Monsieur le maire d’Athènes, Nikitas Kaklamanis, a porté la flamme dans les rues de sa ville, ornée des drapeaux chinois, grec et olympique. Sous forte escorte policière. « Nous sommes ici pour célébrer l'esprit olympique, pas pour s'engager dans des débats politiques », a déclaré le vice-président exécutif du Comité chinois Wang Weï, avec la complicité des autorités grecques. « La flamme a effectué un voyage de conte de fées de sept jours à travers la Grèce et la réception a été enthousiaste de par le pays », a opiné Minos Kyriakou, président du Comité grec. « Nous sommes là pour le sport (...) Si une petite minorité souhaite manifester, (c'est) son problème ».
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Si la liberté de parole existait dans la Grèce d’Homère mais limitée et sans être universelle, force est de reconnaître que la Grèce moderne vient de l’aplatir davantage. Il reste heureusement encore des démocrates au pays de Platon. La réponse est venue de 24 pétitionnaires - écrivains, syndicalistes et journalistes - qui accusent Athènes de « s'aligner sur la Chine totalitaire » et qui déclarent : « Les autorités grecques qui participent à ce festival d'hypocrisie sont en totale opposition avec le soi-disant esprit olympique », tout en dénonçant le déploiement d'un impressionnant dispositif policier pour empêcher toute protestation.
Mardi dernier, près de 600 manifestants tibétains s'étaient déjà rassemblés pacifiquement devant le siège du CIO pour demander à son président, sourd, aveugle et muet, de prendre position face à la Chine, pays hôte des JO. Jacques Rogge avait déclaré être engagé dans « une diplomatie silencieuse » avec la Chine sur la question du Tibet et des droits de l'homme, avant les Jeux olympiques de Pékin. Du point de vue de la capitale olympique, la municipalité de Lausanne, formellement, n'a pris aucune position, faute d'en avoir parlé depuis le début de la révolte tibétaine. Elle pourrait le faire prochainement.
La flamme olympique est arrivée samedi à Athènes, dernière étape avant sa remise dimanche aux organisateurs chinois. La veille, environ 200 manifestants, dont une poignée de Tibétains, ont manifesté vendredi soir devant le Musée olympique à Lausanne pour protester contre l'itinéraire de la flamme olympique et son passage sur le territoire tibétain. Les manifestants avaient rebaptisé « flamme de la honte » la fête « tout feu tout flamme » organisée le même soir par le musée. « Nous voulons être là pour marquer pacifiquement notre présence. Nous demandons une fois de plus que la flamme ne passe pas sur les territoires tibétains et qui plus est sur une montagne sacrée. Cela va engendrer encore plus de conflits », craint Tenzin Wangmo, la porte-parole de la communauté tibétaine en Suisse.
Samedi, à proximité de l'Acropole, quelques dizaines de défenseurs des droits de l'Homme, militants de la cause tibétaine ou membres du mouvement Falungong interdit en Chine, se sont rassemblés pour protester pacifiquement au passage de la flamme olympique qui est arrivée entourée de plusieurs policiers en civil, les coureurs étant eux-mêmes encadrés par de nombreuses voitures et motards. « Allumez la passion, partagez le rêve, libérez le Tibet », tel était le message qu’arborait une banderole qui détournait ainsi le slogan choisi par les Chinois pour le relais de la flamme.
La Grèce n’a pas hésité à protéger les intérêts de son amie, la Chine. Les forces antiémeutes ont fait obstacle à dix membres du réseau danois TheColorOrange.net, qui militent contre les violations des droits de l'Homme en Chine, qui voulaient s’approcher de trop près du siège du Comité hellénique olympique (CHO) à Athènes. « Nous sommes ici pour protester contre la situation des droits de l'Homme en Chine et pour nous exprimer au nom de ceux qui ne peuvent pas le faire là-bas », a déclaré une manifestante. Depuis jeudi soir, la Grèce a déployé un zèle particulier pour intercepter les personnes qui entendaient déployer des banderoles dans les villes de Grèce inscrites sur le parcours de la flamme qui totalise quelque 1.500 km.
Comme si cela n’était pas suffisant, les autorités grecques, (le Comité hellénique olympique (CHO), ont poussé plus loin leur parti-pris manifeste pour la Chine : la presse a été interdite d'accès au site de l'Acropole, samedi soir, provoquant avec raison la colère de plusieurs associations de journalistes. « Vraisemblablement, les autorités chinoises ont réussi à convaincre leurs homologues grecques d'agir ainsi. C'est très regrettable », a déclaré Reporters sans frontières (RSF). « La Chine déteint sur la Grèce ». Des manifestants devaient tirer quelques feux d'artifice en direction du lac. Le Musée olympique a pour sa part annulé ses propres feux pour des raisons techniques.
