Devant la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, mises en place par le gouvernement du Québec pour répondre aux expressions de mécontentement qui se sont élevées dans la population autour de ce qu'on a appelé les « accommodements raisonnables », il est souvent question de l’Islam et de la communauté musulmane. A tel point que Carmen Chouinard, du Centre islamique libanais, considère qu'il n'y avait pas de crise des accommodements au Québec et que le gouvernement a agi par opportunisme. Elle ajoute que les travaux de la Commission sont dommageables puisqu'ils alimentent le racisme et la xénophobie.
S’est-il trouvé une seule voix, dans ce fatras des porte-paroles et associations de la communauté musulmane, pour s’élever haut et fort contre le sort fait à l’enseignante britannique Gillian Gibbons, condamnée à 15 jours de prison pour avoir nommé un ourson de peluche « Mohammed » ? Le conseil des musulmans du Royaume-Uni l'a fait. En pleine consultation sur la tolérance, il ne s'est trouvé personne pour dénoncer ce geste d'intolérance d'un pays, le Soudan, à majorité musulmane.
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Chaque pas qu’un honnête citoyen fait pour se rapprocher de l’Islam et établir un meilleur canal d’échange et de compréhension, l’Islam en fait le double pour nous en éloigner. Dans un véritable esprit de révélation divine, le Saint Coran, dont il avait la mission, le Prophète Mouhamed interdisait de faire du mal aux non Musulmans et demandait aux Musulmans de bien les traiter. Il dit un jour : « Celui qui fait du mal à un Juif ou à un Chrétien trouvera en moi son adversaire au Jour du Jugement ».
Dans la mosquée de l'imam cheikh Abdel Jalil Karouri, à Khartoum, celui-ci a évoqué brièvement dans son prêche « l'affaire » : « l'enseignante de l'école privée Unity High School a agi intentionnellement ». Cette enseignante, d’origine britannique, a été jugée pour insulte à l’Islam. « Gillian Gibbons a été condamnée à 15 jours de prison à partir du jour de son arrestation (dimanche) et ensuite à être expulsée du pays ». Elle avait été inculpée la semaine dernière, au Soudan, pour insulte aux croyances religieuses et incitation à la haine religieuse.
Quel est donc le crime de cette enseignante de 54 ans ? En septembre dernier, à l'école secondaire privée Unity, collège multiconfessionnel et établissement privé, fondé au début du siècle par des chrétiens, réservé à l'élite de la capitale de Khartoum, Gillian Gibbons, originaire de Liverpool, a permis à des élèves âgés de 6 et 7 ans de donner un nom à un ourson en peluche. Cette invitation s’est faite dans le cadre d'un cours portant sur les animaux et leur habitat naturel. Les enfants ont suggéré huit prénoms, dont Abdullah, Hassan et Mohammed. Lors d'un vote, 20 des 23 élèves ont choisi de le nommer Mohammed. Or il faut savoir que Mohammed est le nom du prophète et que, chez les sunnites - environ 70% des Soudanais sont musulmans - il est formellement interdit de représenter le prophète.
L’enseignante qui s'était jointe au personnel de l'école secondaire privée Unity, un mois plus tôt, a, par la suite, demandé aux enfants d’emporter, à tour de rôle, l’ourson en peluche à la maison pour consigner dans un carnet ce qu'ils ont fait avec celui qui portait, inscrite, la mention « mon nom est Mohammed ». Imaginez. C'est d’abord une secrétaire de l'école qui a porté plainte contre l’enseignante, après avoir remarqué que l'un des enfants de sa classe appelait un ours en peluche, Mohamed. Plusieurs parents ont également porté plaine par la suite. Après avoir reçu ces plaintes, au ministère de l'Éducation, Mme Gibbons a été arrêtée, le 25 novembre dernier, et détenue à Khartoum. Le vice-ministre de la Justice, Abdel Daim Zamraoui, a déclaré le plus sérieusement que Mme Gibbons était accusée d'atteinte à l'Islam et de sédition. Il n’a pas pris en compte le fait que l'écolier, qui a proposé le nom de l’ours en peluche, se prénomme aussi Mohamed. L’enfant a dit avoir simplement voulu appeler l'ours comme lui. Ses parents ont spécifié qu'ils ne pensaient pas du tout au prophète, que Gillian Gibbons était très gentille et ne parlait jamais de religion.
