lundi 5 novembre 2007

Nicolas Sarkozy au Tchad : « C’est son tempérament » (Bernard Kouchner)

« Sarkozy es el mejor politico que ha tenido Europa y sera el primer presidente », écrit un lecteur sur le site de Libération, à l’issue du voyage du président de la France au Tchad.

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Trois journalistes français et quatre hôtesses de l’air espagnoles sont montés à bord de l’avion - un A-319 militaire siglé « République française » - qui a, dans un voyage-éclair, mené le président Nicolas Sarkozy à N’Djamena, au Tchad. Retour à Madrid et à Paris. Dix autres Européens - les six membres français de l’ONG, les trois stewards espagnols et le pilote belge de l’avion restent inculpés et écroués pour « enlèvement ou complicité ».

Nouvelle sortie spectaculaire pour le président Nicolas Sarkozy. Cette fois-ci au Tchad. Ce Tchad qui n’est plus l’Afrique à papa, comme le disait si bien la ministre Yade. Il semble que le président Idriss Déby Itno ait, comme l’écrit Khaled Elraz d’Afrik.com, souhaité cette visite de son homologue français afin de clarifier la situation des 17 Européens pour l’heure impliqués dans l’Affaire « Arche de Zoé ». Le Président français n’aurait de son côté accepté ce déplacement-éclair qu’à la condition de pouvoir le conclure de manière concrète en ramenant avec lui les inculpés mis hors de cause par un juge tchadien. Alwihda-Rfi avance même que le président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, aurait appelé son homologue Tchadien pour lui demander, à son tour, de libérer les Français. Idriss Déby a rejeté l’existence de pressions en faveur de la libération des sept Européens (les trois journalistes et les quatre hôtesses) le jour de la visite de son homologue français. « Les magistrats ont procédé dans le respect de leur indépendance jusqu’à parvenir à la libération des hôtesses de l’air qui ne sont pour rien dans cette affaire », a-t-il dit.

« Au prix de laisser penser que là où la France n’en faisait pas assez, elle en fait dorénavant trop », commente Liu Mah Voi du site catholique Radin Rue. « L’arrivée de Sarkozy au Tchad, semble ridiculement discutable, la France ferait-elle sa propre justice en Afrique, lavant son linge sale sur la scène internationale ? » Le président Nicolas Sarkozy déclare que les membres de l’ONG « ont le droit au respect de la présomption d’innocence », dans cette affaire qu’il qualifie par ailleurs « d’équipée assez lamentable ».

Les deux présidents déclarent, d’un commun accord, qu’il faut éviter de tomber dans les amalgames. « Évitons l’amalgame entre l’action remarquable des ONG en général et ce qui s’est passé avec cette association (française) qui a si mal agi au Tchad. Cette « équipée assez lamentable » n’a rien à voir avec le déploiement de la force européenne au Tchad à la frontière avec le Soudan (….), opération qui se fait avec le soutien total de l’État tchadien et qui montre la confiance réciproque de nos deux gouvernements ». […] Idriss Déby Itno renchérit : « Ici, c’est un problème uniquement juridique. Évitons de faire l’amalgame avec le déploiement prévu de la force européenne ». M. Déby assure, par ailleurs, n’avoir « pas eu un seul contact » avec un magistrat tchadien. Nicolas Sarkozy poursuit : « C’est à la justice de nos deux pays d’en décider. Il faut donc les laisser discuter et surtout ne pas en faire une affaire de politique et une affaire de susceptibilité », martèle-t-il (Alwihda – AP).

La justice est-elle est bien servie ?

A la faculté des sciences juridiques et politiques de Moursal, à Ndjaména, au Tchad, Alwihda info a joint, en début de matinée, un professeur de droit, juriste, internationaliste écœuré par l’immixtion et l’arrivée de Sarkozy. Il laisse entendre son amertume : « Je me pose la question de la souveraineté tchadienne dans cette affaire. J’ai l’impression que la France a un mot sur la souveraineté au Tchad ».

Sans vouloir s’ingérer dans les affaires judiciaires du Tchad, s’en est-il bien défendu, Nicolas Sarkozy manifeste quand même sa préférence pour que les auteurs de cette « équipée lamentable » soient jugés en France. Il s’en explique : « Les accords de 1976, entre les deux pays, permettraient que les six humanitaires toujours détenus soient jugés en France. C’est à la justice de nos deux pays d’en décider ». Aucun commentaire n’a été fait sur ce dernier point par la Présidence tchadienne. Monsieur Sarkozy poursuit : « Il est assez normal que le président français que je suis (…) souhaite que des ressortissants français puissent être jugés dans leur pays. Ça, c’est le choix que j’ai fait mais le président Déby, il a aussi ses contraintes et je dois en tenir compte et donc nous continuons à parler. Il va falloir voir comment trouver le plus rapidement possible, en termes de semaines, une issue qui respecte la justice tchadienne et qui donne toutes les garanties à l’ensemble des acteurs dans cette affaire ».

Ce déploiement médiatique n’est pas au goût de tout le monde. Les opposants tchadiens en exil l’ont fait savoir. Selon Makaila Nguebla, de Alwihda info : « Les opposants Tchadiens en exil, hostiles au régime d’Idriss Deby, sont plus que jamais interpellés par le déplacement, à N’Djamena, de Nicolas Sarkozy qui vient, à point nommer, aggraver les sentiments de douleurs des populations tchadiennes du fond de nos villages, humiliées par la dépossession de leurs enfants pour cause de complicités et d’indifférence de leurs gouvernants sur les questions de bonne gouvernance politique et des droits socio-économiques et culturels ».

Comment le Quai d’Orsay voit-il cette initiative présidentielle ? Invité de l’émission « Le grand rendez-vous » Europe 1-TV5-Le Parisien/Aujourd’hui en France, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a dénoncé l’opération menée au Tchad par l’Arche de Zoé, qui a « dévoyé » l’action humanitaire : « Lorsqu’un délit, et c’est un mot faible, est commis sur le territoire d’un pays souverain ce n’est pas à la justice française d’intervenir. Elle peut participer, elle peut ensuite de façon la plus souple, de façon la plus légale possible, s’en occuper également si le pays en question le permet », a-t-il souligné.

« Dans cette affaire, apparaît la contradiction occidentale de l’humanisme et du néo-colonialisme », écrit Mustapha Hammouche de Liberté-Algérie. « Apparaît aussi l’autre contradiction, celle du tiers-monde africain : une souveraineté sert de théâtre à des drames populaires à huis clos, d’un côté, et à la mise en scène du dictateur local, de l’autre. Le monde n’est pas encore assez humanitaire. Car, dans cette zone, comme ailleurs, piégés entre la solidarité des régimes africains et le rapport mitigé des démocraties aux autoritarismes, des enfants sont encore affamés, abandonnés, enrôlés, vendus ».

Bernard Kouchner est-il en accord avec le président de la République ? Interrogé sur le fait que Nicolas Sarkozy s’était lui-même rendu, dimanche, au Tchad pour aller chercher trois journalistes français et quatre hôtesses de l’air espagnoles, M. Kouchner a répondu : « C’est son tempérament ». « Il faut s’habituer à cette dynamique », a-t-il ajouté. « C’est un homme qui aime prendre des risques, j’aime bien ça ».

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