lundi 12 novembre 2007

« Por qué no te callas » - « Pourquoi tu ne te tais pas ! »

Je ne peux passer sous silence ce moment de grande fraîcheur où un monarque affronte, verbalement, un nouveau dictateur des temps modernes. Au 17e sommet ibéro-américain, Hugo Chavez déclare : « Les fascistes ne sont pas humains, un serpent est plus humain qu’un fasciste ». Il accuse ainsi l’ancien premier ministre espagnol, Jose Maria Aznar, proche de George W. Bush, d’être, selon lui, un « fasciste ».

Devant pareille déclaration, Jose Luis Zapatero, chef du gouvernement espagnol, s’est vu dans l’obligation de défendre son prédécesseur « démocratiquement élu par le peuple espagnol » : « Nous sommes autour d’une table où sont présents des gouvernements démocratiques, qui représentent leurs citoyens dans la communauté ibéro-américaine dont l’un des principes de base s’appelle le respect. On peut être aux antipodes d’une position idéologique, je ne suis pas le plus proche de l’ex président Aznar, mais l’ex président Aznar a été élu par les espagnols ». Ce qui lui a valu les applaudissements d’une bonne partie de l’assemblée.

Les échanges se poursuivent. Zapatero doit revenir à la charge contre Chavez : « Président Hugo Chavez, je pense que pour respecter et pour être respecté, nous devons tâcher de ne pas tomber dans les insultes. On peut émettre des points de vue radicalement différents sans manquer de respect. Ce que je cherche à exprimer est qu’il est bon de pouvoir travailler et de s’entendre pour nos peuples, nous devons nous respecter entre représentants démocratiques et je demande - présidente Bachelet - à ce que ce soit une règle de conduite dans un forum qui représente les citoyens, nous devons respecter tous nos dirigeants, tous les anciens dirigeants des pays qui forment cette communauté ».

« Il peut être espagnol (…) mais c’est un fasciste », répète Chavez.

Le roi d’Espagne, Juan Carlos, excédé, lance : « « Por qué no te callas » - Pourquoi tu ne te tais pas ! »

Le roi Juan Carlos est sorti de la salle lorsque le président du Nicaragua, Daniel Ortega, prenait le parti de Hugo Chavez et lui redonnait brièvement la parole.

Hugo Chavez, dans une montée d’adrénaline, a invectivé l’Église vénézuélienne et le pape avant d’accuser les États-Unis et l’Union européenne d’avoir approuvé un coup d’État à son encontre en avril 2002. Il a également affirmé que la conquête de l’Amérique Latine avait été le « pire génocide de tout les temps ».

Plus tard, Hugo Chavez, devant des journalistes, a lancé : « Monsieur le roi, étiez-vous au courant du coup d’Etat contre le Venezuela, contre le gouvernement démocratique et légitime du Venezuela, en 2002 ? » Frondeur, il a poursuivi sur le même ton : « Que le roi soit le roi, il ne me fera pas taire ». « Nous avons 500 ans ici et jamais nous ne nous tairons, et encore moins sur l’injonction d’un monarque », a-t-il ajouté. « Nous sommes tous égaux, il faut en finir avec les mauvaises habitudes monarchistes. Nous ne sommes les sous-fifres d’aucune couronne ».

La presse de droite s’est montrée dans l’ensemble très dure avec le président vénézuélien. « Le roi remet Chavez à sa place au nom de tous les Espagnols », affirme ainsi El Mundo, « c’est un fait sans précédent », poursuit le journal. La presse de gauche, plus prudente, revient aussi sur le geste du roi. Juan Carlos a « été à sa place car le président vénézuélien a dépassé, avec ses attaques, la limite de ce qui est tolérable dans une relation entre deux pays », selon El Pais.

Après ce vif échange, le leader vénézuélien a participé à un grand meeting organisé par la gauche chilienne. Devant près de 15 000 personnes, Hugo Chavez a longuement détaillé son refus du néolibéralisme tout en défendant ces alliés cubain et bolivien. « Si certains veulent renverser Evo Morales, ils seront reçus avec des fusils et des mitraillettes », a-t-il mis en garde.

Un an après avoir été réélu, la population devra approuver le 2 décembre prochain, par référendum, la réforme d’un cinquième de la Constitution. L’enjeu du 2 décembre, ce sont 69 amendements constitutionnels qui renforceraient encore la « révolution bolivarienne » en cours au Venezuela. Le nouveau texte, mené de main de fer par le chef d’État lui-même, a déjà été approuvé par le parlement entièrement chaviste.

Reste maintenant l’étape du référendum. S’il est adopté, soutient le chef « révolutionnaire », le système capitaliste « finira de mourir » au Venezuela. La nouvelle Constitution offre au chef de l’État, réélu en décembre dernier pour six ans, la possibilité de se présenter indéfiniment à l’élection présidentielle. Une disposition permet aussi de décréter un « état d’exception » autorisant la censure pure et simple de la presse. La réforme met aussi fin à l’autonomie de la banque centrale et proclame la poursuite des nationalisations dans le secteur de l’énergie et du pétrole, dont le Venezuela est le sixième pays exportateur au monde.

Mais les choses ne se passent pas aussi tranquillement que ne le souhaiterait Chavez. Ses détracteurs, y compris les organisations de défense des droits de l’Homme et l’Église catholique, condamnent le projet de révision de l’état d’urgence qui permet d’imposer des mesures d’exception à une presse qui fait déjà l’objet d’une opération-muselage de la part de Chavez.

Les étudiants incarnent à leur tour, depuis plusieurs jours, le mouvement de protestation. Des milliers d’étudiants ont, en effet, la semaine dernière, multiplié les manifestations pour demander justement le report de ce référendum. « Les Vénézuéliens ne sont pas informés », assurent les protestataires, qui se présentent comme apolitiques malgré les banderoles pour le non à la réforme. En réaction, Chavez avait recommandé d’avoir « la main dure » avec les étudiants qui s’opposent à sa réforme de la Constitution qui prévoit le renforcement de ses pouvoirs et l’instauration d’un État socialiste. « Nous n’allons pas tolérer que ces enfants gâtés, ces gosses de riches nés avec une cuillère d’argent dans la bouche viennent dévaster le centre de Caracas », avait-il menacé.

Pour en savoir plus sur Hugo Chavez et sur sa politique.

(Sources : AFP, Cyberpresse, Le Monde, Presse canadienne)

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