mardi 18 mars 2008

Le Dalaï lama évoque sa démission possible face aux violences du Tibet

Faut-il revenir sur la question du Tibet ? Que peut l’Occident face au pouvoir chinois au Tibet ? Décrocher des marchés en Chine est devenu vital pour combler les immenses déficits commerciaux accumulés par les Occidentaux avec ce pays. Pour les seuls États-Unis, ce déficit à atteint le chiffre record de 256,3 milliards de dollars en 2007, en hausse de 10,2 pour cent en un an. Et un fait s’impose : « contrairement aux apparences, les Chinois ne sont pas en position de force. La crise des économies occidentales est source de profonde inquiétude pour une économie chinoise fondée sur l’exportation », souligne François Godement, de l’Asia Centre à Paris.

Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a souligné que « la Chine ne consentira au dialogue avec le Dalaï Lama que lorsque le chef spirituel en exil sera disposé à abandonner sa proposition de soi-disant indépendance tibétaine. Tout ceci démontre encore plus que les affirmations formulées par la clique du Dalaï selon lesquelles elle ne recherche pas l’indépendance mais un dialogue pacifique ne sont rien d’autres que des mensonges ».

Le Dalaï Lama a menacé mardi de démissionner de ses fonctions de chef politique du gouvernement tibétain en exil si la situation au Tibet dégénère. « Que nous le souhaitons ou non, nous devons vivre côte à côte. Nous devons nous opposer à la politique chinoise, mais pas aux Chinois. Pas sur une base raciale. Si la situation échappe à tout contrôle, il n’aura pas d’autre choix que de démissionner complètement ».

Les gouvernements européens et américain se sont de fait limités pour l’essentiel à exprimer leur inquiétude et à appeler la Chine à la retenue et à la recherche d’une solution politique face aux manifestations. Seul le gouvernement italien s’est prononcé mardi pour l’envoi d’une mission de l’Union européenne à Pékin, lors d’une rencontre avec l’ambassadeur de Chine au ministère des Affaires étrangères. L’Italie est favorable à l’envoi d’« une mission de la troïka de l’Union européenne pour discuter avec les autorités de Pékin de la situation et des perspectives de dialogue politique au Tibet », selon le communiqué.

Le Vatican demeure silencieux au sujet des émeutes au Tibet et de la violente répression des autorités chinoises. Le Pape a lancé un appel pour obtenir la fin des violences en Irak mais pas un mot sur celles en Chine. Le Vatican est en train de négocier avec Pékin l’établissement de liens diplomatiques avec la Chine. Pour cela, « il hésite à adopter une position sur le Tibet qui puisse compromettre cet objectif historique ». Plus crûment, La Stampa estime que le Vatican « ne dérange pas Pékin en échange de la liberté de gérer l’Église catholique en Chine ».

«  S’il existe une région en Chine où les journalistes étrangers ne peuvent pas travailler librement, c’est bien le Tibet. Le contrôle politique étroit de Pékin et la censure exercée brouillent la connaissance que l’on a du "Toit du Monde" et de son actualité  », constate le correspondant de France Presse au Tibet. « Les Chinois disent que l’on ne rend pas compte avec exactitude de la situation, mais ne permettent pas que l’on se rende sur place pour constater soi-même  », relève Tsering Wangdu Shakya, professeur à l’Université de Colombie Britannique, d’origine tibétaine. « Il est extrêmement difficile de couvrir. Chaque correspondant étranger se démène mais est véritablement dans l’incapacité de faire ce qu’il souhaiterait : se rendre à Lhassa et avoir des informations de première main », résume Melinda Liu, chef du bureau de Newsweek à Pékin et présidente du Club de la presse étrangère en Chine.

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Comment, simples blogueurs, pouvons-nous changer le cours des événements ? Je me suis interrogé, de ma province, en Amérique du Nord, sur le rôle que je peux jouer, de mon salon, de mon confort, de mon bien-être. Je n’ai plus l’âge des combats. Je n’ai plus l’âge des guerres, des conflits, des montées aux barricades. Je n’ai plus l’âge et, surtout, je n’en ai plus le goût. La seule véritable arme qu’il me reste, ce sont les mots. Faut-il abdiquer et ne se servir des mots que pour des causes locales, voire régionales ?

