vendredi 11 avril 2008

Ce que l'Amérique a besoin en Irak, c’est d'un renfort « diplomatique ».

À quelques mois de son départ, il ne fait aucun doute que le témoignage du général David Petraeus a pleinement satisfait l’ego de Georges W. Bush. Lors de son audition devant le Congrès, le commandant des forces américaines en Irak a déclaré devant la Commission des Services armés de la Chambre des représentants qu'il considérait que l'armée américaine devrait pouvoir, de plus en plus, compter sur le soutien des forces irakiennes, dont les capacités augmentent. Rien de moins. Aux côté de l'ambassadeur américain, à Bagdad, Ryan Crocker, le général David Petraeus a décrit la situation en Irak comme fragile, avertissant que les améliorations récentes au niveau de la sécurité pouvaient être mises en péril en cas de retraits de troupes précipités. « De nombreux défis restent à relever », a déclaré le général en faisant allusion notamment aux affrontements entre les forces irako-américaines et les milices de l'imam radical chiite Moqtada Al-Sadr. « Le progrès réalisé depuis le printemps dernier est fragile et réversible ».


C’est pourquoi le général Petraeus demande néanmoins au président américain d'achever le retrait partiel d'environ 20.000 soldats prévu d'ici juillet. Mais il préconise en même temps d'imposer par la suite un gel des départs et de maintenir les effectifs à 140.000 hommes pendant 45 jours avant d'envisager d'éventuelles autres diminutions.


Georges W. Bush, le brave, s’est empressé d’adopter les recommandations du général David Petraeus afin de permettre au commandement d'évaluer la situation, laissant à son successeur le soin d’en régler l'issue. « Je lui ai dit qu'il aurait tout le temps qu'il lui faut », a dit M. Bush, lors d'une allocution consacrée à une guerre qui reste très impopulaire. Cette décision garantit une présence américaine en Irak jusqu'à la fin de son mandat à la Maison blanche en janvier. Le chef de l'exécutif annonce, en même temps, la réduction de 15 à dix mois de la durée du service en Irak et en Afghanistan avec un bémol, cependant. Cette réduction ne s’appliquera qu’à partir du mois d’août seulement. « Afin d'alléger le fardeau qui pèse sur nos soldats et leurs familles, j'ai donné pour instruction au secrétaire à la Défense de réduire les durées de service de quinze à douze mois », a déclaré Georges W. Bush.


Comme il fallait s’en douter, Georges W. Bush a profité de cette occasion pour revenir sur la question de l’Iran : « Le régime de Téhéran doit faire un choix. Vivre en paix avec son voisin, bénéficier de liens étroits en matière économique, culturelle et religieuse, ou continuer à armer, entraîner et financer des milices hors-la-loi qui terrorisent le peuple irakien ». Le président à mots à peine couverts a menacé l’Iran : « Si l'Iran fait le bon choix, l'Amérique encouragera une relation pacifique entre l'Iran et l'Irak. Si l'Iran fait le mauvais choix, l'Amérique agira pour protéger ses intérêts, nos troupes et nos partenaires irakiens ». Menace qui se rapproche étrangement de cette conception bipolaire de l’axe du mal : « Vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous! ». Pourquoi le président Mahmoud Ahmadinejad a-t-il été récemment reçu « avec tous les honneurs », ont demandé divers sénateurs au général David Petraeus et à l’ambassadeur Ryan Crocker ?


George Voinovich, sénateur républicain de l’Ohio, ne partage ni la vision du général David Petraeus ni celle de l’ambassadeur Ryan Crocker. Dans un coup d'éclat bien senti, il a rappelé à ses deux interlocuteurs que ce que l'Amérique a besoin en Irak, c’est d'un renfort « diplomatique ». Selon le sénateur Voinovich : « Il faut réunir les Syriens, les Égyptiens, les Saoudiens et les autres, et leur dire : vous avez vu dans quelle situation économique nous nous trouvons? Alors, vous devriez prendre vos responsabilités parce que, bientôt, nous ne serons plus en Irak ». Il a poursuivi en déclarant tout de go : « J'étais récemment en Égypte. Je peux vous assurer que personne, là-bas, ne pense que nous allons un jour nous retirer d'Irak! »


