vendredi 2 novembre 2007

Michael B. Mukasey - « Je ne sais pas en quoi consiste le supplice de la baignoire ! »

Juge fédéral à la retraite, M. Michael B. Mukasey - pressenti pour être le ministre de la justice américaine - a suscité la frustration des démocrates de la Commission judiciaire du Sénat en refusant de discuter de la légalité de techniques d’interrogatoire, dont la nudité forcée et les simulacres d’exécution et de noyade (”waterboarding”). Il a expliqué ne pas savoir si cette dernière méthode relevait de la torture, précisant qu’il n’en connaissait pas les modalités. Sommé de se prononcer depuis des semaines, le magistrat tergiverse.

De telles déclarations ne sont pas de nature à accroître la confiance de la population américaine à l’égard du gouvernement : « selon un sondage Gallup publié par USA Today, environ 76% des personnes interrogées estiment que le Congrès n’a “pas accompli grand chose” depuis janvier 2007. Quatre Américains sur dix affirment que la guerre en Irak sera le sujet le plus déterminant dans leur choix le 4 novembre 2008. Six Américains sur 10 estiment que l’invasion de l’Irak a été une erreur. Sur la façon dont les choses se déroulent aux Etats-Unis, 72% des personnes interrogées se sont déclarées insatisfaites. Seules 26% des personnes interrogées se disent satisfaites ».

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La question de la torture, qui ne s’estompe pas, poursuit, contre son gré, l’administration Bush. Elle laisse un goût de cendre. Le New York Times consacre son éditorial à cette question ainsi qu’au ministre de la justice pressenti, le juge Michael B. Mukasey qui devrait remplacer Alberto Gonzales, forcé de démissionner. Michael B. Mukasey, ancien juge fédéral ayant traité de grands dossiers terroristes, a, le 17 septembre dernier, été nommé, par George W. Bush, nouveau ministre de la Justice.

Juif orthodoxe, qui est souvent en Israël, Michael Mukasey, 66 ans, observe le shabbat. Sa carrière a été lancée par Reagan en 1987. Juge fédéral à New York, pendant 19 ans, il est surtout connu pour avoir dirigé des grands procès terroristes, pendant plus de dix ans, les plus fameux étant celui d’Omar Abdel Rahman (condamné à la prison à vie pour son implication dans un projet d’attentat contre le World Trade Center en 1993) et celui de José Padilla, un des plus grands terroristes des USA, contre lequel il a statué que le prisonnier pouvait être détenu indéfiniment avec le statut controversé d’« ennemi combattant » mais qu’il devait avoir accès à un avocat, contrairement à ce que plaidait l’administration.

Le juge Michael B. Mukasey paraît posséder deux atouts capitaux pour M. Bush à moins d’un an et demi de la fin de sa présidence : l’autorité d’un défenseur résolu de la « loi et de l’ordre », et un a priori positif chez les démocrates. M. Mukasey et son fils conseillaient, jusqu’à cette nomination, la campagne présidentielle du républicain Rudolph Giuliani. Il a travaillé avec M. Giuliani au bureau du procureur fédéral à New York et il lui a fait prêter serment comme maire élu de New York en 1994 et 1998. M. Mukasey doit maintenant franchir l’étape du Comité judiciaire du Sénat américain avant d’occuper le poste, laissé vacant par d’Alberto Gonzales, de ministre de la Justice. Si sa nomination est confirmée, il deviendra le troisième ministre de la Justice de M. Bush. Considéré comme un expert en matière de sécurité nationale, il aura pour mission de rétablir un ministère essentiel dans la mise en œuvre de la politique du gouvernement qui a, cette dernière année, été ébranlé par les scandales et les critiques.

