Le président du Comité olympique et sportif (CNOSF), Henri Sérandour, vient de trancher. Les athlètes français ne pourront pas arborer le badge « Pour un monde meilleur ». Selon Henri Sérandour : « On ne peut pas mettre un badge pour la cause d'untel, un badge pour une autre cause » a répété le président du CNOSF. Il aurait pu ajouter : « On ne peut pas déplaire au comité organisateur olympique chinois ».
Comme la Charte olympique a bon dos lorsqu’il s’agit de masquer des petites lâchetés : « On va respecter la charte qui est : aucune manifestation tangible de quoi que ce soit pendant les manifestations sportives et pendant le défilé des cérémonies d'ouverture et de clôture », a déclaré Sérandour. L'article 51 stipule qu'« aucune démonstration ou propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans les enceintes olympiques ». Et foi de président, Henri Sérandour gardera l’œil ouvert : « Le CNOSF veillera au respect de cet article au sein de la délégation française ».
Au début du mois d’avril, des athlètes français avaient annoncé leur intention d'arborer un badge de forme ronde, avec un slogan « Pour un monde meilleur », orné des anneaux olympiques et du mot France, à l'occasion des Jeux de Pékin. Rien pour créer un incident diplomatique international. Le secrétaire d'État aux Sports du gouvernement français, Bernard Laporte, trouvait ce badge pas très agressif, il n'attaquait ni la Chine, ni rien, il reprenait une phrase de l'olympisme « pour un monde meilleur » et les anneaux. Interdiction qualifiée de « regrettable » par le ministre français.
À l'issue d'un entretien avec le président Nicolas Sarkozy, à l'Élysée, David Douillet, co-président de la Commission des athlètes du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), a déclaré qu’il n'a jamais été question que les athlètes français arborent le badge « Pour un monde meilleur » avec le logo « France », auquel s'oppose le président du CNOSF Henri Sérandour. Pourtant. Pourtant, lors de la présentation du badge à la presse, au début du mois d'avril, ce même David Douillet avait laissé entendre que le président du CNOSF, Henri Sérandour, l'avait validé. L'idée de porter un badge destiné à montrer l'attachement aux droits de l'Homme des sportifs qualifiés pour les jeux Olympiques, avait été faite, comme le rappelle le Nouvel Observateur, début avril par la Commission des athlètes du CNOSF, après le rejet d'une première initiative du perchiste Romain Mesnil invitant à arborer un ruban vert.
Pendant que l'Allemande Yvonne Bönisch, championne olympique de judo en 2004, annonce clairement qu’elle va boycotter la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques de Pékin (8-24 août) pour montrer son attachement aux droits de l'Homme, l'ancien judoka David Douillet explique, par d’heureuses pirouettes, que « ce qu'on veut porter aux Jeux c'est un badge qui sera porté par un Américain, par un Éthiopien, par un Libanais, par n'importe quelle nation, un badge international ». Bref, le message doit être davantage édulcoré : « Ca sera quelque chose d'international qui est acceptable pour tout le monde, qui est accepté, qui donne le sentiment de s'exprimer et une vraie tranquillité» aux athlètes », a expliqué David Douillet.
Pendant que l'artisan japonais, qui a fabriqué les boules de métal utilisées lors des épreuves de lancer de poids des trois derniers Jeux olympiques, annonce qu'il allait boycotter les JO de Pékin, pour protester contre la situation des Droits de l'homme au Tibet, la France tente de se concerter avec d'autres pays pour proposer un badge commun, encore une fois édulcoré, qui respecte les principes de la Charte olympique interdisant toute manifestation politique pendant les Jeux.
Et la Chine se prive-t-elle pour lancer des appels au boycott? Selon Chine information, avant même que les décisions soient prises, des consommateurs chinois ont lancé un appel par SMS et sur Internet à boycotter des produits et entreprises français, en particulier le géant de la vente au détail Carrefour, ce dernier étant accusé de soutenir financièrement le Dalaï lama et ses « activités sécessionnistes ». Selon ces contestataires chinois, le peuple français et le gouvernement ont méprisé le sérieux de la flamme olympique et les sentiments du peuple chinois. « Nous vous encourageons à ne plus aller chez Carrefour faire vos courses et aller dans d'autres supermarchés (...) la Chine ne peut pas être insultée »! L'appel au boycott a été diffusé sur les principaux portails chinois, suscitant des centaines de pages de commentaires positifs. Une étude publiée sur le portail NetEase affirme que 91% des quelque 11.000 personnes ayant répondu soutiennent le boycott des produits français.
Madame Jiang Yu, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères lors d'un point de presse, s'est refusé à condamner l'appel au boycott commandé par le fait que les manifestations de protestation en France contre la situation des droits de l'Homme et la répression chinoise au Tibet constituaient une attaque contre la Chine. Pour la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, « les Chinois font ainsi part de leur opinion, et tout cela à une raison... ». Elle a, de plus, révélé que des efforts des deux parties (la Chine et la France) étaient nécessaires pour être amis. Mais la Chine ne peut pas accepter que la France assure qu'elle apprécie les relations bilatérales d'une part, tout en faisant parfois des choses « incompréhensibles et inacceptables » pour les Chinois.
Comme la Chine exige le respect de sa souveraineté, madame Jiang Yu rappelle amicalement à la France qu’elle doit prendre une position objective et impartiale sur les récents événements, à respecter les faits, ainsi qu'à « faire une distinction claire entre le vrai et le faux » afin de comprendre et de soutenir la position et les mesures correctes prises par le gouvernement chinois, comme la majorité de pays dans le monde.
D'autres internautes chinois, comme le note L’Express, appellent à soutenir l'indépendance de la Corse pour répondre, en miroir, aux positions françaises sur le Tibet. L'un d'eux demande même de diffuser des T-shirts et des drapeaux sur lesquels figurent l’’image de l’île de Beauté, afin de les exhiber lors des JO de Pékin au mois d’août.
Il se trouve encore des voix, du côté du gouvernement, comme Louis de Broissia, sénateur UMP de Côte d’Or et président du groupe d'information du Sénat sur le Tibet, pour estimer que la France est encore "trop polie" à l’égard de la Chine. « C’est une erreur de croire qu’une attitude plus ferme serait nocive à nos intérêts économiques. Si la Chine veut des Airbus ou des contrats nucléaires, elle signe : peu importe que l’on reçoive le leader tibétain ou non »!
La France a appelé mardi la Chine à faire des Jeux Olympiques de Pékin « un moment d’ouverture et de tolérance », tout en estimant que le débat sur l’interdiction faite aux athlètes français d’arborer le badge « Pour un monde meilleur » était « interne au monde sportif ».
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