Et l’Iran en rajoute par derrière : « Tout ce que veulent les États-Unis, c'est trouver des excuses pour l'échec de leurs politiques en Irak. La présence de l'armée américaine en Irak est à l'origine de l'instabilité du pays ». Le président Mahmoud Ahmadinejad vient de lancer un nouveau coup de semonce aux puissances occidentales : « Le peuple iranien n'abandonnera pas ses efforts avant l'élimination totale de la direction corrompue du monde et les ennemis doivent savoir que les sanctions, les menaces et les pressions politiques et économiques ne pourront pas faire reculer l'Iran ». Mahmoud Ahmadinejad, a annoncé mardi que la république islamique a commencé à installer 6.000 nouvelles centrifugeuses à l'usine nucléaire de Natanz, où il existe déjà 3.000 centrifugeuses.


Michael Carmichael écrit sur alterinfo : « Westmoreland a présenté un flot constant de brillantes, dynamiques et inspirantes évaluations du potentiel de la victoire états-unienne au Vietnam. Lorsque Westmoreland est devenu commandant des forces US au Vietnam, il y avait à peine 15,000 soldats avec leurs bottes sur le terrain. Après quatre années de ce malencontreux optimiste du général Westmoreland, 535,000 soldats avaient leurs bottes enfoncées jusqu'aux chevilles dans le profond bourbier de la jungle vietnamienne ». La leçon a-t-elle été retenue? Il semble que non.


L'audition de Petraeus et de Crocker a donné aux trois prétendants à la présidence américaine l'occasion d'exposer leurs points de vue.


Barack Obama est d’avis qu’il faut ouvrir un dialogue avec l'Iran. Ce « sursaut diplomatique » doit avoir pour objectif de mettre fin à la guerre en Irak. Le candidat présidentiel plaide pour une accentuation des pressions sur le gouvernement irakien afin de le pousser à la réconciliation, et à un « sursaut diplomatique régional incluant l'Iran ». Réagissant à l’Minvitation du sénateur démocrate Voinovich, Barack Obama a proposé d’inclure également Téhéran dans ce « renfort diplomatique » : « Sans un effort diplomatique incluant l'Iran, aucune stabilisation ne sera possible en Irak », quels que soient les moyens dont se dotent les États-Unis, a commenté Barack Obama.


Hillary Clinton a égratigné son rival Barack Obama de même que le républicain John McCain sur leurs positions respectives face au dossier de l'Irak. « Tel est le choix qui se présente : un candidat poursuivra la guerre et maintiendra indéfiniment les troupes en Irak; un autre candidat se borne à clamer qu'il mettra fin à la guerre ». Hillary Clinton a une nouvelle fois accusé Barack Obama de n’avoir que des mots à offrir aux Américains face à ses solutions à elle pour mettre fin à la guerre en Irak. Et comment madame Clinton se voit-elle dans ce débat : « un autre candidat est prêt, veut et peut mettre fin à la guerre et reformer notre armée tout en honorant nos soldats et nos anciens combattants ». La sénatrice demande que des troupes américaines soient retirées d’Irak pour permettre une réallocation des ressources en Afghanistan notamment.


John McCain, le candidat républicain, soutient le général Petraeus en affirmant que le Congrès ne devait pas choisir « de perdre en Irak ». « Si les États-Unis décident de se retirer d’Irak avant que la sécurité ne soit assurée, nous échangerons une victoire pour une défaite aux conséquences terribles et durables », a martelé le candidat républicain à la présidentielle. Pour lui, les démocrates font preuve d’ « irresponsabilité » en promettant un retrait d’Irak. John McCain a répété ses attaques hier matin en qualifiant d’« imprudents » les appels à « un retrait irresponsable » d’une partie des 158 0000 soldats américains stationnés en Irak.


(Sources : AFP, Cyberpresse, Nouvel Observateur, La Tribune. Le Monde, Reuters)