Nicolas Sarkozy avait déclaré, la semaine dernière, qu’il souhaiterait créer une nouvelle chaîne de télévision regroupant les moyens de TV5, aussi bien que ceux de Radio France International et de France 24, une chaîne de télévision internationale d’information récemment créée et financée par la France. « Nous allons créer un label France Monde le plus rapidement possible, afin de porter une présence de la France beaucoup plus massive ». « Parlons peu, parlons bien. Il ne peut pas y avoir un France Monde qui chapeaute TV5. Ce n’est pas possible. Cela ferait de TV5 une filiale de la France, donc une voix française. Je ne peux pas concevoir ça. Ce n’est pas logique », a déclaré le numéro un de la Francophonie, Abdou Diouf.

Ces quelques phrases de Nicolas Sarkozy n’ont pas échappé aux oreilles des partenaires au sein de TV5. Le projet de réforme de l’audiovisuel extérieur français, remis récemment aux partenaires québécois, belges et suisses de TV5Monde, préconise la création d’une holding qui se nommerait « France Monde » et qui coifferait TV5Monde et la chaîne internationale d’informations en continu France 24, ainsi que la radio RFI. Ce projet a provoqué une levée de boucliers parmi les partenaires francophones de cette chaîne, qui constitue le seul réseau mondial alimenté en programmes par plusieurs chaînes européennes de langue française (France Télévisions, Arte France, RFO, RTBF pour la Belgique, TSR pour la Suisse), ainsi que le consortium de télévision Radio-Canada et Télé-Québec.

À l’extérieur de la France, sommes-nous concernés par ce vœu du président de la République ? Pas du tout.

La Belgique pourrait mettre fin à sa participation au financement de la télévision francophone TV5 Monde si celle-ci se transformait en « outil de rayonnement franco-français », a mis en garde la ministre de l’Audiovisuel en Belgique francophone. La Télévision suisse romande a menacé également de remettre en question sa participation dans la chaîne de télévision francophone TV5 si le respect de tous les partenaires n’était pas assuré du fait des réformes proposées par la France.

« Si la dimension multilatérale de TV5 n’est pas garantie, nous n’avons pas vocation à y rester », a souligné le patron de la Télévision suisse romande (TSR), Gilles Marchand, qui détient 11,11% du capital de TV5. Le projet français « risque de faire perdre à TV5 Monde sa spécificité », a déclaré pour sa part, Fadila Laanan, ministre de la Culture et de l’Audiovisuel belge. « Si TV5 devait être englouti dans une chaîne française, cela remettrait en question la participation suisse qui n’a de sens que dans une structure multilatérale », explique Gilles Marchand. Une position qui est d’ailleurs partagée par les autres partenaires à TV5 et forcerait la France à faire cavalier seul.

La TSR « ne comprendrait pas que la gouvernance de TV5Monde soit dissoute dans une holding française dominée par des préoccupations essentiellement franco-françaises », a encore relevé le communiqué de la chaîne suisse. « Nous n’avons pas d’objections à ce que des moyens soient mis en commun, mais je ne veux pas que TV5 soit transformée en outil franco-français », a expliqué la ministre de la Culture et de l’Audiovisuel belge, Mme Laanan. « Il n’y a aucune justification pour que la Belgique paie pour un outil de rayonnement franco-français. Si nous ne sommes pas entendus, il faudra revoir nos investissements, ce que nous ne souhaitons pas », a-t-elle ajouté. Fadila Laanan rappelle, une fois encore, qu’elle reste ouverte à toute proposition de dynamisation de TV5 qui serait respectueuse, d’une part, des différents pouvoirs publics partenaires, et, d’autre part, des spécificités de la chaîne : caractère francophone, international et multilatéral, indépendance rédactionnelle, etc. Cela conformément à la position unanimement adoptée lors de la réunion des ministres belge, français, suisse, québécois et canadien concernés, en novembre dernier, à Lucerne.

Le premier ministre du Québec, Jean-Charest, a dit vendredi à son homologue, François Fillon, son attachement « très très profond » à la chaîne de télévision francophone TV5, concernée par un projet de réforme de l’audiovisuel extérieur. « Peu importent les règles de la gouvernance, il faut respecter cette adhésion et le fait que TV5 c’est un projet commun de la francophonie », a déclaré le Premier ministre Charest.

La France a transmis officiellement le 11 janvier un document de travail sur la redynamisation de TV5 dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel extérieur français. « Comme pout tout projet multilatéral, nous avons engagé depuis juillet 2007 avec nos partenaires un dialogue étroit et permanent… La France enverra des délégations de haut niveau auprès de ses quatre partenaires afin de rechercher l’indispensable consensus autour de ce projet », a affirmé Mme Andréani, porte- parole du ministère français des Affaires étrangères.

Comme l’indiquait le Premier ministre du Québec Jean Charest : « TV5, pour nous, ce n’est pas juste un poste de télé, c’est également sur le plan de notre culture, sur le plan de notre vision du monde, de nos valeurs, extrêmement important ».

Nicolas Sarkozy, ne touchez pas à TV5. Point.

(Sources : AFP, Le Monde, Presse Canadienne, RTB, TSR)

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