Lorsque le juge Michael Mukasey s’est présenté devant les sénateurs du Congrès, tout paraissait aller pour le mieux. Démocrates et républicains reconnaissaient en lui l’indépendance d’esprit et une volonté manifeste de rétablir « fierté et moral au ministère de la justice ». Le sénateur Arlen Specter a sondé le juge Michael Mukasey : « Si le président ordonne une pratique inconstitutionnelle, que feriez-vous ? » Le juge Mukasey a répondu du tact au tact : « Je serais face à deux choix, l’en dissuader ou partir ». Au lendemain de cette brillante audition, les sénateurs démocrates ont reçu une véritable douche d’eau froide lorsque le juge Michael Mukasey a déclaré que, dans certaines circonstances, le président peut, en vertu de ses pouvoirs de commandant en chef, se placer au-dessus des lois fédérales et ordonner des écoutes téléphoniques sans mandat judiciaire. Sur le simulacre de noyade (waterboarding), le juge s’est montré d’une grande naïveté, qui n’a pas échappé aux sénateurs démocrates, en déclarant : « Je ne sais pas en quoi consiste cette technique. Si le waterboarding constitue une torture, torturer est anticonstitutionnel », se refusant par le fait même de déclarer illégal cet acte de torture.

Les démocrates hésitent maintenant à le confirmer au poste de ministre de la justice, à la lumière de son refus de se prononcer sur la légalité des actes de tortures. Georges W. Bush a formulé des reproches sévères à l’endroit des démocrates récalcitrants : « Les politiciens qui nient que nous soyons en guerre sont soit des tricheurs, soit des naïfs. L’un et l’autre sont dangereux pour notre pays. Nous sommes en guerre (…) Malheureusement, sur de trop nombreux sujets, certains au Congrès se comportent comme si l’Amérique n’était pas en guerre ». Sur ce silence, Georges W. Bush confirme : « le juge Mukasey ne se prononce pas parce que les méthodes d’interrogatoire employées par la CIA sont secrètes, qu’il n’en a pas été mis au courant et ne le sera pas jusqu’à sa confirmation et sa prestation de serment ». Lui-même d’ailleurs refuse de dire si immerger un prisonnier jusqu’à la suffocation était à ses yeux légal ou pas. Mukasey ne pouvait contredire son patron qui déclare, sans hésitations, que « si un terroriste capturé a des informations sur un plan contre notre patrie, nous voulons savoir ce qu’il sait ». Pour George Bush, « il n’est pas question de dire à l’ennemi quelles techniques d’interrogatoires nous utilisons ou non ». Ces interrogatoires, assurait-il encore, « sont effectués par des professionnels hautement entraînés dans le cadre de la loi. C’est important que l’Amérique le sache » (Le Temps , Suisse)

En choisissant Michael B. Mukasey, Georges Bush semblait vouloir s’épargner un motif d’affrontement supplémentaire avec le Congrès, dans une période de tensions exacerbées par la guerre en Irak et la perspective des élections de 2008. Il semble que ce soit bien mal parti.

Le 4 octobre dernier, le New York Times révélait l’existence de deux notes de service, émises par la Maison-Blanche, à l’insu des parlementaires, au moment où le Congrès s’apprêtait à voter les limites prévues dans la loi de novembre 2005. Leur contenu semble contredire l’esprit, sinon la lettre, de cette loi. L’une de ces notes donne toute latitude aux interrogateurs de la CIA sur les moyens à prendre en cours d’interrogatoire qui vont des coups à la tête à l’utilisation prolongée de températures extrêmes, en passant par la fameuse « baignoire » qui crée une sensation de noyade.

Le Sénateur Sam Brownback a interrogé le juge Michael Mukasey sur la charia : « Les tribunaux de certains pays soutiennent que la charia, ou la loi religieuse islamique, a préséance sur la constitution civile. Quelle serait votre position si une situation semblable se produisait aux États-Unis ? » Ce à quoi le juge a répondu : « Nous vivons dans ce pays sous un système de droit unique. Et quelles que soient les exigences religieuses d’un groupe donné, nous ne créons pas des enclaves où des lois différentes s’appliquent […] Je m’opposerais à cela avec fermeté – la création de telles enclaves ».

Les ministres de la justice ont toujours refusé, jusqu’à ce jour, de s’exprimer sur le supplice de la baignoire comme pouvant s’inscrire dans la panoplie des tortures admissibles. Kaj Larsen, ancien militaire, est maintenant producteur de télévision à la chaîne d’Al Gore, Current TV. Il a produit un court métrage, diffusé sur The Huffington Post, qui illustre ce qu’est exactement le supplice de la baignoire (waterboarding). Les images sont insupportables.

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