Sur le site du Parti libéral du Canada, section Québec, on peut y lire : « Le 2 décembre 2006, lors du plus palpitant congrès d’investiture de l’histoire du Parti libéral, Stéphane Dion a été élu 11e chef du Parti libéral du Canada au quatrième tour ». La stratégie à trois volets de M. Dion, comprend la prospérité, la justice sociale et la viabilité environnementale. Au lendemain des dernières élections partielles, Alain Dubuc, du quotidien La Presse, écrivait : « Les élections partielles de lundi dernier ne sont qu’une station de plus dans le long chemin de croix de Stéphane Dion. Les résultats de ces quatre partielles confirment ce qu’on sait depuis longtemps : M. Dion n’a pas ce qu’il faut pour susciter l’adhésion des électeurs ni pour diriger un parti ». Monsieur Dubuc va très loin dans son commentaire : « Le chef libéral n’a pas le potentiel pour mener son parti à la victoire. Qu’il n’est pas dans une position pour menacer le gouvernement conservateur minoritaire, et encore moins le renverser. Qu’il n’a pas non plus réussi à s’imposer dans son propre parti, à panser ses plaies et à en refaire l’unité ». Le coup de grâces vient d’être donné. Les forces libérales sont aux aboies. Force est d’admettre que nous sommes loin de cette profession de foi de monsieur Dion qui déclarait, il y a quelques temps, déjà, qu’il avait l’intention de devenir premier ministre.

On en est rendu là. L’idée de destituer Stéphane Dion circule. Pour le député de Hull-Aylmer, Marcel Proulx, « une tempête dans un verre d’eau même pas plein ». Les critiques envers M. Dion et son lieutenant politique, Céline Hervieux-Payette, ont fini par déboucher sur cette hypothèse. Pierre-Luc Bellerose, ex-candidat du PLC, affirme avoir des appuis au sein du caucus et du parti pour recourir à l’article (3.7.1) qui prévoit qu’on peut retirer la carte de membre du PLC à un militant. La procédure n’a jamais été utilisée par le parti et est hautement symbolique. Se servir de ces statuts et règlements du parti viserait rien de moins que de montrer la porte au chef des libéraux, Stéphane Dion. La fronde contre le chef vient donc du Québec. Pour Pierre-Luc Bellerose, un scrutin au printemps serait un suicide politique. Le PLC ne peut se fier que sur l’Ontario et les provinces maritimes pour obtenir des votes.

Au Québec, le nombre de membres est en chute libre et plusieurs circonscriptions n’auraient même pas de candidats à présenter, rapporte Info690. Stéphane Dion n’a plus le contrôle de son parti au Québec et l’organisation ne lui obéit plus. Les résultats mitigés du PLC au Québec lors des élections partielles du 17 mars dernier auraient aggravé la situation, poursuit Pierre-Luc Bellerose. « La pression est de plus en plus forte pour que M. Dion quitte son poste, dit-il. Le moyen que nous envisageons est draconien, certes, mais nous espérons que le chef comprendra le message et qu’il quittera ses fonctions de lui-même », a déclaré monsieur Bellerose. « En abandonnant le poste de chef dans les prochaines semaines, M. Dion permettrait au parti de se choisir un nouveau chef et de se refaire des forces pendant l’été en vue d’un scrutin à l’automne ».

Pour Stéphane Dion : « C’est un citoyen privé qui a donné son opinion, rien de plus. Le parti travaille très fort et on entend gagner ». Denis Coderre qui a toujours le mot juste pour régler les situations encombrantes appelle les militants au calme : « Je demande aux gens de rester calmes, de ne pas partir en peur. On a un chef, il va être là à la prochaine campagne électorale ». Y aurait-il un tsunami appréhendé ? Bellerose ? « C’est un gros “trip” médiatique qu’il se paye. C’est bien plus pour ça qu’il doit le faire. On le sait tous qu’il n’est pas un fervent défenseur de M. Dion », ajoute Denis Coderre. « C’est malsain. Il peut y avoir des conflits de personnalités, mais agir de la sorte en public, c’est un manque de respect. Il faut commencer à être loyal envers le parti », a déclaré Denis Coderre au Devoir.

