Le MoDem agonise. La gauche et la droite se réorganisent. Si l’électorat centriste se manifeste encore au grand jour, il apparaît clairement que le MoDem n’est plus son choix et que le parti, fondé par François Bayrou, n’en tire plus les bénéfices auxquels il aurait pu s’attendre. Les élections municipales auront montré que le centre préfère les alliances davantage avec la droite qu’avec la gauche. Pour Chantal Cutajar, leader strasbourgeoise du parti centriste, « nous étions partis avec la volonté d’être la troisième force politique en présence. Très clairement, c’est un échec. C’est presque un miracle que nous ayons dépassé les 5 % dans la région », a-t-elle confié à 20 Minutes. « Aujourd’hui, nous avons besoin d’un peu de recul et de voir ce que François Bayrou va décider au niveau national », conclut Chantal Cutajar. En décembre dernier, la question s’était posée : François Bayrou - Présidentiable ? Oui. Président ? Non ! Nul doute qu’au sein de l’électorat français, depuis les dernières élections municipales, la question se pose davantage et qu’elle ne cessera d’être posée jusqu’aux prochains scrutins de 2012.

Les critiques postélectorales sont sévères. Le parti de François Bayrou est plus égocentré que fondé sur une stratégie nationale. A force de vouloir être partout à la fois, le MoDem est nulle part, ont commenté Emmanuelli et Hamon. Pour JP, chroniqueur, « l’objectif d’éliminer un courant démocrate indépendant en général, et Bayrou en particulier, de la scène politique est un fait, personne ne peut le nier, mêmes les partisans de cette voie le revendique. Pourquoi ? Parce que nous menaçons les boutiquiers du PS et de l’UMP, le régime des 2 partis. Surtout, cette voie correspond à la vision de la politique des Français. Ceux-ci ne croient plus en une « gauche historiquement nécessaire » ou une « droite miraculeuse ». Ils savent parfaitement que c’est une illusion réductrice, ils sont lassés par les intérêts des boutiques PS et UMP, intérêts qui passent avant ceux des Français, de la France. Pour autant, nous, Démocrates, savons tout cela, mais les résultats aux élections ne suivent pas cette quête ».

La chute des sondages n’est plus le seul fait du président de la République. François Bayrou est aussi rattrapé par la désaffection de l’électorat français (-9 points à 56% selon Ifop Paris-Match). Le chef du MoDem a reconnu une difficulté de communication sur les alliances au cas par cas conclus avec l’UMP et le PS selon la doctrine qu’un centre indépendant peut parler avec les deux acteurs politiques principaux. Cette posture est-elle compatible avec la règle, préconisée par Philippe Nogrix, qui veut que « le centre c’est être social, européen et libéral modéré et qu’il faut garder cette trilogie » ? Et comment mettre en marche, pour les prochaines élections européennes de 2009, un parti qui soit créatif, durable et humaniste, selon les termes mêmes de son président?

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné aux dernières élections municipales? À quoi faut-il attribuer les pertes et les dérapages? Il suffit de consulter des réactions exprimées sur des forums pour comprendre le dysfonctionnement imputé au MoDem. Par exemple, sur Agoravox, des commentateurs reprochent au MoDem ce va et vient entre la gauche et la droite : « comment être crédible lorsque l’on s’allie un coup avec la gauche et un coup avec la droite, voilà pour moi un parfait exemple d’opportunisme politique », commente un citoyen. Pour un autre citoyen : « dans tous les pays démocratiques du monde il n’y a de place que pour deux grands partis, pas trois ». En réaction à ce dernier commentaire, réponse d’un commentateur : « Si le binarisme vous satisfait, sachez qu’il ne satisfait aucunement tout le monde. Laissez ceux qui souhaitent autre chose essayer de faire autre chose ». Enfin, cette remarque intéressante d’une citoyenne : « J’ai entendu l’autre jour un journaliste dire que Bayrou était un leader sans parti et le PS un parti sans leader… Pas tout à fait faux ! »

Laure Leforestier, sur son blog éponyme, fait son bilan et, après mûres réflexions, dresse un constat d’échec : « Ma décision est ferme et mûrement réfléchie. […] Je considère simplement que nous sommes loin de la feuille de route ébauchée en mai dernier, que les histoires de patience (attendons Seignosse, puis attendons le congrès, puis attendons les élections au conseil national, puis maintenant allons jusqu’aux élections des fédérations) ont eu raison de la mienne de patience, et surtout je crois que la donne est faussée depuis le départ, ce qui explique ce retard à l’allumage que je ne vois pas s’arranger dans les semaines et les mois qui viennent. Et puis comme il est beaucoup question de foi, moi, là, Bayrou président en 2012, je n’y crois plus ». Madame Leforestier conclut en ces termes : « Merci à vous tous qui êtes venus ici me témoigner votre amitié et votre sympathie. On ne se perd pas de vue mais j’espère que vous aurez compris que pour moi, le Modem, qui fut une belle aventure humaine, c’est fini ». En réaction à la décision de madame Leforestier, un lecteur écrit : « […] je continue. Le chemin sera difficile, mais il en vaut la peine. Je ne veux pas laisser un vide abyssal face au projet de société de Sarkozy. Quant à la gauche, je suis plus pessimiste que toi sur le prochain Congrès du PS. Trop d’invidualités sont en lice pour que ce parti devienne une alternative crédible avec un projet rassembleur et réaliste ! »

