En politique, l’intérêt supérieur de la nation peut-il l’emporter sur l’intérêt des particuliers? Face aux résultats des présidentielles américaines, qui n’en finissent plus, il est particulier de voir une formation politique se refuser à devancer le choix de son candidat. Le duel Clinton-Obama s’enlise. Et force est de reconnaître que les arguments qui fusent du clan Clinton sont du plus bas niveau. Ce qui constitue en soi une occasion unique pour les républicains de John McCain.
« Le peuple américain ne renonce jamais, et il mérite un président qui n'abandonne pas non plus. Si vous êtes prêts, je suis prête », clame tout haut Hillary Clinton. Sauf que madame Clinton ne montre pas un sens aigu de la gestion financière des fonds qui lui sont confiés. Sa campagne bat de l’aile : elle a levé 21 millions de dollars en mars, mais affiche 10,3 millions de dettes, alors qu'Obama a empoché 43 millions et compte sur des réserves de 51 millions de dollars.
Ted Stanger est l'ancien correspondant à Paris du magazine Newsweek. Interrogé par L'Express, il déclarait : « Hillary Clinton est jugée comme une femme obstinée, bornée. Financièrement, elle a mal géré sa campagne durant les primaires. Ses fonds ont été utilisés de manière très inefficace. Elle a quand même dépensé 25 millions de dollar dans l'Iowa pour ne récolter que la troisième place » ! Et comme le fait remarquer avec à propos Ted Stanger : « personne au sein du parti n'a le cran de lui avouer qu'elle n'a aucune chance et qu'il vaudrait mieux jeter l'éponge. Bill Clinton est mal placé pour lui tenir un tel discours, c'est le mari-adultère! Howard Dean, candidat malheureux aux primaires démocrates de 2004 avait bien tenté le coup après le Super Tuesday de février et ses mauvais résultats. En vain. Il n'a pas réussi à lui faire reconnaître son manque de préparation ».
Dans son éditorial, le New York Times, cité par le quotidien Le Monde, se plaint du résultat du scrutin en Pennsylvanie, qu'il qualifie « d'improductif ». « Cette campagne était encore plus vide et désespérée que les précédentes (...). Les électeurs sont fatigués de tout ça. Le processus politique est vidé de son sens, et il ne fonctionne pas. Il est temps pour la sénatrice Hillary Rodham Clinton de reconnaître que toute la négativité, dont elle est en grande partie responsable, ne fait rien d'autre que de lui nuire, de nuire à son adversaire, à son parti, et à l'élection en elle-même ».
Il se trouve des démocrates, comme le gouverneur du Tennessee Phil Bredesen, qui n’a pas donné son appui à quiconque dans la course, qui craignent de plus en plus les effets négatifs de cette campagne sur les Démocrates : « Ils sont là, un devant l’autre, à se battre et se faire saigner, tandis que personne ne gagne. Ça souligne le besoin de trouver la façon d’arriver à une conclusion », a déclaré le gouverneur au New York Times.
M. Obama compte un total de 1.720 délégués contre 1.590 pour sa rivale. Il faut obtenir le soutien d’au moins 2.025 des 4.049 délégués qui siègeront à la Convention démocrate, pour décrocher l’investiture. 233 « super délégués » pencheraient pour Obama, 258 pour Clinton alors 305 observent. Ils sont très courtisés. Selon le site spécialisé indépendant RealClearPolitics (RCP), aucun candidat ne pourra atteindre cet objectif d’ici la fin des primaires en juin prochain. Il est clair maintenant que la décision appartiendra aux quelque 800 « super délégués » démocrates.
Et les sondages n’améliorent pas la position inconfortable de la sénatrice de New York : un sondage, réalisé par le Washington Post et ABC News, indique que 62% des électeurs démocrates estiment que Barack Obama a les meilleures chances de gagner en novembre contre 31% qui citent Mme Clinton. Et la confiance en la sénatrice de New York s'érode. Selon 58% des personnes interrogées, Mme Clinton n'est « ni honnête, ni digne de confiance ».
Les résultats de Pennsylvanie ne sont en rien une victoire pour Hillary Clinton. Les sondages prédisaient un tel scénario en raison de la composition de la population de Pennsylvanie, principalement blanche, âgée et moins diplômée que celle des autres États du pays de l’Oncle Sam. Madame Clinton a obtenu l'avance qu'il lui fallait pour rester en lice. Avec ces résultats, la sénatrice pourra solliciter l'argent nécessaire pour poursuivre la lutte électorale et les super-délégués devront attendre avant de se prononcer. Un fait demeure : les « super-délégués » se prononceront, pour un candidat, probablement Obama, lorsque les dés seront jetés et que les résultats deviendront incontournables.
Quel est l’horizon de madame Clinton? Il leur reste encore neuf régions à se disputer, à savoir Guam (le 3 mai, 4 délégués en jeu), la Caroline du Nord (le 6 mai, 115 délégués), l'Indiana (le 6 mai, 72 délégués), la Virginie Occidentale (le 13 mai, 28 délégués), l'Oregon (le 20 mai, 52 délégués), le Kentucky (le 20 mai, 51 délégués), Porto Rico (le 1er juin, 55 délégués), le Montana (le 3 juin, 16 délégués) et le Dakota du Sud (le 3 juin, 15 délégués).
Le 6 mai prochain, les militants démocrates seront appelés à voter dans l’Indiana et en Caroline du Nord. Si Barack Obama devait remporter ces deux scrutins, Hillary Clinton sera de plus en plus confrontée à un rappel du parti démocrate qui voudrait bien voir Barack Obama concentrer ses efforts contre John McCain. Si toutefois la sénatrice remportait ces deux scrutins, elle serait plus en mesure de tenter de convaincre quelques « super délégués » de lui donner leur appui. Plusieurs observateurs croient par ailleurs qu'un grand nombre d'entre eux feront leur choix après le 3 juin.
Est-ce que le fait que madame Clinton a gagné dans les « grands » États comme New York et la Californie et dans nombre d'États-clefs peut la mener en droite ligne à la Maison Blanche? Rien n’est gagné. Il apparaît même que les messages vont se durcir dans un camp comme dans l’autre. Chacun fourbit ses armes. Barack Obama devra revoir sa stratégie pour éviter d’être placé sur la défensive comme ce fut le cas en Pennsylvanie. Un mot de trop, « amertume » de l’Américain moyen, a coûté cher au sénateur de l’Illinois. Obama n'a pas réussi à se dépêtrer de cette gaffe. Par contre, dans l’autre camp, lancer un clip catastrophiste mêlant images de la crise des missiles à Cuba en 1962 et de Ben Laden en a choqué plus d’un. Face à ces dangers, être président des États-Unis « c’est le boulot le plus dur au monde […] à votre avis, lequel [d’entre nous] est à la hauteur ? » demande une voix off.