Le réseau CNN l’a annoncé : Barack Obama l’emporte dans l’Iowa, devant sa rivale, Hillary Clinton. Du côté républicain, l’ex-gouverneur de l’Arkansas et pasteur baptiste pendant 20 ans, Mike Huckabee, sort vainqueur de la course, laissant derrière Mitt Romney, richissime homme d’affaires mormon. Sur Fox News, Mitt Romney a donné rendez-vous à son rival dans le New Hampshire. Obama et Huckabee vainqueurs, nous en avions déjà parlé.

Résultats prévisibles pour les uns, surprenants pour les autres. Une fois que les analyses auront été passées au crible, il restera que les présidentielles américaines de 2008 se dérouleront dans un cadre économique plutôt morose. Les prêts hypothécaires sont largement en cause de cette récession appréhendée. L’économie américaine souffre à tous les niveaux d’un pétrole cher : à la fois du côté des entreprises, qui voient grimper les coûts de transport, et du côté des consommateurs, qui prennent de plein fouet la hausse des prix de l’essence et celle du fuel de chauffage. Les ménages les plus modestes, ceux qui dépensent l’intégralité de leur paie, sont généralement les premiers à pâtir de la situation. Les répercussions sur l’économie sont directes, car la consommation est de loin le premier moteur de la croissance américaine.

Vers qui se tourneront les milieux d’affaires américains dans le cadre de la course présidentielle 2008 ? Selon Donald Cuccioletta, spécialiste de la politique américaine, « depuis monsieur Bush, c’est la catastrophe totale. La politique étrangère a eu un effet négatif sur les affaires internationales américaines. Donc, effectivement, de plus en plus, on regarde du côté démocrate ». Historiquement, le milieu des affaires américain est plus près du Parti républicain que du Parti démocrate, mais les choses ont tendance à changer depuis quelques années. L’Iowa en est peut-être un signe avant-coureur. Les années d’élection présidentielle sont habituellement positives pour les bourses américaines, mais 2008 pourrait faire mentir la tradition. « 2008 va être un peu différente, dans le contexte ou l’économie américaine est sur le point d’entrer dans une récession. Il y a un ralentissement économique de façon significative, dû à la crise financière de l’immobilier et des hypothèques aux États-Unis », estime Roland Marchand, courtier chez Bear Stearns à New York. La santé de l’emploi, de loin avec la consommation l’un des poumons de la croissance, est suivie de près par la Banque centrale américaine (Fed), qui doit examiner le niveau de son taux directeur fin janvier.

Le secteur manufacturier américain a connu un recul inattendu en décembre, mettant fin à 10 mois consécutifs de croissance. Ce recul dans le secteur manufacturier pourrait indiquer que l’économie américaine faiblit plus rapidement que ce que certains économistes avaient anticipé. Même si les dépenses américaines dans le domaine de la construction se sont légèrement améliorées en novembre, en raison d’une augmentation des investissements des entreprises et gouvernements, ce sont les données liées à la fabrication manufacturière qui indiquent le plus clairement la direction dans laquelle s’engage l’économie.

Un emprunteur est réputé être en défaut lorsqu’il est débiteur 30 jours ou plus après une échéance. Dans l’immobilier, en décembre, Mortgage Bankers Association révélait que les saisies ont bondi à un niveau record et que plus de propriétaires étaient en retard de paiement, au 30 septembre dernier. La chute de la valeur marchande des propriétés a aussi laissé certains emprunteurs avec un solde sur hypothèque plus élevé que ce que vaut leur maison.

L’American Bankers Association indique, à son tour, que les prêts, liés directement au marché de l’habitation, sont les plus affectés. L’organisme s’attend à ce qu’au dernier trimestre de 2007, les taux de retard vont continuer de grimper pour ce type de prêts, reflétant la faiblesse du secteur. Le taux de retard sur un éventail type de prêts à la consommation a atteint 2,44%, résultat sensiblement plus élevé que celui de 2,27%, observé au 30 juin. Il est également le plus élevé depuis le deuxième trimestre de 2001 quand l’économie aux États-Unis était officiellement en récession.

L’incertitude entourant la conjoncture américaine, le risque non écarté de récession et la perspective de baisse des taux d’intérêt ont une influence directe sur la baisse le dollar sur le marché des changes. La crainte des économistes est que le durcissement du crédit et la perte de richesse immobilière des ménages pèsent sur leur consommation. La saison des fêtes de fin d’année risque déjà de se finir par un bilan en demi-teinte. « La tendance récente a été au ralentissement de la croissance, mais décembre a visiblement été un mois très difficile (pour l’industrie) avec des indices en dessous de la barre de 50% pour les commandes, la production et l’emploi » souligne Norbert Ore, président du groupement national des directeurs d’achats des entreprises du secteur (ISM). L’indice indique, pour un sixième mois consécutif, une baisse, ce qui n’était pas arrivé depuis 2000 et il se situe désormais à son plus bas niveau depuis avril 2003.

