vendredi 18 avril 2008

Benoit XVI reproche à l’Amérique sa pornographie et de s’écarter de la vertu

Les chrétiens vivent-ils juste comme tout le monde ? Ronald Sider, théologien connu dans les milieux mennonites, et auteur du livre « « The Scandal on the Evangelical Conscience » », publié en 2005, remettait en cause le monde évangélique – particulièrement aux Etats-Unis – et livrait ses conclusions après avoir étudié les enquêtes menées par les groupes Gallup et Barna : les églises évangéliques reflètent les tendances de la société dans des domaines comme le divorce, l’immoralité sexuelle, le racisme, le matérialisme.


Face à une bible qu'il jugeait corrompue par les hommes, Joseph Smith, fondateur de l’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours, mieux connue sous le nom de l'Église mormone, entreprit de re-traduire les testaments afin d’y restituer « les choses claires et précieuses » qui en furent soustraites. En altérant la pureté du message divin, l’histoire humaine eut, selon les mormons, un impact catastrophique sur les Écritures. Joseph Smith affirmait croire en la Bible « telle qu’elle est sortie de la plume des auteurs originels. [Car] des traducteurs ignorants, des copistes distraits, et des prêtres mal intentionnés et corrompus ont commis beaucoup d’erreurs ». Cette conviction est clairement établie dans les Articles de foi qui posent le credo mormon et rappellent que les Saints acceptent la Bible comme la parole divine « pour autant qu’elle soit traduite correctement ».


Selon un sondage Gallup, paru en mars 2007, 46% des américains ont une opinion défavorable de l'Église de Jésus Christ des Saints des derniers jours contre 42% d'opinions favorables. Les américains associent les Mormons à la polygamie plus qu'à toute autre chose. L'ancien gouverneur du Massachusetts et candidat à la candidature pour les présidentielles, Mitt Romney, était mormon. Une image dont les mormons n'ont pas su se défaire est celle d'un mouvement polygame, pratique interdite officiellement depuis 1890.


Pour Jan Shipps, professeur émérite d'histoire et d'études religieuses à Indiana University - Purdue University, deux facteurs font de la polygamie la réponse numéro un. « La première est Warren Jeffs [Gourou de la secte polygame the Fundamentalist Church of Jesus Christ of the Latter day saints arrêté en 2006] et tous les fondamentalistes. La seconde est Big Love », la série télé de HBO [qui traite d’une famille polygame].


L’Église Fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, du gourou Warren Jeffs, pratique la polygamie en se réclamant des origines du mariage plural des mormons du XIXe siècle. Rulon Jeffs, père, a dirigé cette secte, qui est née en 1890 d'une scission avec l'Église mormone, jusqu’en 2002. Son fils, Warren, a pris la relève en 2002 à la mort de son père, Rulon Jeffs. Il l’a dirigée en autocrate, n'hésitant pas à menacer les familles qui s'éloignent du dogme. Mais son règne fut interrompu par des affaires judiciaires. Les deux hommes, père et fils, ont eu chacun 75 épouses. Placé sur la liste des dix fugitifs les plus recherchés du FBI, Warren Jeffs a été arrêté le 28 août 2006 pour détournement de mineurs et complicité de viol. En novembre 2007, il a été condamné dans l’Utah à dix ans de prison pour avoir contraint une fille de 14 ans à épouser son cousin de 19 ans et à avoir des relations sexuelles contre son gré. Les mormons de Joseph Smith avaient excommunié les membres de la FLDS, dont le nombre d’adeptes est estimé à 10.000 personnes.


Le lundi 7 avril dernier, l’Amérique apprenait, non sans surprise, que les autorités texanes avaient évacué 401 enfants d’un ranch isolé, appelé « Yearn for Zion », de l’ouest du Texas. Selon les premières indications, l’opération a débuté après que les autorités ont reçu, lundi 31 mars, un appel d’une jeune fille de 16 ans affirmant avoir été agressée sexuellement et avoir eu un enfant d’un homme de 50 ans, épousé illégalement, qui se trouverait actuellement dans l’Arizona. Le suspect aurait 3 épouses et 22 enfants et aurait nié avoir joué un rôle quelconque dans le cas de la jeune fille de 16 ans au Texas.

Libération rapportait, en juin 2005, qu’entre 400 et 800 adolescents, de sexe masculin, avaient été arrachés à leur famille et à leur communauté, cette même secte dissidente de l'Église mormone, basée dans deux petites villes jumelles, Colorado City (Arizona) et à Hildale (Utah). Certains avaient fui mais la plupart avaient été bannis. On leur avait dit qu'ils étaient des délinquants parce qu'ils avaient écouté de la musique rock, vu un film interdit, porté des chemises à manches courtes, dragué des filles... En réalité, il s'agissait surtout pour la secte de dégonfler le stock de mâles, pour permettre la perpétuation de la polygamie.