Denis Coderre est un homme occupé. En même temps qu’il défend son chef, il participe à des levées de fonds. Un homme d’affaires libéral a indiqué à La Presse que le député Denis Coderre lui avait demandé 1000 $ pour un cocktail privé, organisé dans le luxueux appartement de Mark Bruneau, collecteur de fonds, destiné à une levée de fonds pour éponger la dette de Michael Ignatieff qui s’élève à 750 000 $.

Pierre-Luc Bellerose n’est pas le seul à élever la voix. Plusieurs l’ont fait depuis quelques semaines. Dans une entrevue exclusive accordée à La Presse, l’un des vice-présidents les plus actifs du PLCQ, Steve Pinkus, a décrit le parti comme une « famille dysfonctionnelle » et appelé Stéphane Dion à intervenir de toute urgence. « On n’avance pas. Au contraire, on recule. Depuis un an, on recule », s’est plaint Steve Pinkus.

Le Vice-président du PLCQ a confirmé indirectement qu’il existait une guerre interne. « M. Dion doit brasser les choses. Ce n’est pas son lieutenant qui est en train de le faire. Ce n’est pas son président qui est en train de le faire. Ils sont en guerre civile entre eux ». Eux, c’est le président du PLCQ, Robert Fragrasso, et la lieutenante du Québec, Céline Hervieux-Payette. La fronde organisée par deux membres du parti contre Robert Fragrasso fut vouée à l’échec. Mais les séquelles sont encore bien présentes. « La résolution du problème, hier, a été ridicule. Ils n’ont fait que mettre un pansement sur une plaie béante et purulente », a expliqué Steve Pinkus.

D’autres voix jugent sévèrement Stéphane Dion et son entourage. L’ancienne ministre libérale Liza Frulla considère que Stéphane Dion manque d’instinct nécessaire et que sa lieutenante au Québec, la sénatrice Céline Hervieux-Payette, ne parvient pas à établir de lien avec les organisateurs libéraux de la base.

Stéphane Dion n’est pas au bout de ses peines. Sa longue campagne au leadership, en 2006, lui a coûté près de 1,7 million de dollars. Quinze mois après sa victoire, il doit toujours quelque 750 000 dollars à ses créanciers.

En mars dernier, Michel Vastel écrivait, dans le Journal de Québec, que : « Depuis 15 mois qu’il est chef de son parti, Stéphane Dion n’a pas réussi à s’imposer. C’est ce qui le perdra d’ailleurs : la pâleur de son leadership permet aux vraies étoiles du PLC - Michael Ignatieff, Bob Rae, Gérard Kennedy, et même Denis Coderre - de briller. Il ne manquera pas de prétendants lorsqu’il quittera son trône. Stéphane Dion s’est rabattu sur la sénatrice Céline Hervieux-Payette, la décision la plus mauvaise de toutes. Qu’on ne s’étonne pas que le parti ne soit pas prêt à tenir des élections : élue en 1979 mais battue en 1984, Mme Hervieux-Payette n’a pas eu une carrière très brillante aux Communes, survivant à l’aide d’intrigues dans les diverses courses à la direction du parti. Battue à deux reprises en 1988 et en 1993, elle est confortablement installée au Sénat depuis 1995. On disait de Claude Ryan qu’il ne savait pas choisir ses lieutenants. On dira la même chose de Stéphane Dion ».

Stéphane Dion déclarait, le 18 mars, soir des élections complémentaires, après la victoire de Bob Rae, Martha Hall Findlay et Joyce Murray : « Le leadership, c’est de savoir qu’on ne peut pas réussir seul. On doit faire équipe avec les Canadiens. Je suis un joueur d’équipe et je suis un bâtisseur d’équipe. Et ce soir, c’est clair que j’ai une bien meilleure équipe que Stephen Harper ». Depuis peu, rien n’est moins sûr.

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