Si madame Gibbons était trouvée coupable, selon l’article 125 du code pénal soudanais, qui porte sur les insultes aux religions, aux rites et aux croyances, sur la dégradation de biens sacrés et l'humiliation des croyants, elle aurait pu être l’objet des peines maximales de 6 mois de prison, de 40 coups de fouet et d’une amende. Il ne faut pas oublier que c’est dans le pays d’Abdel Daim Zamraoui que le journaliste soudanais, Mohamed Taha, a été décapité, en 2006, un an après avoir mis en doute la lignée du prophète.
L'affaire a pris une dimension diplomatique internationale. Même les États-Unis ont annoncé qu’ils suivaient le cas de l'institutrice britannique de près et avec inquiétude, a déclaré le porte-parole du département d'État, Sean McCormack.
Contrairement à la France, dont les déclarations officielles ont été plus foudroyantes les unes que les autres à l’égard des intervenants de l’Arche de Zoé, le Foreign Office a exigé immédiatement, dès l’arrestation de madame Gibbons, des explications sur les poursuites contre la ressortissante britannique.
Un porte-parole du Premier ministre britannique Gordon Brown a fait part de sa « déception ». « Nous sommes surpris et déçus de ce développement et le ministre des Affaires étrangères va convoquer en urgence l'ambassadeur soudanais afin de discuter de cette affaire plus en profondeur », a-t-il déclaré. David Milliband, le ministre britannique des Affaires étrangères et secrétaire au Foreign Office, vient de qualifier la décision des juges soudanais, de condamner madame Gibbons à 15 jours de prison et à être expulsée, d'«inacceptable ». « Nous allons convoquer l’ambassadeur soudanais pour s’expliquer sur la situation », a fait valoir un porte-parole du Foreign Office. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Miliband, a affirmé à l’ambassadeur soudanais, Omer Siddiq, que l’institutrice avait agi « en toute innocence » et souhaité que le « bon sens » finisse par prévaloir. « Notre priorité est dorénavant d'assurer le bien-être de Mme Gibbons et nous continuerons à lui fournir une assistance consulaire », a déclaré le ministre. Le procès de cette enseignante d’une école privée a eu l’allure d’un marathon judiciaire qui a pris près de sept heures devant la chambre criminelle du tribunal de Khartoum-Nord.
Il reste que, malgré la marge de manœuvre de Londres dans cette affaire, réduite par le déploiement de quelque 20 000 casques bleus au Darfour, prévu au début de l'année prochaine, le gouvernement britannique n’a pas hésité à faire planer, parmi les mesures de représailles envisagées, l'expulsion de diplomates soudanais, l'imposition de restrictions aux déplacements au sein de l'Union européenne de responsables du régime de Khartoum, voire la réduction de l'aide au développement. Le compromis proposé par le Foreign Office consisterait à accepter le fait qu’elle soit expulsée après avoir été amnistiée par le président Omar Al-Bachir. Selon certains observateurs, l’affaire est une aubaine pour le chef de l’État soudanais, mécontent de l’attitude britannique dans la résolution du conflit au Darfour.
Quelques réactions d’organisations musulmanes modérées ont élevé la voix pour dénoncer le Soudan. Le secrétaire général du Conseil britannique musulman, Inayat Bunglawala, a déclaré à la chaîne publique que toute cette affaire avait les apparences d'un « horrible malentendu » et que Mme Gibbons n'aurait jamais dû être interpellée. Selon lui, Mme Gibbons n'avait aucune intention de heurter les sensibilités musulmanes ou de diffamer l'honneur et le nom du prophète. Le président du conseil des musulmans du Royaume-Uni, Abdoul Bari, s'est déclaré « horrifié » par une inculpation « qui défie le sens commun ». En contrepartie, le porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères, Ali Sadek, a minimisé l’incident en le qualifiant de « cas isolé » et il commenté du même coup le comportement de la Britannique en le qualifiant d’« inacceptable ». Le chef de l'église anglicane, Rowan Williams, a vivement dénoncé la sentence « absurdement disproportionnée » contre une institutrice britannique. « Ce que je vois dans cette affaire, c'est une forme d'application crue et primaire de la loi dans un esprit d'insensibilité et d'absurdité autodestructrice », a déclaré Rowan Williams.
