En 1879, le journaliste allemand, Wilhelm Marr, inventait le terme « antisémitisme » (de l'allemand « Antisemitismus ») pour signifier la haine « non-confessionnelle » envers les Juifs et le judaïsme prôné au sein du parti politique « la ligue antisémite ».
Le Département d’État américain vient de publier son Rapport annuel sur l'antisémitisme dans le monde (Contemporary Global Anti-Semitism). Il se base sur les statistiques des ambassades américaines du monde entier. Comme il fallait s’y attendre, le rapport estime que : « la critique de l'État d'Israël ou du sionisme, entraîne volontairement ou non un parallèle avec les réflexes et préjugés de l'antisémitisme traditionnel, qui prête aux Juifs des traits sataniques, des défauts innés et originels et des visées hégémoniques sur le monde entier ». Les statistiques compilées par les ambassades américaines montreraient qu’il y a une nette augmentation des actes antisémites depuis dix ans. Des actes racistes dirigés aussi bien contre les Juifs qu’envers leurs propriétés et leurs institutions religieuses.
Parmi les facteurs responsables de cette progression de la « judéophobie », dans le monde, le rapport pointe certains États et certaines organisations liées à l'ONU, comme l'Iran, le Vénézuéla et la Syrie qui y tiennent une place de choix. D'autres pays sont également cités comme le Belarus, l'Arabie Saoudite ou l'Égypte dont le régime permet et encourage les publications antisémites. Le rapport américain pousse plus loin la stigmatisation de certains États qui feraient preuve d’une complaisance avec la « judéophobie » : plus d'articles et publications « de type antisémite » apparaissent dans des pays comme la Pologne, la France, la Russie, l'Argentine, l'Australie, la Grande-Bretagne ou le Canada. « En Russie, dans cette Russie où les agressions xénophobes, racistes et ethniques sont largement répandues, et où leur nombre ne cesse de croître, des étrangers et des ressortissants du Caucase du Nord sont la cible privilégiée des skinheads, et dans d'autres pays où la xénophobie est largement répandue, comme dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale, l'antisémitisme reste un problème majeur », dénonce le rapport ».
Le rapport souligne que des ONG liées au domaine des « Droits de la personne » émettent de manière continue des « condamnation virulentes et souvent exagérées envers Israël, sans commune mesure avec d'autres pays bien plus condamnables, mais du fait de la nature et des objectifs de ces organisations, elles échappent à la critique et à la vérification du bien-fondé de leurs assertions ».
Ce qu’entend mettre en relief le rapport du Département d’État américain est le fait que les conséquences de ces « critiques itératives sur Israël » tendent à accroître l’opinion généralisée que l'État juif est une source majeure d' « abus contre les droits des autres ». L’origine plus contemporaine de ces actes antijuifs est surtout liée en grande partie à la politique menée par Israël. La faiblesse qui découle de ces tendances est que les différentes organisations des Nations unies ne prêteraient « pas assez attention à des régimes qui sont manifestement coupables de graves violations ».
Le Cambodge n’apprécie pas l’évaluation du Département américain et rejette les conclusions qui portent sur droits de l'Homme car, selon lui, le rapport est en contradiction totale avec les situations réelles dans le pays. Le ministre cambodgien des Affaires étrangères, dans un communiqué, reconnaît que « la situation des droits de l'homme au Cambodge n'est pas parfaite. Mais y a-t-il vraiment une situation parfaite dans d'autres parties du monde ? », s'est interrogé le ministère ajoutant que le rapport américain repose en grande partie sur les points de vues de certaines ONG et qu'il est publié en même temps que les élections générales du pays.
Moscou a également rejeté le rapport le qualifiant d'accusation sans aucun fondement et de démonstration de deux poids deux mesures. Le ministère russe des Affaires étrangères a indiqué, dans un communiqué, que de nombreux passages du rapport étaient des copies de précédents rapports. « On a l'impression que le Département d'État a simplement collecté des faits pour soutenir les conclusions formulées en avance ». Alexandre Brod, directeur du bureau moscovite des droits de l'homme, considère, comme le rapporte Ria Novosti, que l'antisémitisme ne constitue plus l'une des principales manifestations d'intolérance ethnique en Russie. Les radicaux nationalistes concentrent le gros de leur activité sur les personnes d'origine caucasienne, centrasiatique et africaines. Les étudiants étrangers sont souvent la cible d'agressions. Ce sont les journaux radicaux, qui sont plus de cent dans toute la Russie, et sept maisons d'édition, qui constituent les principaux relais du message à caractère antisémite.
Le président vénézuélien Hugo Chavez est considéré, par le rapport américain, comme un propagandiste de l’antisémitisme parce qu’il ne manque pas de fustiger les actions d’Israël qu’il qualifie de « fascisme israélien ». Selon Chavez : « les descendants de ceux qui ont crucifié le Christ, seraient responsables de tous les maux de la terre en s’appropriant les richesses mondiales ». David Horovitz, du Jerusalem Post (édition française) écrit : « Il ne fait pas bon être juif aujourd’hui au Venezuela. Dans une récente émission télévisée, un acolyte de Chavez a accusé les leaders juifs de fomenter, de mener et de financer des mouvements de protestations estudiantins antigouvernementaux, et autres conspirations. « Nous devons être très attentifs à ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela », mettait en garde l’orateur. « Les hommes d’affaires juifs qui ne sont pas impliqués dans une conspiration doivent le faire savoir publiquement ». Et de citer deux rabbins ainsi qu’une famille juive aisée soupçonnés d’être au cœur de complots, tout en précisant qu’« on ne peut pas me reprocher d’être antisémite ». Pourtant, certains leaders juifs vénézuéliens affirment que la situation n’est pas si terrible. Ils peuvent se déplacer librement, ils ne se sentent pas menacés (hormis lors des raids de la police) et ils ont trouvé un moyen de coopérer avec Chavez ».
En France, le Conseil représentatif des institutions juives de France a appelé à « ne pas baisser la garde face à l'antisémitisme », qui « reste profondément présent » en dépit de la baisse constatée du nombre des actes antisémites. Un livre pour enfants, sorti en octobre, critiquant les dérives du christianisme, du judaïsme et de l'islam, fait l'objet d'une demande par le ministère de la Jeunesse de mise à l'index pour « antisémitisme » et « défaut d'éthique », a indiqué la maison qui l’édite, Alibri. Sous le titre « Où est le chemin de Dieu s'il vous plaît? », l'ouvrage raconte la quête naïve de spiritualité d'un petit cochon, qui se heurte à l'intolérance et au fanatisme d'un évêque, d'un rabbin et d'un imam. « Le livre est susceptible de désorienter les enfants et les jeunes sur le plan social et éthique », juge le ministère dans sa demande de mise à l'index.
Au Québec, le B'nai Brith, qui répertorie chaque année les actes antisémites commis au Canada, affirme qu’« il y a une vague d'antisémitisme, mais ce n'est pas seulement au Québec, c'est partout dans le pays », avance l'avocat-conseil de l'organisation, Steven Slimovitch. Au Québec, les actes antisémites, incluant les graffitis, le harcèlement et des actes de violence ont augmenté de 60% en 2006 par rapport à l'année précédente, mais restent nettement moins nombreux qu'en Ontario où plus des deux tiers des actes antisémites ont été enregistrés. « Mais au Québec, la différence est que nous ne prenons pas au sérieux les actes haineux. Montréal est le seul grand corps policier qui n'a pas de division pour s'occuper de ce genre de délits », déplore M. Slimovitch.
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