Rudy Giuliani se considère comme « l’un des quatre ou cinq Américains les plus connus du monde ». Cela ne lui donne aucun avantage particulier au plan intérieur. Si l’élection présidentielle avait lieu maintenant, Mme Hillary Clinton remporterait le scrutin avec 51% des suffrages contre 43% pour le républicain Rudolph Giuliani, selon un sondage réalisé entre le 27 et le 30 septembre.
Il n’y a aucune surprise à lire que, aux États-Unis, la démocrate Hillary Clinton et le républicain Rudy Giuliani font figure de favoris pour l’élection présidentielle de 2008. Chez les démocrates, Hillary Rodham Clinton mène largement la course avec 46 pour cent des intentions de vote contre 25 pour cent pour le sénateur de l’Illinois Barack Obama. Il en va autrement chez les républicains où la situation est plus floue. Aucun candidat ne possède un avantage net que ce soit en popularité, en financement ou en termes d’organisation. Rudy Giuliani, ex-maire de New-York, mènerait avec 27 pour cent des intentions de votes des Américains mais ce score est un recul de huit points par rapport à son pic de mars qui s’élevait à 35 pour cent. L’entrée dans la course républicaine de l’ancien sénateur du Tennessee, Fred Thompson, maintenant acteur dans la série télévisée « Law and Order », pourrait, selon West Wing 2008, perturber l’avance que Rudy détenait dans les sondages nationaux. Il est talonné à 22 pour cent. Dans le camp républicain, comme dans le camp démocrate, on compte encore 20% d’indécis, ce qui rend possible tous les revirements de situation.
Rudy Giuliani tente, tant bien que mal, de relancer sa campagne en lançant une publicité très offensive contre Hillary Clinton sur le dossier de la guerre d’Irak. L’équipe de campagne de Giuliani a ainsi associé l’ex-First Lady à une organisation anti-guerre, MoveOn, qui a critiqué le commandant des forces américaines en Irak. De son côté, un conseiller de Clinton a glissé que les trois mariages de Giuliani pourraient poser problème à certains électeurs. Giuliani n’est pas seulement un partisan du droit à l’avortement, mais également un défenseur des droits des homosexuels.
Giuliani multiplie les petits gestes anodins pour se rapprocher de la base populaire. En pleine conférence de la NRA, (National rifle association) principal lobby en faveur du port d’armes aux États-Unis, il a reçu un appel de sa troisième épouse, visant peut-être selon les mauvaises langues à montrer qu’il est capable de sentiments tendres. Il est en rupture avec quelques uns de ses enfants, nés de tous ces mariages.
Rudy Giuliani a, dans Foreign Affairs, exposé sa vision de la présidence des États-Unis d’Amérique : « Le prochain président américain devra faire face à trois défis en matière de politique étrangère. Le premier sera d’établir un chemin pour la victoire dans la guerre des territoires pour l’ordre mondial. Le second sera de renforcer le système international que les terroristes cherchent à détruire. Le troisième sera d’étendre les bénéfices du système international au sein d’un arc de sécurité et de stabilité dans le monde qui ne cesse de s’agrandir. Les trois moyens les plus efficaces pour atteindre ces objectifs sont de construire une défense plus forte, de développer une diplomatie déterminée, et d’étendre notre influence économique et culturelle » (Traduction française - Le blog politique).
Giuliani aime montrer l’étendue de son réseau. Michael B. Mukasey, ancien juge fédéral ayant traité de grands dossiers terroristes, a été nommé, par Georges W. Bush, nouveau ministre de la Justice. M. Mukasey, 66 ans, paraît posséder deux atouts capitaux pour M. Bush à moins d’un an et demi de la fin de sa présidence: l’autorité d’un défenseur résolu de la « loi et de l’ordre », et un a priori positif chez les démocrates. M. Mukasey et son fils conseillent la campagne présidentielle du républicain Rudolph Giuliani. M. Mukasey a travaillé avec M. Giuliani au bureau du procureur fédéral à New York et il lui a fait prêter serment comme maire élu de New York en 1994 et 1998.
