Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui comptent environ 17 000 combattants et luttent contre l’État colombien depuis plus de quarante ans, détiennent plus de 3000 otages. Après six ans de captivité et d’attente, pour Clara Rojas et Consuelo Gonzalez, les deux ressortissantes colombiennes ont retrouvé la liberté avant de rejoindre le Venezuela par hélicoptère pour y retrouver leurs proches. « J’ai parlé directement au téléphone avec Clara et Consuelo », a déclaré Hugo Chavez. « Le Venezuela continuera à ouvrir la voie pour la paix en Colombie. Nous sommes prêts, et en contact avec les FARC (…). Nous espérons que le gouvernement colombien comprendra », n’a pu s’empêcher d’ajouter le victorieux président vénézuélien. « El mandatario reconoció la eficacia de la gestión de Hugo Chávez para la liberación de las dos secuestrada e invitó a las Farc a considerar una negociación sencilla, ágil y de buena fe », a déclaré le président Álvaro Uribe, de Colombie. « Je dois reconnaître que le processus avancé par le président Chavez, qui a obtenu la libération unilatérale et inconditionnelle de nos compatriotes, a été efficace ». Il a également exprimé : « … sa gratitude envers le président de la République sœur bolivarienne du Venezuela, Hugo Chavez, pour son effort et son efficacité, pour la libération de nos compatriotes Clara Rojas et Consuelo Gonzalez ».

Le ministre vénézuélien de l’Intérieur, Ramon Rodriguez Chacin, accompagné de l’ambassadeur cubain au Venezuela, German Sanchez, et des représentants du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ont été cueillir les deux otages dans les jungles du pays. Clara Rojas a révélé que Consuelo Gonzalez et elle-même ont marché pendant 20 jours sans faire de pause. « Nous étions épuisées et n’avons pas bien dormi », a-t-elle dit. Aussitôt libérées, la question s’est immédiatement imposée. Ingrid Betancourt ? « Je ne sais plus rien sur Ingrid depuis trois ans », a répondu Clara Rojas, principale collaboratrice de l’ancienne candidate à la présidence colombienne avec qui elle avait été capturée le 23 février 2002. Les guérilleros l’ont séparée de l’otage franco-colombienne pour des raisons de sécurité.

« C’est une partie d’Ingrid qui se libère aujourd’hui », a commenté l’ex-mari d’Ingrid Betancourt, Fabrice Delloye. La famille Betancourt s’est réjouie de ces deux libérations, en espérant qu’elle ouvre maintenant la voie à celle d’Ingrid. « C’est une formidable nouvelle, c’est extraordinaire », a déclaré Fabrice Delloye. « D’abord, parce que le ton entre le président Chavez et le président (colombien Alvaro) Uribe s’est considérablement adouci. Ensuite parce que les FARC avaient dit qu’ils allaient les libérer et c’est fait ». Selon lui, la méthode Chavez « paie ». Fabrice Delloye croit que, maintenant, « il faut travailler à fond pour que les autres otages reviennent. Ingrid, il faut se dépêcher pour elle parce qu’elle n’est pas en bonne santé », a-t-il expliqué, invitant le président français Nicolas Sarkozy et le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva à « mettre tout en œuvre pour convaincre à la fois les FARC et le président Chavez et le président Uribe, qu’il faut maintenant mettre le paquet » pour que cela se réalise rapidement.

Pour simple rappel, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) avaient promis de libérer les trois otages, Clara, Consuelo et l’enfant, et de les remettre à M. Chavez. Mais l’opération avait échoué notamment parce que la guérilla ne détenait plus Emmanuel, fils de Clara, qui avait été confié en secret dès 2005 à une famille d’accueil sous un faux nom. Pour Clara Rojas et Consuelo Gonzalez, la libération est chose faite. « C’est le plus grand miracle que Dieu pouvait m’offrir », a confié Clara Gonzalez, la mère de Clara, qui se trouve à Caracas depuis fin décembre. Les Farc se disent prêtes maintenant à libérer 43 autres otages, dont Ingrid Betancourt et trois Américains, contre la libération de 500 de leurs militants emprisonnés. Le président Uribe a invité les Farc « à considérer une négociation simple, vive, de bonne foi, qui serait entourée de garanties démocratiques ». « Le gouvernement colombien », a-t-il toutefois dit, « continuera à chercher la défaite des rebelles marxistes ». « Nous n’avons pas gagné cette bataille contre le terrorisme, mais nous allons la gagner », a-t-il poursuivi.

Depuis leur libération, des informations circulent sur les conditions de détention des otages dans la jungle colombienne. « Les hommes ont des chaînes au cou en permanence. Ils se baignent avec, quoiqu’ils fassent ils ont les chaînes, et la nuit, peut-être pour des raisons de sécurité, ils les attachent à un arbre au bout de chaque lit », a raconté Consuelo Gonzalez à la radio colombienne depuis Caracas. « Les femmes détenues ne sont pas soumises au même régime », une pratique qui avait déjà été révélée en 2003 dans une vidéo du journaliste Jorge Enrique Botero. Mme Gonzalez a demandé aux Colombiens de faire « quelque chose » pour la libération des autres otages. A propos de ces huit autres otages détenus à ses côtés, Mme Gonzalez a dit qu’ils sont « très épuisés physiquement, avec d’importants problèmes de santé (…) il n’y a pas de soins médicaux, il n’y a aucune liberté », a-t-elle dit.

