Vient de paraître une petite nouvelle qui, mine de rien, en dit long sur le nouvel esprit de rupture de la France. L’Arabie saoudite a demandé au président français Nicolas Sarkozy de laisser sa nouvelle compagne, Carla Bruni, à la maison lorsqu’il se rendra, la semaine prochaine dans le Royaume, soit du 13 au 15 janvier 2008, a indiqué un diplomate à l’agence de presse allemande DPA. Dans les écoles et sur les lieux de travail, les hommes et les femmes ne peuvent souvent avoir des contacts directs. Encore moins partager leur couche.

Quiconque a œuvré, au sein d’un ministère des Affaires étrangères d’un pays aussi sérieux que la France, sait qu’une telle requête n’est à peu près jamais formulée parce que le pays visiteur connaît, en général, les us et coutumes du pays hôte. Par respect pour la culture islamique, un haut responsable saoudien a déclaré lundi qu’il souhaitait que le président français ne vienne pas avec sa compagne, madame Carla Bruni. Déjà en Égypte, trois parlementaires égyptiens avaient dénoncé la visite du président français parce qu’il avait partagé sa chambre avec Carla Bruni. En Égypte, pour obtenir une chambre d’hôtel, les couples égyptiens ou musulmans sont priés de présenter une attestation de mariage. Cette règle ne s’applique toutefois pas aux couples occidentaux.

Formulée ou non sous le couvert de l’anonymat, cette requête est gênante car elle découle, de la part du pays hôte, d’un constat : le comportement par trop ostentatoire du chef de l’État français. Briller dans les paillettes n’est point coutume dans les salons feutrés de la diplomatie.

Le ministère des Affaires étrangères de France n’est pas sans connaître la stricte interprétation de la loi islamique, appliquée en Arabie saoudite, qui veut qu’un homme et une femme, qui ne sont pas mariés ou qui n’appartiennent pas à la même famille, ne peuvent circuler publiquement en touriste, et ensemble, voire même de partager la même chambre. Dans son « cahier de breffage », destiné au chef de l’État, ces règles de courtoisie sont en général indiquées afin d’éviter des situations gênantes qui pourraient compromettre, au premier chef, l’objectif même de la mission.

Autre signe d’irritation. De telles requêtes, en raison de leur caractère très privé, sont formulées en privé avec beaucoup de circonspection et en termes fort diplomatiques. Elles auraient dû être transmises – avec discrétion – au Quai d’Orsay. Elles ne sont pas étalées sur la place publique. Qu’un diplomate se soit ainsi livré à l’agence de presse allemande DPA démontre à quel point le malaise est grand. Qui plus est, sur le plan économique, la France est le 8ième fournisseur de l’Arabie Saoudite et le 2ième partenaire commercial de la France dans la région.

Nicolas Sarkozy est attendu à la fin du mois en Inde. Là également, à lire quelques dépêches journalistiques, le comportement public du chef de l’État fait beaucoup discuter et heurte des convictions religieuses. Malheureusement, celles-ci se transposent en filigrane dans les relations diplomatiques.

Nicolas Sarkozy est, pour une fois, confronté à son comportement juvénile et irrespectueux de sa fonction. Son style de vie, depuis sa séparation, peut en amuser plus d’un. Mais pour l’heure, il porte un sérieux coup à la réputation de la fonction présidentielle française. M. Sarkozy et Carla Bruni se sont rendus en Égypte et en Jordanie pendant les vacances de Noël. Même si l’Égypte a une mentalité ouverte, il y avait déjà là des interrogations sur le fait que le président français dormait avec une femme à laquelle il n’était pas marié. Un comportement aussi insensé relève de l’irresponsabilité digne d’un adolescent qui découvre les secrets de l’amour. En Inde, on ne s’en cache plus : l’éventuelle venue de Carla Bruni mettrait déjà en émoi les services du protocole, à en croire un article publié en « une » la semaine dernière par l’ « India Express ». « C’est peut-être la première fois que nous sommes confrontés à une telle situation », a confié au journal un responsable du ministère des Affaires extérieures sous couvert de l’anonymat. Les langues se délient, même sous l’anonymat.

