mercredi 3 octobre 2007

États-Unis - Il faut attaquer l’Iran parce qu’ils tuent les « boys » en Irak

Selon les États-Unis, dans leur nouvelle stratégie, il faut attaquer les pasdarans parce qu’ils tuent les « boys » en Irak. La bombe atomique ? Plus tard. Pleins feux sur la nouvelle stratégie de Georges W. Bush, version Seymour M. Hersh.

Seymour M. Hersh n’est pas un journaliste ordinaire. Journaliste américain, Seymour Hersh, auteur de plusieurs articles sur la stratégie militaire de la Maison Blanche en Iran, récidive. Cette fois, Hersh, dans le New Yorker du lundi 1er octobre, soutient rien de moins que Washington abandonnerait l’idée d’un bombardement de grande envergure pour se concentrer plutôt sur des frappes « ciblées » contre les infrastructures des Gardiens de la Révolution.

En août dernier, Georges W. Bush, lors d’un de ses nombreux discours, dénonçait le lien entre les extrémistes chiites et Téhéran. Le président américain s’évertuait à lancer par ci et par là des signaux à Téhéran autant sur le nucléaire que sur la situation qui prévaut en Irak. Il intimait l’Iran de mettre fin à ces actions (The Iranian regime must halt these actions). Bush n’a eu de cesse de confirmer que, jusqu’à ce qu’ils le fassent : « nous prendrons les mesures nécessaires pour mettre nos troupes en sécurité » (And, until it does, I will take actions necessary to protect our troops). Le président américain, pour montrer que sa démarche devait être prise en compte, a pris la mesure, très concrète, d’adopter, le 26 septembre dernier, un texte qui pourrait désigner les Gardiens de la révolution comme « groupe terroriste ». Depuis plusieurs mois, les États-Unis accusent les Gardiens de la révolution, ou Pasdarans, d’apporter notamment leur soutien aux insurgés en Irak.

Comme l’indique Seymour Hersh, et relayée par Le Monde, « La position du président, et son corollaire – si beaucoup des problèmes américains en Irak peuvent être imputés à Téhéran, alors la solution est d’affronter les Iraniens – se sont solidement imposés au sein de l’administration ». Ce qui signifie en d’autres mots que, pour l’administration de Georges W. Bush, la justification du conflit contre l’Iran, à cause de son programme nucléaire, fait maintenant place à de nouvelles accusations de déstabilisations en Irak. Seymour Hersh constate qu’au cours des derniers mois, Georges W. Bush et son équipe se sont bien rendu compte que leurs arguments ne convainquaient personne. « L’Iran va avoir la bombe rapidement, nous devons agir ». Cela ne marche pas. L’opinion américaine ne se préoccupe pas d’une menace nucléaire iranienne comme elle le faisait pour l’Irak. Il y a du scepticisme, poursuit Seymour Hersh.

Toutefois, comme l’avance le journaliste Seymour Hersh, si les Britanniques appuient la nouvelle stratégie américaine, il n’en est pas de même pour les militaires et les politiciens israéliens, selon Seymour Hersh. Le journaliste soutient que ceux-ci ont été « alarmés » en apprenant que les Américains renonceraient à frapper les installations nucléaires iraniennes. L’administration Bush aurait tenté de les rassurer en précisant que les Gardes de la révolution jouent un rôle direct dans le développement du programme nucléaire iranien. Le Sénat avait adopté la semaine dernière une résolution appelant à désigner les Pasdarans comme groupe terroriste (Cyberpresse).

Le National Intelligence plancherait sur un rapport exhaustif, destiné à paraître dans les semaines à venir, et prévoyant que la bombe iranienne ne sera pas au point avant l’an 2010 ou même 2015. Le retard dans les travaux serait dû d’abord à des difficultés techniques apparues au fil des mois écoulés, ensuite à un dérèglement dans les livraisons, en provenance notamment de la Corée du Nord, et cela pour des raisons évidentes (le soudain rapprochement, entre autres, entre Washington et Pyongyang) (L’Orient Le Jour).

Scepticisme qui a mené la Maison Blanche à finalement admettre l’idée, partagée par à peu près tout le monde aux USA, que les iraniens sont éloignés de l’arme nucléaire d’au moins cinq ans, sinon plus. Seymour Hirsh avance l’hypothèse que, vendre, non seulement aux américains mais aussi à nos alliés, l’idée d’un bombardement massif contre les infrastructures pourrait être vouée à l’échec. Georges W. Bush et son équipe semblent pour l’instant abandonner cette idée pour se tourner davantage vers des frappes ciblées en représailles pour les attaques dont les troupes en poste en Irak ont été l’objet. Le plan envisagerait notamment la destruction des camps d’entraînement les plus importants des Gardiens de la Révolution, ainsi que de leurs dépôts de munitions et leurs installations de commandement et de contrôle.

