8 mars 2008 : Journée internationale des femmes
Les femmes détiennent dans le monde le potentiel le plus important et le moins exploité pour le développement et la paix, a estimé le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. C’est du Congo que nous vient cette réflexion : « Comme toutes les dates symboliques, la journée internationale de la femme n’a pas ses origines dans un seul fait historique. Elle symbolise, d’une part, les fruits d’un large processus de lutte, de revendications et de débats et, d’autre part, les parcours silencieux des millions de femmes dans le monde entier ».
L’an dernier, 1,2 milliard de femmes travaillaient à travers le monde, ce qui représente une hausse de 18% par rapport à il y a dix ans, souligne le rapport sur les tendances mondiales de l’emploi des femmes du Bureau international du travail (BIT). Mais en même temps, le taux de chômage des femmes (6,4%) reste, globalement, supérieur à celui des hommes (5,7%). Le BIT note enfin que les femmes sont plus susceptibles d’occuper des emplois à faible productivité dans les services (46%), dans l’agriculture (36%) et dans l’industrie (17%). Même si les femmes employées dans le monde sont plus nombreuses que jamais auparavant, elles sont confinées à des emplois à faible productivité, mal rémunérées et vulnérables, privées de toute protection sociale, de leurs droits fondamentaux et de toute possibilité de faire entendre leur voix, constate le Bureau international du Travail.
Au Canada, plus précisément au Québec, la question se pose : « À l’ère où la femme d’affaires, la femme étudiante, la femme de tête, la femme d’idées ou encore la femme libre est mise à l’avant-plan, reste-t-il encore des inégalités ou des causes à défendre ? » C’est à cette question que tente de répondre Mélanie Tremblay, de Canoë, dans le cadre de la Journée internationale des femmes.
Selon le Conseil du statut de la femme (CSF), le Québec est de façon évidente une province qui se distingue du reste du monde par la place que la société donne à la femme. Or, il n’en demeure pas moins qu’il reste encore du chemin à faire, notamment en matière d’équité salariale. « L’égalité entre les sexes passe par l’autonomie économique des femmes qui gagnent en moyenne 70 % du salaire des hommes, soit environ 10 000 $ de moins annuellement », soutient Christiane Pelchat, la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF). Dans un autre domaine, celui des sciences, madame Pelchat y voit un autre objet de lutte pour l’égalité des femmes : « Les jeunes filles n’ont pas tendance à choisir d’étudier en sciences, par exemple, car c’est un domaine encore trop stéréotypé comme étant un domaine d’hommes. Alors que les femmes étudiant en sciences ont démontré qu’elles pouvaient être excellentes. Il faut changer les perceptions », croit la présidente du CSF.
À Montréal, le maire, M. Gérald Tremblay, a rendu public la politique Pour une participation égalitaire des femmes et des hommes à la vie de Montréal. Cette politique a été développée autour de cinq grands axes d’intervention. Le premier, c’est la gouvernance. Il y est préconisé de gouverner dans une perspective de plus en plus paritaire. Le second axe, la Ville comme employeur, positionne l’équité salariale comme dossier prioritaire. A cet effet, l’administration municipale favorisera l’utilisation des mesures de conciliation famille-travail. En troisième lieu, la Ville s’engage à améliorer ses services aux citoyennes, en particulier en se référant à l’Analyse différenciée selon les sexes. Le quatrième axe est celui du développement économique. La Ville appuie la participation des femmes au développement des connaissances et des stratégies économiques de Montréal. Enfin, le cinquième axe concerne le développement international. Il propose que toutes les activités de représentation internationale de la Ville reflètent l’importance de l’égalité des femmes et des hommes, telle que préconisée dans la Charte montréalaise des droits et responsabilités.
Ailleurs, dans le monde, à la veille de la Journée Internationale des Femmes, samedi 8 mars, les femmes du Maroc expliquent qu’en dépit de la nomination de plusieurs femmes à des postes ministériels dans le gouvernement actuel, beaucoup de chemin reste à faire pour atteindre leurs objectifs. Pour mieux sensibiliser à ces objectifs et tenir les responsables marocains pour responsables des retards pris à répondre à plusieurs de leurs demandes, les organisations luttant pour les droits des femmes envisagent de célébrer cette journée en organisant des symposiums, des tables rondes et des rassemblements (Magharebia). Notons aussi que le ministère de l’Emploi a procédé au lancement, à Casablanca, d’un CD-Rom sur le code du travail et d’un guide de bonnes pratiques pour promouvoir l’égalité en emploi dans le milieu du travail.
Pour la militante marocaine Fatima Akouri : « la Journée Internationale des Femmes permet d’évaluer les progrès globaux réalisés en matière de droit des femmes au Maroc. "Nous ne pouvons nous contenter de recevoir des roses au bureau ou à la maison. Nous ne pouvons nous contenter de ces slogans et appels en faveur des droits des femmes, de leur défensea et de la reconnaissance de leur rôle au sein de la société. Nous avons plus besoin d’un moment de pause pour évaluer les acquits et envisager les défis ». Et elle constate malgré tout : « qu’il reste encore beaucoup de femmes qui souffrent de différents problèmes de discrimination, et la violence envers les femmes reste importante ».