Sur son blog, Réservoir d’idées, Sébastien Dugauguez remet en question le fonctionnement erratique du MoDem au cours de la dernière campagne électorale municipale : « Sans aucune réunion de la Fédération de Paris depuis un an, avec un vote au Conseil National qui rassemble moins de votant que du temps de l’UDF et dans une désorganisation savamment entretenue, nous avons fait fuir la majorité des nouveaux adhérents. Nous avons surtout fait fuir, par notre exemple déplorable d’actes en désaccord avec nos valeurs, une grande partie de nos électeurs. Nous devons maintenant revenir à la pureté de nos convictions : la démocratie et la transparence pour faire de la politique autrement ».

La feuille de route que retient François Bayrou pour les mois à venir est la « priorité au projet et à l’organisation ». Si François Bayrou est convaincu du besoin d’un centre « fort et indépendant » en France, en est-il de même de l’électorat français? Bayrou doit se douter qu’on ne gagne pas des élections avec, pour seul programme, des convictions personnelles. Les candidats et élus du MoDem aux municipales se réuniront le 26 avril à Paris. Plus tard, le 14 mai, un conseil national ratifiera un plan d’organisation des mouvements départementaux. Ces rencontres, qui n’ont pas convaincu de patience Laure Leforestier, donneront-elles les résultats espérés? Rien n’est moins sûr.

Conseiller municipal du Mouvement Démocrate à Issy-les-Moulineaux, Christophe Ginisty n’abandonne pas comme il le montre bien sur son blog éponyme : « Si François Bayrou réussit son pari, il aura mis presque 40 ans pour y parvenir. Qui sommes-nous, nous les primo adhérents d’un MoDem en genèse pour exiger d’aboutir en quelques petits mois dérisoires à bouleverser 60 ans d’habitudes politiques ? Qui sommes-nous pour ne pas supporter d’avoir immédiatement la place à laquelle nous rêvons dans une démocratie parfaite ? Qui sommes-nous pour ne pas tolérer les imperfections inévitables d’un parti en train de s’inventer lui-même ? »

Beaucoup de commentateurs sur les blogs supputent sur les conditions que doit réunir le MoDem pour survivre à moyen et long termes. Sur le Blog du démocrate, Jean Chardon écrit : « le Modem ne sortira de l’impasse où les municipales l’ont placé que par une séparation franche et nette entre les militants qui ont la fibre sociale et ceux qui privilégient le libéralisme économique. Les premiers se regrouperont au sein d’une formation qu’on pourra baptiser ”Centre Social” et qui s’alliera aux autres partis de gauche. Les seconds iront compléter les rangs du Nouveau Centre déjà allié à l’UMP. Chercher une autre issue est illusoire ».

Christelle Carcone est de la jeune génération qui s’engage volontiers dans la politique. Elle était candidate à Chennevières sur Marne et elle croit toujours possible une réorganisation du MoDem : « A présent, que les lamentations quelque peu nombrilistes de certains adhérents (déçus, impatients?) cessent pour se mettre effectivement au boulot et proposer des mesures concrètes et réalistes pour une complète efficacité du Modem. La critique est totalement possible lorsqu’elle est constructive, elle nous fera avancer vers un choix politique indépendant, durable, centriste et central que nous voulons pour notre pays ».

Quentin Thevenon, issu également de cette nouvelle génération, tient un forum éponyme exemplaire où les échanges sont constructifs tout étant critiques. Il a gardé la foi : « je crois plus que jamais à la nécessite d’un centre intelligent, capable de travailler aussi bien avec les modérés du PS qu’avec ceux de l’UMP. Mon seul souhait est que la machine à faire perdre qu’est le Mouvement Démocrate aujourd’hui se transforme en une machine à gagner en défendant une ligne modérée, claire et ferme ».

Son message sera-t-il entendu? « Nous n’avons pas d’excuses pour ne pas être indépendant aux européennes et au premier tour des régionales pour peser sur la scène politique. Nous n’avons pas d’excuses non plus pour ne pas nous rapprocher de ceux qui sont partis et que je n’ai eu de cesse de démolir sur ce blog pas plus que nous n’en avons aussi pour nous ouvrir réellement aux personnalités issues du centre gauche comme ceux des listes de Gérard Collomb à Lyon, qu’ils soient issus du Mouvement Démocrate ou non ».

Malgré ces bonnes volontés, le MoDem pourra-t-il parvenir, aux élections de 2009, à surmonter une certaine désaffection de l’électorat et à retrouver le rôle que d’aucuns souhaitent lui voir jouer au sein de la société française?

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