Le Tibet est si loin. Au-delà du Tibet, il y a une fascination pour le bouddhisme. Apparu vers l’an 500 av. J.-C., le bouddhisme nous est raconté comme une manière de vivre. Le bouddhisme est né en Inde dans la seconde moitié du 6e siècle avant JC sous l’impulsion de Sakyamuni, le fils du chef de la tribu Indienne Sakya. Selon Sakyamuni, tous les éléments constitutifs de l’univers sont reliés entre eux. D’après lui, si L’homme souffre, c’est parce qu’il est pétri de désirs. Pour trouver la paix spirituelle (le nirvana : état d’éveil cosmique du Bouddha), il doit se débarrasser de ses désirs par l’ascèse méditative. Le bouddhisme se définit, peut-on lire sur le site québécois du Centre Rigpé Dorjé de Montréal, comme une philosophie de l’esprit. La nature de l’esprit est une sagesse inhérente, pure et lumineuse. Mais cette sagesse est obscurcie par l’ignorance qui, à travers nos fixations, est la cause de nos souffrances.

L’Internaute a consacré un dossier complet sur le bouddhisme. « À la fois philosophie et religion, le bouddhisme s’est répandu sur une grande partie de l’Asie, de l’Inde au Japon, en passant par le Sri Lanka, l’Indonésie, la Birmanie et la Chine. D’une tolérance et d’une souplesse étonnante, il s’est souvent mêlé aux us et coutumes des pays où il s’est implanté et a pris maintes et maintes formes. Ainsi, en l’absence d’une orthodoxie concrète, la religion bouddhique a été divisée en de nombreuses écoles et, surtout, en trois grandes tendances (le Grand Véhicule, le Petit Véhicule et le Véhicule de Diamant). Le bouddhisme reste ancré dans les pays conquis et est encore considéré comme l’une des plus grandes religions du monde ».

Les premiers bouddhistes à arriver au Canada, note l’Encyclopédie canadienne, sont les travailleurs japonais et chinois qui viennent travailler à la construction des chemins de fer, dans les mines, etc. Toutefois, ils ne semblent pas avoir laissé de traces. Fait important : la doctrine, présente au Canada, tire ses origines de l’une ou l’autre des traditions Theravâda ou Mahâyâna (dont le Vajrayâna). Le Bouddha est considéré par certains comme une manifestation de l’état d’éveil et par d’autres comme un modèle terrestre.

Comment comprendre en quelques mots, le drame, si tant est qu’il existe, selon les points de vue, du Tibet ? J’ai trouvé un début de réponse en parcourant l’entrevue qu’accordait Ursula Gauthier, journaliste au Nouvel Observateur : « Autrefois, les grands monastères comptaient des milliers de moines, pour quelques centaines aujourd’hui. Mais les moines continuent de jouer un rôle très important car les Tibétains, qui sont dans leur immense majorité de fervents bouddhistes, éprouvent un immense respect à leur égard. A l’occasion de chaque anniversaire, comme c’est le cas pour ce 49ème anniversaire de la fuite du Dalaï lama, à chaque date importante, chaque fête religieuse, les moines osent affirmer les valeurs religieuses et culturelles de la nation, et réclament le retour du Dalaï lama. En fait, les heurts n’ont jamais cessé entre Tibétains et forces chinoises. Mais il n’y avait pas eu d’incidents de cette ampleur depuis vingt ans ».

Sur le plan politique, madame Gauthier résume en quelques mots la situation du Tibet : « L’indépendance du Tibet n’a jamais été reconnue par la communauté internationale. Pour tout le monde, le Tibet fait partie intégrante de la Chine. Le fait que l’ancien régime tibétain n’ait pas, sur le plan international, fait reconnaître son indépendance – qui fut réelle – avant d’être annexé par la Chine, a desservi le Tibet. C’est une faute grave de l’ancien régime. Cependant de nombreux pays estiment que le Tibet devrait jouir d’une autonomie effective et qu’il devrait être géré par le Dalaï lama sur le plan religieux et culturel  ».

Quel est donc l’intérêt pour la Chine de défendre son emprise sur le Tibet ? La réponse, selon la journaliste Ursula Gauthier : « Le Tibet renferme des ressources absolument fabuleuses dans ses sous-sols. C’est l’une des raisons pour laquelle la Chine refuse de lâcher le Tibet. Ces richesses commencent à être exploitées, et la ligne de chemin de fer qui a été construire à grands frais doit, entre autres, servir à cette exploitation. Mais pour la communauté internationale, le Tibet ne représente pas un enjeu économique. Voilà pourquoi la question du Tibet reste secondaire ».

Selon le Quotidien du Peuple en ligne, le Tibet envisage d’intensifier l’exploitation et l’utilisation des ressources minières avantageuses et d’établir plusieurs entreprises de grande et moyenne importance dont la production permet d’économiser les ressources et de protéger l’environnement. Il est projeté de mener à bien en premier lieu la remise en ordre des zones aux alentours de Lhassa, chef-lieu de la Région autonome, des principales zones écologiques fonctionnelles, des zones voisines de des villes et des bourgs, des principales et importantes voies routières, des lignes de chemin de fer et des petites mines près des ressources aqueuses. Il est décidé également de procéder à la fermeture ou à la reconversion des petites cimenteries polluantes et qui consomment trop d’énergie.