Panayotis Stathis, le porte-parole de la police grecque, avait lancé un avertissement très clair : « Si quelqu'un bouge, accrédité ou pas, il sera arrêté ». Cet avertissement a été servi en prévision, dimanche après-midi, de la cérémonie au stade de marbre d'Athènes, le Stade du Panathinaikos, qui a accueilli les premiers Jeux modernes en 1896, au cours de laquelle la flamme sera remise aux organisateurs chinois.
À l’autre bout de la terre, Baema Chilain, vice-président du gouvernement régional tibétain, n’a pas hésité, lors d'une conférence de presse, à trouver des coupables aux perturbations entourant le parcours de la flamme olympique : « d'après ce que je sais, certains séparatistes à l'intérieur et à l'extérieur du pays cherchent à saboter le relais de la torche olympique au Tibet. Nous sommes sûrs et capables d'assurer la sécurité du relais de la torche et de la faire arriver au sommet du mont Qomolangma (Everest) ». L’arrivée de la flamme sera comme « un honneur équivalant à une médaille d'or olympique ».
L'ancien sprinteur britannique Linford Christie portera la flamme olympique lors de son passage à Londres le 6 avril, selon la BBC. Il faut savoir que cet athlète avait été suspendu, deux ans, en 1999, après avoir été contrôlé positif à la nandrolone. Christie a toujours plaidé sa bonne foi, incriminant des compléments alimentaires. La flamme olympique arrivera en France à bord d'un Eurostar en provenance de Londres le 7 avril au matin et restera 24 heures à Paris avant de repartir pour les États-Unis et San Francisco. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) refuse de dévoiler les détails du parcours et le nom des porteurs de la flamme.
Pour leur part, les Tibétains attendraient avec impatience l'arrivée de la flamme olympique. Nima Ciren, directeur de l'École de guide alpin de Lhasa, considère en effet que : « le relais de la torche sera la plus importante contribution du Tibet aux Jeux olympiques de Beijing et doit apporter aux alpinistes un honneur équivalant à une médaille d'or olympique ». Comme l’explique CCTV, réseau chinois de télévision, la montée sur les flancs du mont Qomolangma, symbolise les trois axes des Jeux de 2008 : des Jeux écologiques, placés sous le sceau de la haute technologie et dédiés aux gens. Des préparatifs complets ont été organisés pour cet évènement qui doit être le clou des relais de la flamme olympique. La Chine a développé une torche spéciale qui permet à la Flamme Olympique de continuer à brûler même à très basse température, dans des concentrations d'oxygène très faibles et soumise à des vents violents soufflant en rafales. L'équipe des coureurs qui porteront la flamme sur le mont Qomolangma gravira la montagne n'importe quel jour de mai, au moment où les conditions météorologiques seront favorables pour ce faire.
Il serait question, lors de la retransmission en direct des jeux olympiques, d'un léger différé. La production d’images est co-gérée par le Comité International Olympique (CIO) et par le pays hôte. Le CIO et Pékin ont même constitué une structure de diffusion commune : la structure de diffusion de Beijing (BOB). La direction du CIO ne répond pas clairement. Interrogée par FRANCE 24, Emmanuelle Moreau, responsable des relations médias du CIO, à Lausanne, fait savoir que « le CIO et le comité olympique chinois sont en discussion sur les modalités de diffusion. Une réunion est prévue la semaine prochaine ». La censure et le léger différé sont pratique courante en Chine, témoigne le correspondant de FRANCE 24 à Pékin, Sébastien Le Belzic. « Les chaînes internationales passent régulièrement en mode ‘écran noir’ quand elles évoquent des sujets sensibles. Même les sites web comme YouTube sont bloqués, tout comme celui de la BBC ».
En terminant, faut-il rappeler que le dalaï lama a réitéré une fois de plus, samedi, que l'agression démographique, née de l'installation de plus en plus de Chinois non-tibétains au Tibet, menaçait de « génocide » la culture de sa terre?
Je vous invite à consulter deux articles de Republicae : Vive les J.O.! pour l'illustration puissamment évocatrice du symbole olympique, et Le Toit du monde I pour un point de vue éclairé sur la question.
(Sources : AFP, Cyberpresse, Le Monde, Libération, Presse canadienne)
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