Pour le quotidien ultra-conservateur Kayhan : « le peuple a une fois de plus confié le parlement aux défenseurs des principes de la révolution ». Pour l’Union européenne : « les élections législatives qui viennent de se tenir en Iran n’ont été ni libres, ni équitables ». « Malgré toutes les restrictions, nous avons réussi à perturber le jeu de nos adversaires », déclarait Abdollah Nasseri, porte-parole de la Coalition des réformateurs. Le taux de participation aurait atteint les 60%.

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Mahmoud Ahmadinejad garde tout le soutien des habitants d’Aradan, petite ville, située à 130 kilomètres à l`est de Téhéran en bordure du désert et comptant 5.000 habitants, 15.000 avec les hameaux qui en dépendent. « Ahmadinejad est l’enfant du pays. Nous l’aimons tous. Il a fait beaucoup de choses pour le pays, en particulier dans la crise nucléaire », a déclaré Davoud Ghafeli, âgé d’une cinquantaine d’années, à AngolaPress. Il y a aussi cette autre opinion favorable au président iranien. « Ahmadinejad ne veut rien pour lui-même. Il travaille pour le peuple. C`est vrai qu`il y a l`inflation mais c`est la faute des Américains. Ils ont imposé des sanctions contre l`Iran ce qui crée l`inflation », affirme, convaincu, Reza Mohseni, un agriculteur de 70 ans.

Cette opinion n’est pas partagée, loin s’en faut. Lors d’une conférence organisée par la communauté juive de Londres, le mardi 11 mars dernier, Ken Livingstone, le maire de Londres, a défendu l’idée qu’une société, tenue par les Ayatollahs, était « horrifiante » et « complètement absurde ». Il a qualifié le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, de « fou qui aboie ». Les Juifs de Londres voulaient profiter de l’occasion pour demander au maire communiste, de clarifier sa position avant les élections prévues en mai prochain.

C’est aussi période d’élections en Iran. Elles ont commencé au début du présent week-end, ce vendredi. Comme il fallait s’y attendre, les États-Unis se sont montrés fortement sceptiques sur l’impartialité de ces élections législatives, prévoyant même que les résultats du scrutin seront « truqués ». « Les élections législatives qui viennent de se tenir en Iran n’ont été ni libres, ni équitables », a déclaré dimanche la présidence slovène de l’Union européenne dans un communiqué publié à Bruxelles. Le ministre iranien de l’Intérieur, Mostafa Pour-Mohammadi, a prévenu la presse que les résultats des législatives seront annoncés dans trois à quatre jours.

Des élections? Pour qui? Pourquoi?

Mohammad Reza Khatami, frère de l’ancien président Mohammad Khatami, a la réputation d’être dans le groupe des réformateurs. Les conservateurs iraniens s’en prennent régulièrement au camp réformateur pour sa tolérance supposée envers les pays occidentaux. Reza Khatami aurait eu une rencontre privée avec l’ambassadeur d’Allemagne à Téhéran, Herbert Honsowitz, afin de s’enquérir davantage sur la résolution du Conseil de sécurité, adoptée le 3 mars dernier, qui visait à renforcer les sanctions contre la République islamique à cause de ses activités nucléaires. Il n’en fallait pas plus pour qu’un journal iranien, Kayhan, l’accuse de collusion avec un pays soutenant les sanctions. Cette attaque en règle viendrait des conservateurs et serait menée par un proche du président Mahmoud Ahmadinejad, le premier vice-président du parlement, Mohammad Reza Bahonar. Le guide suprême, Ali Khamenei, en a rajouté : « L’une des indications qu’une personne n’est pas la mieux placée pour entrer au Parlement est quand elle n’établit pas une frontière nette avec l’ennemi et les marionnettes de l’ennemi ». L’ayatollah a enfoncé le clou contre ceux « qui ont de la considération pour l’ennemi, alors qu’ils devraient avoir de la considération pour Dieu et le gouvernement ».

La campagne électorale, d’une durée de sept jours, aura été sans vrai relief car les quelque 4.500 candidats concourant pour les 290 sièges du Parlement n’ont pas été autorisés à utiliser des affiches, à la différence des formations auxquelles ils sont affiliés. Le Conseil des gardiens de la Constitution, constitué de juristes et de membres du clergé non élus, a en effet invalidé environ 1.700 candidatures, en général celles de réformateurs déclarés insuffisamment loyaux à l’islam ou à la Révolution islamique de 1979. Le Conseil s’est défendu de toute partialité. 44 millions d’Iraniens se presseront pour voter en faveur des conservateurs, faute d’opposition. Mohammad Reza Khatami est conscient qu’après le rejet massif des candidats réformateurs, il ne restera que la portion congrue sur les 290 sièges du Majlis. Ils sont déjà minoritaires dans le Parlement sortant. Khatami déclarait entre autres choses : « Malheureusement, il n’y a plus aucune chance pour les principales figures réformatrices de concourir à l’élection ». « Le nouveau Parlement sera une réplique du précédent », faisait remarquer le sociologue Hamid-Reza Jalaïpour qui a dirigé plusieurs journaux réformateurs.

