Le président américain George W. Bush a reconnu la semaine dernière que l’économie américaine tourne au ralenti, tout en promettant de prendre des mesures pour relancer la croissance économique. « Perdre un emploi est triste et je sais que les Américains sont préoccupés par notre économie comme moi », a dit M. Bush lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche. « Il est clair que notre économie a tourné au ralenti, mais les bonnes nouvelles sont que nous avons anticipé cela et pris l’action décisive pour soutenir l’économie. Je sais que c’est une période difficile pour l’économie, mais nous avons reconnu tôt le problème et donné un coup de fouet à l’économie », a affirmé le président Bush.
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Pour lutter contre les effets de la crise des crédits et empêcher la paralysie du marché interbancaire, cinq grandes banques centrales (la Fed américaine, la Banque européenne, la Banque d’Angleterre, celle du Canada et de Suisse) ont décidé d’injecter des liquidités sur les marchés financiers pour inciter les banques à prêter plus facilement, à des taux moins élevés. D’ici la fin avril, plusieurs dizaines de milliards de dollars vont ainsi être mis à disposition des marchés nationaux ou régionaux : 200 milliards pour la Fed, 60 pour la Banque centrale européenne. Cette annonce a aussitôt été saluée par la Maison Blanche, Wall Street et par les bourses européennes.
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L’économie américaine a perdu des emplois en février pour le deuxième mois consécutif du fait de la propagation de la crise de l’immobilier. L’économie a supprimé 63.000 emplois en février, une grosse déception pour les analystes qui tablaient sur 25.000 embauches nettes. De plus, les chiffres de janvier ont été révisés pour faire ressortir 22.000 licenciements (au lieu de 17.000 annoncés initialement). Dans le seul secteur privé, les licenciements nets se sont chiffrés à 101.000 en février, avec de fortes pertes d’emplois dans le bâtiment (-39.000) et dans l’industrie (-52.000), surtout pour les entreprises liées à l’immobilier. Mais le commerce de détail a aussi souffert (-34.000) tout comme les services (-20.000).
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Point de vue
Howard Zinn est l’auteur de « Une histoire populaire des États-Unis, de 1492 à nos jours » traduit de l’américain par Frédéric Cotton, Editions Agone. Il a publié, le jeudi 28 février 2008, un article sur le site Il manifesto qui a été reproduit en français sur Mondialisation. Voici ce point de vue.
En Floride, il y a un homme qui m’écrit depuis des années (dix pages manuscrites) sans que je ne l’aie jamais rencontré. Il me raconte les différents travaux qu’il a faits, vigile, technicien réparateur, etc. Il a fait toutes sortes de travaux postés, nuit et jour, qui lui permettent à peine d’entretenir sa famille. Ses lettres ont toujours été pleines de rage, elles pestent contre notre système capitaliste qui ne garantit pas aux travailleurs « la vie, la liberté, la recherche du bonheur ». Aujourd’hui justement j’ai reçu une lettre de lui. Heureusement elle n’était pas manuscrite, maintenant il se sert d’Internet : « Voila, aujourd’hui je vous écris parce que ce pays est pris dans une situation désastreuse que je ne peux pas accepter, je dois dire quelque chose là-dessus. Je suis vraiment furieux de cette crise des crédits. Ça me fout en l’air que la majorité des américains doive passer sa vie dans une situation d’endettement perpétuel, et que tant d’entre eux soient en train d’être ensevelis sous ce poids. P… , ça me fout en l’air. Aujourd’hui j’ai travaillé comme vigile et mon boulot était de surveiller une maison qui a été saisie et sera vendue aux enchères. Ils ont ouvert la maison aux visiteurs, et moi j’étais là pour monter la garde pendant la visite. Dans le même quartier il y avait trois autres vigiles qui faisaient la même chose, dans trois autres maisons. Pendant les moments creux je m’asseyais et je me demandais qui étaient ces gens qui avaient été expulsés, et où ils étaient maintenant ».
Ce même jour où j’ai reçu cette lettre, le Boston Globe a publié un article intitulé « Des milliers de maisons saisies dans le Massachusetts en 2007 ». Le sous titre disait : « on a réquisitionné 7563 maisons, presque le triple de 2006 ». Quelques soirs plus tôt, CBS avait déclaré que 750.000 personnes infirmes attendaient depuis des années leurs allocations de prévoyance sociale parce que le système était insuffisamment financé et qu’il n’y avait pas assez de personnel pour traiter toutes les requêtes, même les plus graves.
Ce genre d’histoire est rapporté par les médias, mais elles disparaissent instantanément. Ce qui ne disparaît pas, ce qui occupe la presse jour après jour, impossible de l’ignorer, c’est la frénésie électorale.
[…]
Nous ne devons pas nous attendre à ce qu’une victoire dans les urnes en novembre commence à libérer le pays de ses deux maladies fondamentales : l’avidité du capitalisme et le militarisme. C’est pour cela que nous devons nous libérer de la folie électorale qui emporte toute la société, y compris la gauche.
Oui, deux minutes. Avant, et après, nous devons nous mobiliser personnellement contre tous les obstacles à la vie, à la liberté, et à la recherche du bonheur.
Par exemple, les saisies qui arrachent des millions de personnes à leurs maisons devraient nous rappeler une situation semblable qui eut lieu après la guerre révolutionnaire, quand les petits agriculteurs (comme aujourd’hui nombre de nos SDF) ne pouvaient pas se permettre de payer les impôts et furent menacés de perdre leur terre, leur foyer. Ils se rassemblèrent par milliers autour des tribunaux et empêchèrent le déroulement des ventes aux enchères.
Aujourd’hui, l’expulsion des gens qui n’arrivent pas à payer leur loyer devrait nous rappeler ce que firent les gens dans les années 30, quand ils se mobilisèrent et remirent les affaires des familles expulsées dans leurs appartements, en défiant les autorités.
Historiquement le gouvernement, qu’il fut dans les mains des républicains ou des démocrates, des libéraux ou des conservateurs, a failli à ses propres responsabilités, jusqu’à ce qu’il n’y soit obligé par la mobilisation directe : sit-in et freedom rides pour les droits des noirs, grèves et boycotts pour les droits des travailleurs, rébellions et désertions des soldats pour arrêter la guerre. Voter est un geste facile et d’utilité marginale, mais c’est un pauvre ersatz de la démocratie, qui requiert la mobilisation directe des citoyens engagés.
Howard Zinn
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