« Jeux de la tomate », « jeu du foulard », « jeu de la canette », « jeu du bouc émissaire », ces appellations peuvent mener à la mort d’un enfant.
Le jeu du foulard existe depuis plus de 50 ans ! Ce jeu s'apparente à une pratique innocente, généralement proposée par un copain ou un groupe d'amis.
Le principe est simple. Il suffit de conjuguer plusieurs gestes :
* 1 Une hyperventilation forcée obtenue par quelques flexions rapides des jambes et de grandes inspirations
* 2 Puis un blocage de la respiration, assorti d'une pression sur les carotides, voire d'une forte compression du sternum.
Un évanouissement se produit, précédé de sensations de type hallucinatoire. Une forme primaire de ce « jeu » est celui dit de « la tomate » dans lequel les enfants jouent à retenir leur respiration le plus longtemps possible, ce qui peut également provoquer une syncope. Certains « pratiquants » deviennent dépendants. Le danger est extrême : toute tentative, qu'elle soit effectuée en groupe ou en solitaire, peut entraîner des séquelles irréversibles et un arrêt cardiaque.
Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) d'Atlanta, en Géorgie, près de 20% des adolescents et pré-adolescents américains s'adonnent à ce jeu, parfois en groupes, appelé « le jeu du foulard ». Au moins 82 jeunes Américains âgés de 6 à 19 ans sont morts entre 1995 et 2007 en pratiquant ce jeu. Et le plus tragique est que pratiquement tous les décès recensés se sont produits alors que les jeunes jouaient seuls. Entre 1995 et 2004, on ne déplorait que trois morts. Ce chiffre est passé à 22 en 2005, 35 en 2006 et au moins neuf en 2007. On ignore encore la raison exacte de cette progression.
En France, selon Libération, ce jeu est un phénomène mal connu, selon les 250 parents membres de l'Association de parents d’enfants accidentés par strangulation (APEAS), qui a commandé une enquête à l'institut Ipsos pour évaluer la « notoriété et la pratique du jeu du foulard ». Si une très large majorité des personnes interrogées (91 %) en a déjà entendu parler, seuls 63 % peuvent expliquer ce qu'est concrètement ce jeu. Plus étonnant, 43 % des 15-19 ans ont une idée précise de ce dont il s'agit, alors que cette pratique touche surtout les préadolescents. Selon Joachim Soetard, de l'institut Ipsos, ce paradoxe s'explique par la sous-déclaration de cette pratique. En d'autres termes, les personnes qui s'étranglent avec un foulard n'ont pas forcément envie de le révéler au téléphone à un enquêteur. Comme le résume Ipsos, « une notoriété importante, mais une connaissance inégale ». La deuxième conclusion à tirer est la sous-estimation du danger : 52 % de ceux qui ont pratiqué le jeu ou ont vu quelqu'un le faire n'avaient pas « conscience de jouer ou d'assister à un jeu très dangereux ».
Un autre sondage TNS-Sofres, mené à la fin septembre 2007 pour l'association SOS Benjamin, faisait apparaître que près d'un million d'enfants avaient déjà participé à un jeu dangereux en France. Plus de huit enfants sur dix étaient en mesure de citer le nom d'au moins l'un des jeux dits « dangereux ». Répertorié comme « jeu de non-oxygénation », le « jeu du foulard », cité par 72% des sondés, est le plus connu.
