mercredi 12 mars 2008

Le « génocide culturel » s’accentue au Tibet sous les « inimaginables et énormes » violations des droits de l’Homme

Pour le 49e anniversaire de son exil, en Inde, et à cinq mois des Jeux Olympiques de Pékin, Sa Sainteté Tenzing Gyatso, 72 ans, 14e dalaï-lama et Prix Nobel de la paix 1989, dénonce les « inimaginables et énormes » violations des droits de l’Homme commises par la Chine au Tibet. De son exil, à Dharamsala, dans le nord de l’Inde, le dalaï lama, que George W. Bush avait, aux États-Unis, salué comme un « symbole universel de paix et de tolérance », prône l’autonomie de son pays, que la Chine rejette, plutôt que son indépendance. Il faut rappeler que les chefs des gouvernements allemand, autrichien et canadien avaient aussi accueilli en septembre et octobre la bête noire de Pékin qui élève de plus en plus le ton.

Le dalaï lama regrette, avec une rare gravité, une « inhabituelle véhémence » qui se traduit par la négation de la liberté religieuse et la politisation des questions religieuses dans son pays, le Tibet. « Les autorités chinoises continuent d’agir de manière que l’on peut qualifier de comportement inhumain ». Et Sa Sainteté Tenzing Gyatso ne peut que constater, impuissant, que : « la langue, les coutumes, les traditions du Tibet sont en train de disparaître ». Le « Parlement tibétain » a lui aussi fustigé le comportement inhumain de la Chine, malgré la reprise en 2002 de négociations directes entre les deux parties. Par une colonisation accélérée, la Chine mène le Tibet vers « une sorte de génocide culturel ».

Selon une radio qui milite, depuis les États-Unis, pour la libération du Tibet et financée par le gouvernement américain, Radio Free Asia, la Chine a arrêté des moines tibétains qui manifestaient dans la capitale du Tibet. Il serait question ici de 50 à 60 moines. « Des témoins disent avoir vu une dizaine de véhicules militaires, dix véhicules de police et plusieurs ambulances au barrage. Aucune information n’était disponible dans l’immédiat concernant l’endroit où les moines ont été emmenés et pourquoi des ambulances ont été appelées », témoigne Radio Free Asia.

La Chine a confirmé mardi avoir réprimé une manifestation de moines la veille à Lhassa. « Hier après-midi à Lhassa, un groupe de moines venus d’un monastère, à l’incitation d’un petit groupe de gens, ont réalisé une activité illégale qui a troublé l’ordre public », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Qin Gang. Et comme toujours, dans la langue de bois chinoise, il est de bon ton de rappeler que : « Leur cas sera traité conformément à la loi. Nous continuerons à combattre les activités illégales. Le Tibet fait partie de la Chine depuis les temps anciens ». Pékin considère le Tibet comme historiquement chinois mais de nombreux Tibétains soutiennent que cette région de montagnes a été indépendante de fait pendant des siècles. Pékin n’a que faire des revendications du dalaï lama, déterminé à poursuivre sa politique modérée « de la voie du milieu », politique vue par certains tibétains comme un grand signe de faiblesse. Depuis quelque temps, les jeunes veulent aussi utiliser leurs propres moyens Au cours des soixante dernières années, a rappelé le dalaï lama, son peuple « a dû vivre dans un climat constant de peur, d’intimidation et de suspicion, en raison de la répression chinoise ». Et plus particulièrement « ces dernières années, le Tibet a été le théâtre d’une répression et d’une brutalité de plus en plus fortes. Malgré ces évolutions malheureuses, je reste déterminé à poursuivre ma politique « de la voie du milieu », a-t-il déclaré. Force est donc de constater une crispation nouvelle avec Pékin, cela à cinq mois des Jeux olympiques.

Selon Radio Free Asia, quelque 300 personnes ont quitté lundi un monastère en direction du palais du Potala, joyau du bouddhisme tibétain au centre de la ville, afin de réclamer la libération de moines emprisonnés en octobre après les honneurs américains accordés au dalaï lama à Washington. Les forces de l’ordre bloquent les routes et encerclent les monastères pour empêcher les manifestations de se propager. Le porte-parole chinois, Qin Gang, rappelle que « les temps avançaient et que le Tibet se développait ». Tout en invitant le dalaï lama à comprendre que « personne ne peut arrêter cette tendance ». Qin Gang exhorte le Prix Nobel de la paix à « accepter l’histoire et la réalité » et à « mener des actions qui bénéficient aux Tibétains ».

