lundi 21 avril 2008

Georges W. Bush et Benoit XVI - Vérité ou mensonges

Après les 935 mensonges du président Bush, traités sur ce forum, et dénoncés par le Center for Public Integrity, voilà que le New York Times montre, sans surprise, ce dimanche, que l’administration du président Bush a organisé une vaste entreprise de manipulation des analystes militaires travaillant à la télévision pour obtenir une couverture favorable de la guerre en Irak. Ces analystes représentent quelque 150 entreprises militaires, que ce soit en tant que lobbyistes, consultants ou membres du conseil d’administration, ce que les téléspectateurs ignorent totalement.

Ces analystes sont payés par les télévisions entre 500 et 1.000 dollars par apparition à l’écran. Certains ont même donné au Pentagone des « trucs » pour contourner les télévisions et d’autres l’ont tenu alerté des reportages en préparation. Ils ont été invités à des centaines de briefings privés avec des dirigeants militaires, ont été emmenés en Irak, ont eu accès à des renseignements confidentiels et ont eu des briefings avec de hauts responsables de la Maison Blanche, du département d’État et du département de la Justice

Force est de comprendre pourquoi, selon le New York Times, ces documents internes du Pentagone mentionnent régulièrement ces analystes militaires comme des « multiplicateurs de force du message » ou de « substituts » sur qui compter pour transmettre « les thèmes et le message » du gouvernement à des millions d’Américains « sous la forme de leurs propres opinions ». Le quotidien arrive à ces conclusions après avoir examiné quelque 8.000 pages de messages électroniques, de transcriptions et d’enregistrements décrivant plusieurs années de briefings et de voyages en Irak ou à Guantanamo obtenus au terme d’un procès contre le Pentagone.

Georges W. Bush n’en est évidemment pas à sa première tricherie. En janvier dernier, la Commission du Contrôle et de la Réforme Gouvernementale (Committee on Oversight and Government Reform), rendait publiques les conclusions d’une enquête approfondie de 16 mois sur les interventions de l’administration Bush dans le domaine des sciences du climat. Cette enquête de la Chambre des Représentants était présidée par le californien Henry Waxman. Encore une fois, l’administration de Georges W. Bush cherchait à contrôler les communications orales et écrites des agences concernées par les sciences du climat afin de minimiser les résultats de la science et à en exagérer le degré d’incertitude. Ces pratiques remonteraient au moins à 2003 et auraient été amplifiées après le cyclone Katrina, à l’automne 2005. Au lendemain de Kyoto, l’American Petroleum Institute (API) avait élaboré une stratégie interne, le Climate Science Communications Action Plan, visant à exagérer et exploiter les incertitudes scientifiques pour influencer la perception de l’opinion publique sur les sciences du climat.

La Chambre a établi que l’administration Bush a agi comme si ce plan communication de l’industrie pétrolière constituait sa feuille de route. De plus, le Council on Environmental Quality (CEQ) éditait très largement les rapports des instances fédérales sur le changement climatique. L’organisme, enfin, est directement intervenu dans la rédaction des arguments judiciaires de l’EPA dans son procès avec des associations environnementales sur la réglementation des gaz à effet de serre (tranché en faveur des associations par la Cour Suprême le 2 avril 2007).

En 2007, alors que le président américain ment à tour de bras à son peuple, il déclare, sur la question des cellules souches : « Les États-Unis sont une nation fondée sur le principe que toute vie humaine est sacrée. Et notre conscience nous appelle à explorer les possibilités de la science d’une façon qui respecte la dignité humaine et en accord avec nos valeurs morales ». Il oppose donc son veto à l’avancement de la science en se montrant inflexible : les cellules souches obtenues à partir de l’embryon sont « créées en détruisant la vie humaine » et que « la destruction de la vie humaine dans l’espoir de sauver la vie humaine n’est pas éthique ». Le président applique les principes éthiques là il le veut bien : « Ce projet de loi nous ferait franchir une barrière éthique critique en créant de nouvelles incitations à la destruction, actuellement pratiquée, de vies humaines émergentes. Franchir cette barrière serait une grave erreur »

S’agissant de cette deuxième rencontre historique de deux grands décideurs de la planète, Benoit XVI et Georges W. Bush, il est intéressant de rappeler que le Cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lors de la dernière campagne présidentielle américaine, avait demandé, par lettre, aux évêques de refuser la communion aux politiciens qui – comme John Kerry – tolèrent l’avortement. Tous ceux qui voteraient pour John Kerry, qui communie régulièrement, « seraient coupables de coopération formelle avec le diable ». Selon le document signé par le Cardinal Joseph Ratzinger,« Un homme politique catholique faisant assidûment campagne et votant pour des lois permissives sur l’avortement et l’euthanasie devrait se voir refuser la communion », écrivait jadis Sa Sainteté.

C’est ce même Joseph Ratzinger qui qualifie l’homosexualité de « tendance intrinsèquement mauvaise » et voit dans les procès pour pédophilie envers les prêtres aux États-Unis une « campagne organisée contre l’Église ».

