mardi 15 avril 2008

Message à la communauté chinoise canadienne

Place Tiananmen, au cœur de la capitale, Stéphane Paquet, du quotidien La Presse, a rencontré Luo Xiuying, enseignante à l'Université des minorités. Pour cette personne, dont la bonne foi ne peut être mise en doute, il est clair que le gouvernement traite très bien les Tibétains. « Le gouvernement a dépensé beaucoup pour le Tibet », souligne-t-elle. Un autre de vos compatriotes, Yao Wenju, n'est pas non plus content de ces manifestants qui perturbent sa joie olympique. « On est tous des Chinois. Ce n'est pas correct de faire ça ».


Stéphane Paquet a la gentillesse de nous rapporter ce que Le Global Times, journal publié en mandarin, a publié sur sa première page : une photo d'étudiants chinois à Paris. Des manifestants pro-Tibet? Plutôt de jeunes Chinois qui critiquent les manifestants pro-Tibet. Le journaliste prend la peine d'écrire que la plupart des manifestants ne connaissent pas la situation en Chine ni au Tibet parce qu'ils n'y ont jamais mis les pieds. Ils croient seulement les médias locaux, ajoute-t-il.


Ottawa, au cœur de la capitale canadienne. Vous avez été près de 3.000, selon les forces policières canadiennes, (5.000 selon d’autres médias) à manifester dimanche votre appui au gouvernement de la Chine. Petite anecdote : Xinhua, votre agence de nouvelles, évalue à 10.000 le nombre de vos concitoyens venus appuyer le gouvernement de votre pays à Ottawa. L’agence qualifie cette manifestation d'une des plus grandes manifestations organisées par des Canadiens d'origine chinoise depuis 50 ans. Elle a représenté toutes les communautés chinoises à travers le Canada.


Vous avez brandi, sur la colline parlementaire, des drapeaux chinois et entonné l'hymne national du pays. Vous avez distribué, sans entraves policières – c’est le prix de la liberté –, des tracts aux journalistes implorant le premier ministre, Stephen Harper, de condamner les « séparatistes tibétains » accusés d'entretenir la violence. Vous avez pu, également, brandir des affiches sur lesquelles on pouvait lire : « Non aux émeutes, non au séparatisme », « Une Chine, une famille » et « Le Tibet fera toujours partie de la Chine ».


Un de vos compatriotes, qui habite Toronto, cité par Xinhua, n’hésite pas, tant sa foi est grande envers le gouvernement de votre pays, la Chine, à déclarer : « Au cours de ces 20 dernières années, la Chine s'est beaucoup améliorée dans les domaines tels que, entre autres, l'économie, le niveau de vie et la liberté politique ». Et pour l’agence de nouvelles Xinhua, la raison de ce grand rassemblement libre, sur la colline parlementaire, était pour exprimer la colère de la communauté chinoise canadienne contre les violences menées par des séparatistes tibétains et des reportages déformés publiés par des médias occidentaux.


Raymond Li, un compatriote qui habite Montréal, n’hésite pas à déclarer, selon Xinhua, que, pour juger la situation des droits humains et d'autres questions en Chine, les Occidentaux doivent apprendre à regarder les choses d'une autre façon, au lieu d'imposer leurs propres points de vue à d'autres pays. Dans toute manifestation d’envergure, il convient de faire appel à des porte-paroles officiels. Huang Xingzhong, dirigeant de la communauté chinoise à Ottawa, formule le commentaire suivant : « En tant que Chinois d'outre-mer, la Chine est notre patrie et le Canada est notre famille nouvellement adoptée. Nous sommes fiers que les JO d'hiver se tiennent en 2010 à Vancouver. Nous sommes également fiers que les JO d'été se déroulent cette année à Beijing. Nous voulons la paix, nous voulons que les JO de Beijing soient couronnés de succès ».


Selon CCTV Journal, autre média chinois, dont l’impartialité ne saurait être remise en doute, j’imagine, quelque 30 communautés chinoises ont écrit au Premier ministre, Stephen Harper, pour exprimer leur opposition à l'indépendance du Tibet et dénoncer la partialité des reportages de certains médias canadiens sur les émeutes qui avaient secoué la région autonome. Permettez-moi ce bref aparté : CCTV Journal ne fait aucune mention du boycott de Radio-Canada en Chine. Un oubli, j’imagine.


Ces communautés chinoises, donc, appellent, dans leur lettre, le gouvernement canadien à étudier les faits et à écouter les opinions du million deux cent mille Chinois qui vivent au Canada. Les Chinois d'outre-mer affirment que certains médias canadiens n'ont pas couvert les faits de façon impartiale mais ont, au contraire, fustigé le gouvernement chinois. Ils poursuivent leur missive en demandant si les Canadiens accepteraient que les supporteurs de l'indépendance du Québec ne déchirent le drapeau Canadien devant un consulat étranger. Rendons justice à Luo Lisi, de CCTV Journal, d’avoir remis à l’ordre du jour la conjoncture politique interne du Canada avec les méchants séparatistes du Québec.


Le Québec pourrait accueillir les méchants séparatistes tibétains et créer une terre d’accueil pour ce peuple. Pourquoi diable le gouvernement du Québec n’y a pas pensé plus tôt.


Vous voyez, mes chers amis, de la communauté chinoise canadienne, il est possible que nous puissions rapporter, sans difficultés aucunes, vos préoccupations, vos manifestations, vos déclarations, vos inquiétudes, vos appuis politiques, sans qu’il soit nécessaire de rappeler ce jour de 1989 à Place Tiananmen.