Benoit XVI est en visite aux États-Unis. Chef de l’Église catholique, il a déclaré, lors d'un discours devant les évêques américains à la basilique de l'Immaculée Conception, à Washington, que le scandale des prêtres pédophiles, qui avait éclaté en 2000 aux États-Unis, était une « honte profonde » et a causé des « souffrances énormes » pour l'Église catholique. Dans l’avion qui le menait en Amérique, Sa Sainteté a déclaré : « Les pédophiles, je ne parle pas des homosexuels, qui sont un tout autre sujet, ne sont pas admis à devenir prêtres ».


Le Boston Globe avait révélé, en 2002, que l'archevêque de Boston avait affecté à d'autres paroisses des prêtres fortement soupçonnés d'avoir agressé sexuellement des enfants. Plus de 4.000 prêtres sur 42.000 ont fait l'objet, dans ce pays chrétien et pratiquant, d'une dénonciation. L'indemnisation de quelque 5 000 victimes mineures a déjà coûté plus de 2 milliards de dollars, acculant de ce fait cinq diocèses à la faillite. En 2007, l'Église a déboursé 615 millions de dollars, soit plus de 400 millions d'euros. Dans sa tournée, le bon Benoit XVI ne s’arrêtera pas à Boston pour raviver la flamme des fidèles de ce diocèse.


« C'est une grande souffrance pour l'Église et pour moi personnellement que ça puisse arriver. Quand je lis les histoires des victimes, il est difficile pour moi de comprendre comment il a été possible que des prêtres commettent cette trahison. Leur mission était de prendre soin de ces enfants, de leur donner l'amour de Dieu ». Il a aussi admis que le scandale avait été « très mal géré » et a plaidé pour « la compassion et l'attention aux victimes ». Benoit XVI a reconnu que le clergé américain avait traversé une période difficile et qu'à travers ce scandale, les gardiens de l'Église avaient « parfois très mal géré » certains cas de pédophilie. Il a demandé aux catholiques américains de promouvoir la guérison et la réconciliation avec les victimes, ajoutant : « Aussi, je vous demande d'aimer vos prêtres, et de les soutenir dans l'excellent travail qu'ils accomplissent ».


En octobre 2006, la BBC dévoilait l'existence d'un document secret du Vatican indiquant aux évêques la marche à suivre dans les affaires de « crimen sollicitationis », d'abus sexuels sur mineurs. Le Saint-Siège y recommanderait notamment d'étouffer de telles affaires. Selon la BBC, le cardinal Joseph Ratzinger, pendant les vingt ans qui ont précédé son accession au pontificat, aurait fait appliquer les termes de ce document de trente-neuf pages, écrit en 1962. Ces instructions marquées "confidentiel" devaient être conservées dans le coffre de leur église par les évêques. Elles exigeaient notamment le secret absolu, tant du prêtre que de la victime, ou d'éventuels témoins ou personnes au courant. Le non-respect de ce serment pouvait entraîner l'excommunication.


De retour aux États-Unis, le Saint-Père a montré du doigt l'omniprésence de la pornographie et de la violence dans ce pays pour relativiser les choses. « Que signifie de parler de protection de l'enfant quand la pornographie et la violence peuvent être regardées dans de nombreux foyers à travers les médias largement accessibles aujourd'hui? », a-t-il demandé. Le bon Saint-Père a rappelé que l'action de l'Église devait se déployer « dans un contexte plus large », replaçant le « péché des abus » sexuels dans le cadre « des mœurs sexuelles » de la société américaine.


Joseph Limagne, en éditorial sur Ouest-France, écrit : « Par sa visite, Benoît XVI veut contribuer à tourner une page douloureuse et raviver la foi des catholiques en défendant les valeurs chrétiennes, dont le respect de la personne humaine. Malgré les fautes des siens, le Saint-Père aime le pays dont les billets de banque affichent pour devise « In God we trust » (« Nous croyons en Dieu »), où personne ne craint d'afficher sa foi religieuse. Il juge « fascinante » cette Amérique fondée sur « un concept positif de la laïcité ». L'exact contraire de la situation en France ».


Georges W. Bush a lancé ce vibrant appel à Benoit XVI : « Nous avons besoin de votre message qui refuse la dictature du relativisme ». Et Benoit XVI a répondu, avec l'émotion qu'il faut, dans les circonstances : « Prêcheur de l'Évangile, je viens ici en ami ». Le pape a voulu ainsi tendre un rameau d'olivier aux quelques 70% de catholiques américains qui déplorent la manière dont l'Église a géré le scandale des prêtres pédophiles. Tout en ignorant Boston. Épicentre du scandale.


Alain Bouchet est un ancien mormon. Il livre un témoignage captivant sur le site À propos du Mormonisme.


VIDEO : Enquête en deux parties sur les secrets du Vatican - Première partie



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VIDEO : Enquête en deux parties sur les secrets du Vatican - Deuxième partie