« J’ai des objectifs, je les mets en œuvre, avec conviction », déclare le Premier ministre, François Fillion, des Antilles, lors de son déplacement à Basse-Terre, en Guadeloupe, pendant que le Chef de l’État, pour sa part, est en visite privée en Jordanie. Après Louxor, c’est au tour des touristes présents samedi, à Petra, en Jordanie, d’assister au barnum médiatique du chef de l’État. Donc, disions-nous, l’un de ces objectifs est d’évaluer, selon les mots même de monsieur Fillion, « une politique ». Il n’est donc pas question de céder à la rumeur publique qui voulait que les ministres du gouvernement soient, toutes et tous, l’objet d’une « évaluation » du type entreprise. Dans l’esprit de la rupture, il faut maintenant faire place aux outils modernes de gestion : « On a pris des engagements, on les a chiffrés, on a transmis à chaque ministre des lettres de mission précises, et maintenant ce qu’on veut faire, avec l’administration et avec le conseil d’un cabinet privé, c’est utiliser des méthodes modernes que l’administration n’utilisait pas jusqu’à maintenant ».
Mais attention, prévient monsieur Fillion, en rectifiant le tir : « Il ne s’agit évidemment pas de noter les ministres, on n’est pas à l’école. Il s’agit de noter les politiques pour, le cas échéant, redresser la situation quand une action, un engagement n’est pas tenu ». Et il précise : « On veut évaluer ces politiques, c’est-à-dire voir mois après mois où on en est par rapport aux objectifs qu’on s’est fixés ».
C’est en chef d’équipe qu’il a justifié la démarche de l’évaluation des ministres et du recours pour ce faire à un cabinet privé – « des méthodes modernes que l’administration n’utilisait pas jusqu’à maintenant ». Mais attention, les ministres les moins performants, a-t-il promis, ne doivent pour autant pas craindre pour leurs portefeuilles. Leur « carnet de notes » ne sera pas rendu public.
Pour illustrer son propos, le Premier ministre a cité, en exemple, les chiffres de la délinquance que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, publiait tous les mois, des indicateurs de progression de la politique gouvernementale. Mais le Premier ministre sera-t-il, lui-même, évalué : « l’action du Premier ministre, c’est l’action du gouvernement, et donc l’action du Premier ministre, c’est la somme de l’action de tous les ministres », a répondu François Fillion. En ce qui concerne le Chef de l’État : « il est évalué tous les jours par la presse et les Français ».
La presse belge s’en est bien amusée : « Désormais, chaque ministre va recevoir son bulletin de notes. Il y aura les bons élèves du Gouvernement français, et les bonnets d’âne. Les mauvais élèves devront rendre compte de leur inefficacité. Le Premier ministre François Fillon va ainsi se transformer en maître d’école. Il doit commenter les bulletins de notes ». Deux exemples sont mis de l’avant : « La feuille d’évaluation du ministre de l’immigration, Brice Hortefeux doit estimer le nombre d’expulsions de sans-papiers. Autre exemple, la ministre de la Culture, Christine Albanel sera jugée sur l’évolution de la fréquentation des musées gratuits ». Force est de reconnaître que la RTBF n’avait pas pris connaissance des récentes déclarations de monsieur Fillion, directement des Antilles : « Si François Fillon a lui déjà reçu l’assurance de garder son poste, d’autres sont par contre sur un siège éjectable… »
Toutes les prédictions vont bon train. Selon le quotidien « Le Monde », « 30 critères chiffrés de performance » auraient été adoptés pour chacun des ministres. On ajouterait au ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, une note sur le nombre d’étrangers en situation irrégulière expulsés et sur celui des étrangers admis au titre de l’immigration de travail. Quant à Valérie Pécresse, en charge de l’Enseignement supérieur, elle devrait par exemple répondre du nombre d’universités qui seront devenues autonomes et du nombre d’étudiants concernés. Cet outil d’évaluation « ministère par ministère », présenté par François Fillon, entre en vigueur « tout de suite », a insisté Laurent Wauquiez, le porte-parole du gouvernement. « La politique est un domaine comme les autres, qui doit rendre des comptes à nos concitoyens ».
Nicolas Sarkozy a un peu triché, se compromettant déjà en décernant des bons points à François Fillon et à Bernard Kouchner, symbole de l’ouverture.
Il y a bien eu quelques commentaires entendus par çi et par là, comme cette réaction de monsieur Julien Dray, député de l’Essonne (PS), qui note dans son communiqué que « le seul qui échappe à la notation est Nicolas Sarkozy ». Il poursuit en conseillant au « président de la République de faire évaluer l’action gouvernementale en fonction » de ses promesses et « des vraies attentes des Français, en matière notamment de pouvoir d’achat, d’emploi et de croissance ». Madame Aurélie Filippetti, députée de Moselle et porte-parole du groupe PS à l’Assemblée nationale, juge, pour sa part, que cette initiative est « grotesque ». Elle dénonce la volonté du gouvernement de vouloir « réaliser un coup de communication en faisant miroiter aux Français l’image d’un gouvernement actif, seulement mobilisé sur les résultats ».
Madame Christine Boutin, la ministre du Logement et de la Ville qui a occupé en décembre l’avant-scène de l’actualité, au point d’éclipser le Chef de l’État dans les UNES de la presse, a semble-t-il découvert l’évaluation ce jeudi. « Je ne savais pas que j’allais être évaluée, je l’ai appris à la sortie du conseil » des ministres. Puis, elle a pris ses distances par rapport à cette initiative : « que tous les hommes et les femmes qui cherchent à se loger puissent le faire le plus rapidement possible, c’est le critère principal que je me donne pour m’évaluer moi-même ».
Il semble que beaucoup de ministres, dans ce gouvernement, prennent leur distance. Comme l’indique ce blogueur : « une ministre qui ne semble plus avoir la cote au sein de son gouvernement, c’est Fadela AMARA. Mise en cause pour ses prises de position très critiques sur les tests ADN, et sa réaction tardive lors des émeutes de VILLIERS LE BEL, l’ex-présidente des NI PUTES NI SOUMISES rompt une nouvelle fois la discipline gouvernementale, affirmant qu’elle “ne votera pas pour Nicolas SARKOZY en 2012″. “Assaisonnant” dans la même interview la direction du PS, le nom de Fadela AMARA semble néanmoins circuler parmi sur les listes des ministres potentiellement “largués” au prochain remaniement. Inutile de préciser que l’annonce de son “plan banlieue” le 22 janvier prochain constituera pour la Secrétaire d’État une véritable “épreuve du feu”, car personne ne lui fera de cadeaux ».
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