« Sarko l’Américain est certainement le président français le plus pro-américain des dernières décennies ». C’est en ces termes que le New York Times qualifie le président Nicolas Sarkozy dans le cadre de sa visite de deux jours à Washington.
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Le président Nicolas Sarkozy, l’homme pressé, n’a visité l’Amérique que deux jours. Amérique pourtant qu’il admire du plus profond de lui-même. Il ne s’en cache plus. Il l’avait clairement déclaré au Maroc : « Le procès est ouvert : je serai un ami des Américains. Eh bien oui, c’est vrai, ne me torturez plus, j’avoue », avait-il ironisé lors de sa visite d’État au Maroc. « Je ne vois d’ailleurs pas pourquoi je devrais être un ennemi des Américains. Quelle drôle d’idée ! Voici, un pays, l’un des seuls à travers le monde, avec la Pologne, avec qui nous n’avons jamais été en guerre. Ce n’est quand même pas une raison pour se détester ».
Cette fois-ci, son message d’amour à l’égard de la grande Amérique, il l’aura livré lors d’un dîner offert en son honneur par le président George Bush à la Maison Blanche. Première étape de ce pèlerinage en terre américaine. D’emblée, il a déclaré à l’intention de ses hôtes : « Je veux reconquérir le cœur de l’Amérique et reconquérir le cœur de l’Amérique de façon durable ».
Auparavant, il avait été l’invité du French American Business Council qui réunissait une cinquantaine de grands patrons français et américains. Le président Sarkozy a marqué le pas en réaffirmant sa profession de foi à l’égard des États-Unis, tout en élargissant quelque peu le cercle des « admirateurs » de l’Amérique : « Le peuple français aime le peuple américain », « Les élites françaises, c’est autre chose … », a-t-il déclaré. L’occasion était plutôt belle pour vanter l’ouverture de son propre gouvernement qui s’inscrit dans la foulée de ce qui se fait de bien aux États-Unis. Après avoir dit toute son admiration pour un pays qui a eu pour chefs de la diplomatie Madeleine Albright, Colin Powell et Condoleezza Rice, il a cité en exemple son gouvernement : « un chef de la diplomatie venu du Parti socialiste, Bernard Kouchner ; une femme pour la première fois en France ministre de l’Économie, Christine Lagarde ; une Garde des Sceaux de parents maghrébins, Rachida Dati, et une secrétaire d’État aux Droits de l’homme d’origine sénégalaise, Rama Yade ».
Retour au dîner d’honneur offert par le président George Bush à la Maison Blanche. Il est bien, dans une allocution officielle, de montrer une connaissance de l’Amérique. Ce que n’a pas manqué de faire Nicolas Sarkozy. Habilement. « George a parlé de Lafayette il a parlé de George Washington, permettez moi de rappeler cette anecdote : au Président John Quincy Adams qui recevait Lafayette dans ces mêmes murs pour son 66ième anniversaire, et qui, rompant avec le protocole de l’époque, proposait au général français de « porter un toast au 22 février et au 6 septembre », qui étaient l’anniversaire de George Washington et de Lafayette. Lafayette dit : « il ne faut pas porter un toast à mon anniversaire ou à celui de Washington, il faut porter un toast au 4 juillet, parce que le 4 juillet, c’est l’anniversaire de la liberté » et pour nous tous, la liberté c’est l’idée que nous nous faisons de l’Amérique éternelle. Pour les gens de ma génération, l’Amérique, ce n’est pas le pays qui a promis la liberté, l’Amérique c’est le pays qui a donné la liberté ».
Nicolas Sarkozy a appuyé maintes fois sur le concept de « l’Amérique, pays qui donne la liberté ». Nicolas Sarkozy est revenu brièvement, au grand plaisir de Georges et de Laura, sur cette boutade qu’il avait lancée au Maroc : « Nos deux peuples se ressemblent et s’admirent, c’est pour cela qu’ils ont cette relation unique, une relation passionnée, jamais simple et pourtant si naturelle. Et je suis venu vous dire qu’on peut être l’ami de l’Amérique et gagner les élections en France. Ce n’est pas un miracle, c’est une réalité ! »
Il n’eut pas été pensable que le président Nicolas Sarkozy oublie les événements du 11 septembre 2001 : « Nous avons bien d’autres défis à relever, le défi du terrorisme par exemple. Le 11 septembre, les terroristes ont cru mettre l’Amérique à genoux. Moi je vais vous dire qu’en France, on n’a jamais trouvé l’Amérique si grande, si courageuse et si digne que le 11 septembre. Le 11 septembre, nous étions tous fiers de l’Amérique et des Américains. Il nous faut répondre aux défis de la prolifération nucléaire, de l’extrémisme religieux. Il nous faut donner une place aux peuples qui demandent toute leur place dans un monde nouveau, celui du XXIème siècle, qui ne doit pas être organisé comme celui du XXème siècle ».