Signe des temps, la Ligue Démocratique pour les Droits des Femmes (LDDF) du Maroc, forte de leur conviction que la lutte contre le terrorisme est aussi l’affaire des femmes, placera cette journée sous le slogan « Non à l’extrémisme et au terrorisme… Oui à l’égalité et à la citoyenneté ». La Ligue demande aux citoyens de participer au maintien de la sécurité et appelle toutes les forces démocratiques, les organisations pour les droits des femmes et les groupes sociaux du Maroc à former une vaste coalition contre la haine et l’intolérance.
Médecins du Monde Canada ouvrira dans la région centrale du Nicaragua le premier centre de dépannage pour femmes victimes de violence ouvert 24 heures. « La violence faites aux femmes est malheureusement monnaie courante au Nicaragua et la région de Matagalpa, située au centre du Nicaragua, est complètement démunie en matière de services à offrir à ces femmes », explique Marie-Michelle Ross, gestionnaire de ce projet pour Médecins du Monde Canada, qui a séjourné au Nicaragua pour élaborer cette nouvelle intervention.
Officialisée en 1972 par les Nations-Unies et adoptée en France en 1982, la Journée internationale des femmes sera l’occasion pour un rassemblement, ce samedi, qui aura lieu à 15h, à la Fontaine des Innocents (1er), à l’initiative de la Marche mondiale des femmes, du Collectif national pour le droit des femmes et de nombreuses organisations (voir les signataires de l’appel au rassemblement). Autre signe des temps, à Paris, se tiendra également le rassemblement d’un nouveau groupe d’action féministe, La Barbe, qui « lancera une épidémie de barbes » où il est question de : « ces femmes effarées par la montée du sexisme dans les médias, de ces femmes excédées par la domination masculine dans la société française, de celles qui s’effraient de voir augmenter encore les inégalités entre hommes et femmes dans tous les secteurs d’activité, ... Pour toutes ces femmes, la campagne présidentielle de 2007 a été une épreuve de trop. Le machisme qui s’est déployé entre les deux tours des élections a provoqué une overdose ». Simone de Beauvoir ne sera pas oubliée à cette occasion. L’association Ni Putes Ni Soumises organisera un rassemblement à 14h30 sur la passerelle qui porte le nom de l’écrivaine (13e ; métro Bibliothèque François Mitterrand).
Comme le rapporte l’Observatoire des inégalités : « Le salaire masculin, tous temps de travail confondus, est supérieur de 35 % à celui de leurs homologues féminins. Pas moins de 30 % des femmes salariées, contre 6 % des hommes, travaillent à temps partiel, souvent subi. Les postes d’encadrement restent encore le plus souvent réservés aux hommes, un sur quatre est occupé par une femme, même si l’on constate une évolution positive depuis une dizaine d’années. Elles sont aussi plus touchées par le chômage ».
La diplomatie s’en mêle : M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, et Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme, ont présidé vendredi une conférence-débat sur le thème « Diplomatie et droits des femmes » au Palais des Affaires étrangères.
Cette journée trouve également écho en Afrique. Evariste Ouédraogo, du Burkina Faso, note avec un peu de regrets que : « Au Burkina Faso, le 8-Mars a vite fait de prendre une autre coloration, festive celle-là. Ce qui tranche d’avec les objectifs nobles du départ de cette journée, tout aussi noble. Le 8- Mars au Faso est décrété chômé et payé sur toute l’étendue du territoire national. Au programme, on a des djandjoba, des réjouissances populaires tous azimuts, qui nous éloignent des vrais problèmes que vivent les femmes burkinabè dans leur majorité ». Et l’auteur poursuit : « D’une journée au départ, on en est aujourd’hui à une semaine de la femme et c’est à se demander si l’autre moitié du ciel n’a pas autre chose à faire sous nos tropiques que la bamboula. Les djandjoba oui, mais que reste-t-il après de profitable à la gent féminine quant à ses droits les plus élémentaires ? La situation est peut-être liée à l’état de pauvreté endémique du Pays des hommes intègres, mais on est quand même fondé à se demander pourquoi une semaine de la femme en lieu et place d’une journée ».
En République démocratique du Congo, la journée internationale de la femme sera célébrée sous le thème « Investir dans la paix et la justice pour la protection et l’autonomisation de la jeune fille ». Comme l’indique DigitalCongo : « la journée internationale de la femme n’a pas ses origines dans un seul fait historique. Elle symbolise, d’une part, les fruits d’un large processus de lutte, de revendications et de débats et, d’autre part, les parcours silencieux des millions de femmes dans le monde entier ».
En 1921, Lénine choisissait le 8 mars pour célébrer les ouvrières, note 7 sur 7. La tradition du 8 mars a de ce fait été très forte dans les pays communistes. En Chine, aujourd’hui encore, les femmes bénéficient d’une demi-journée de congé. Puis le mouvement féministe, à partir des années 70, s’en est emparé pour faire de ce jour un moment fort de revendications pour l’égalité des droits politiques et sociaux.
Selon un rapport du Bureau international du travail (BIT), souligne que la région qui réussit le mieux en termes de croissance économique ces dix dernières années, la Chine et ses voisins, est aussi la région où l’on enregistre le plus fort taux d’activité de la population féminine (65,2%). « L’accès à un emploi décent est essentiel pour atteindre l’égalité entre les sexes », rappelle Evy Messell, directrice du département pour l’égalité au BIT.
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