio russe Écho de Moscou.
« Après une traversée de la capitale londonienne marquée par de multiples incidents et l’arrestation de trente-cinq manifestants, la flamme olympique a connu, malgré une escorte de quelques 3 000 hommes à pied, à cheval, en rollers, en hélicoptère ou sur la Seine, un parcours chaotique à Paris », écrivait Le Post. Pour ce blogueur français : « Franchement, je ne pensais pas que le passage de la flamme olympique à Paris me réjouirait autant ». Et le blogueur poursuit : « Ce sont des gens très responsables, au sommet des responsabilités, les dirigeants du Comité international olympique et ceux de la Chine, qui sont réellement responsables de ce fiasco, de cette cacophonie. Tous sourds et aveugles à la réalité du monde d’aujourd’hui. Tout occupés à leur petit business mondial ».
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, déclare franchement que : « les officiels chinois ont décidé qu’ils ne feraient pas d’arrêt ici [devant l’Hôtel de Ville], parce qu’ils étaient en colère contre les citoyens parisiens qui exprimaient leur soutien aux droits de l’Homme. C’est leur responsabilité ». Bertrand Delanoë avait, le 2 avril dernier, annoncé que l’Hôtel de Ville arborerait une banderole soutenant les droits humains quand la flamme olympique passera dans la capitale française, parce que « Paris défend les droits de l’homme partout dans le monde ».
San Francisco. Ville la plus libérale des États-Unis. La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, est une élue de San Francisco. Son message est clair : « Les Jeux olympiques devraient faire la promotion de la liberté d'expression, pas le contraire. Quand la flamme sera à San Francisco, je soutiens le droit des individus et des groupes à faire connaître leurs vues sur les actions du gouvernement chinois ». Hillary Clinton, candidate à l'investiture démocrate, appelle le Président Bush à boycotter la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin. La Maison Blanche refuse. Le porte-parole du département d’État, Sean McCormack, se gardé de tout commentaire. « Tout ce que je peux dire, c’est que pour notre part, au département d’État, nous coopérons avec les responsables locaux à San Francisco pour préparer la logistique et la sécurité du relais prévu », a-t-il déclaré. « C’est un effort local et ils sont très fiers d’assurer les préparatifs de cet événement », a-t-il ajouté.
Lundi, trois militants pro-Tibet ont escaladé des haubans du célèbre pont du Golden Gate pour déployer, une fois hissés à bonne hauteur, un drapeau tibétain et une banderole disant « One world, One dream, Free Tibet » (un monde, un rêve, libérer le Tibet). Joint sur son téléphone portable, alors qu'il était suspendu dans le vide, l'un des manifestants, Laurel Sutherlin, a expliqué qu'il redoutait que le passage de la flamme par le Tibet ne conduise à de nouvelles arrestations et que les autorités chinoises n'utilisent la force pour étouffer toute contestation visible. « Les dirigeants de Chine ont dit qu'ils maintiendront l'ordre à tout prix et nous savons ce que cela veut dire, une effusion de sang et une oppression violente », a-t-il dénoncé. « Si le CIO (comité olympique internationale) autorise la flamme à aller au Tibet, il aura du sang sur les mains ».
Aucun manifestant n'était présent à l'aéroport à l'arrivée de la flamme tôt mardi matin. À 13h, aujourd’hui, heure de San Francisco, le point de départ de la flamme s’effectuera au célèbre McCovey Cave pour se terminer sur la place Justin Herman. Le parcours de la flamme devrait se faire dans un contexte très tendu entouré par des mesures de sécurité extrêmement renforcées. Ces mesures, inédites, sont beaucoup plus importantes que lors du passage de la flamme pour les JO de 1992 et 1996. Le tracé sera raccourci. Ironie du sort : dans la ville, dont un tiers de la population est d'origine asiatique, l'itinéraire exclurait un défilé dans le quartier de Chinatown. C’est la seule étape nord-américaine pour la flamme olympique. 80 porteurs de la torche pourraient se relayer, ce qui est moins sûr, sur une distance de 10 kilomètres le long de la mer.
Selon l’agence de nouvelles Xinhua, San Francisco est très fière d'accueillir le relais de la torche olympique, malgré les critiques, a déclaré lundi le maire de San Francisco Garvin Newsom. « La torche olympique représente un parcours d'excellence, nous sommes honorés d'avoir l'occasion de l'accueillir et de contribuer à l'itinéraire pour l'harmonie des Jeux Olympiques de Beijing », a dit M. Newsom dans une déclaration à l'agence Chine Nouvelle avant l'arrivée de la flamme olympique dans sa ville.
Les mesures de sécurité seront également renforcées à Buenos Aires où la flamme olympique est attendue vendredi. A Canberra, les autorités australiennes ne cachent pas leur inquiétude : un millier de manifestants sont annoncés autour de la base de l'armée de l'air où se posera la flamme. Le Premier ministre, Kevin Rudd, refuse toutefois que Pékin aligne sa propre escorte. Enfin au Japon, la ville de Nagano, qui organise le relais, a annoncé fin mars une augmentation d'un tiers de son budget sécurité.
Pendant que la flamme parcourra les rues de San Francisco, le Comité international olympique, au cours d’une réunion prévue de longue date à Pékin, pourrait donc décider d'arrêter le parcours mondial de la flamme. L’actuel parcours de la flamme était le plus ambitieux de l'histoire des JO avec un périple de 137.000 kilomètres à travers le monde. Le Comité olympique fait toujours bloc avec la Chine pour défendre l'avenir des jeux de Pékin. « Ces manifestations organisées sont un abus contre la torche olympique, qui est le symbole de la bonne volonté, de la paix, de la compréhension et de l'excellence dans le sport », a déclaré Kevan Gosper, responsable de la presse du Comité.
Raphaël Anglade écrit sur Betapolitique : « Et tout d’un coup, je me suis dit que les peuples avaient redonné son sens à ce parcours de la flamme. Solidarité, passage de témoin, émulation. C’est le grand relai de la révolte contre les hypocrisies et les puissances d’argent. Passe-moi ta révolte, je prends le relais et je la passe aux autres, au-delà des frontières. L’olympisme, s’il a existé, s’est effondré sous le poids des intérêts, du fric et des marques. Il a été bradé par ceux qui ont eu l’indécence d’organiser des Jeux à Pékin. Mais voilà qu’il renaît, voilà que le parcours de la flamme devient une énorme accusation, mondiale, qui enfle de plus en plus fort. Voilà que les peuples et les nations se passent le relai de la colère. C’est beau, parfois, l’olympisme ! ».