Devant Georges et Laura, Nicolas Sarkozy a rappelé combien il est ému du rôle de tous ces vétérans, des héros et que nous n’oublierons jamais : « Toute à l’heure, j’ai voulu décorer des vétérans américains de « la plus grande génération » américaine. J’ai voulu leur dire, au nom du peuple français, qu’ils étaient ce qu’ils ont fait pour la France. Je veux que chaque Américain sache que ces héros étaient des hommes simples, qui sont venus mourir chez nous pour défendre la liberté, et que jamais la France n’oubliera ce que des jeunes Américains ont fait ».
Puis, deuxième grande étape de son voyage, le chef de l’État français s’est adressé à la Chambre des représentants et au Sénat réunis qui l’ont accueilli par une longue « ovation ». Neuvième chef d’État ou de gouvernement à s’adresser au Congrès américain, depuis 1951, Nicolas Sarkozy a voulu, d’emblée, montrer, pour reprendre l’expression du New York Times, qu’il ouvre ses bras à l’Amérique : « La France est l’amie des États-Unis d’Amérique » (Sarkozy Throws Open His Arms to Bush, and U.S.). Et dans un grand élan, le président français a précisé sa pensée : « Avec des amis on peut avoir des divergences, on peut avoir des désaccords, on peut même avoir des disputes mais dans la difficulté, dans l’épreuve, on est avec ses amis ». Et il a rappelé la mission qu’il se donne en venant rendre témoignage devant l’Amérique : « Je veux être votre ami, votre allié, votre partenaire mais je veux être un ami debout, un allié indépendant, un partenaire libre parce que ce sont les valeurs que nous partageons ensemble ».
« C’est cette France ambitieuse et lucide que je suis venu vous présenter aujourd’hui. Une France qui vient à la rencontre de l’Amérique pour renouveler ce pacte d’amitié et d’alliance scellé à Yorktown entre Washington et Lafayette », a-t-il ajouté. « Ensemble soyons dignes de leur exemple, soyons à la hauteur de leur ambition, soyons fidèle à leur mémoire ».
Pour Nicolas Sarkozy, sa vision de l’Amérique se définit à travers le prisme du rêve américain : « le rêve américain, ce fut dès le départ de mettre en pratique ce que le Vieux monde avait rêvé ». Et ce dont le Vieux monde avait rêve, c’est de cette : « Amérique que nous aimons à travers le monde, c’est ce pays qui a cette capacité extraordinaire de donner à chacun une nouvelle chance. Car en Amérique l’échec n’est jamais définitif ». La grandeur de l’Amérique, a répété Nicolas Sarkozy, a été de transformer ce rêve en espérance pour tous les hommes. Et sa force, a poursuivi le président, n’est pas seulement une force matérielle, c’est d’abord une force morale et spirituelle. Il a invité l’Amérique, qui « se sent vocation à inspirer le monde » et est aujourd’hui « la plus puissante », à être « toujours fidèle à ses valeurs fondatrices ». Parmi les grands noms américains qui ont nourri ce rêve dans sa génération, le président français a cité le rocker Elvis Presley, ce qui a déclenché des rires dans l’assistance.
Une fois de plus, le président Sarkozy s’est fondé sur l’histoire : « C’est ensemble que nous devons mener les combats pour défendre et promouvoir les valeurs et les idéaux de liberté et de démocratie que des hommes comme Washington et Lafayette ont inventé ensemble ». Le chef de l’État français a rappelé sa conviction profonde selon laquelle : « A chaque fois que dans le monde tombe un soldat américain, je pense à ce que l’Amérique a fait pour la France, et je suis triste comme on est triste de perdre un membre de sa famille ». Monsieur Sarkozy avait remis plus tôt, dans la journée, la médaille d’honneur de la France à sept vétérans de la Deuxième Guerre mondiale, dont le sénateur démocrate d’Hawaï, Daniel K. Inouye.