Rudolph Giuliani parle également en bons termes de Nicolas Sarkozy. Et la presse américaine compare volontiers le président Sarkozy au candidat Giuliani. « J’ai beaucoup d’admiration pour lui. J’ai lu son livre, Témoignage, que je trouve excellent. J’en recommande la lecture cet été à tous les Américains » Effectivement, à un meeting électoral, l’ex-maire de New York invite ses électeurs potentiels à ouvrir le livre. « Quand vous le lisez, vous avez l’impression d’un homme qui veut prendre les principes américains qui ont fait des États-Unis la première économie mondiale - l’économie de marché, faire travailler plus -, et les appliquer en France pour revitaliser le pays ». C’est selon lui « une bonne lecture pour connaître nos forces » (Le Figaro). À ce propos, rue89 a fort bien relaté un de ces épisodes où Giuliani cite, avec humour, le livre du président Nicolas Sarkozy. En retour, le tabloïd le New York Post déclare : « Sarkozy est une sorte de Giuliani français ». Il expose notamment dans une longue description de ce qui rapproche l’ex-« Premier flic de France » et l’ancien maire de New York : une volonté commune d’en finir avec une situation passablement dégradée; un profil décalé et un discours de terrain éloigné des grandes phrases des élites; une même croyance dans la responsabilité personnelle et une même foi dans le travail. La question est posée : Sarko réformera-t-il aussi brutalement la France que Giuliani a « nettoyé » New York ? (L’Expansion)
Ses conseillers ou consultants en matière de politique étrangère sont des amis bien connus. Parmi eux : John Bolton et Norman Podhoretz. Dans ce dernier cas, Norman Podhoretz est un intellectuel qui s’interrogeait, en 2006, sur l’avenir de notre civilisation, dans un article du New York Post : « Serait-il possible que la grandeur morale de notre civilisation - son étonnante attention à la valeur de l’individu - ne mette pas en cause aussi l’avenir de notre civilisation ? » (New York Post, 26 juillet 2006)
Charles Dunn, doyen de l’École de gouvernement Robertson à l’Université Regent, en Virginie, considère, dans une analyse plus large, que « de tous les candidats républicains, Rudolph Giuliani est celui qui a la position la plus forte vis-à-vis d’Israël et du terrorisme », explique le spécialiste de la question évangélique aux États-Unis. « C’est très important pour les chrétiens conservateurs, qui supportent unanimement, ou presque, aussi bien Israël que la guerre contre le terrorisme ».
S’il se présente en général comme un républicain modéré, il a su adopter un ton extrêmement dur contre l’Iran, mettant en avant une position d’ultimatum contre ce pays. S’il est élu, il entend faire entrer Israël dans l’OTAN, pour entraîner explicitement une riposte occidentale massive en cas d’attaque contre Israël. D’autres pays devraient joindre les rangs de l’OTAN, comme l’Australie, l’Inde, Singapour, le Japon, selon Rudy Giuliani. Cet élargissement des pays membres de l’Otan n’est pas nouveau. Giuliani semble suivre les traces de Richard Perle qui posait simplement la question : « Pourquoi l’OTAN ne remplacerait-elle pas l’ONU ? »
En septembre dernier, le New York Times s’intéressait de près au cas Giuliani. La question du terrorisme est au cœur de la campagne électorale de Rudfy Giuliani : il se dit convaincu d’être le seul à pouvoir vaincre la lutte au terrorisme. La preuve est là : il a combattu le crime dans une ville jugée « ingouvernable », lorsqu’il en a pris les rênes en 1994, il l’a nettoyée de ses éléments indésirables, et il pourra combattre le terrorisme de la même manière.
Giuliani n’a de cesse d’évoquer la théorie de la vitre brisée (« carreau cassé ») pour mener à terme son combat : « La théorie de la vitre brisée est une théorie des sciences sociales qui soutient que les petites détériorations que subissent l’espace public suscitent nécessairement un délabrement plus général des cadres de vie et des situations humaines qui y sont liées. Souvent utilisée par les partisans de la tolérance zéro, elle se fonde sur l’exemple d’un édifice dont une vitre brisée n’est pas remplacée aussitôt. Selon elle, toutes les autres seront cassées peu de temps après parce que la première laisse entendre que le bâtiment est abandonné, ce qui constitue l’amorce d’un cercle vicieux » (Wikipedia). Rudy Giuliani appliquerait donc le même programme à la lutte contre le terrorisme -déjà baptisé « Iraqstat »- pour analyser, répertorier et localiser les actes de terrorisme et y répondre ensuite de manière appropriée.
Rien ne freinera, s’il est au pouvoir, Rudy Giuliani : il n’est pas question de se retirer de l’Irak et, oui, il est prêt à bombarder l’Iran si nécessaire. Giuliani a, par exemple, rendu hommage au concept du président selon lequel « plus grande sera notre réussite, plus grand sera le nombre de soldats américains qui pourront rentrer à la maison ». « C’est le bon concept », a-t-il déclaré. Lors de la prestation du général Petraeus, le mois dernier, au Congrès, Giuliania s’est dit convaincu que : « le général avait donné un premier aperçu d’une stratégie qui produit des résultats et d’un Irak qui progresse ». « Ce n’est que le début », a-t-il ajouté et « nous devons continuer à écouter l’appréciation du général Petraeus et d’autres personnes présentes sur le terrain afin de pouvoir décider de la meilleure ligne à suivre ».
