« Si vous le souhaitez et si Dieu me prête vie ainsi que la santé, alors je dirigerai le gouvernement jusqu’en 2050 ». Tel était son rêve. Le peuple lui a dit non. Cela ne signifie pas pour autant que le peuple a voté pour Georges W. Bush : « Celui qui votera « oui », votera pour Chavez, et celui qui votera « non » votera pour George Bush, président des États-Unis », avait menacé le dramaturge Hugo Chavez, l’homme qui s’invente des complots. Le pays est menacé et le peuple doit faire bloc derrière lui.
Hugo Chavez, celui-là de qui on disait qu’il a toujours remporté facilement tous les scrutins, vient de perdre. Amère défaite pour l’homme qui avait parié qu’il remporterait le vote avec une marge de 10 points de pourcentage. Chavez a, ce lundi, reconnu sa défaite lors d’une rencontre de presse. Après dépouillement de plus de 97% des suffrages, la réforme socialiste du président Hugo Chavez est rejetée. Le peuple vient de marquer son désaccord aux réformes constitutionnelles de son président. Dans une proportion de 51,05 % (4.522.332 de votes), les Vénézuéliens ont dit « non » à la réforme constitutionnelle contre 48,94 % (4.335.136 de votes) qui y étaient favorables. Le taux de participation s’élevait à peine à 56 % et un important taux d’abstention de 44,11 %. 118.693 votes ont été annulés sur un grand total de 9.002.439.
Pour Hugo Chavez, le référendum constitutionnel devait être une « victoire tant pour le pays que pour la démocratie ». Cette déclaration précédait les résultats annoncés. Selon lui, face à l’enthousiasme manifesté par les Vénézuéliens, le peuple a montré son grand intérêt pour la démocratie participative. Intérêt qui ne s’est traduit que par une participation de 56 % des électeurs inscrits. Que fera maintenant l’homme qui tonne depuis des mois qu’un vote contre les réformes est un vote contre Chavez, purement et simplement ? Que fera cet homme qui, encore tout récemment, avertissait ses détracteurs qu’il ne tolérerait aucun acte de violence et qui avait menacé de suspendre les exportations de pétrole aux États-Unis si ceux-ci s’immisçaient dans le débat, assimilant le « non » à un « vote pour George W. Bush » ? Et déjà que ni Kirchner en Argentine ni Lula au Brésil n’ont accepté de le suivre dans ses dérives.
La réforme d’Hugo Chavez a divisé profondément le pays. Le peuple a rejeté ces 69 amendements à la Constitution du pays qui contient près de 350 articles. Parmi ces 69 amendements, 33 ont été proposés par le président Chavez et 36 par la législature du pays qui est dominée par le parti au pouvoir. Près de 51 % des électeurs qui ont voté n’ont pas suivi son engagement bolivarien. Ce qu’on retient, à l’étranger, de cette réforme est évidemment l’effort du président de renforcer ses pouvoirs en s’accordant le droit de se présenter indéfiniment à la présidentielle et de censurer la presse en cas de crise. Ce n’était qu’un aspect de la révolution bolivarienne dont rêvait Hugo Chavez pour son pays. Cette dernière avait pour particularité de constitutionnaliser le socialisme comme modèle social et économique. C’est dans cet esprit qu’elle prévoyait notamment des dispositions pour créer des formes de propriété collective, la suppression de l’indépendance de la Banque centrale, ou encore la nomination directe de responsables provinciaux et municipaux par le président.
Le peuple y a-t-il vu l’instauration d’un régime de style cubain ? Le peuple a-t-il entrevu, dans cette réforme, l’équivalence, selon l’opposition, d’un véritable « coup d’État constitutionnel » ? Dans une Amérique latine menée longtemps par des caudillos, le peuple du Venezuela semble avoir confirmé, dans cette limite de deux mandats présidentiels, ce qui se révèle être une sage précaution. Près de 45 % des personnes inscrites se sont également abstenues de voter. Il y a des frontières que les réformes - quelles qu’elles soient - ne peuvent transgresser. La démocratie participative, tant réclamée par le président Chavez, vient de montrer ses limites.
Nicolas Bérubé écrivait, de Caracas, pour le quotidien La Presse de Montréal : « Alessandro Duarte, producteur à la chaîne de radio YVKE mundial, une station d’État ouvertement pro-Chavez, affirme faire confiance au président. Mais certains des changements proposés lui restent en travers de la gorge. « Donner au président le droit de fermer les médias durant un état d’urgence, ça ne m’enchante pas », dit-il ». L’opposition, c’est le clergé catholique, les organisations de défense de la presse et des droits de l’Homme, et les grands patrons. Une majorité du peuple vient de se joindre à cette dernière pour manifester son refus aux réformes. Comme l’écrivait Le Monde, « l’opposition, longtemps désunie, a été revigorée par un mouvement étudiant anti-Chavez qui est apparu en mai dernier lors de la fermeture par les autorités d’une chaîne de télévision privée hostile au chef de l’État ». Pour cette opposition reconstituée, la défaite de Chavez est d’abord et avant tout la défaite du « socialisme totalitaire » face à la démocratie. Et comme il fallait s’y attendre, le gouvernement américain, les groupes d’opposition et les investisseurs ont salué le rejet de cet ensemble de réformes que voulait mettre de l’avant le président vénézuélien. L’humilité dans la défaîte sera le nouvel apprentissage auquel devra s’astreindre Hugo Chavez. Un Vox Populi particulièrement décisif. El Nacional, journal d’opposition, a qualifié le rejet du projet de « Première Victoire ».
Pour Hugo Chavez, le score pour le « oui » représente encore « un saut politique vers la révolution », félicitant ses partisans d’avoir voté en faveur de la réforme malgré le « bombardement médiatique » contre lui. « Pour l’instant, nous n’avons pas gagné », a-t-il affirmé. Au cours de sa rencontre de presse, il a lancé cet appel au peuple : « A présent, Vénézuéliens et Vénézuélienne, faisons confiance aux institutions ». Sage conseil que le président devrait appliquer au premier chef pour montrer qu’il respecte le processus démocratique de son pays. Sa reconnaissance rapide et le ton qu’il a adopté pour reconnaître sa défaite augurent bien en ce sens.
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