Devant le Congrès, le président français s’est attardé aux questions économiques. D’abord, sur la question du dollar américain, le président a déclaré : « Je ne plaide pas du tout pour un dollar fort, c’est l’affaire des États-Unis, ce n’est pas la mienne. Je dis simplement qu’une grande économie doit avoir aussi une monnaie qui a une certaine valeur ». Et dans la même foulée, monsieur Sarkozy a ajouté : « Vous n’avez pas besoin d’un dollar trop faible, vous avez une main-d’œuvre de qualité, des entreprises extraordinaires. Votre technologie, votre savoir-faire, ça suffit ».
Aux Chinois, le président français leur transmettra le message suivant, lors de sa visite, le mois prochain : « Les Chinois n’ont pas besoin d’un yuan sous-évalué pour se développer. Ce n’est même pas utile, ça crée des conditions d’un déséquilibre et, au fond, ce déséquilibre vous concernera aussi (…) On ne peut pas vouloir le maximum de concurrence et créer le maximum de déséquilibre ». Pour le président Sarkozy, « ce désordre monétaire pourrait se muer en guerre économique dont nous serions tous les victimes ». Et d’une formule savante, il a résumé ainsi son approche économique sur l’équilibre monétaire mondial : « Le yuan est déjà le problème de tous, le dollar ne doit pas rester seulement le problème des autres ». Il exhorte donc les États-Unis à promouvoir une plus juste parité de leur monnaie vis-à-vis de la devise européenne. Le message du président français a été fort bien reçu, puisque déjà, les milieux d’affaires américains et l’administration Bush avaient, préalablement, annoncé qu’ils feraient pression sur Pékin pour qu’il laisse la valeur du yuan augmenter par rapport au billet vert. Les États-Unis imputent leur énorme déficit commercial avec la Chine, de 232 milliards de dollars en 2006, à la faiblesse du yuan.
Il s’est attardé, par la suite, sur les questions des guerres régionales en réaffirmant sa détermination à poursuivre la lutte contre le terrorisme : « La France et les États-Unis doivent mener ensemble le combat contre le terrorisme, notamment en Afghanistan, où la France restera engagée aussi longtemps qu’il le faudra, et contre la prolifération nucléaire ». Sur l’Iran, le président s’est montré très convaincu : « La perspective d’un Iran doté de l’arme atomique est inacceptable. Le peuple iranien mérite mieux que les sanctions et l’isolement croissants auxquels le condamnent ses dirigeants. C’est pourquoi nous devons convaincre l’Iran de faire le choix de la coopération, du dialogue et de l’ouverture ».
Le président français a pris l’engagement que la France retrouverait sa place au sein de l’Otan : « Je le dis à la tribune de ce Congrès, plus l’Europe de la défense sera aboutie, plus la France sera résolue à reprendre toute sa place dans l’Otan ».
Seule pomme de discorde, en terminant, le président Sarkozy a invité fortement les États-Unis à « prendre la tête » du combat contre le réchauffement climatique. Il a adressé cette invitation à son partenaire et ami : « Ceux qui aiment le pays des grands espaces, des parcs nationaux, de la nature protégée, attendent de l’Amérique qu’elle prenne, aux côtés de l’Europe, la tête du combat contre le réchauffement climatique qui menace de destruction notre planète ». « Je sais que le peuple américain, à travers ses villes et ses États, est chaque jour plus conscient des enjeux et déterminé à agir ».
Nicolas Sarkozy, rappelle le New York Times, est venu aux États-Unis en ami : « I come to Washington to bear a very simple message, a message that I bear on behalf of all Frenchmen. I want to reconquer the heart of America ». Et comme l’indique le New York Times : « Sarko l’Américain, as he is called, is considered the most pro-American French president in decades. The son of a Hungarian immigrant and a French-Greek woman whose father was Jewish, he unabashedly confesses his admiration for the United States, particularly its work ethic and popular culture ».
Le président ne pouvait pas quitter les États-Unis sans un rappel de ses propres objectifs, message destiné, faut-il l’imaginer, à ses compatriotes, tant à l’étranger qu’en France. Le président a renouvelé sa profession de foi dans les réformes : « Il faut une France plus forte. Les réformes que mon pays a trop longtemps différées, je suis déterminé à les mener toutes à leur terme. Je ne reculerai pas, car la France a trop longtemps reculé », a-t-il dit. « Je veux mettre la France en situation […] de gagner toutes les batailles de la mondialisation ».
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