Vous pouvez constater, également, qu’il est vous est encore possible de brandir – en toute liberté – sur la colline parlementaire canadienne vos drapeaux, vos bannières, vos couleurs, vos slogans, votre colère par la distribution de vos tracts. Le Canada est un pays de liberté. Qui remettrait en question le poids politique de vos revendications devant le Parlement du Canada? Selon Statistiques Canada, les Chinois ne représentent plus la minorité visible la plus importante (1,2 million), les Canadiens originaires d’Asie du Sud les ont devancés (1,3 million). « Leurs principaux pays de naissance sont l’Inde, le Pakistan et le Sri Lanka », précise Hélène Maheux, analyste chez Statistique Canada, tel que rapporté par le quotidien La Presse.


Le Canada ne se montre-t-il pas généreux et compréhensif à l’égard de l’organisation chinoise? Prenez pour exemple les exigences du Comité olympique canadien. Les athlètes et les membres des médias francophones de la mission canadienne aux Jeux olympiques et paralympiques de Pékin pourraient être accueillis cet été par des bénévoles qui ne parlent pas français. Pour plusieurs des postes de bénévoles, le Comité olympique canadien exige la maîtrise de l'anglais et du mandarin, oubliant la deuxième langue officielle du Canada. Le Centre de presse principal, le Centre de technologie de la performance, le Centre canadien de santé, les équipes à l'extérieur du Village et la Maison olympique du Canada font partie de ces secteurs où l'aide de bénévoles bilingues sera requise. Mais dans plusieurs cas, le bilinguisme fait référence à l'anglais et au mandarin.


Ne nous disputons pas pour si peu. Il y a longtemps que le français a perdu de son lustre dans mon pays.


Victor Wong, du Conseil National des Canadiens Chinois, a estimé, bien avant ces manifestations sur la colline parlementaire, que les amendements proposés à la Loi canadienne sur l'immigration et la protection des réfugiés risquaient d'envoyer le message aux immigrants qu'ils sont considérés par le Canada comme des commodités économiques et non des personnes à part entière. Le changement de cap soudain du gouvernement et le secret gardé sur la nature du plan conservateur créent de l'inquiétude et de l'anxiété parmi les communautés ethniques. Pourtant, des porte-paroles du gouvernement canadien avaient assuré que les changements ne cibleraient pas de communautés en particulier. Ils ont soutenu que de tels efforts contreviendraient à la Charte canadienne des droits et libertés.


Pour revenir à votre cher pays, la Chine, le Quotidien du Peuple poursuit dans le sens de vos revendications devant la colline parlementaire canadienne et accuse lundi les médias occidentaux de désinformation sur les manifestations qui ont visé le passage de la flamme olympique et d'avoir exagéré leur importance. La synchronisation des messages est puissante dans votre pays. Le journal reproche, cette fois, au parlement européen de ne pas avoir condamné la « clique du dalaï-lama ». Quelle vilaine expression, convenons-en, tout de même. Comme cela était prévisible, avec ces fauteurs de trouble que sont les tibétains, des policiers ont découvert une trentaine d'armes à feu à l'intérieur d'un temple tibétain de la province du Sichuan, dans le centre-sud de la Chine, où ont eu lieu des émeutes ces dernières semaines.


Comment faire cesser ces messages véhiculés de par le monde par la « clique du Dalaï-lama ». Ces messages deviennent insupportables, à la fin. Et je peux comprendre, mes amis, de la communauté chinoise canadienne, qu’il ne vous plaît de les entendre à satiété.


« Je soutiens l'organisation des jeux mondiaux par les Chinois parce que la Chine est la nation la plus peuplée, la plus ancienne », a déclaré le chef spirituel du bouddhisme tibétain. Les Chinois « méritent vraiment » les JO, a-t-il souligné. Le Dalaï lama réitère fréquemment ses offres de dialogue aux autorités chinoises qui refusent tout contact avec lui depuis l'éclatement des troubles. « Je suis vraiment triste que le gouvernement (chinois) en vient presque à me diaboliser », s’est plaint le Prix Nobel de la paix. « Je ne suis qu'un être humain, pas un démon, du moins je l'espère », s’est permis de plaisanter le Dalaï lama.


De quoi se plaint donc ce moine, âgé de 72 ans, qui perturbe la planète? « Nous sommes en lutte contre quelques uns des dirigeants de la République populaire de Chine, et non contre le peuple chinois », a ajouté le chef tibétain dans un communiqué publié des États-Unis. Que vaut la sagesse de ce vieil homme en comparaison avec celle du vénéré Hu Jintao qui déclare avec conviction : « Si le dalaï-lama souhaite vraiment un accord, il doit le montrer par ses actions. S'il abandonne ses activités séparatistes, ses complots incitant à la violence, ses projets de sabotage des Jeux olympiques de Pékin, nous sommes prêts à tout moment à poursuivre le contact et le dialogue ».


Comme vous le savez, mes amis, de la communauté chinoise canadienne, le bouddhisme est très présent au Japon. Les autorités de ce gouvernement n’ont jamais rencontré officiellement le Dalaï lama. Pourtant, mes amis, pourtant, selon son Premier ministre, Yasuo Fukuda, la Chine est « la principale responsable » du problème tibétain et a appelé Pékin à « résoudre la question par le dialogue ».


La population canadienne ne serait donc pas la seule à douter.

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