Que peuvent bien signifier des élections dans un pays qui n’est pas une démocratie mais une théocratie, dirigée par une oligarchie de fondamentalistes, à la tête de laquelle se trouve le Guide suprême de la révolution islamique, comme le notait, dans une entrevue au quotidien Le Monde, Mohammad-Reza Djalili, professeur à l’Institut des hautes études internationales de Genève. À peu près 40 % des candidats ont été écartés du fait qu’ils étaient proches du Coran réformateur. Et les réformateurs ne sont présents que dans environ 30 % des circonscriptions. Le quotidien en ligne d’informations politiques, sociales et culturelles, Akhbar-e Rooz, hébergé en Allemagne, s’interroge également dans un article traduit par le Courrier international : « A quoi bon la tenue d’élections législatives le 14 mars ? Car le pouvoir restera, quel que soit le résultat, aux mains des religieux ». Akhbar-e Rooz écrit : « Les réformateurs qui ont encore des illusions ne veulent pas comprendre que les idéaux de la révolution sont morts. Les termes « république » et « islamique » s’opposent. […] La notion de « république » oblige le pouvoir à recevoir régulièrement l’assentiment du peuple. Si le peuple ne l’approuve pas, le pouvoir se trouve en situation d’illégalité ». Moins de 51 % de participation aurait constitué une humiliation pour les conservateurs qui ont grand besoin de la caution du suffrage universel pour valider ce processus électoral dans une « démocratie islamique ».

Le journal Jomhouri Islami a été fondé au début de la révolution islamique (1979) par Ali Khamenei (le Guide actuel). Il représente l’aile la plus dure du régime. Dans un article reproduit par le Courrier international, l’avenir de la République iranienne passe par le pouvoir religieux : « L’imam Khomeyni avait déclaré : « Les partisans de Satan, au moment des difficultés, disent au peuple que les religieux sont la cause de ces difficultés ». Cet avertissement est toujours valable. Le peuple doit donc choisir les religieux à l’avenir. C’est la seule façon d’éliminer les menaces qui existent contre la révolution islamique. Car plus il y aura de religieux, plus le système islamique sera certain d’exister ».

Ce qui préoccupe pourtant le peuple iranien, au-delà de la rhétorique des Affaires extérieures du pays, est l’incapacité et l’incompétence du président Mahmoud Ahmadinejad de juguler l’inflation. Au pays de l’Iran, les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Rien à envier aux pays capitalistes. L’économie iranienne pèse 280 milliards de dollars. Plusieurs jettent la faute sur les États-Unis. Les sanctions se font sentir. Il reste que le quatrième producteur mondial de brut a encaissé rien de moins que 70 milliards de dollars de revenus du pétrole au cours de la seule année passée. Mais il est dans l’incapacité technique de le raffiner pour produire de l’essence. Les Iraniens doivent donc subir les mêmes fluctuations du prix du baril de pétrole : l’essence se fait – il va sans dire – de plus en plus chère pour le consommateur iranien, en même temps qu’augmentent les produits de consommation et que les salaires stagnent. L’inflation se situerait autour des 20 pourcent. Des économistes jugent ce chiffre un peu trop « conservateur ».

Ahmadinejad et le pouvoir religieux ne sont pas sans savoir que les États-Unis n’essaient plus seulement de contrôler les exportations de pétrole brut mais également les importations d’essence. Le but est clair : faire émerger un mécontentement dans la rue. Et les Iraniens ont d’autres soucis que les états d’âme de leur pouvoir en place, comme l’état de l’économie et l’inflation galopante.

À Washington

Par suite de la démission de l’amiral William Fallon, Washington a senti le besoin urgent de préciser que personne, au sein du gouvernement, ne cherche la guerre avec l’Iran et a démenti la rumeur voulant que le plus haut commandant américain pour le Proche-Orient ait perdu son poste à cause de son opposition à une telle entreprise. « Pour M. Bush, le fait que toutes les options soient sur la table, c’est ce qui aide à faire marcher la diplomatie, à la rendre plus efficace. Il n’y a donc pas de divergence à ce sujet au sein du gouvernement », a précisé la porte-parole de la Maison Blanche, Dana Perino. Sauf que…

Dick Cheney est à Oman depuis dimanche pour un visite de 10 jours au Proche-Orient dans le but de raviver le processus de paix israélo-palestinien et de convaincre des pays arabes, comme l’Arabie saoudite, de faire davantage pour contrer l’influence de l’Iran en Irak. Après la récente visite historique du chef de l’État iranien, Mahmoud Ahmadinejad, à Bagdad, le vice-président des États-Unis a regretté « qu’il n’y ait pas beaucoup d’autres responsables influents de la région, à un haut niveau, qui font le voyage à Bagdad ». La tourmente politique au Liban, la situation en Syrie, les violences à Gaza et les prix records du pétrole seront également au cœur des préoccupations du vice-président quand il visitera, après Oman, l’Arabie Saoudite, Israël, la Cisjordanie puis la Turquie.

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