« Le peuple de Cuba mérite d'avoir une démocratie », affirme Mme Rodham Clinton tout en ajoutant que, si elle était élue présidente des États-Unis, elle ne rencontrerait les dirigeants cubains que s'ils s'engageaient en faveur d'un changement démocratique dont la libération des prisonniers politiques, la fin de la répression, la liberté de la presse et l'ouverture économique. Au contraire, Barack Obama croit que « les États-Unis ne doivent pas seulement parler avec leurs amis mais aussi avec leurs ennemis ». « Je soutiens une éventuelle normalisation et c'est absolument vrai que je pense que notre politique (sur Cuba) a été un échec », a-t-il répondu. « Notre objectif est la normalisation mais cela doit se faire par étapes ». Pour Hillary Clinton : « rencontrer les dirigeants cubains sans conditions préalables serait une erreur car cela minerait nos capacités à prendre des mesures à l'encontre de ces dirigeants ». Deux générations, deux visions. Hillary Clinton tente de convaincre l'électorat par son expérience tandis que le sénateur de l'Illinois cherche à séduire en promettant une « rupture » avec les mœurs politiques de Washington. C'est ce qui ressort à ce débat de jeudi soir, à Austin, Texas, entre Hillary Rodham Clinton et Barack Obama.
L'ancienne « First Lady » a perdu la « primaire » des Américains vivant à l'étranger. De l'Antarctique à la Zambie, en passant par la France, les démocrates, établis dans 164 pays, ont voté, entre le 5 et le 12 février, par internet ou en personne. Encore une fois, Barack Obama a enchaîné une 11ième victoire d’affilée en remportant 66 % des voix à l’étranger contre 33 % à Hillary Clinton. « Obama est tout simplement une rock star. D’ailleurs, les stations de radio hip-hop militent spontanément pour lui », constate Christopher Wallas, un étudiant en sciences politiques de 19 ans, cité par Libération, et qui habite chez une copine dans la banlieue sud de Washington. Dans la trentaine d’États qui ont déjà voté dans les primaires démocrates, le sénateur noir a remporté, selon un sondage de la chaîne CNN, en moyenne 42 % des voix jeunes contre 31 % pour Hillary Clinton. Cet engouement s’explique peut-être par l’explication qu’en donne, à nouveau, Christopher Wallas, cité par Libération : les deux livres du candidat (les Rêves de mon père et l’Audace de l’espoir) ont beaucoup contribué à le faire connaître auprès des étudiants. « On voit que c’est quelqu’un qui a eu la vie dure et qui a dû surmonter plein d’obstacles pour arriver à façonner sa personnalité. Et ça, c’est quelque chose qui le rend très proche de nous ».
Selon le site Internet indépendant RealClearPolitics, Barack Obama distance Hillary Clinton avec 1 342 délégués contre 1 265 pour son adversaire. 2 025 délégués sont nécessaires pour obtenir l'investiture démocrate. Hillary Clinton est condamnée à gagner les « prochaines primaires » du Texas et de l'Ohio, le 4 mars, si elle veut conserver une chance d'être la candidate démocrate à l'élection présidentielle de novembre.
Il faudra qu’Hillary Clinton verse plus d’une larme si elle veut rattraper le retard qui l’écarte dangereusement de son rival, Barack Obama. Elle devra monter au créneau et attaquer son adversaire. Après avoir accusé Obama de plagiat, mardi, l’avoir qualifié de « commandant en chef inexpérimenté dans un monde dangereux », mercredi, madame Clinton devra rivaliser d’imagination pour ébranler les assises de son rival. Selon le principal stratège d’Hillary Clinton, Mark Penn, elle serait la seule candidate dans cette campagne qui soit à la fois prête à devenir commandant en chef et désireuse de mettre fin à la guerre d'Irak en amorçant le retrait des troupes dans les soixante jours [après son élection], ce qui n'est le cas ni du sénateur Obama ni du sénateur McCain. Celui qui se décrivait encore récemment comme « le type maigre avec un drôle de nom » répond du tact au tact : « Aujourd'hui, la sénatrice Clinton nous a dit que cette campagne exigeait un choix, et je ne peux qu'abonder dans son sens. Mais contrairement à ce qu'elle soutient, il ne s'agit pas de choisir entre des discours et des solutions. Il s'agit de choisir entre plusieurs politiques, dont une, fondée sur la division et la diversion, n'a pas fonctionné en Caroline du Sud, n'a pas fonctionné dans le Wisconsin, et ne fonctionnera pas au Texas ». Et comme l’indiquait un observateur politique : « Barack Obama a autant d'expérience qu'en avait Abraham Lincoln quand il est devenu président ».
Dans le cas où Hillary Clinton terminerait avec une victoire sur Barack Obama, l’Amérique aura en présence deux candidats qui se battront pour revendiquer la meilleure expérience pour gouverner l’Amérique. McCain clame déjà tout haut : « Si je ne suis pas le plus jeune des candidats, je suis le plus expérimenté ». Hillary Clinton défend bec et ongles, également, son expérience : « Ce dont il s'agit, c'est de choisir un président qui compte pas seulement pour ses paroles, mais pour son action, pour son dur labeur ». Comme l’indique le Figaro : « Hillary Clinton serait la gestionnaire compétente ; Barack Obama serait le visionnaire dont les États-Unis ont besoin pour retrouver confiance en eux-mêmes et redonner un sens à leur mission dans le monde ».