Le rappel du 11 septembre 2001 a ravivé la fibre patriotique de la population américaine. Et les messages ont été clairs : la menace est toujours présente. Selon le directeur du renseignement américain, Michael McConnell, les États-Unis : « affronteront une menace persistante et qui s’adapte au cours des trois prochaines années ». Malgré la traque dont il a été l’objet, le réseau Al-Qaïda reste « « la menace terroriste la plus sérieuse » contre les États-Unis ; mais Michael McConnell a également désigné le Hezbollah : « Nous estimons que le Hezbollah libanais, qui dans le passé a lancé des attentats contre des cibles américaines hors des États-Unis, pourrait selon toute vraisemblance envisager des attentats sur le territoire américain au cours des trois prochaines années, s’il estimait que les États-Unis représentent une menace directe contre le mouvement ou en Iran ».
Norman Podhoretz, déjà cité, était interviewé par le quotidien britannique Sunday Times. Il raconte qu’il s’est entretenu avec le président Bush à qui il a demandé de bombarder l’Iran. « J’ai vivement encouragé le président George W. Bush d’agir contre les sites nucléaires iraniens et je lui expliqué pourquoi je pense qu’il n’y a pas d’autre solution » disait Podhoretz. « J’ai développé le scénario du pire, c’est-à-dire celui qui consiste à bombarder l’Iran, par rapport aux conséquences du pire, c’est-à-dire le cas où l’Iran se dote de la bombe atomique ». Podhoretz a de plus déclaré : « Vous avez la terrifiante responsabilité de devoir empêcher un nouvel holocauste. Vous êtes le seul possédant les tripes pour le faire ». Selon Podhoretz, bien que le président prenne un air solennel, il n’aurait « pas donné la moindre indication permettant de savoir s’il était d’accord avec moi, bien qu’il ait écouté avec beaucoup d’attention ».
En communion d’esprit avec Norman Podhoretz, Giuliani se montre plus directement menaçant que le président Bush sur l’Iran : « Les théocrates qui dirigent l’Iran doivent comprendre que nous pouvons manier la carotte aussi bien que le bâton, en minant le soutien populaire à leur régime, en nuisant à l’économie iranienne, en affaiblissant l’armée iranienne et, si tout le reste échouait, en détruisant son infrastructure nucléaire ». Sur le combat contre le fascisme de l’Islamisme radical, que Rudy Giuliani qualifie de « premier grand challenge du XXIe siècle », le candidat républicain veut, selon Le Monde, « reconstruire » notamment l’armée américaine et « accélérer » le développement du système de défense antimissile entrepris par George Bush. Lui non plus n’entend pas « limiter de manière irréaliste la surveillance électronique ou les interrogatoires légaux ».
C’est pourquoi on retrouve encore Norman Podhoretz dans l’article du New York Times consacré à Rudy Giuliani. Que certains démocrates croient que la menace terroriste est exagérée volontairement par l’administration Bush, cet avis n’est pas partagé par Giuliani et son équipe. Selon Podhoretz : « le mouvement islamo-fasciste a plus de partisans dévoués que n’en avait le communisme à son apogée ». En conséquence de quoi Giuliani estime que le prochain président des États-Unis devra être en mesure d’inspirer la peur dans le reste du monde plutôt que la sympathie ou le respect (Cyberpresse). Le Monde rappelle que, en 1995, tandis que l’ONU fêtait ses cinquante ans à New York, Rudolph Giuliani, alors maire de la ville, avait qualifié le dirigeant palestinien Yasser Arafat de « meurtrier » et l’avait fait éconduire d’un concert au Lincoln Center, contre l’avis de la Maison Blanche.
Rudy Giuliani aime bien les paradoxes. Comme le souligne le quotidien Le Monde, alors que le président américain prône l’établissement d’un État palestinien, M. Giuliani estime qu’il « n’est pas dans l’intérêt des États-Unis, alors qu’ils sont menacés par des terroristes islamistes, d’aider à la création d’un nouvel État qui soutiendra le terrorisme ». Giuliani écrit dans Foreign Affairs : « Il y a trop d’importance accordée à trouver un accord entre les Israéliens et les Palestiniens - des négociations qui reviennent toujours sur les mêmes problèmes. Ce n’est pas dans l’intérêt des États-Unis, au moment où ils sont menacés par des terroristes islamistes, d’aider à la création d’un autre État qui soutient le terrorisme. Un État palestinien devra être gagné par une bonne gouvernance, un engagement clair à lutter contre le terrorisme, et une volonté à vivre en paix avec Israël. L’engagement de l’Amérique à l’égard de la sécurité d’Israël est un trait permanent de notre politique étrangère ».
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