Comme l’indique, dans le style qu’on lui connaît, le blogue Bakchich : « La visite de Nicolas Sarkozy chez les Saoudiens a été annoncée par l’ambassade de France à Riad, mais n’a curieusement pas encore été dévoilée à Paris par le porte-parole de l’Elysée, David Martinon. Bakchich s’en charge. Le ministre de la Défense, Hervé Morin, en voyage chez le Roi Abdallah, a déblayé le terrain fin octobre et lui a remis une lettre de Sarko. Au programme, la négociation probable de quelques marchés de défense. Les chefs d’État et de gouvernement ont toujours tant attendu de leurs périples en terre d’Arabie… Mais il se murmure que Sarko n’osera pas proposer aux Saoudiens les beaux Rafale français, dont l’exportation semble au point mort ».

S’agissant de cette visite en Arabie Saoudite, Nicolas Sarkozy ne manquera pas, s’il se présente seul, de susciter commentaires et plaisanteries de toutes sortes. Il l’aura tout simplement cherché. Il n’aura qu’à récolter ce qu’il a – imprudemment – distillé dans la presse dite « people ». Carla Bruni, si elle devait être présente, serait considérée comme une membre de la délégation français mais ne saurait recevoir l’accueil habituellement réservé à l’épouse d’un chef d’État.

Il convient de relire cette opinion de Laurent Greilsamer, dans le quotidien Le Monde : « Ce fameux bling-bling entend aujourd’hui caractériser une forme de tape-à-l’oeil nouveau riche. […] Le quotidien Libération s’en est ému à la « une », en titrant, il y a quelques jours : « Le président bling-bling ». […]Comment peut-on être bling-bling, semblait s’interroger notre confrère ? En quoi porter une montre de marque prestigieuse est-il contradictoire avec le fait de diriger un État ? En rien. Donc, ce qui gêne, c’est plutôt le décalage entre une fonction politique assumée et un étalage revendiqué. Ce qui gêne, c’est le fossé entre la retraite (intellectuelle, spirituelle) envisagée après la victoire présidentielle et les quelques jours de farniente finalement grappillés sur le Paloma, entre le vote des Français en faveur de la rupture, le 6 mai 2007, et la soirée du Fouquet’s. Ce qui gêne, c’est ce petit quelque chose de Berlusconi que l’on retrouve en Sarkozy. Pouvoir, fric et paillettes ».

Et force est de constater, comme le fait avec pertinence Laurent Greilsamer, que : « le président bling-bling n’en a cure. Sans complexe, sans tabou, il va. Il prend la symbolique quand elle s’impose, la repousse quand elle le gêne. Il tutoie volontiers les rois et les pêcheurs, mais recourt sans problème au vouvoiement lorsqu’il s’adresse à Dominique de Villepin. Peut-être a-t-il compris que l’on est toujours le vulgaire des autres, de même que l’on est toujours le snob ou le plouc de service de quelqu’un ».

Le Chef de l’État qui, aujourd’hui même, ce mardi, rencontrera la presse mondiale, devrait méditer cette critique. Quelle image donnera-t-il de la France et de la fonction présidentielle ? 450 journalistes de plus de 30 pays sont déjà accrédités pour cette première conférence de presse de l’année de Nicolas Sarkozy. Il entend profiter de l’occasion pour dresser un premier bilan et détailler ses projets pour la « deuxième étape » de son mandat en 2008, huit mois après son élection. Le Nouvel Obs qualifie cette rencontre de « Sarko Show » et annonce qu’il n’est pas prévu que François Fillon et les ministres soient présents.

Déjà le Nouvel Obs ne manque pas de supputer sur les sujets qui seront abordés au « Sarko Show » : « Les sujets d’interrogation ne manquent pas: les crises internationales (Liban, Syrie, Mauritanie, etc.), les municipales et un éventuel remaniement, les notes des ministres, les réformes de 2008 (35 heures, contrat de travail, réforme des retraites), son énigmatique “politique de civilisation”, ou encore sa vie privée, avec l’hypothèse d’un mariage en février avec Carla Bruni avancée par le JDD. Il est particulièrement attendu sur le bilan de ses huit premiers mois, dont les résultats se font attendre sur la croissance et le pouvoir d’achat ».

Relativement à cette baisse de popularité du Chef de l’État, dans les récents sondages, le Pemier ministre a relativisé le tout en bon philosophe : « Les sondages sont mauvais, c’est assez relatif. Parfois, on a l’impression que certains ont envie que les sondages soient mauvais. Quand on les compare à ceux de nos prédécesseurs, ils sont excellents. Ce ne sont pas les sondages qui feront le juge de paix, ce seront les électeurs dans cinq ans ».

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