Le très controversé Tariq Ramadan a publié ce commentaire sur l’affaire Gibbons : « C'est simplement une honte ! Au nom de l'islam, des gens innocents, des pauvres, des femmes sont accusés, emprisonnés, parfois battus, parfois exécutés sans aucune preuve et, qui plus est, sans aucun moyen de se défendre adéquatement. Les juges, trop honnêtes et trop embarrassants, sont licenciés au Pakistan ; une femme, victime d'un viol, devient l'accusée en Arabie Saoudite et elle est sommée de prouver son innocence alors qu'une enseignante britannique est emprisonnée parce que ses élèves ont décidé d'appeler un ours en peluche « Muhammad » ! Où allons-nous donc ? » Et le conférencier de conclure : « Nous ne pouvons rester silencieux devant une histoire aussi ridicule, ce triste conte au Soudan : Madame Gillian Gibbons doit être remise en liberté et toute cette histoire n'a rien à voir avec l'islam. Cela a à voir avec un jeu malsain de politique intérieure et internationale destiné à mobiliser l'émotion populaire au prix sacrifié de la dignité et de l'intégrité d'une femme ». J’invite les lecteurs à lire surtout les commentaires découlant de cette prise de position de Tariq Ramadan, sur ce site ou sur celui-là.
Ce qui horrifie davantage le monde n’est pas tant la peine infligée à l’enseignante que ces manifestations de haine qui entourent la décision du tribunal. L’Assemblée soudanaise des oulémas, un groupe d’érudits proche du gouvernement, affirme que le geste de Gillian Gibbons est partie prenante d’un « complot » contre l’islam. « Celui qui insulte le Prophète ne doit pas vivre », ont scandé, dans les rues de Khartoum, des manifestants rassemblés juste après la grande prière du vendredi. Nombre d'entre eux étaient armés de bâtons et de couteaux et d’autres étaient armés de sabres. « Honte, honte au Royaume uni », « Pas de tolérance, exécution », « Tuez-la, Tuez-la au poteau d'exécution! », scandaient les manifestants. Le leitmotiv de ces messages consistait à demander de « punir par balles ceux qui insultent le prophète ». Le cortège a fait une halte devant l'Unity High School où enseignait Mme Gibbons et n'a pas cherché à pénétrer dans l'enceinte de l'établissement.
Il est possible également de regarder, sur le site de Youtube, un court reportage de la BBC relativement au procès de l’enseignante et cet autre reportage sur les manifestations qui ont eu cours à Khartoum qui valent le déplacement. Ces reportages font place également à des dérives déplorables à l’égard de l’Islam et qui semblent montrer que tout effort pour s’en rapprocher est immédiatement annihilé par une radicalisation inacceptable à l’égard de l’Occident.
L'enseignante britannique en a appelé à la tolérance, lors d'une conversation téléphonique avec son fils. John Gibbons a expliqué que sa mère semblait de bonne humeur quand il l'a eue au téléphone vendredi. « Elle ne veut pas de ressentiment envers les musulmans. Elle ne veut pas que les gens l'utilisent pour nourrir du ressentiment envers quiconque, envers le peuple soudanais », a précisé l’homme de 25 ans.
De peur de s’attirer les foudres des manifestants, l’école Unity révoque l’enseignante et ferme ses portes. En effet, dans un encart publié dans la presse, l'école a présenté des excuses et indiqué que Mme Gibbons, âgée d'une cinquantaine d'années et originaire de Liverpool, avait été renvoyée de son poste. Intérêts économiques obligent ! Devant les proportions que prend l'affaire, l'école secondaire Unity a annoncé qu'elle fermait ses portes jusqu'en janvier prochain. Ce que l’histoire ne nous dit pas, c’est le sort réservé aux familles des enfants qui ont nommé l’ourson en peluche « Mohammed ».
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