Au Québec, une auditrice écrit à l’animatrice Christiane Charrette pour lui dire que cette pratique est également présente dans les cours de certaines écoles. Claudia Boucher écrit : « Je voulais simplement vous informer du fait que le phénomène de ce jeu existe au Québec! J’ai 24 ans et à l’âge de 13-14 ans j’ai participé à ces activités qui consistaient à s’appuyer sur un mur et alors une copine vous appuyait sur la gorge et le but était de se rendre au point de ’’rêver’’, je comprends maintenant que cela consistait à visualiser des images que notre cerveau créait en l’absence d’oxygène. Ma mère, en apprenant cela, a tôt fait de terminer cette lubie en m’expliquant les dommages que cela pouvait causer! Il paraîtrait que c’est un jeu très vieux et que des enfants québécois sont déjà morts de cela aussi. Enfin je me souviens que c’était la mode durant environ deux semaines lorsque j’étais au secondaire... Mais ce n’était absolument pas sexuel pour nous, seulement de sentir qu’on « hallucinait » sans les drogues... »
Benjamin Duwelz, 10 ans, est décédé à la suite d’un auto-étranglement, avec l’essuie mains des WC de son école, Maxime-Henriet de Clichy-sous-Bois, pendant la classe, le 16 novembre 1995. Poursuivie, l’institutrice a été relaxée en première instance puis par la Cour d’Appel de Paris, le 24 janvier 2002. Magali Duwelz, la mère de Benjamin, a décidé de réagir en créant l'association SOS Benjamin. Elle explique à Doctissimo cette situation tragique : « Le jeu du foulard est un étranglement, soit par un autre enfant, soit seul avec des accessoires. Il s'agit d'une sorte de drogue qui ne coûte pas cher, certains enfants vont rechercher les hallucinations, d'autres un plaisir physique… Quand ils ne sont pas simplement poussés par leurs camarades : « t'es pas cap ». Et ils ne se rendent pas compte des dangers qu'ils courent : il suffit que le cerveau reste plus d'une minute sans oxygène pour risquer l'arrêt cardiaque. Le principe évolue encore, et aujourd'hui apparaissent des « sessions », où les jeunes vont pratiquer plusieurs jeux violents : jeu du foulard, autoroute, carte à puce ».
Aux États-Unis, selon le Dr Tom Andrew, médecin-légiste en chef de l'État du New Hampshire (nord-est), qui étudie le phénomène depuis des années, il est probable que le « jeu du foulard » coûte la vie à une centaine de jeunes Américains par an. Il a expliqué que nombre des légistes classent le décès en suicide parce qu'ils n'ont pas le temps ou les moyens d'interroger les amis de la victime et de chercher d'autres explications.
En décembre 2000, monsieur Jean-Michel Croissandeau, chargé d’une mission d’inspection générale, était désigné par le ministre de l'Éducation française pour effectuer une mission sur une « pratique détestable », communément appelée « le jeu du foulard ». Un rapport d’étape avait été remis au ministre le 20 décembre 2001. Toujours d’actualité, le rapport avait identifié trois profils d’adolescents qui pourraient s’adonner à cette pratique dangereuse.
Les occasionnels
« On recherchait une grande découverte, on testait toutes les idées nouvelles ». Comme souvent au début de l’adolescence, on est à la recherche de sensations fortes ou l’on cherche à connaître ses limites, constate le rapport Croissandeau. Les intéressés se montrent inconscients et n’éprouvent « ni gêne ni culpabilité » à en parler.
Les « réguliers », peu nombreux
Les jeunes qui s’adonnent régulièrement au jeu du foulard sont peu nombreux mais leur nombre réel est difficile à chiffrer. On peut relever deux « sous-catégories ».
Certains, déjà habitués à d’autres conduites à risques, la drogue le plus souvent, sont à la recherche de sensations. D’autres sont dans la phase de la croissance où l’on est fragile et mal dans sa peau. Ainsi de ce jeune élève de seconde qui nous a expliqué s’être fait étrangler quelque vingt-six fois, trois ans auparavant, dans une période de soucis familiaux, alors qu’il était en quatrième. Ses parents étaient en train de se séparer : « j’oubliais tout ».
Les « suicidaires » et les personnalités perturbées ou fragiles. Rares
Les enfants suicidaires qui jouent au jeu du foulard sont peu nombreux car cela ne correspond pas à leur « logique » : dans le jeu du foulard, ce n’est pas la mort qu’on recherche, c’est son contraire : le plaisir. […] Répétons-le : la pratique du jeu du foulard est avant tout un jeu dont on ne mesure pas les conséquences.
Mais, pour peu nombreux qu’ils soient parmi ceux qui pratiquent le jeu du foulard, ces jeunes suicidaires ou gravement perturbés sont d’autant plus dangereux et malsains, dans un groupe d’enfants très jeunes, qu’ils sont à la recherche de ce qui peut leur permettre d’atteindre leur objectif. Le plus souvent, sans que les copains soient informés des conséquences du jeu, qu’eux, en revanche, connaissent. Clément, élève de seconde, « garçon complètement suicidaire », selon le proviseur adjoint de son lycée, sans que les parents ni les copains ne s’en soient jamais rendus compte, « goûte à tout ce qui est interdit ». « De toute façon, c’est ma vie » répond-il.
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