Que peut faire en réalité l’Occident face au pouvoir chinois au Tibet ? Peu de choses, en réalité. « L’Occident ne peut pratiquement rien faire, parce que la Chine voit cela comme une affaire intérieure chinoise. Et celui qui est prêt à s’immiscer dans ses affaires intérieures doit être prêt à en assumer les conséquences, politiques et économiques », affirme Eberhard Sandchneider, chercheur à la Société allemande de politique étrangère (DGAP). « Européens et Américains ont un dialogue avec la Chine sur les droits de l’homme, mais ils sont aussi en concurrence sur ce marché émergent où les profits potentiels sont énormes », souligne de son côté Shaun Breslin, professeur de relations internationales à l’université britannique de Warwick.

Le Sénat français a produit un document, en ligne, sur les « Cent questions sur le Tibet », publié en 2001 par le gouvernement chinois. Selon ce document, le Dalaï lama a trahi sa patrie et a fui à l’étranger par opposition à la réforme du servage féodal inhumain et arriéré et par refus de rendre aux serfs leurs droits humains. Lui donner l’appellation de « gardien des droits humains » est une ironie cinglante à l’égard de ces droits. Après sa fuite à l’étranger, le Dalaï lama a établi le gouvernement en exil, organisé une armée et fomenté une série de violences horribles. Après les années 80, il a suscité encore des troubles au Tibet, ce qui a causé de grandes pertes matérielles. Ces dernières années, peut-on lire dans le document « Cent questions sur le Tibet », le Dalaï lama a enfreint ouvertement les rites religieux et le système inscrit dans l’histoire pour saboter la réincarnation du panchen-lama. Que cette personnalité obtienne le prix Nobel de la paix et soit chapeautée du titre de « personnalité non violente », n’est-il pas absurde ? Le gouvernement chinois s’oppose fermement à quiconque, à l’étranger, utilise le Dalaï lama pour intervenir dans les affaires intérieures de la Chine et diviser le pays.

Pour une vision plus objective, fondée sur des faits historiques, il est utile de consulter le site Insecula qui retrace les grands faits de l’histoire du Tibet.

La jeunesse tibétaine n’a plus la patience des « anciens ». Le président du Congrès de la jeunesse tibétaine, une organisation qui regroupe des dizaines de milliers de Tibétains dans le monde, a expliqué lors d’une conférence de presse qu’il n’adhérait plus, à l’instar de beaucoup de jeunes Tibétains, à la position modérée du Dalaï lama. « J’espère que la voie moyenne sera réexaminée ; beaucoup de Tibétains exigent l’indépendance et il y a beaucoup de frustrations [...] notamment parmi la jeune génération », a expliqué le président du groupe, Tsewang Rigzin, avant d’appeler « les Tibétains à poursuivre leurs manifestations jusqu’à ce que la Chine quitte le Tibet  ».

La limite du supportable pour les Tibétains a été atteinte, note en entrevue Françoise Robin, tibétologue et enseignante à l’INALCO, dans le Courrier International, et « cela était palpable lors de mon séjour à Lhassa, en janvier. Ce qui est frappant et qui montre qu’une colère immense règne dans la population tibétaine, c’est que même des membres de l’élite tibétaine, des jeunes faisant des études dans les meilleures institutions possibles, à Lanzhou, à Pékin, à Chengdu, ont manifesté à visage découvert. Ils ont pris un grand risque. L’étendue géographique des manifestations est d’ailleurs extrêmement parlante, les manifestations ont touché surtout de nombreuses localités du Tibet historique, bien au-delà du territoire de la Région autonome du Tibet remodelé par les autorités chinoises. Cela montre très concrètement que la revendication territoriale des Tibétains est fondée et que la solidarité et la communauté de destin entre Tibétains, quelle que soit la province chinoise où ils résident, est vivace ».

Si les Tibétains devaient choisir la voie de la violence, a expliqué un des collaborateurs du Dalaï lama, Tenzin Takhla, il devra démissionner parce qu’il est complètement engagé dans la non-violence. Il démissionnera alors en tant que chef politique et chef de l’Etat mais pas en tant que Dalaï Lama. Il restera le Dalaï Lama. La déclaration du religieux tibétain, qui a souhaité, malgré les événements, que la Chine puisse malgré tout accueillir des Jeux olympiques qu’elle « mérite », a suscité la réprobation du Congrès de la jeunesse tibétaine pour qui « il est évident que la Chine ne mérite pas les Olympiques ».

(Sources : AFP, Courrier international, Encyclopédie canadienne, Insecula, Internaute, Newsweek, Nouvel Observateur, Quotidien du Peuple (Chine), Sénat de la République française).