En avril 2001, le représentant du Comité de candidature chinoise aux JO de 2008, avait affirmé « En confiant à Pékin l’organisation des Jeux, vous contribuerez au développement des droits humains ».
Nous sommes à moins de 170 jours du grand événement. Les Jeux olympiques 2008 de Pékin semblent aller bon train. Malgré les commentaires qui s’élèvent de plus en plus dans le monde sur la gestion qu’entend privilégier le gouvernement chinois à l’égard de cet événement international. La démission de Steven Spielberg a remis au goût du jour l’actualité sur ces jeux. Au grand déplaisir des officiels chinois. « Un grand événement sportif à caractère international comme les JO se devait d'être une occasion pour les peuples des divers pays du monde d'approfondir leur amitié. Il est par conséquent inconcevable que les Jeux soient perturbés par des « facteurs politiques », a déclaré Liu Jianchao, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine. Avant de conclure que : « l'activisme politique dans les stades va à l'encontre de l'esprit de la Charte olympique ».
Il n’en demeure pas moins que le Comité olympique chinois a, selon Associated Press, retenu les services de la firme américaine de relations publiques Hill & Knowlton. Car le même jour de la démission de Steven Spielberg, une lettre - reprenant l’essentiel des arguments du démissionnaire et signée par les lauréats du prix Nobel de la paix (Desmond Tutu, Shirin Ebadi), des athlètes et des vedettes (Mia Farrow, Emma Thomson) - était envoyée au président chinois, Hu Jintao. « En tant que partenaire politique, militaire et économique majeur du Soudan, et en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine a à la fois la possibilité et la responsabilité de contribuer à une paix juste au Darfour », écrivaient-ils notamment. « Dans la mesure où le problème du Darfour n'est pas une affaire interne à la Chine, et n'a pas été causé par la Chine, lier les deux (Darfour et JO) est irresponsable et injuste », a indiqué l'ambassade dans un communiqué repris par un journal chinois, le Global Times. Opposition maintes fois exprimée dans le passé par les autorités chinoises.
Nul doute que Hill & Knowlton sauront trouver le bon ton pour répondre à tous ces détracteurs qui gênent la progression des jeux. Réplique qui ne fera certainement allusion au fait qu’une trentaine de journalistes et une cinquantaine d'internautes demeurent emprisonnés, malgré le fait que les autorités avaient promis « une totale liberté de presse » avant et pendant les JO, comme le rapporte Reporters sans frontières. Hill & Knowlton évitera sans doute de faire allusion à cet autre fait qu'environ 180 correspondants étrangers ont été « interpellés, agressés ou menacés » dans l'Empire du Milieu en 2007.
Amnistie Internationale vient d’ajouter une note à ce concert discordant de dénonciations en publiant un rapporte dévastateur : « Droits humains en Chine - Le revers de la médaille » (Editeur : Autrement, collection « frontières »). Parce que les JO semblent favoriser un recours accru à la détention administrative, du moins à Pékin, et la poursuite de la répression – à l’encontre d’avocats et de journalistes de premier plan – Amnistie Internationale se devait de faire le point sur la « rééducation par le travail » et la « détention administrative », ainsi que sur la situation globale des défenseurs des droits humains en Chine. Amnesty International en association avec d’autres organisations, dans le cadre du « Collectif Chine JO 2008 », adresse huit revendications au gouvernement de la Chine pour que les valeurs de l’Olympisme ne se résument pas uniquement à des Jeux mais à une réelle garantie du respect des droits humains. La liste des répressions s’allonge : recours persistant à la peine de mort, à la rééducation par le travail et autres formes abusives de détention administrative, torture, harcèlement des défenseurs, censure des médias et d’internet, expulsions forcées, répression des minorités ouïghoures et tibétaines, mouvements religieux et spirituels réprimés.