Seymour Hersh écrit, dans cet article du New Yorker, Shifting Targets : « Pendant une video-conférence sur un circuit de communication sécurisé qui a eu lieu cet été, le président a dit à Ryan Crocker, ambassadeur US en Irak, qu’il réfléchissait à une frappe transfrontalière contre des cibles iraniennes et que les britanniques étaient approuvaient. Bush a transmis à Crocker des instructions pour dire aux iraniens de cesser d’intervenir en Irak, à défaut de quoi ils devront faire face à des représailles américaines ». C’est là tout le fondement de l’article du journaliste américain.

Le changement de ton est donné : les Iraniens ne sont plus répréhensibles pour leur idée de posséder la bombe atomique mais ils le sont parce qu’ils tuent les « boys ». Ce qu’il faut retenir de ce changement de ton est que la communauté du renseignement s’interroge sérieusement à savoir si le président Mahmound Ahmadinejad n’exagère pas un tant soit peu et s’il fait autant qu’il le dit. La question reste posée : l’Iran intervient-il réellement en Irak ?

Hersh explique : « Publiquement nous fustigeons la Garde Républicaine. Le ton se durcit. Il y a eu une accélération significative dans le tempo de planification de l’attaque. Le Conseil National de Sécurité à la Maison Blanche se concentre davantage sur l’attaque de l’Iran qu’il ne l’était avant. Il y a eu une accélération significative dans le tempo de planification de l’attaque. Mais voilà. À ce jour, le président n’aurait toujours pas promulgué « l’ordre exécutif »requis pour une telle opération en sol iranien, et cet ordre pourrait peut-être ne jamais être émis ».

Sur la question nucléaire, Georges W. Bush se tourne maintenant beaucoup plus vers la solution diplomatique. Il n’avait pas beaucoup le choix : les britanniques seraient particulièrement hostiles à l’idée d’un millier de cibles, de bombes, et d’une intervention de toute une force aérienne qui bombarderait les installations nucléaires dont de nombreuses sont enterrées. Toutefois, selon le quotidien britannique « The Independent », le Premier ministre britannique Gordon Brown apporterait son soutien au plan de l’administration Bush qui consiste à lancer des frappes chirurgicales contre des positions de la garde révolutionnaire iranienne.

Le général David Petraeus apporte des éléments montrant la présence grandissante de Téhéran sur le sol irakien, confortant par la même occasion l’administration dans son nouveau choix. « Personne ne s’était rendu compte du degré de participation de l’Iran », affirmait-il dans son rapport présenté en septembre. Selon lui, Téhéran mène « une guerre par procuration contre l’État irakien et les forces de la coalition ». Cet appui du général a tout, évidemment, pour conforter dans son « obsession iranienne » le président américain. Seymour Hersh n’hésite pas à citer Zbignew Brzezinski qui prédisait « une guerre régionale de vingt ans » : « Cette fois, contrairement à l’Irak, nous allons jouer le rôle de victime. Le but du jeu semble d’essayer à forcer les Iraniens à jouer plus gros que leur mise » (Shifting Targets, page 2).

Seymour Hersh affirme, dans son article, que les dirigeants israéliens étaient consternés par la décision de Washington de ne pas frapper les installations nucléaires iraniennes et que des responsables français avaient exprimé des doutes sur les possibles raids aériens ciblés (Many in the French government have concluded that the Bush Administration has exaggerated the extent of Iranian meddling inside Iraq; they believe, according to a European diplomat, that “the American problems in Iraq are due to their own mistakes, and now the Americans are trying to show some teeth. An American bombing will show only that the Bush Administration has its own agenda toward Iran) (page 5).

Seymour Hersh soutient que les Français croient vraiment que les iraniens sont près d’obtenir la bombe, et ils voient cela comme un problème. En référence aux déclarations du président Nicolas Sarkozy, Seymour Hirsh déclarait dans une entrevue que : « les Français sont ceux qui parlent le plus fort à l’extérieur. Ils sont très durs. Ils font beaucoup de bruit pour que nous fassions quelque chose politiquement. Ils mettent une forte pression sur les iraniens. Je pense que les français aimeraient vraiment que les iraniens prennent ça au sérieux » (CNN - Late Edition, 30 Septembre 2007).

Selon Seymour Hersh, la Maison Blanche a tiré ses conclusions à l’effet que l’Iran est perçu dans le monde comme le gagnant de l’échec colossal de l’Amérique en Irak. Le ratage en Irak a placé l’Iran en position de pouvoir car les chiites du sud sont très proches de leurs stratégies régionales. Les États-Unis pourraient, comme à leur habitude, rencontrer des résistances, cette fois des Irakiens : lors d’une visite à Damas, le vice-président irakien, Adel Abdoul-Mahdi, a assuré que l’Irak ne servirait pas de base à des attaques américaines en direction de l’Iran ou de la Syrie. C’est certainement la raison qui justifierait, selon Hersh, le fait que l’opération serait, en grande partie, confiée à des missiles de croisière lancés depuis des porte-avions.

____________________________