« Je pense que les États-Unis s’acheminent vers le fascisme, c’est d’ailleurs la tendance des 100 dernières années ». Cette déclaration plutôt surprenante vient d’un candidat aux élections américaines de 2008 qui sort un peu des sentiers battus. Et ce candidat poursuit : « Les États-Unis progressent vers une forme douce de fascisme qui se traduit par une violation des droits civils et la domination du complexe militaro-industriel ».
Ces déclarations, reprises par Ria Novosti, viennent de l’ancien membre du Congrès américain et candidat à l’investiture républicaine, Ron Paul, à la chaîne de télévision NBC. Et Ron Paul en remet : « Nous n’avançons pas vers un fascisme de type hitlérien, mais vers sa forme plus édulcorée qui se traduit par la perte de libertés civiles et par la domination des grandes sociétés… Le gouvernement fait lit commun avec le grand business ».
Il n’appartient à aucune des deux grandes idéologies américaines, démocrate ou républicaine. Candidat républicain atypique, farouchement opposé à la guerre en Irak, l’obstétricien septuagénaire du Texas, Ron Paul, affirme s’inspirer de Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis (1801-1809) et décrit par ses adversaires politiques comme un athée, écrit Roland Lloyd Parry de France Presse. Thomas Jefferson qui écrivait : « Never was so much false arithmetic employed on any subject as that which has been employed to persuade nations that it is in their interests to go to war ». Ron Paul est le seul élu au Congrès à avoir systématiquement voté contre l’intervention militaire en Irak et contre les législations anti-terroristes qui ont suivi l’attentat du 11 septembre 2001. Il a la réputation d’être un constitutionnaliste attaché à la responsabilité individuelle, favorable à un gouvernement fédéral limité et à une politique étrangère non-interventionniste. Sa vision des Affaires étrangères américaines est entièrement consignée dans un bouquin qu’il a signé : « A Foreign Policy of Freedom » ou dans ce billet dans lequel il affirme : « Noninterventionism is not isolationism. Nonintervention simply means America does not interfere militarily, financially, or covertly in the internal affairs of other nations. It does not mean that we isolate ourselves; on the contrary, our founders advocated open trade, travel, communication, and diplomacy with other nations ».
Pour Michael Shermer, un athée militant, rédacteur en chef de la revue Skeptic (sceptique) : « Les athées et les agnostiques trouvent tous les candidats désespérément attachés à la religion. Dans l’élection présidentielle à venir, il n’y a aucun candidat pour lequel un athée aurait envie de voter. Il pourrait y avoir à la rigueur Ron Paul parce que c’est un libertarien (conservateur libertaire) et qu’il soutient fermement la séparation de l’Église et de l’État ».
Chaque année, Google dresse un palmarès des recherches les plus populaires. Cette année aura été celle de l’iPhone, des réseaux sociaux, d’American Idol et de Ron Paul. Le candidat indépendant voulait 12 millions de $ au 31 décembre 2007 pour lancer sa campagne de 2008. Selon un communiqué de presse, émis le 1er janvier, il aurait atteint 20 millions de $. Fait assez singulier, le site Internet de Ron Paul a reçu, en un seul jour, 6,026 millions de dollars en dons, soit le 16 décembre dernier. 58 000 personnes ont contribué à cette levée de fond dans la journée, dont 24 940 nouveaux donateurs. Ron Paul avait atteint un précédent record de dons, reçus par Internet, qui s’élevait à 4,2 millions de $, le 5 novembre 2007 dernier.
Un blog français est entièrement voué à la campagne présidentielle de Ron Paul. Même au Québec, Ron Paul trouve ses aficionados qui gèrent un blog étant entièrement consacré à ses écrits. Et pour rejoindre davantage les jeunes électeurs, Ron Paul est présent sur MySpace. Et pourquoi, au point où nous en sommes, un quizz pour tester vos connaissances sur les différents candidats aux présidentielles américaines de 2008 ? Le New York Times consacre un article sur le phénomène Ron Paul dans la blogosphère. CNN s’intéresse également de près au candidat libertarien.
Comme l’indique le blog Netpolitique : « En tête des charts sur YouTube devant tous les autres candidats, recordman du nombre d’amis sur Facebook chez les républicains et poids lourd incontesté des supporters inscrits sur Meetup (rappelez-vous, la plateforme qui avait permis à Howard Dean de fédérer ses soutiens), Ron Paul fait feu de tout bois sur le web. Son site, ou plutôt son “hub” (trad. : node, noeud de réseau) comme il l’appelle, offre toute la panoplie 2.0 et plus encore. Ses supporters, hyperactifs sur la Toile, prennent d’assaut tous les forums et fils de commentaires des journaux et médias sociaux pour faire monter la mayonnaise, mais rien n’y fait ou presque. Lorsque le Wall Street Journal daigne enfin parler de l’habileté du candidat sur le Net, des centaines de commentaires pleuvent à la suite de l’article pour expliquer qu’internet n’est qu’un canal par lequel transite le message du candidat, mais qu’il s’agit du seul canal disponible au regard de la surdité volontaire des grands médias ». L’animateur américain, Bob Schieffer, a dû admettre qu’il n’avait jamais pris le candidat Ron Paul au sérieux jusqu’à ce que ce dernier soit invité à son émission, Face the Nation, diffusée le 11 novembre dernier, sur CBS.
Ron Paul est bien évidemment sous haute surveillance. Ses ennemis sont légion. Il s’en trouve pour scruter faits et gestes, en plus de ses déclarations, à la loupe. C’est le cas du blog The Edge of the American West, géré par Eric Rauchway et Ari Kelman, qui a passé en revue une entrevue que donnait Ron Paul à Meet the Press, animé par Tim Russert. Ron Paul y a discuté d’Abraham Lincoln, d’esclavagisme, de Guerre de Sécession. Ron Paul a osé soutenir que la guerre civile a été un mauvais choix et que l’esclavagisme aurait pu être aboli autrement que par la guerre. À lire.
En entrevue à NBC, citée en début de rubrique, Ron Paul, par ses déclarations, plaît bien aux « amis de l’Amérique », à ceux ou celles qui voient dans l’Amérique le « mesquin gendarme du monde » : « Vous avez un complexe militaro-industriel, un complexe médico-industriel, une industrie de la finance et une industrie de communication. Ils viennent à Washington avec des centaines de millions de dollars. C’est une forme de contrôle, un contrôle que je qualifie de forme douce, mais redoutable, de fascisme ». Le seul problème est que, selon les derniers sondages d’opinion, M. Paul est soutenu par moins de 10% de l’électorat.
Video - Meet The Press. Pour voir la suite, rendez-vous ici