En même temps que se déroulent ces manifestations contre la répression des droits de l’homme, il y a l’autre côté de la médaille. Le Comité britannique avait récemment tenté de réduire au silence les athlètes tentés par la défense des droits de l’homme, avant de faire marche. Début février, il demandait aux athlètes s’engager par écrit à « ne pas faire de commentaires sur toute question politiquement sensible ». Face à la réaction internationale qu’a suscitée une telle demande, le comité britannique a dû s’expliquer : « Nous n'avons jamais eu l'intention de restreindre la liberté d'expression des athlètes », assure aujourd'hui la porte-parole du Comité, Myriam Wilkins. « Notre intention était plutôt de rappeler les règlements de la Charte des Jeux Olympiques à nos athlètes, nombreux à participer aux Jeux pour la première fois ». Sauf que… cette interprétation n’est pas la même partout.
Comme l’indique France24, plusieurs comités - suédois, canadien, italien, tchèque - font la démarche inverse. Le Comité olympique belge a ainsi tenu à rappeler dans un communiqué de presse que « tout participant a et aura pendant les Jeux le droit de s'exprimer à titre personnel sur les questions qu'il considère comme étant importantes ». Le Comité norvégien, est allé encore plus loin en organisant des séminaires d'information pour les athlètes sur les libertés, les droits humains et la situation politique en Chine. Martin Hahfsal, son porte-parole, explique que les athlètes norvégiens « sont encouragés à faire preuve d'ouverture et à exprimer leur engagement ».
En Belgique, François Gourmet et Veerle Verghaere, respectivement deuxième décathlonien et championne du 3000m steeple, se sont engagés en faveurs des droits de l’homme à l'invitation des partis écologistes belges. Les Verts flamands et francophones, accompagnés de leur section jeune, écolo-J et Jong Groen !, ont, au début de février, mené une action devant les bâtiments du Comité Olympique et Interfédéral belge (COIB) à Bruxelles. Une délégation verte a remis en mains propres une série de revendications aux représentants du COIB, pour des jeux plus propres et plus verts. Selon les Verts, en plus de s’engager pour les droits de l’homme, la Chine avait également promis d’organiser des Jeux « verts », mais la pollution atmosphérique au-dessus de Pékin est et reste épouvantable. 80% de l’énergie consommée en Chine reste produite par des centrales à charbon particulièrement polluantes.
Dans leur démarche, les Verts notent avec satisfaction que le Conseil d’Administration du Comité Olympique et Interfédéral belge (COIB) a décidé d’autoriser les athlètes belges à s’exprimer publiquement sur la situation en matière de respect des droits de l’Homme en Chine. Mais déplorent un certain interdit entourant les athlètes : « Nous apprécions ce premier pas dans la bonne direction, mais nous regrettons aussi que les athlètes soient interdits de parole dans le cadre officiel des Jeux (stades et villages olympiques). Le COIB se réfère à la Charte Olympique, mais celle-ci fait uniquement référence à des opinions de nature politique, alors qu’un appel général au respect des droits de l’Homme dépasse largement le cadre politique », ont déclaré Les Verts dans leur communiqué.
Pendant ce temps, à Beijing
Dans un très officiel communiqué, le même ministère des Affaires étrangères informe la presse mondiale, que : « Beijing est en train de redoubler d'efforts pour régler ses problèmes d'environnement et de circulation afin de pouvoir fournir un environnement agréable à tous les participants aux Jeux olympiques de 2008 ». « Le peuple chinois tout entier, et surtout les Pékinois, accueillera à bras ouverts les entraîneurs, les sportifs et les spectateurs venus des divers pays du monde », a-t-il ajouté
Le peuple tout entier? En janvier dernier, Le Beijing Morning Post annonçait que la ville de Pékin entendait nettoyer ses quartiers et les rues de ces « traîne-la-patte » qui font déshonneur et qui font désordre : « des patrouilles traqueront donc 24 heures sur 24 heures non seulement les mendiants, mais aussi les trafiquants de toutes sortes, les distributeurs de publicités et les conducteurs de tricycles illégaux ». Il fallait sans doute s’y attendre : la place Tiananmen sera particulièrement ciblée par ces rafles policières.
Vidéo : Amnistie Internationale - Signatures