jeudi 15 novembre 2007

Sur ordre de « l'empire » américain ou de « l'oligarchie », Hugo Chavez pourrait être assassiné (Fidel Castro)

L’Espagne s’émeut de l’altercation entre le Roi Juan Carlos et le président Hugo Chavez, les médias dénonçant le fait que le président du Venezuela ait osé suggérer l'implication du roi Juan Carlos dans le coup d'État de deux jours en 2002. Selon Chavez, l'ambassadeur espagnol à Caracas avait été vu au palais présidentiel vénézuélien pendant le coup d'État des partisans de Pedro Carmona, avec l'accord de Juan Carlos. Selon le quotidien espagnol Sur : « On ne peut pas non plus omettre, à cause d'une pseudo-diplomatie, des offenses qui, au bout du compte, sont dirigées contre tous les Espagnols. Il est possible que le rappel pour consultations de l'ambassadeur espagnol en poste à Caracas ne soit pas la meilleure des options dans cette situation. Mais en laissant de côté cette provocation et en ne prêtant pas d'importance à ce qui s'est passé, on ne fait que soutenir cet artisan du 'pétro-populisme' et l'inciter à renouveler de telles provocations » (Traduction : Courrier International). Alejandro Foxley, ministre chilien des Affaires étrangères, a signifié son regret devant les écarts d’Hugo Chavez : « Nous ne partageons pas son style. C'est regrettable qu'à la dernière minute, alors que se terminait un sommet très bien organisé, on soit entré dans ce type d'insultes. On peut se disputer sur tout ce qu'on veut dans un sommet mais sans insulter les gens, surtout quand parmi eux se trouve une grande personnalité de la construction de la démocratie en Espagne comme le roi ».

De retour au Venezuela, Hugo Chavez en remet : « Cela fait cinq cents ans que l'ordre de se taire a été lancé par l'empire de Madrid ». Il était tout en fanfaronnade dimanche soir : « Ce qui est sûr, c'est que je ne l'ai pas entendu. Il a eu de la chance Monsieur Juan Carlos. Je ne sais pas ce que je lui aurais dit », a-t-il déclaré à sa descente d'avion. « Maintenant, il n'y a aucun doute : lorsque Juan Carlos de Bourbon explose après les déclarations d'un indien, ce sont cinq cent ans d'arrogance impériale qui explosent ».

Chavez estime que le souverain espagnol a perdu la face dans cette altercation. « Celui qui a perdu la face, c'est celui qui n'a pas pu se contrôler, qui nous a dit de la boucler, comme si nous étions toujours des sujets comme au XVIIe ou au XVIIIe siècle ». Dans les pages du quotidien espagnol El Mundo, il a même qualifié le roi d'Espagne de « taureau en colère ». « Je ne suis pas un torero, mais « olé »! ».

Sur sa lancée de samedi, à son retour à Caracas, Hugo Chavez a laissé entendre que l’injonction du Roi Juan Carlos de se taire (Por qué no te callas?) pourrait avoir des répercussions sur les relations commerciales bilatérales avec l'Espagne, tout en continuant de qualifier José Maria Aznar, le prédécesseur de Zapatero, de « fasciste ». Fort de cette joute verbale avec l’Espagne, dont il excelle, Chavez connaît ses limites et il se trouvera peu d’observateurs pour croire que Caracas va porter atteinte aux relations bilatérales avec Madrid. Du côté espagnol, il en va de même. « Les entreprises espagnoles au Venezuela ne veulent pas quitter le pays après le froid entre les deux pays provoqué par la joute verbale de samedi entre le roi Juan Carlos et le président vénézuélien Hugo Chavez », a déclaré Joan Clos, le ministre espagnol de l’Industrie.

François Musseau, correspondant du quotidien Le Temps (Suisse) à Madrid, écrit : « Juan Carlos Ier accapare actuellement l'attention médiatique, tant du fait des attaques contre sa personne que par ses propres sautes d'humeur. En Espagne, le contraste frappe d'autant plus les esprits que, depuis son accession au trône il y a trente-deux ans, le monarque bourbon a toujours été un modèle de bienséance, de tact et de circonspection. Outre la chronique mondaine et ses rituels vœux télévisés pour le Nouvel An, jamais le chef de l'État espagnol ne faisait la une des médias, ni ne suscitait de polémiques ou de scandales. Toute la classe politique ou presque, y compris les nationalistes basques modérés, estime que Juan Carlos a bien fait de rabrouer Hugo Chavez et son «populisme autoritaire et sectaire».

Selon Reuters, Hugo Chavez aurait demandé, mardi, des excuses officielles du Roi d’Espagne en déclarant notamment : « The king lost it ». « He should say : « I, the king, confess, I was beside myself, I made a mistake ». Il faudra attendre pour voir les suites de cette bravade.

L'incident a fait les gros titres de l'actualité dans le monde entier. C’est à l’avantage d’Hugo Chavez puisque le débat sur le référendum institutionnel du 2 décembre a été complètement éclipsé. Des millions d'internautes ont consulté les images de l'incident diplomatique reproduit sur les sites officiels des médias espagnols ou sur des sites improvisés. L’AFP a recensé mardi plus de 300 vidéos plus ou moins humoristiques, sur la plateforme YouTube (Google). Un site espagnol « cogiendocaracoles.com » a même lancé un concours du meilleur montage vidéo du royal courroux.

L’incident a évidemment créé tout une onde de choc à La Havane. Ce samedi devra s’inscrire dans les grands événements de l’année. Selon Fidel Castro : « Ce samedi à Santiago restera dans l'histoire de notre Amérique comme le jour de la vérité ». Tout en ajoutant : « A cet instant, tous les cœurs d'Amérique latine ont vibré. Le peuple vénézuélien (...) a frémi en vivant de nouveau les jours glorieux de Bolivar ». Tout en omettant, bien évidemment, de souligner que l’Amérique latine apparaît aujourd’hui écartelée entre les pays du bloc antilibéral conduit par le président vénézuélien, Hugo Chavez et ses alliés, Evo Morales (Bolivie), Daniel Ortega (Nicaragua), Fidel Castro (Cuba) et, dans une moindre mesure, Rafael Correa (Équateur) et le reste de l’Amérique latine.

A 81 ans, Fidel Castro, éloigné du pouvoir depuis 15 mois à la suite de plusieurs opérations aux intestins, vient de lancer, mardi, une bombe : « Sur ordre de « l'empire » américain ou de « l'oligarchie », Hugo Chavez pourrait être assassiné ». Il en remet : « Il est impossible de se défaire de l'impression que l'empire et l'oligarchie font de leur mieux pour mener Chavez dans un cul-de-sac et à portée d'un coup de feu » (Le Monde).

Il avait salué samedi les discours des présidents du Nicaragua, Daniel Ortega, et de Bolivie, Evo Morales, qui ont fait entendre la voix « des cultures millénaires de l'hémisphère » pendant ce sommet. Et dimanche, Fidel Castro, dans un article publié ce dimanche par le journal des jeunesses communistes cubaines, « Juventud Rebelde », écrit : « La critique de l'Europe par Chavez a été écrasante. Cette Europe qui, précisément, prétendait donner des leçons de rectitude durant ce sommet ibéro-américain ».

Et ce mardi, en bon père de famille, Fidel Castro conseille à son allié de « continuer à lutter en courant des risques, mais de ne pas jouer tous les jours à la roulette russe ou à pile ou face ». L’empire américain est aux aguets.

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