Sauf que… Barack Obama a misé sur le changement. Et ce changement passe par une rupture de ton. « Il n'y a pas une Amérique de gauche et une Amérique conservatrice, il y a les États-Unis d'Amérique », se plaît-il à dire tout en poursuivant : « il n'y a pas une Amérique noire et une Amérique blanche et une Amérique latino ou asiatique, il y a les États-Unis d'Amérique... nous sommes un ». Rien à voir avec les messages éculés du passé. Rien à voir avec les politiques américaines passées. Ce changement, c’est la nouveauté, la jeunesse et cette volonté de tourner la page des années Bush. Or l’ancienne « First Lady » ne correspond pas tout à fait à ce concept du changement. L’âge, les années Clinton à la Maison Blanche et cette tendance qui veut que le tabou « anti-noir » n’ait plus l’importance et n’occupe plus une place prédominante dans l’imaginaire américain, sont des facteurs qui pourraient favoriser l’option du changement à celle de l’expérience.
Il reste que rien n’est acquis à Barack Obama. Un dérapage est vite arrivé. Pour preuve, cette remarque qui a été montée en épingle de Michèle Obama, l’épouse du candidat afro-américain : « Pour la première fois dans ma vie d'adulte, je suis vraiment fière de mon pays - et pas seulement parce que Barack s'est bien débrouillé, mais parce que je crois que les gens ont soif de changement - j'attendais désespérément que notre pays avance dans cette direction ». Cette remarque aurait pu laisser entendre, selon la droite qui n’a pas raté l’occasion de se saisir de ce faux pas, que la gauche n’aimerait pas les États-Unis.
Organisé par le ministère des Affaires étrangères du Qatar en coopération avec le « Saban Center for Middle East Policy », qui fait partie de la célèbre Brookings Institution, le Forum sur les relations entre les États-Unis et l’islam, qui s’est tenu à Doha, réunissait quelque 280 personnalités et universitaires de 32 pays, dont le président afghan Hamid Karzaï et le représentant des États-Unis à l’ONU, Zalmay Khalilzad. Le prédicateur islamiste, Amr Khaled, célèbre pour ses émissions télévisées, s’est adressé, devant cet auguste aréopage, en ces termes : « Je voudrais voir Obama devenir président des États-Unis, car il promet le changement et l’espoir, dont nous, les musulmans, avons besoin autant que les Américains ». Sénateur depuis 2005 - c'est le seul sénateur noir des États-Unis -, Barack Obama n'a pas eu à se prononcer sur la guerre en Irak, un atout face à Hillary Clinton. Il rappelle qu'il s'est opposé à cette guerre depuis son commencement et il demande le retrait des soldats américains. Cette réalité a peut-être guidé les participants du Forum de Doha à donner leur soutien au candidat afro-américain tout en les amenant à ne pas s’attendre à des changements majeurs dans la politique étrangère américaine. L’expert égyptien des groupes terroristes, Dhiya Rachouane, a rappelé que la politique américaine se voudra « une continuation de la politique actuelle mais d’une manière moins extrême que sous l’administration républicaine conservatrice » de Bush.
Le retrait de Fidel Castro de la présidence ne bouleverse, pour autant, l’échiquier politique américain. Barack Obama, « candidat du changement », s’est déclaré, ce jeudi soir, en faveur de discussions « sans préalable » avec le régime communiste. « Même si la sénatrice Clinton a raison de dire qu'il faut une préparation; il est très important qu'il y ait un ordre du jour et sur cet ordre du jour, il y aurait les droits de l'Homme, la libération de prisonniers politiques », soutient le candidat démocrate.
Invariablement, le candidat Barack Obama est revenu sur ce qui a constitué, au cours de cette dernière année, son mot d’ordre incontournable : le changement. « I'm going to do things different. We can have great plans, but if we don't change how the politics is working in Washington, then neither of our plans are going to happen ». « Il y a des différences sur notre bilan et ce que nous avons accompli », a insisté la sénatrice Hillary Clinton. « J'avoue que j'ai été amusée l'autre soir quand on a demandé à un partisan de M. Obama de citer une des choses qu'avait accompli M. Obama et qu'il a été incapable de répondre », a dit Mme Clinton. M. Obama a répondu que si « on ne peut pas inspirer les Américains, si on ne peut pas les entraîner au-delà des divisions de races et de religions (...) alors nous continuerons à voir à Washington ces impasses et ces impuissances qui font souffrir tant de familles ». « Je suis candidat à la présidence pour commencer à faire quelque chose contre cette souffrance », a-t-il dit.
Un spectateur a repris, au cours d’une pause, cette phrase qui caractérise tant le candidat Obama : « Si se puede », version espagnole du slogan : « Yes we can ». Et pour terminer sur une note humoristique, l'Américain George Clooney, nommé aux Oscars pour le thriller « Michael Clayton » et en lice pour l'Oscar du meilleur acteur, dimanche à Hollywood, affirme n'avoir aucune chance face à l'Anglo-irlandais Daniel Day-Lewis et compare sa situation à celle de Hillary Clinton face à Barack Obama : « s'il n'y avait pas Barack Obama, ç'aurait été une très bonne année ».