mardi 2 octobre 2007

Poutine - De président à premier ministre

La vie politique nous réserve parfois bien des surprises. Imaginons le scénario suivant. En 2016, DSK quitte le Fonds monétaire international pour se porter candidat aux présidentielles. Monsieur Nicolas Sakorzy a complété ses deux mandats. Il laisse donc la place à DSK qui lui voue une reconnaissance éternelle pour son loyal appui tant à la première nomination qu’à son renouvellement au sein du Fonds monétaire international. Monsieur Sarkozy en bon gentleman pose une petite condition. Si DSK est élu, il veut le poste de Premier ministre. Il pourra ainsi poursuivre et terminer son œuvre de grand réformateur et de grand organisateur au sein de la rupture nationale. DSK le lui promet et tout se met en marche. La population réalise, en un tour de main, un rêve jusque là impossible : continuer à profiter des précieuses réformes du président devenu premier ministre, Nicolas Sarkozy, sans devoir l’abandonner à une solitude post-politique, issue qui serait insoutenable pour 60 pour cent des Français.

Ce scénario est idéaliste ? Pourtant, c’est ce qui est en train de se réaliser en Russie. Comment garder le pouvoir sans en avoir l’air ? Le président russe Vladimir Poutine a déclaré lundi que l’hypothèse de le voir devenir un jour Premier ministre était tout à fait réaliste. « J’accepte avec reconnaissance votre proposition de diriger la liste de Russie Unie », a déclaré le chef de l’État russe devant une réunion de 500 délégués (déléguées). A partir de là, le scénario devient clair : en menant le parti pro-Kremlin Russie Unie à la victoire, fort de sa forte popularité - avec 70% d’opinions favorables - Vladimir Poutine se positionne pour rester au pouvoir en devenant Premier ministre, voire président du parti (AFP). « Diriger le gouvernement, c’est une proposition parfaitement réaliste, mais il est encore tôt pour y penser », lance le chef de l’État. Le ballon est lancé. Il faut maintenant en évaluer les réactions.

D’agréable commerce, comme tout le monde le sait, monsieur Poutine pousse le scénario jusqu’à introduire, dans son déroulement même, deux conditions incontournables à son sens : premièrement, le parti pro-Kremlin Russie Unie doit gagner les élections à la Douma aux législatives du 2 décembre. Notons au passage que Russie unie est actuellement le parti majoritaire à la Chambre basse du Parlement russe, la Douma, avec 309 des 450 sièges. Deuxièmement, il faut élire comme président un homme honnête, capable, efficace et moderne avec lequel on pourrait travailler en binôme.

Lui qui quittera ses fonctions à la présidence, en 2008, après deux mandats de quatre ans - , vous comprenez bien, comme moi, que, travailler en binôme, signifie, pour le futur président, de déléguer ses pouvoirs au premier ministre. L’inverse de la France, quoi. Force est maintenant de comprendre pourquoi le nouveau Premier ministre, Viktor Zoubkov, un fidèle du chef de l’État, vient d’être nommé à un poste aussi « stratégique » pour l’avenir personnel de l’actuel chef de l’État. Heureuse situation que voilà : la nouvelle Constitution donnera à la Russie un Premier ministre fort et un président secondaire.

Qui plus est, « la loi n’interdit aucunement au président de présenter sa candidature à une quelconque élection, y compris aux élections parlementaires à la Douma », a déclaré à Ria Novosti Maïa Grichina, membre de la Commission électorale centrale. Selon Dmitri Orechkine, analyste indépendant du groupe Merkator, Poutine a tous les droits pour se mettre en tête de liste de n’importe quel parti. La Constitution ne l’empêche pas. Il garde son poste de président jusqu’à l’élection en 2008.

« Le futur statut du président, si Poutine devient Premier ministre, n’est pas très clair. Je ne peux pas exclure que le président devienne une figure purement honorifique même si c’est impossible sans amender la Constitution », estime un analyste de la banque ING, Stanislav Ponomarenko, cité par l’agence Reuters. « Zoubkov pourrait devenir une telle figure si l’on observe, à travers ses apparitions publiques, que l’une de ses principales tâches est de faire respecter les ordres du Kremlin », poursuit Stanislav Ponomarenko.

La Maison blanche, qui se drape dans une vertueuse neutralité, prend acte et constate : il s’agit d’un problème russe. « Nous avons vu ces informations et au bout du compte, il appartient aux Russes de décider de cette question », déclare sa porte-parole, Dana Perino, demandant par ailleurs que les élections se déroulent de manière « libre, juste et démocratique ». Bien voyons. Cela va de soi.

« De tout temps la politique a été la science de l’absurdité », écrivait Stefan Zweig (1881 – 1942). C’est encore plus vrai aujourd’hui.

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