À propos d’Emmanuel, les Farc avaient confirmé, à l’issue d’une tentative avortée de libération, avoir pris la décision de confier le bébé de trois mois, souffrant de fortes fièvres, à deux guérilleros en uniforme pour qu’il soit remis, en janvier 2005, aux habitants du village isolé d’El Retorno (sud-est), eux-mêmes surpris par l’arrivée de cet « enfant sauvage » aux cheveux longs et à la santé si fragile. Cela, selon les FARC, pour protéger le petit Emmanuel, souffrant de leishmaniose, de fortes coliques et d’un bras cassé, alors qu’ils devaient évacuer à la hâte leurs otages des camps bombardés par l’armée.

Clara Rojas a précisé n’avoir vécu avec son fils, Emmanuel, que les huit premiers mois de sa vie seulement et que son désir était de le revoir. Dans son interview, Clara Rojas parle de la naissance de son fils, Emmanuel, le 16 avril 2004 par césarienne, ce qui l’a immobilisée pendant 40 jours, alors que les combats visant les Farc étaient intenses. Elle a par ailleurs indiqué que l’enfant a souffert d’une fracture du bras au moment de l’accouchement. « Cela a été très dur, mais je suis en vie pour lui et j’espère que lui aussi. Il a montré être un enfant très courageux », a-t-elle déclaré, en ajoutant : « Ingrid lui a fabriqué ses premiers vêtements (…) Je garde ces souvenirs car je veux les montrer à ma mère et les partager avec Yolanda (la mère d’Ingrid Betancourt) ».

Les guérilleros ont, selon Clara Rojas, remis des preuves de vie de huit otages, qu’ils détiennent, au ministre vénézuélien de l’Intérieur, Ramon Rodriguez Chacin. « Nous étions au total un groupe de 10 personnes autorisées à fournir des preuves de vie. Et les commandants guérilleros les ont remises ce matin au représentant du président vénézuélien Hugo Chavez », a précisé Clara Rojas. Les personnes dont les preuves de vie ont été remises sont les ex-parlementaires Luis Eduardo Gechem, Gloria Polanco et Orlando Beltran, l’ancien gouverneur du département du Meta, Alan Jara, et quatre membres de l’armée et de la police.

Tout en saluant cette libération de deux de ces dix otages, le président Álvaro Uribe a tout de même souligné que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) gardent toujours en captivité 750 personnes, dont 44 seulement pourraient faire l’objet d’un échange. Les FARC détiennent, en effet, quelque 46 otages de « premier plan », dont trois ressortissants américains et Ingrid Betancourt, et espèrent les échanger contre des centaines de guérilleros emprisonnés.

L’Argentine n’est pas restée muette sur cette libération. « Maintenant nous voulons aller chercher Ingrid et le reste (des otages), et l’Argentine tend une main solidaire, comme il se doit dans ce genre de situations », a déclaré la présidente Cristina Kirchner, dans un discours à Buenos Aires. « La France se réjouit profondément de la libération des deux otages détenues par les Farc » a, pour sa part, déclaré Nicolas Sarkozy. « Depuis quelques mois, la mobilisation de la France est intense. Elle nous a permis d’obtenir des preuves de vie (d’Ingrid Betancourt), la mobilisation de tout le continent sud-américain », a poursuivi le chef de l’État. Selon le Département fédéral des affaires étrangères suisse (DFAE), « la Suisse remercie le président de la Colombie, Alvaro Uribe, et le président du Venezuela, Hugo Chavez, de leur collaboration. En même temps, la Suisse salue ce geste des FARC. C’est un premier pas indispensable. La libération de tous les otages est urgente et reste une priorité. La Suisse continuera de s’engager, aux côtés de l’Espagne et de la France, pour une solution humanitaire à la question des otages ». Dans un communiqué, l’Association Loire pour la Libération des Otages en Colombie souhaite « transmettre à Clara toute la sympathie des nombreuses communes, villes et régions qui ont décidé de la nommer, tout comme Ingrid, Citoyenne d’Honneur afin de marquer leur soutien à nos efforts. (32 communes dans la Loire) ».

Washington, pour sa part, a reconnu à contrecœur le rôle joué par Chavez et ne semble pas disposé à demander directement son aide pour récupérer trois Américains encore aux mains des rebelles dans la jungle colombienne. Tom Casey, porte-parole du département d’État, a salué les libérations mais a, tout juste, cité le nom du président vénézuélien, qui ne manque aucune occasion de critiquer les États-Unis. Casey a, au contraire, souligné le rôle du gouvernement colombien, allié de Washington. Prié de dire si Washington voulait collaborer avec Chavez pour obtenir la libération des otages américains, il a simplement répondu : « Nous continuons à travailler avec le gouvernement de Colombie. Ce gouvernement et le président Uribe sont, en fin de compte, ceux qui sont responsables de ce qui peut être fait ». Thomas Howes, Marc Gonsalves (35 ans) et Keith Stansell (43 ans) étaient trois civils sous-traitants recrutés par le département de la Défense.

(Sources : Reuters, AFP, Le Monde, Cyberpresse, Presse canadienne)

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