Pas un jour ne passe sans qu’une déclaration ne vienne secouer la quiétude de l’Élysée. Cette fois-ci, la source trouble-fête est plutôt inattendue. Si l’on en juge par les propos véhiculés ces jours-ci par la très discrète madame Emmanuelle Mignon, directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) pourrait vivre ses dernières heures. La Directrice de Cabinet a, dans l'hebdo VSD, qualifié la MIVILUDES d'inutile. Madame Emmanuelle Mignon explique que les sectes « sont un non-problème » en France. Relativement à la Commission parlementaire d'enquête sur les sectes, madame Mignon juge que : « la liste établie en 1995 est scandaleuse ». Pour ajouter aussitôt que : « on peut s'interroger sur la menace représentée par l'Église de Scientologie ».
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), instituée auprès du Premier ministre, est chargée notamment d’observer et d’analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace à l’ordre public ou sont contraires aux lois et règlements. Invitée, par VSD, à préciser les intentions du gouvernement à l’égard d’une possible suppression de cette organisation, madame Mignon répond : « Non, mais plutôt la transformer en quelque chose de plus efficace et en finir avec le bla-bla. A part publier des rapports annuels, la Miviludes ne fait rien ». Que propose madame Mignon en retour de cette incapacité de Miviludes de remplir adéquatement, selon elle, son mandat? « L'idée serait, selon les propos cités par l'hebdomadaire, de rattacher ce nouvel organisme au ministère de l'Intérieur, afin de collaborer plus étroitement avec les services de police, le reste devant relever de la justice ».
Selon Le Point, les initiatives proposées par la directrice du cabinet du président Sarkozy n’ont pas toujours mené à des résultats heureux. C’est en effet madame Mignon qui a écrit certains des discours les plus contestés de Nicolas Sarkozy sur la religion et la laïcité, en particulier celui de Latran. « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme, Dieu qui n'asservit pas l'homme, mais qui le libère », déclarait le président Sarkozy. « De même qu'il veut jeter des ponts entre la droite et la gauche, de même Nicolas Sarkozy cherche à transcender l'autre grande fracture française, entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas », précisait un proche de l'Élysée. Et c’est encore Emmanuelle Mignon de qui est venue la dernière initiative, également contestée, du président de proposer le « parrainage », par chaque élève de CM2, d'un enfant juif français tué par les nazis.
Pour madame Mignon : « la lutte contre les sectes a longtemps permis de dissimuler les vrais sujets en France ». Ces propos ont immédiatement suscité une levée de boucliers de l'opposition, déjà aux barricades pour s'opposer aux récentes déclarations de M. Sarkozy sur la place des religions en France. L'appel à la « vigilance républicaine » en est un éloquent témoignage. L'Église de Scientologie, qui ne pouvait rêver de pareille ouverture, a réagi en estimant que « la France évoluait dans le bon sens ». Madame Mignon s’était, dans cette même entrevue à VSD, interrogée sur la menace que représentait l'Église de Scientologie. « Je ne les connais pas mais on peut s'interroger. Ou bien c'est une dangereuse organisation et on l'interdit, ou alors ils ne représentent pas de menace particulière pour l'ordre public et ils ont le droit d'exister en paix ».
Après coups, constatant l’ampleur de ses déclarations et protestations qu’elles suscitent, madame Mignon a tenté, tant bien que mal, de faire marche arrière : « Je n'ai jamais tenu les propos qui me sont prêtés par l'hebdomadaire VSD, selon lesquels les sectes seraient un non-problème en France », a-t-elle déclaré par voie de communiqué. Madame Mignon explique qu'elle a été interrogée « de manière informelle » par VSD sur les positions de Nicolas Sarkozy dans ce domaine et qu'elle avait « rappelé la position constante » du chef de l'État. « Soit ces mouvements et ces groupes troublent l'ordre public et abusent de la faiblesse psychologique des personnes, et dans ce cas ils doivent être poursuivis et sanctionnés ; les moyens de rendre plus efficaces ces poursuites sont d'ailleurs à l'étude », explique-t-elle dans sa mise au point. « Soit ils ne troublent pas l'ordre public et respectent les personnes, et ils doivent alors pouvoir exister normalement conformément au principe de la liberté de conscience ». Madame Mignon ne justifie pas la piètre opinion qu’elle entretient à l’égard de la Miviludes et les raisons qui militeraient en faveur d'un changement de statut de l’organisme qui relève du Premier ministre.
Selon VSD, la journaliste Emmanuel Fansten a bel et bien rencontré Mme Emmanuelle Mignon à son bureau de l'Élysée le mercredi 6 février, de 11h15 à 12h00.
Les déclarations de madame Mignon, pour malhabiles qu’elles en aient l’air, laissent entrevoir une nouvelle tendance évidente en France. Il faut noter que Michèle Alliot- Marie, ministre de l'Intérieur, prépare une révision du statut des associations cultuelles. Une modification par décret du droit des associations permettrait aux associations cultuelles de financer - sous contrôle de l'État - des associations culturelles à objet religieux. Comme l’indique L’Express : « en matière de cultes, le président a bien un projet. Il suffit de relire le livre d'entretiens publié en 2004 avec le dominicain Philippe Verdin, La République, les religions, l'espérance (Cerf). Nicolas Sarkozy y parle de la place de la religion dans la vie citoyenne et d'un « toilettage » de la loi de 1905. Considérer les courants religieux non plus comme un « danger », mais comme « un atout » pour la République ». Je recommande au lecteur de lire Republicae qui a consacré une excellente série sur la laïcité.
Pendant ce temps, en Allemagne, le tribunal administratif de deuxième instance, à Münster, vient de rejeter un appel de l’Église de scientologie contre un premier jugement prononcé en novembre 2004 par un tribunal administratif de Cologne (ouest de l'Allemagne). L'Église de scientologie, dont l'organisation revendique « des millions de membres et 6.000 église » dans 159 pays, se plaignait d’être sous surveillance par l'Office de protection de la Constitution (Bundesverfassungsschutz) depuis 1997. « Des indices réels » montrent que la scientologie continue à suivre une tendance opposée à l'ordre démocratique, ont estimé les juges. La Scientologie veut créer un ordre social « dans lequel des valeurs centrales de la Constitution, comme la dignité humaine et le droit à une égalité de traitement, sont écartées ou limitées », a expliqué le président du tribunal, Michael Bertrams.
Selon un sondage publié à la fin de janvier, 47% des Allemands considère Tom Cruise comme dangereux, en raison de son appartenance à l'Église de Scientologie. Cette hostilité se retrouve surtout dans la tranche des personnes âgées qui considèrent, à 66%, que Tom Cruise est dangereux. En revanche 71% des 14-29 ans le jugent « non dangereux ». Il convient d’ajouter également ce commentaire de l'historien de renom Guido Knopp qui, dans les colonnes du tabloïd allemand Bild, avait comparé Tom Cruise au ministre nazi de la propagande Joseph Goebbels, après avoir visionné une vidéo où la vedette s'exprimait devant des membres de l'Église de scientologie.
Deux pays. Deux visions.