C’est ce même Cardinal Ratzinger qui aurait muselé plus d’une centaine de théologiens, dont certains très réputés tels Eugen Drewermann ou encore le célèbre Hans Küng. Et que dire des interventions marquées du bon cardinal pour écraser toute velléité de ce qu’on appelait la théologie de la libération. C’est cet homme aux conseils de justice et d’humanisme qui s’est prononcé à maintes reprises contre le sacerdoce des femmes, le mariage homosexuel ou sur les questions concernant l’euthanasie ou le contrôle des naissances. En grand démocrate, il est le coauteur, avec Jean-Paul II, de l’encyclique Dominus Jesus affirmant la primauté absolue de l’Église catholique sur toutes les autres religions.

Il faut lire l’article d’Alexandre Schwab, du Spiegel Online, The Cowboy and the Shepherd.

Lors de sa visite au Vatican, en 2007, Georges W. Bush avait déclaré qu’il s’y rendait avec « l’esprit ouvert et très désireux d’écouter le pape », et il a assuré qu’il « partageait avec lui les valeurs de respect de la vie, de la dignité humaine et de la liberté ». Il a ajouté : « L’Histoire a prouvé que les démocraties ne se déclarent pas la guerre entre elles et que la meilleure manière de renforcer la paix est donc de promouvoir la liberté ».

Pendant que Benoit XVI, le démocrate et l’apôtre qui se présente en pleine crise ecclésiale, incite l’Amérique à adopter un comportement vertueux responsable, l’article du New York Times est comme un immense pavé dans la mare. Au cours de son entretien avec Georges W. Bush, le 16 avril dernier, Benoit XVI a rappelé, comme un prêche dans le désert, que : « La démocratie peut seulement fleurir, ce que vos pères fondateurs savaient bien, lorsque les chefs politiques et ceux qu’ils représentent sont guidés par la vérité et portent la sagesse, engendrée par le principe moral, dans les décisions concernant la vie et le futur de la nation ». Le Très Saint-Père a rappelé à un Georges W. Bush ces paroles d’un autre pape, Jean-Paul II, tirées de ses enseignements : « dans un monde sans vérité, la liberté perd son propre fondement » et « une démocratie sans valeurs peut perdre son âme ».

Et le président Bush de répondre, le plus sérieusement du monde, à Benoit XVI : « Dans un monde où certains ne croient plus que l’on peut distinguer le vrai du faux, nous avons besoin de votre message pour rejeter cette dictature du relativisme et embrasser une culture de la justice et de la vérité ».

Épris de justice, de vérité, et de démocratie ? Il faut chercher à comprendre, dès lors, comme l’expliquait Human Rights Watch, pourquoi « l’administration Bush déteste tellement la Cour pénale internationale qu’elle s’oppose à la création de tout tribunal international pour l’Irak, apparemment par peur qu’un tel tribunal ne confère une crédibilité au projet complet de justice internationale ». La Cour pénale internationale, dont le Canada est un signataire, s’était donné pour compétence, en 1998, de juger les crimes de guerre, de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes d’agression. Les États-Unis ont refusé de signer ce protocole.

Comme l’indiquait très justement Gilbert Lavoie, du Soleil : « l’administration Bush a menti 935 fois, mais ne sera jamais jugée pour un conflit qui a fait presque autant de morts en Irak que Saddam Hussein en a fait pendant ses années de dictature ».

Sur les scandales de moeurs qui ont éclaboussé l’Église catholique, le Vatican avait émis, en 2002, une procédure visant à trancher les cas d’agressions sexuelles et de pédophilie dans les rangs de ses prêtres : les clercs fautifs devaient être soumis à un procès ouvert, soit devant un tribunal ecclésiastique local, soit devant la congrégation vaticane. Ces procédures exemptent donc les évêques d’aviser les autorités judiciaires des cas soumis à leur attention. Publiée mardi dans l’« Acta Apostolicæ Sedis », la publication officielle du Vatican, la lettre envoyée aux évêques avait été validée par un document Motu Proprio signé par le pape Jean-Paul II. Au Canada toutefois, pas question de se plier à cette directive, indique Mgr Peter Schonenbach, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Lors d’un voyage à Rome en novembre de la même année, le président de cette conférence, Mgr Jacques Berthelet, et Mgr Schonenbach avaient d’ailleurs fait savoir au cardinal Joseph Ratzinger, l’auteur de la directive, que ces procédures ne pourraient pas être appliquées au Canada. L’Église catholique canadienne avait donc décidé de laisse plutôt aux tribunaux civils le soin de juger les responsables d’agressions sexuelles, estimant ces juridictions plus aptes à examiner ce type de cause. (Jeanne Corriveau, Stéphane Baillargeon, Le Devoir, Edition Internet, 10 janvier 2002).

Le Cardinal Ratzinger, dans ses méditations lors de son Chemin de Croix du Colisée 2005, récitait cette prière : « Combien de fois les insignes du pouvoir portés par les puissants de ce monde ne sont-ils pas une insulte à la vérité, à la justice et à la dignité de l’homme ! Combien de fois leurs cérémonies et leurs grands discours ne sont en vérité rien d’autre que de pompeux mensonges, une caricature de la tâche qui est la leur : se mettre au service du bien ! »

Pendant ce temps-là, aux États-Unis, les deux grands hommes qui gouvernent le monde temporel, Benoit XVI et Georges W. Bush, montrent leur belle unanimité sur le « rejet total du terrorisme et de la manipulation de la religion pour justifier des actes immoraux et violents contre des innocents ».

(Sources : AFP, Cyberpresse, New York Times, Presse canadienne)

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