En inde, il ne fait pas bon manifester pour ses droits. Cette marche de centaines de Tibétains, en exil en Inde, qui devait s’amorcer lundi dernier en commémoration du soulèvement du Tibet écrasé en 1959 par les forces chinoises, a été bloquée brutalement par la police indienne. Des manifestations ont également été organisées à New Dehli et à Katmandou, au Népal, où une dizaine de participants ont été arrêtés après des heurts avec la police. Les autorités indiennes ont déploré que les manifestants, qui ont prévu arriver au Tibet d’ici six mois, n’aient pas respecté un accord qui interdit aux exilés tibétains de mener des « activités anti-chinoises » sur le sol indien. L’organisateur de la marche, Tsewang Rigzin, président du congrès de la jeunesse tibétaine, a déclaré que : « le gouvernement (chinois) se sert des JO comme vitrine pour légitimer son occupation illégale du Tibet qui appartient aux Tibétains. Nous ne renoncerons jamais tant qu’il ne sera pas indépendant ». Après la charge des policiers indiens contre le rassemblement pacifique et ses manifestants, plus d’une centaine d’entre eux ont été arrêtés.

Pour Claude Levenson, spécialiste du Tibet, qui a publié « Tibet: La question qui dérange » chez Albin Michel : « Le dalaï-lama préfère la discussion à la bagarre. Mais, jusqu’à aujourd’hui, force est de constater que les Chinois font la sourde oreille. Les autorités chinoises ont monté le ton, la propagande contre le dalaï-lama s’est renforcée et la répression au Tibet est beaucoup plus forte. Partout dans le Tibet, on observe une renaissance sous contrôle du sentiment national tibétain autour des monastères alors que l’idéologie communiste s’effrite. Le gouvernement constate que sa politique ne porte pas ses fruits. Donc il attaque, il veut couper la tête du serpent. Il passe à l’offensive à l’intérieur et à l’extérieur. De ce point de vue, la réponse du dalaï-lama est modérée. Dans son discours, le dalaï-lama dénonce comme Mao le fit le «chauvinisme han (ethnie chinoise)» et réclame comme Deng Xiaoping «la recherche de la vérité dans les faits». Il s’interroge également sur la «société harmonieuse» et l’«émergence pacifique» de la Chine prônée par Hu Jintao. C’est un discours très politique. Plus que d’habitude » (Le Temps, Suisse). Dans son livre, l’auteur constate que : « Pour l’occident, le Tibet reste le caillou au fond de la chaussure, parce que c’est « là que se joue, à ciel ouvert, une certaine idée de la liberté ». Et que se dévoile son absence, en contrepoint, pour un cinquième des habitants de la planète ».

Après que le chef du Parti communiste chinois de la région autonome du Tibet eut accusé le dalaï lama d’essayer de « saboter » l’événement sportif planétaire, que sont les Jeux olympiques, le dignitaire religieux a réaffirmé le droit de la Chine d’organiser les JO en août. Selon des analystes, le dalaï-lama, frustré par le refus de la Chine de discuter d’autonomie « culturelle », met la pression sur Pékin avant les JO, en multipliant les sorties sur la scène internationale. Lundi matin, des Tibétains ont allumé une flamme à Olympie, dans le Péloponnèse, théâtre des jeux Olympiques dans l’Antiquité grecque, afin de protester contre l’occupation et la répression de la Chine au Tibet, à moins de cinq mois du début des jeux Olympiques de Pékin. La police est intervenue pour mettre fin à cette cérémonie, une petite bousculade s’en est suivie, mais il n’a été procédé à aucune arrestation, a déclaré à l’AFP le responsable local de la police, Athanassios Spyropoulos.

Partout où les Tibétains manifestent, dans le monde, pour leurs droits, la Chine fait peur. Trop d’intérêts sont en jeux pour permettre à des moinillons de troubler la paix publique.

Rappelons enfin qu’en trois mots, la chanteuse islandaise, Björk, a réussi à mettre mal à l’aise la plupart du public chinois venu assister à un de ses concerts à Shangaï en scandant : Tibet! Tibet! Tibet! L’interprète au sang chaud (DSS) les a clamés à la fin du morceau « Proclame Independence ».

(Sources : AFP, Cyberpresse, De Source Sûre, Le Monde, Le Temps)

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Video de Björk à Shangaï