La flambée des cours du pétrole tombe particulièrement mal pour une économie américaine déjà fragilisée par la crise de l’immobilier et où se multiplient les signes annonciateurs d’une récession. Le 2 janvier à mi-séance sur le marché des matières premières, à New York (Nymex), le cours du baril de brut léger est monté pile au prix de 100,00 dollars (67,8 €) avant de clôturer à 99,48 dollars, dans un volume d’échanges en ce tout début d’année encore restreint. À Londres, le cours du brut de mer du Nord avait atteint le même jour le record absolu de 98 dollars. Le jour même où les cours du pétrole franchissaient la barre des 100 dollars le baril à New York, des statistiques montraient que l’activité industrielle aux États-Unis avait reculé en décembre après dix mois de hausse.

« La chute de l’immobilier, la baisse de la production automobile, les prix record du pétrole et la crise du crédit sont assez de chocs pour provoquer l’arrêt de n’importe quel cycle économique », convient Daniel Meckstroth, chef économiste de l’Alliance des industriels MAPI. La crise des « subprimes » menace désormais de se muer en crise économique généralisée. Selon David Naudé, économiste senior à la Deutsche Bank, interrogé par le quotidien Le Monde : « Cette crise est sévère. Aux États-Unis comme en Europe, la plupart des économistes estiment qu’elle est encore plus sérieuse que le krach de 1987, que la crise de 1994-1995 ou que celle de 1997-1998 ». Selon le spécialiste : « La situation actuelle est très contrastée. La sphère financière est touchée mais le reste de l’économie tient. La croissance est restée robuste aux États-Unis. En Europe les chiffres ont été étonnants. En outre les entreprises sont encore en bonne santé, peu endettées et profitables. C’est un contexte très différent de celui de 2001 qui explique en partie la bonne tenue des bourses mondiales ».

« En dépit de leurs emprunts massifs ces dernières années, les États-Unis ont financé leur important déficit courant sans que les investisseurs étrangers n’accumulent des avoirs américains de façon inhabituelle », écrit la banque de réserve de New York, qui sert d’interface entre la Fed et les marchés. Les États-Unis ont jusqu’à présent pu maintenir un gros déficit courant grâce à la mondialisation rapide des investissements, mais « un renversement de cette tendance pourrait coûter cher à l’économie ou au dollar », a averti jeudi la banque centrale américaine (Fed).

Et pour l’avenir ? LaPresseAffaires.com a rencontré le spécialiste, cité au début de cet article, Donald Cuccioletta, en vue des primaires américaines en Iowa. Selon ce dernier : « Depuis la venue de Bill Clinton, le parti démocrate est plutôt de centre-droit. Les gens de Wall Street ne fuient plus les démocrates. Avec la politique économique désastreuse de George W. Bush, la communauté d’affaires se posent de plus en plus de questions concernant les républicains ». Selon Cuccioletta, pour les républicains, difficile de faire référence à la politique économique de Bush qui a été catastrophique. « La richesse ne se répand pas, la pauvreté a augmenté, la dette est énorme et le coût de l’éducation augmente. Bush a été incapable de régler ces problèmes lors de son mandat », explique Donald Cuccioletta.

Quel serait le candidat idéal, selon Donald Cuccioletta ? « Barack Obama me semble le moins précis. Il a certes une image de changement, mais il ne semble pas capable de chiffrer ces changements. Du côté d’Hillary Clinton, c’est plus clair. Elle est l’adepte de la politique des petits pas comme son mari. Elle a été huit ans à Washington et autant à New York, elle a ses entrées à Wall Street. Elle pourrait très bien faire une excellente « pdg » de son pays ». Il faudra voir maintenant si la tendance, en faveur d’Obama, se maintiendra au New Hampshire, le 8 janvier prochain, et au cours de la grande consultation du 5 février dans une vingtaine d’États, dont la Californie et New York. Il y aura encore 29 primaires et caucus, à venir, à travers l’Amérique.

Et du côté républicain ? « Mike Huckabee, sans connaître les chiffres exacts, a un bilan économique pas tellement reluisant en Arkansas. Ni Giuliani, qui est plus à l’aise dans le politique, ni John McCain, qui est un libertarien reconnu, ne sont éloquents en économie. Le meilleur sur cette question serait plutôt Mitt Romney qui est un républicain plus progressiste. Il a abaissé la dette du Massachusetts, a favorisé l’entreprise privée, il a fait un excellent travail. Il est le plus apte sur les questions économiques », explique Donald Cuccioletta. Encore une fois, l’Iowa a fait mentir les prévisions de Donald Cuccioletta. Mais il faudra attendre le New Hampshire pour déceler une réelle tendance en faveur de l’un ou en défaveur de l’autre.

(Sources : Agence France Presse, Associated Press, CNN, Cyberpresse)

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