Après le Nouvel Observateur et l’affaire du SMS présidentiel, après les dénonciations d’usage sur une presse « charognarde », voilà que de l’autre côté de l’Atlantique le New York Times, organe de presse symbolisant le diable pour une partie de l’électorat conservateur, publie un article de 3000 mots sur John McCain alléguant que ce dernier aurait entretenu, il y a huit ans, des liens amoureux avec une lobbyiste de Washington appelée Vicki Iseman, alors âgée de 32 ans. L'aile conservatrice du Parti républicain pourrait ne pas lui pardonner un adultère. La directrice des communications du candidat républicain a reproché au quotidien de s'abaisser à une « campagne calomnieuse » et à de la « politique de caniveau ». « Americans are sick and tired of this kind of gutter politics, and there is nothing in this story to suggest that John McCain has ever violated the principles that have guided his career ». L'article du New York Times relate les relations de M. McCain, maintenant âgé de 71 ans, avec la lobbyiste Vicki Iseman, âgée elle-même de 40 ans. La particularité de cette liaison tient au fait que madame Iseman était également chargée de défendre les intérêts de sociétés de communication en relation avec une commission sénatoriale. Et c’est le vétéran du Vietnam, marié et père de trois enfants, qui présidait en effet cette commission du commerce au Sénat.
L'article en Une du New York Times, signé par quatre journalistes, et dont les accusations reposent largement sur deux sources anonymes décrites comme d'anciens associés du candidat virtuel du Parti républicain pour l'élection présidentielle de 2008, est le fruit de plusieurs mois d'enquête. Les clients de Mme Iseman étaient des sociétés de communication en relation avec la commission du Commerce du Sénat. Ses clients auraient participé à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de dollars au financement des campagnes électorales de M. McCain. Le Washington Post en remet en appuyant sur le fait que madame Iseman n’hésitait pas, dans les officines et autres salons de rencontres, à se vanter d’avoir d’excellentes relations avec le sénateur McCain qui a déclaré : « A aucun moment, je n'ai fait quoi que ce soit qui trahirait la confiance du public ou pris une décision qui aurait pu être d'une manière ou d'une autre contraire à l'intérêt général ou qui aurait favorisé quelque organisation que ce soit ». Sauf que John Weaver, qui a quitté le candidat l'an dernier, est celui-là même qui a déclaré au Washington Post avoir rencontré Mme Iseman et lui avoir instamment demandé de garder ses distances avec M. McCain. Il aurait arrangé cet entretien après « une discussion au sein de la direction de l'équipe de campagne » à ce sujet.
Selon le New York Times, l’entourage du sénateur s’inquiétait de la présence fréquente et assidue de madame Iseman, et soupçonnait que cette relation était devenue sentimentale. Les principaux conseillers du sénateur sont même intervenus pour protéger le candidat contre lui-même en donnant instruction aux membres de l'équipe de campagne d'interdire cette femme d'accès. Les organisateurs reprochaient à cette dernière sa présence de plus en plus visible lors de collectes de fonds ou lors des déplacements du sénateur.
Depuis 1980, époque où John McCain fut éclaboussé par un scandale politico-financier, le candidat républicain était devenu un croisé de la lutte contre l'influence de l'argent en politique. À ce moment-là, McCain et quatre autres sénateurs avaient été accusés de tentative de trafic d'influence dans le scandale politico-financier dit des « Keating Five». La commission d'éthique du Sénat avait exonéré John McCain, jugeant qu'il avait seulement commis une erreur de discernement. Depuis, McCain est le co-auteur d'une loi sur le financement des campagnes électorales qui lui vaut le ressentiment tenace de groupes de pression conservateurs. À cela s’ajoute ce commentaire lapidaire du président du parti démocrate, Howard Dean, qui, sans se prononcer de la véracité de l'article du Times, estime que M. McCain « fait partie de la culture de corruption » bien établie à Washington. « Il ne semble pas avoir l'instinct pour distinguer ce qu'il faut faire de ce qu'il ne faut pas faire », a-t-il ajouté dans un entretien au National Journal. Et comme la mémoire, dans ces circonstances, accuse des moments de faiblesse, McCain a assuré ne pas être informé d'un tel échange. « Je n'en ai jamais discuté avec John Weaver. Pour autant que je sache, il n'y avait pas de nécessité (...) Je n'en savais rien ».
Fin 1999, John McCain avait écrit par deux fois à la Commission fédérale des communications (FFC) pour faire accélérer un dossier au nom de Paxson Communications. Le directeur exécutif, Lowell Paxson, avait versé une très forte contribution à la campagne présidentielle du sénateur en 2000 et avait retenu les services de Vicki Iseman pour militer en sa faveur dans les milieux politiques. Le président de la FFC s'était plaint des courriers de l'élu républicain en pleines délibérations de l'instance. Depuis, le sénateur a reconnu qu’il avait bien écrit des lettres pour soutenir les projets de certains des clients de cette lobbyiste mais a démenti avoir agi pour défendre des intérêts particuliers.
Les dénégations de McCain peuvent porter leurs fruits mais peuvent se révéler également redoutables dans ce pays où le mensonge est un crime souvent mortel pour les hommes politiques. Pour l’heure, le directeur de publication du New York Times a maintenu jeudi la validité de son article, « qui parle de lui-même » et dont « les faits ont été vérifiés ». « Pour McCain, la confiance en soi sur les questions d'éthique pose des risques », titrait le New York Times. Monsieur McCain considère Vicki Iseman « comme une amie » tout en ajoutant : « mais j'ai beaucoup d'amis à Washington ». « Les échanges avec les lobbyistes font partie de la vie d'un parlementaire », a-t-il expliqué, « mais, pour ce qui le concerne, ces échanges ont toujours été appropriés ».
Pour la petite histoire, il semblerait que le New York Times ait décidé de publier maintenant ce brûlot pour contrer un article de la revue The New Republic. Enfin, s’agissant des lobbyistes qui sont présents dans la campagne présidentielle de John McCain, ce dernier vient de déclarer que : « These people have honorable records, and they're honorable people, and I'm proud to have them as part of my team ».
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